L’ISLAM INTERROGE LA LAÏCITÉ
L’affaire du foulard islamique
En 1989 une interdiction est faite à trois adolescentes du collège de Creil d’assister aux cours car elles portaient « un foulard islamique », c’est alors qu’une polémique s’engage.
L’affaire commence au collège Gabriel-Havez à Creil, dans l’Oise, le 18 septembre 1989. Trois jeunes filles sont exclues de leur collège parce qu’elles se sont présentées la tête couverte d’un voile. Le principal du collège qui vient d’interdire le port de la kippa au nom de la laïcité, justifie ce renvoi en dénonçant le voile comme étant « une atteinte à la laïcité et à la neutralité de l’école publique » et constituant « une pression idéologique sur les autres élèves tout en perturbant les relations avec les professeurs ».
L’affaire va connaître un retentissement médiatique très important. Les médias révèlent que l’affaire de Creil n’est pas un cas isolé, de nombreux établissements scolaires sont confrontés à ce phénomène.
En France, plus que partout en Europe, « le foulard islamique » appelé ainsi à cette époque, pose problème. Objet de controverse, de discorde, il divise le pays en deux camps, celui qui le tolère et celui qui le pourfend.
Les partisans de la tolérance invoquent une discrimination sociale et en appellent au refus d’une exclusion supplémentaire, pensant que cette tolérance pouvait jouer un rôle compensatoire. Les partisans de la réaffirmation laïque rappellent la neutralité de l’espace scolaire invoquant notamment les circulaires de Jean Zay.
Ils font aussi remarquer que l’on ne résout pas un problème social en renonçant à une émancipation sur le plan juridique et politique. La lutte contre les discriminations et les inégalités est compatible avec le principe de laïcité.
En réalité l’affaire dite « du voile » fait ressurgir un problème plus vaste qui concerne toutes les manifestations religieuses. Il est question de savoir si l’on veut préserver le lieu scolaire de l’atmosphère conflictuelle qui est incompatible avec une mission d’instruction et d’éducation.
Lionel Jospin, ministre de l’éducation durant cette période, fait le choix de ne pas prendre parti et préfère solliciter le conseil d’État.
Ce dernier rend le 27 novembre 1989 un avis qui sera confirmé le 2 novembre 1992 qui stipule que : « le port, par les élèves, de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est par lui-même incompatible avec la laïcité », sauf s’il constitue, « un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande ». Les chefs d’établissements ont la « latitude d’agir au cas par cas ». Ce qui crée des inégalités puisque le port du voile est soumis à la médiation et au compromis. De plus il y a une dissymétrie d’exigences entre les enseignants qui doivent observer une neutralité vestimentaire et les élèves qui eux sont affranchis de cette neutralité.
Le 27 octobre 1993, François Bayrou, ministre de l’éducation nationale, publie une circulaire sur le respect de la laïcité dans les établissements scolaires publics qui rappelle l’avis du conseil d’État et précise qu’il appartient aux chefs d’établissements d’examiner « si un comportement constitue un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, s’il trouble l’ordre de l’établissement ou le fonctionnement normal du service public ».
Le 20 septembre 1994, François Bayrou, ministre de l’éducation nationale, publie une circulaire réglementant le port de signes religieux dans les établissements scolaires publics.
La circulaire propose que les règlements intérieurs prévoient « l’interdiction des signes si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de vie commune de l’école », alors que les signes plus discrets ne peuvent faire l’objet des mêmes réserves.
En ce qui concerne l’autorisation d’absence scolaire le samedi pour les élèves de confession israélite, le 14 avril 1995 le conseil d’État rend deux arrêts. Il reconnaît que l’obligation d’assiduité n’interdit pas aux élèves qui en font la demande de bénéficier individuellement des autorisation d’absences nécessaires à l’exercice d’un culte, dès lors que ces dérogations ne troublent ni la scolarité des élèves ni la vie des établissements scolaires.
Le 27 novembre 1996 le conseil d’État rend plusieurs arrêts concernant le port du foulard islamique. 23 exclusions sont confirmées et justifiées par le trouble causé dans l’établissement ou pour absentéisme. Les exclusions consécutives au non-respect d’une simple interdiction du foulard sont annulées.
L’avis du conseil d’État apparaît de plus en plus problématique dès lors qu’il revient à abandonner le sort de la laïcité à la géométrie variable des rapports de force locaux.
Les différentes décisions de justice et la non harmonisation des règlements de l’éducation nationale sont mises en exergue. Selon qu’elles soient scolarisées dans un établissement ou dans un autre les jeunes filles sont autorisées ou non à porter le voile. Il en résulte une véritable incohérence où se succèdent décisions contradictoires des tribunaux administratifs, diverses interventions confuses, exclusions et annulations des arrêts d’exclusions.
En 1994, le tribunal de Clermont-Ferrand confirme une exclusion, en affirmant que « le voile est un signe d’identification marquant l’appartenance à une obédience religieuse extrémiste d’origine étrangère ; cette obédience a des visées internationales, et se réclame d’une orientation particulièrement intolérante, elle refuse aux femmes le bénéfice de l’égalité, elle cherche à faire obstacle à une intégration des français et étrangers de confession musulmane à la culture française en s’opposant au respect de la laïcité, et prône la prééminence des règles religieuses dont elle se fait la zélatrice sur le droit français, au profit du triomphe espéré d’institutions nouvelles subordonnant à la religion la conduite des affaires d’État ».
Dans l’express du 23 octobre 2003, la directrice d’une école de Roubaix acculée exprime son désarroi : « Le voile c’est oui ou c’est non. »
Les médias et les instances d’enseignement encouragent les pouvoirs publics à prendre position. Alain Juppé, président de l’UMP, déclare « Nous ne pouvons laisser les chefs d’établissements en première ligne. Se défausser sur eux ne serait pas une marque de courage politique ».
Presque quinze années de crise montrent que l’avis du conseil d’État se révèle bien insuffisant.
Les proviseurs et les enseignants confrontés à la montée des pressions communautaristes sont en somme chargés de produire « un droit local » alors que le principe laïc et indivisible de la République doit s’appliquer partout sur le territoire français selon les mêmes exigences.
La commission Stasi, la loi 2004
En juillet 2003, le président de la République Jacques Chirac, décide de nommer une commission d’experts présidée par Bernard Stasi, et destinée à réfléchir sur l’application du principe de laïcité en France. Dans sa lettre de mission, Jacques Chirac lui précise que : « La France est une République laïque. Cette règle solennellement affirmée par notre Constitution est le fruit d’une longue tradition historique. Elle s’est imposée comme une garantie de neutralité des pouvoirs publics et de respect des croyances. Elle s’est profondément enracinée dans nos institutions avec la loi du 9 décembre 1905, qui a séparé les Églises de l’État. Cette grande loi républicaine a su s’adapter aux évolutions de la société française depuis un siècle en respectant les particularités de chaque religion. La République est composée de citoyens ; elle ne peut être segmentée en communautés. »
L’esprit de cette réflexion collective qui débouche sur un rapport est celui d’une grande loi de réaffirmation de la laïcité. La laïcité n’est pas une valeur intemporelle déconnectée de la société et de ses mutations, elle a permis d’établir progressivement, par-delà tout dogmatisme, les équilibres correspondant aux besoins de notre société.
Ce caractère global et social, qui ne se réduit pas à la seule question des manifestations d’appartenance religieuse, est essentiel afin d’éviter tout effet de stigmatisation d’une seule religion. Ainsi dans ce rapport a été mis en exergue et révélé comme anormal que de nombreuses communes de France ne disposent pas d’écoles publiques alors que les écoles privées bénéficient de fonds publics. Concernant le cas de l’Alsace-Moselle, il a été proposé de mettre fin au système qui privilégie l’enseignement de la religion à l’école. L’enseignement religieux devrait être une option distincte de l’enseignement normal et commun. Une approche laïque et juste irait au-delà en demandant une abrogation du régime concordataire qui consacre l’inégalité des croyants et des athées sur un plan plus général.
Dans son volet social le rapport Stasi invite à promouvoir une politique d’égalité des droits et des conditions sociales.
Il met ainsi en corrélation un contexte social et urbain dégradé et le développement de logiques communautaristes qui sont plus souvent subies que voulues et favorisent l’allégeance à un groupe particulier.
La corrélation est aussi faite sur les discriminations sociales et géographiques que subissent ces populations, car c’est la détresse éprouvée sur ces plans que naît souvent la tentation du repli communautariste. Si la banlieue est un problème d’Islam, alors il n’il y a pas de problème social. Ce raccourci simpliste qui vise à réduire les problèmes sociaux des banlieues à l’Islam est certes tentant pour certains politiques mais faux.
La commission a aussi mis en évidence le changement du paysage spirituel de la société française et à ce titre incitait les pouvoirs publics à prendre en considération les fêtes les plus sacrées de religions les plus importantes comme le Kippour et l’Aïd-el Kébir. Il a été proposé deux jours fériés supplémentaires qui pourraient être substitués à deux autres jours fériés.
Cette pratique est déjà courante dans certains pays ou organisations internationales comme l’ONU. La République marquerait ainsi avec force son respect de la pluralité spirituelle et philosophique.
La Laïcité n’a de sens et de légitimité que si l’égalité de chances est assurée en tout point du territoire, les diverses histoires qui fondent notre identité nationale reconnues et les identités multiples respectées.
Une loi est votée le 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges ou lycées publics.
Cette loi interdit dans les écoles, collèges et lycées publics, le « port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». En revanche, les signes « discrets » d’appartenance religieuse restent possibles. Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi ne concerne pas les parents d’élèves.
Des autorisations d’absences doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au bulletin officiel. En revanche, les demandes d’absences systématiques ou prolongées doivent être refusées dès lors qu’elles sont incompatibles avec l’organisation de la scolarité.
Une laïcité discutée
La loi du 9 décembre 1905 est souvent qualifiée de « séparation de l’Église et de l’État ». Or son titre réel est de « séparation des Églises et de l’État », nuance fondamentale qui souligne le pluralisme de la société. Mais la culture post-catholique d’une France chrétienne à 99% pendant près de 1500 ans pèse de tout son poids, en donnant à penser qu’il n’y a toujours qu’une seule Église, qu’on la défende ou qu’on la combatte. Le fait que le calendrier et les usages soient marqués par « un fait catholique » est indubitable. Issu de l’histoire, il constitue le socle d’autant de différences et parfois d’inégalités entre les cultes de France, dont le régime en la matière relève ainsi davantage, aux yeux de certains observateurs, d’un « pacte catholaïc » que d’une réelle équité, d’une authentique neutralité des pouvoirs publics.
Le sociologue des religions Jean Paul Willaime évoque cette « catho-laïcité » inscrite dans l’inconscient collectif français puisqu’elle résume au fond la culture dominante qui se trouve bouleversée par les récentes mutations de la société. Certains militants anti-islam sont mus par le rejet de toutes les religions, d’autres le sont par la « défense des racines judéo-chrétiennes » ; et se retrouvent sous l’opportune bannière de la « défense de la laïcité » c’est à dire de « l’identité » et de « la civilisation française ».
La laïcité tend ainsi à se présenter comme un élément de « l’identité française » alors qu’elle est une méthode gestion des pluralités
Un autre écueil est d’étendre la séparation des Églises et de l’État à celles des Églises et de la société, synonyme de privatisation radicale et d’invisibilité des religions sur l’espace public.
Or la loi de 1905, assure dans les limites du respect d’autrui et de »l’ordre public établi par la loi », on peut manifester sa foi dans la rue, y prier ou y être prosélyte.
Il ne faut pas s’étonner qu’à force de vouloir neutraliser l’espace public, on provoque des réactions extrêmement rigides.
La laïcité présente une dimension universelle, mais elle ne doit être ni une nouvelle religion, ni une contre religion. Elle ne s’ajoute pas à des théologies plus anciennes pour les concurrencer ou les contester. Faire de la laïcité une religion, c’est la trahir.La laïcité n’est pas une doctrine mais le cadre qui rend praticables et partageables toutes les doctrines.
Une disjonction entre la gouvernance politique et l’institution religieuse est nécessaire car c’est ce lien qui menace les libertés et non la doctrine en elle-même. Que la République n’ait pas de religion, cela n’empêche nullement un républicain d’en avoir une.
Le philosophe Régis Debray dénonce un « analphabétisme religieux » lié à une « laïcité d’ignorance » et « d’incompétence », auxquels s’ajoutent de la méfiance, voire de l’hostilité. Sur libération.fr le 23 février 2016 l’islamologue Rachid Benzine déclare « la société française ne comprend rien au religieux » et pour les juristes Stéphanie Hennette-Vauchez et Vincent Valentin « la présence de la religion est désormais jugée insupportable ». Le journaliste Jean Birnbaum dénonce le silence d’une gauche française incapable de prendre la croyance au sérieux, puisqu’elle n’est à ses yeux « qu’un simple symptôme social », une illusion qui appartient au passé. Quant au philosophe Pierre Tévanian, il affirme « aujourd’hui l’athéisme et le combat antireligieux peuvent être considérés comme l’opium du peuple de gauche ».
Le respect de la laïcité est garanti dans les écoles françaises. Pour autant la commission européenne contre le racisme et l’intolérance recommande une révision des programmes scolaires pour une meilleure compréhension des questions liées au fait religieux.
Depuis quelques décennies la laïcité tend à être présentée comme un outil de lutte contre les religions et en particulier la dernière venue, l’Islam, considérée comme pouvant être contradictoire avec la République. Pour légitimer cela l’islam a été homogénéisé et réduit à une unicité négative.
A droite comme à gauche la simple présence d’un voile suscite une extravagante animosité.
Depuis vingt ans, le féminisme et la laïcité ont été subitement redécouverts et réinvestis de l’extrême gauche à l’extrême droite, pour justifier de certaines attitudes mais aussi de certaines lois et politiques publiques qui ont assez peu à voir avec l’émancipation des femmes ou la séparation des autorités religieuses et politiques et beaucoup avec l’obscurantisme et la chasse aux sorcières.
Le féminisme occidental, qui a le mérite d’avoir initié le processus de libération de la femme, s’obstine à croire qu’il n’y a d’émancipation possible que dans les voies qu’il a tracé. Gisèle Halimi réclame à leur encontre un « droit d’ingérence », parce que « le voile aliène la femme ».
Cette attitude condescendante et soi-disant émancipatrice ne laisse aucune alternative aux musulmanes et leur refuse le droit de vivre leur religion en toute liberté sans avoir le statut de soumise. La politique d’émancipation par la contrainte est rendu moralement acceptable et justifiée par le déficit de maturité que l’on attribue aux femmes et qui font figure de « victimes de l’Islam ». Sont à nouveau opposées sur la scène médiatique et politique la raison et la religion.
Pourtant, en 2008, la sociologue Sarah Silvestri a publié une étude issue d’une cinquantaine d’entretiens effectués auprès de musulmanes européennes (majoritairement âgées entre 20 et 40 ans et résidant en milieu urbain), au cours desquels toutes ont témoigné d’une religiosité fondée sur un choix libre et individuel. L’islam y apparaît comme « la source d’une moralité personnelle que l’individu est libre d’adopter ».
L’idéologie féministe occidentale, se trouve bousculée dans ses valeurs et refuse le droit aux femmes musulmanes d’être à la fois libre, croyantes et intelligentes en arguant que ce triptyque est incompatible. Et pour justifier leur pensée, l’exemple des femmes des pays arabes est souvent mis en exergue. Mais il s’agit des Françaises musulmanes, et c’est justement parce qu’elles se trouvent dans un cadre français laïc qu’elles ont le choix. Probablement que l’impensée de cette idéologie qui est traduit par une attitude ethnocentriste et au fond toujours coloniale, se voit comme celle qui doit « sauver » ces « pauvres » femmes de l’emprise familiale et donc surtout masculine.
Une injonction inconsciente est faite aux musulmans de choisir entre la religion ou la nationalité afin de s’intégrer. S’ils veulent être français, ils n’ont pas à vouloir rester musulmans.
Au mieux le musulman est réduit à l’invisibilité, ou condamné à pratiquer de manière positive. En effet, apporter des pâtisseries orientales après une fête religieuse rend le musulman plus sympathique que lorsqu’il se différencie par une tenue vestimentaire connotée.
Cette attitude n’est pas sans rappeler l’époque coloniale où le même choix s’imposait.
Ces propos soulignent comment l’islamophobie font la xénophobie et la religiophobie en un tout indissociable, permettant au rejet de « l’étranger » de se diffuser sous le masque de l’antireligion, aussi répandue et légitime qu’elle y est inconsciente nombreuses organisations de droits de l’homme ou de courants politiques. Cette interrogation
sera constamment présente dans les débats publics. Une tribune signée de Monique CantonSperber et Paul Ricoeur, sous le titre « une laïcité d’exclusion est le meilleur ennemi de l’égalité est publiée dans le Monde du 11 décembre 2003 ».
La laïcité d’aujourd’hui est mise au défi de forger l’unité tout en respectant la diversité de la société. Elle doit faire coexister des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions, au lieu de les juxtaposer en une mosaïque de communautés fermées sur elles-mêmes et mutuellement exclusives.
La dérive communautarise menace de fragmentation nos sociétés contemporaines. Cependant nier toute diversité ou pluralité en réaffirmant de façon incantatoire un pacte républicain désincarné serait illusoire.
La laïcité tout comme les religions souffrent surtout de leurs différentes interprétations. N’oublions pas que la démocratie, ce sont les dissensus, le doute et donc une tension entre la vérité et le doute.
ORGANISATION DE L’ISLAM
L’ISLAM EN FRANCE
« Il existait en sein (la société musulmane) un grand nombre de fondations pieuses ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la charité ou de l’instruction publique. Partout nous avons mis la main sur ces revenus en les détournant en partie de leurs anciens usages. Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles, dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé. […] Laissezdisparaître les interprètes réguliers et naturels de la religion, vous ne supprimerez pas les passions, vous en livrerez seulement la discipline à des furieux ou des imposteurs. »
Les musulmans en France
Combien sont-ils?
L’Islam par son nombre de fidèles est considéré comme la deuxième religion en France après le Christianisme. La vaste majorité des musulmans en France est sunnite. Issues pour la plupart de l’immigration à partir des années 1960, les populations musulmanes sont aujourd’hui souvent de la deuxième, de la troisième voire de la quatrième génération.
En raison de l’interdiction de retenir les critères ethniques ou religieux dans le cadre du recensement de la population française, il est difficile d’avoir des chiffres exacts. La France compte la plus grande communauté de musulmans en Europe, les spécialistes dénombrent environ 5 millions de personnes de confession musulmane en France. Certains, parmi les musulmans les plus prosélytes, et à l’opposé, parmi ceux qui désirent faire naître la peur d’un péril vert, vont jusqu’à 6 millions et plus.
Selon la démographe Michèle Tribalat, plus 80% des personnes susceptibles d’être musulmanes sont originaires des anciennes colonies du Maghreb. Ainsi 43,2% sont d’Algérie, 27,5% du Maroc et 11,4% de Tunisie. Les autres sont issues de l’Afrique noire (9,3%), de Turquie (8,6%), puis il y a aussi ceux originaires d’Asie et des territoires d’outre-mer. Un chiffre auquel il faut ajouter les Français convertis et les étrangers en situation irrégulière, qu’aucune étude fiable ne permet aujourd’hui de chiffrer.
Ces « musulmans sociologiques », estimés à environ 5 millions d’individus se voient imputés le label « musulman » sur la seule base de leur origine ethnoculturelle et sont censés être les héritiers d’une tradition culturelle ou religieuse islamique.
Les estimations ne nous disent rien sur les rapports qu’entretiennent ces « musulmans » à l’Islam. L’athéisme et l’agnosticisme restent très peu affirmés et difficile à évaluer.
Selon Jérémy Robine, docteur en géopolitique, on assiste depuis plusieurs années, à l’émergence, dans le discours politico-médiatique, d’un nouveau groupe de type racial « les musulmans ». En effet, selon lui, comme cela s’est passé avec les Juifs, l’expression « les musulmans » ne désigne plus aujourd’hui un groupe religieux mais un groupe racial auquel on appartient par la naissance, quelle que soit sa foi.
Le débat sur la place de l’Islam en France fait naître une confusion entre groupes religieux et groupes ethniques.
L’Islam des Frères musulmans
Les Frères musulmans sont nés en 1928 en Égypte. L’organisation sunnite et réformiste initiée par le cheikh Hassan Al-Banna, se fixe pour objectif de libérer l’Égypte de l’emprise britannique et d’accéder au pouvoir d’une Égypte afin de promouvoir la renaissance de l’Islam. Pour Hassan Al-Banna, instituteur de formation, il est indispensable de marquer le terrain pour se réapproprier le pays. Pour ce faire, la confrérie des frères musulmans organise des activités caritatives et sociales, destinées à séduire les couches populaires et les classes moyennes. Ce qui permet à la confrérie de se forger une popularité. Ce programme fait la part belle à la religion, grâce à un mouvement d’éducation populaire, pensé pour assurer la régénération de l’Islam. Les Frères musulmans entendent islamiser le pays dans une optique de progrès social et de renaissance arabe. Pour eux l’Égypte ne pourra se débarrasser du colonialisme occidental uniquement si la société égyptienne se recentre sur les valeurs musulmanes et cesse « d’imiter aveuglement le modèle occidental ». Le mouvement va devenir une puissance incontournable dans les pays musulmans tour à tour menaçant les régimes, subissant des persécutions, ou composant habilement afin de jouer un rôle dans le jeu politique.
Une répression sanglante s’abat sur la confrérie surtout en Égypte et en Syrie qui les pousse à l’exil. Réfugiés dans les différents pays d’Europe, ils vont constituer le noyau qui deviendra par la suite la principale force militante. Toutes les tentatives de constitution voire la constitution même d’organes de représentation de culte, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France ou en Espagne sont dominées par les initiatives des frères musulmans. En France cette mouvance est principalement issue de l’exil de Tunisiens, Syriens et Egyptiens et a tenté de combler le déficit de l’Islam consulaire à partir des années 1980.
Elle est aujourd’hui incarnée à travers l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), et par des collectifs proches de l’islamologue suisse Tariq Ramadan, petit-fils d’Hassan AlBanna, fondateur du mouvement. L’UOIF est implantée en France depuis 1983 et est très active sur le terrain social notamment à travers les jeunes musulmans de France (JMF). L’organisation est aussi présente sur le terrain associatif féminin avec la ligue française de la femme musulmane (LFFM). Elle fédère plus de 200 associations et 60 mosquées.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LES POUVOIRS PUBLICS ET LA RELIGION
I. LA LAÏCITÉ, DE LA RÉVOLUTION A 1905
II. LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905
III. L’ISLAM INTERROGE LA LAÏCITÉ
DEUXIÈME PARTIE : ORGANISATION DE L’ISLAM
I. L’ISLAM EN FRANCE
II ÉTAT DES LIEUX DES MOSQUÉES EN FRANCE
III. LE PROCESSUS D L’INSTITUTIONNALISATION DE L’ISLAM
TROISIÈME PARTIE : LA CONSTRUCTION DE LA MOSQUÉE BILEL
I. CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE
II LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE S’ORGANISE
III. L’INTERVENTION DE LA VILLE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Annexes
Table des matières
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