La démonstration de l’enseignant et des élèves

Le questionnement professionnel à l’initiative de notre démarche porte sur l’importance de l’observation d’un modèle gestuel sur l’expérience des élèves en EPS. Plus précisément, l’intérêt que l’enseignant va avoir de mettre en jeu son corps ou celui d’un de ses élèves dans une démarche de démonstration commentée afin de transmettre une image mentale de l’action motrice ou du principe moteur attendu. Il est donc nécessaire pour nous de se poser les questions suivantes : Quelle est l’utilité d’une visualisation de l’action motrice à réaliser ? Laquelle des deux démonstrations, celle de l’enseignant ou celle d’un élève, faut-il privilégier ? Ces deux démonstrations ont elles des effets différents sur l’expérience des élèves ? Notre questionnement nous amène finalement à nous demander s’il existe des perceptions éventuellement différentes des élèves si la démonstration est réalisée par l’enseignant ou par leur camarade. S’agit-il de privilégier une mise en scène de l’enseignant par la démonstration d’une action qui n’est pas un modèle à reproduire à l’identique mais une présentation des principes efficaces et valables pour tous ? Ou bien celle d’un camarade permettant de s’identifier plus facilement à quelqu’un de son âge, de son niveau et donc impacter d’avantage sa propre expérience ?

Revue de littérature 

L’apprentissage social et l’observation 

L’observation est un point clé de notre problématique, c’est sur elle que repose l’évaluation des problèmes de nos élèves avant de pouvoir réguler. Comme nous le dit De Ketele (1980), « L’observation est un acte incluant l’attention volontaire et l’intelligence dirigée sur l’objet pour en recueillir systématiquement des informations » (p.27) Ce sont ces dernières qui permettent à l’enseignant ou aux élèves de réguler leur activité pour apprendre. A partir des informations recueillies par la phase d’observation, l’enseignant et les élèves peuvent adapter leurs pratiques. Les enseignants peuvent adapter leurs consignes et leurs démonstrations pour résoudre les problèmes observés, et les élèves peuvent quant à eux modifier leurs comportements et leurs activités. L’autre terme important dans l’observation renvoie à cette idée de « direction ». En effet, pour apprendre ou faire apprendre à partir d’une démonstration, l’enseignant ou l’élève observateur, va fixer son attention sur un objet précis. Plus ce qui est observé est précis, plus les apprentissages le sont aussi. C’est pourquoi il est important de toujours diriger l’attention des élèves sur des points précis de l’action pour que les informations sélectionnées soient les plus adaptées possibles aux visées de transformation de l’activité. De plus, l’enseignant a la possibilité de guider l’observation de l’élève afin de faciliter cette sélection et ainsi, limiter les observations périphériques que les élèves pourraient avoir car elles ne sont pas toujours utiles à leurs apprentissages. Ce guidage peut s’effectuer par des moyens simples afin de mettre en valeur un élément précis de la démonstration, il peut par exemple, prendre la forme d’un ralenti ou d’une augmentation volontaire de l’amplitude d’un mouvement. Ainsi, il peut alors appliquer ce guidage lors de ses propres démonstrations mais il peut également demander à un élève qui réalise une démonstration d’effectuer une de ces actions.

Lors d’une situation d’apprentissage dans une APSA, si la pratique de l’élève est indispensable, elle n’est pas le seul moyen d’apprendre. Un élève peut aussi apprendre en observant. C’est même ce qui se passe le plus souvent affirme Bandura (1971). C’est l’apprentissage social, ou vicariant. Ce dernier a élaboré la théorie de l’Apprentissage Socio Cognitif par Observation (ASCO) présentée par Lafont (2010). Selon cet auteur, l’observation d’autrui est une source primordiale d’apprentissage, économique pour l’individu, permettant même la survie de l’espèce. Alors l’élève qui observe l’action motrice d’un de ses camarades ainsi que l’observation de sa propre action permet les apprentissages. Bandura (1971) propose un modèle dans lequel l’apprentissage à partir de l’observation permet d’acquérir des règles pour générer puis réguler des conduites sans avoir à le faire seulement selon une procédure d’essaiserreurs. L’observation n’est donc pas un processus passif, mais au contraire, l’élève peut être actif en observant. Nous cherchons donc ici à comprendre le type d’observation qui est le plus utile pour l’élève, celui de l’enseignant ou celui d’un camarade. De plus, nous cherchons également à savoir comment cette observation influence les apprentissages des élèves, par apprentissage social, du point de vue de leurs expériences d’élèves. Ainsi, il convient pour nous de décrire les préoccupations des élèves lorsqu’ils sont placés dans une situation d’observateur d’une démonstration ou d’une action afin de pouvoir extraire ce qui fait sens et ce qui semble marquant pour eux. Mais l’observation dépend de plusieurs points. En effet, suivant différents facteurs, les démonstrations n’ont pas la même efficacité, en fonction « du niveau d’expertise du modèle, du statut du modèle, de l’observation d’actions réussies ou non, l’observation de soi ou d’autrui » (Gallin-Martel, Hars et Calmels, 2007). Tous ces facteurs influencent les processus attentionnels et ont alors des conséquences sur les comportements moteurs. Cependant, la démonstration ne se résume pas uniquement à l’ASCO de Bandura (1971). En effet, comme nous le dit Lafont (2010), l’élève se trouve en situation d’observation au sein de plusieurs groupements, ou situations. Par exemple, d’après les travaux de Winnykamen (1990), Bruner (1960) ou encore Fantuzzo (1989), un élève placé dans une situation de tutorat peut profiter de cette observation pour effectuer un ASCO. Un tutorat fixe ou réciproque par exemple est source de démonstration et d’apprentissage par les élèves. Mais cette démonstration peut être de plusieurs sortes. Il peut s’agir d’une démonstration « brute » par l’enseignant ou un élève qui effectuent les gestes sans rien dire, et qui se limite àl’observation du modèle. Il peut aussi s’agir d’une « démonstration explicitée », au cours de laquelle en plus des gestes, le démonstrateur utilise également la parole pour décrire et expliquer ses actions.

Le temps de l’observation est très important pour les élèves car en découlent plusieurs points importants de la compréhension de la démonstration proposée. En effet, chaque élève a sa propre observation de l’action. Suivant son expérience, sa façon de voir les choses, son attention, son implication, l’élève observe une démonstration d’une façon différente de celle de son camarade. Il est important de retenir cela pour bien comprendre que tous les élèves ne retiennent pas les mêmes informations. Ils retiennent des informations de natures différentes, certaines plus sécuritaires, d’autres plus techniques, ou encore tactiques. Il faut comprendre pourquoi telles ou telles informations sont choisies par les élèves et pas d’autres. Pourquoi dans cette configuration de démonstration de l’enseignant ou d’un pair, l’élève va retenir une information et pas une autre. Et enfin le traitement de cette information. Car après l’avoir reçue, l’élève va décider de la traiter pour en faire usage ou non. D’après Eric Gallin-Martel, Magaly Hars, Claire Calmels (2007), l’apprentissage par observation se découpe en deux temps : une première phase d’acquisition du comportement observé, qui prend en compte l’attention et la rétention du comportement que l’élève voit, qu’il vienne de l’enseignant ou d’un pair. Puis une seconde phase de reproduction du comportement observé, comprenant cette fois ci, une reproduction du comportement avec les capacités que l’élève possède, et la motivation dont celui-ci peut faire preuve pour reproduire le comportement. Cela donnant lieu à une certaine expérience. Ainsi, l’apprentissage par observation n’est pas le résultat d’une simple observation d’une démonstration, et d’une reproduction motrice. L’élève s’approprie le comportement observé dans un codage qui lui est propre, et de par sa motivation et ses capacités motrices disponibles, réalise une performance motrice.

Rôle des démonstrations dans l’apprentissage 

Bien que les enseignants d’EPS transmettent la majorité de leurs feedbacks sous une forme verbale, de 70 à 95% (Carlier, Renard et Swalus, 1991), les régulations ainsi que les consignes peuvent donc aussi prendre des formes non verbales. Par exemple, la démonstration gestuelle qui nous importe ici. D’après les études de Kammoun & Amase-Escot (2007), la gestualité est l’ensemble des comportements non verbaux qui accompagnent les interactions dans la classe et qui participent au processus d’enseignement-apprentissage. L’importance de la démonstration par les gestes se confirme notamment par Vigarello & Vivès (1989), qui soulignent que la transmission verbale rencontre des difficultés dans le fait de tout dire. Alors s’appuyer sur une démonstration gestuelle est utile, grâce à sa fonction visuelle. La gestuelle de l’enseignant a été catégorisée par Kammoun & Amade- Escot (2007), en cinq grandes catégories : D’abord les gestes « spatio-indiciels », puis les « gestes illustratifs pour démontrer ou reproduire un mouvement », les « gestes représentationnels », les « gestes de manipulation », et les « gestes symboliques servant de codes conventionnels ». La démonstration de l’enseignant ou de l’élève peut donc s’appuyer sur ces différentes catégories. Mais celle qui va nous intéresser particulièrement est celle des « gestes illustratifs pour démontrer ou reproduire un mouvement ». Ces derniers sont très fortement utilisés par l’enseignant pour guider ou corriger l’élève en train d’apprendre.

En effet, ces démonstrations vont servir aux observateurs afin de construire un modèle interne qui va pouvoir les guider lors de leurs futures tentatives. L’observation d’un modèle externe, accompagné d’explications verbales (démonstration explicitée ou imitationmodélisation interactive) ou sans explication (imitation modélisation « simple »), serait particulièrement efficace au début de l’apprentissage pour l’acquisition d’une coordination motrice nouvelle. La démonstration explicitée et la modélisation sollicitent quatre processus particuliers favorisant l’apprentissage:

– Des processus attentionnels (sélectionner les indices pertinents, représentation mentale grâce à l’imagerie visuelle)
– Des processus mnésiques (mémoriser les comportements observés)
– Des processus de reproduction motrice (traduire les représentations en action)
– Des processus de motivation (enthousiasme et sentiment de d’efficacité personnelle) .

Le cadre théorique du cours d’action

Nous avons choisi d’inscrire notre recherche dans le cadre du programme de recherche appelé « cours d’action » (Theureau, 2006). Ce dernier, développé depuis plus de vingt ans sous l’impulsion de Theureau, vise à analyser l’activité des enseignants et des élèves en EPS, dans le but de concevoir des dispositifs d’aide à l’apprentissage. Il articule des connaissances scientifiques avec des situations pratiques. Il se centre donc sur « l’analyse de l’activité humaine au niveau ou celle-ci est «significative pour l’acteur », c’est à dire « montrable, racontable ou commentable » a posteriori » (Saury, Ria, Sève et Gal Petitfaux, 2006). De ce fait, ce qui nous intéresse pour notre recherche, dans le cadre du cours d’action, ce sont toutes les actions, communications, focalisations, interprétations et sentiments significatifs pour l’acteur : l’élève ou l’enseignant. Il a été nécessaire d’analyser toutes ces données, en utilisant une méthode d’analyse de l’activité in situ, dans les situations d’enseignements en EPS. Ces analyses se sont donc basées sur des dispositifs d’observation, à l’aide notamment de l’outil vidéo, et des méthodes « d’auto-confrontation » pour les enseignants et de « focus groups » pour les élèves afin de replonger l’élève dans l’action (la démonstration), afin qu’il puisse retranscrire au mieux ce qu’il a vécu, vu, compris et ressenti grâce à l’enregistrement audio-visuel de son activité. A travers ces entretiens d’auto-confrontation nous avons cherché à questionner l’enseignant sur ses préoccupations, sur ses intentions, sur ses émotions et ressentis lorsque celui-ci fait une démonstration, et lorsqu’il fait démontrer par un élève de la classe. Mais nous nous sommes également intéressés aux élèves et sur la même base de questionnement, pouvoir ressortir leurs préoccupations, intentions, et sentiments lorsque qu’ils observent une démonstration de leur enseignant ou d’un pair.

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Question de départ et motifs
1.2 Enjeux professionnels
1.3 Question de recherche
2. Revue de littérature
2.1 L’apprentissage social et l’observation
2.2 Rôle des démonstrations dans l’apprentissage
3. Le cadre théorique du cours d’action
4. Méthode
4.1 Contexte
4.2 Autorisation préalable
4.3 Participants
4.4 Enregistrement des comportements et des communications en situation
4.5 Les entretiens d’auto-confrontation avec les enseignants
4.6 « Les focus groups ». Débats entre élèves
4.7 Procédure de l’analyse des données
5. Résultats
5.1 Démonstration de l’enseignante : sa perception et celle des élèves de 5e
5.1.1 Point de vue de l’enseignante sur sa démonstration
5.1.2 Point de vue des élèves de 5e sur la démonstration de l’enseignante
5.2 Démonstration de l’élève : perception de l’enseignante et perception des élèves de 5e
5.2.1 Point de vue de l’enseignante sur la démonstration de l’élève
5.2.2 Point de vue des élèves de 5e sur la démonstration d’un camarade
5.3 Démonstration de l’enseignant : sa perception et celle des élèves
5.3.1 Point de vue de l’enseignant sur sa démonstration
5.3.2 Point de vue des élèves de 6e sur la démonstration de l’enseignant
5.4 Démonstration de l’élève : perception de l’enseignant et perception des élèves de 6e
5.4.1 Point de vue de l’enseignant sur la démonstration de l’élève
5.4.2 Point de vue des élèves de 6e sur la démonstration d’un camarade
6. Discussion
6.1 La démonstration : impact sur l’expérience de l’élève en formation selon les démonstrations et leurs enseignants
6.1.1 Les enseignants : Des points de vue similaires, malgré quelques différences
6.1.2 Les élèves : la vision réelle de ces démonstrations et l’impact sur leurs expériences
6.1.3 Les démonstrations des enseignants et des élèves : complémentarité au service des apprentissages
6.2 Perspectives et limites de la démonstration
6.2.1 Perspectives de formation
6.2.2 Limites de cette étude
7. Conclusion
8. Bibliographie
9. Annexes

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