L’enseignement des sciences à l’école élémentaire et maternelle connaît un nouveau souffle en 1996 grâce à l’opération de La main à la pâte (LAMAP). En 1998, LAMAP publie ses dix principes ayant pour but de créer un référentiel de l’enseignement des sciences pour les professeurs des écoles. En 2000 est mis en place le plan de rénovation de l’enseignement des sciences et de la technologie de l’école qui a pour objectif de mettre en place un enseignement scientifique où les élèves deviennent acteurs de leur propre apprentissage. Ainsi pour ces derniers, il est préconisé d’observer, de s’interroger, d’investiguer en menant des expérimentations ou en se documentant, d’échanger et d’argumenter. Les programmes officiels de 2008 de l’école maternelle évoquent la démarche d’investigation. L’élève « observe, il pose des questions et progresse dans la formulation de ses interrogations vers plus de rationalité. Il apprend à adopter un autre point de vue que le sien propre et sa confrontation avec la pensée logique lui donne le goût du raisonnement » . Les nouveaux programmes de maternelle entrés en vigueur en septembre 2015 ajoutent que les activités proposées doivent permettre aux élèves de « construire des relations entre les phénomènes observés, prévoir des conséquences, identifier des caractéristiques susceptibles d’être catégorisées. » .
LES SCIENCES EN MATERNELLE
LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION
L’enseignement fondé sur la démarche d’investigation « doit d’une part amener les élèves à s’engager dans des contenus scientifiques, proposer des tâches ou des problèmes à résoudre, requérant des activités cognitives et / ou expérimentales. D’autre part, il doit permettre des discussions argumentatives et des communications entre élèves. Il doit enfin prévoir une structuration des connaissances. » L’activité scientifique à l’école n’est pas un acte isolé, c’est le résultat d’un enseignement qui s’appuie sur différentes phases qui composent la démarche d’investigation.
Situation déclenchante
La situation déclenchante doit être pensée de manière à ce que les enfants y trouvent un intérêt et qu’elle constitue une source d’enseignement. Pour cela, l’enseignant peut s’appuyer sur des objets du quotidien, des situations vécues par les élèves ou un phénomène qui fasse partie de leur milieu. Cette situation doit susciter l’étonnement, la curiosité et le questionnement des élèves.
Observation, questionnement
Le questionnement peut être traduit par un problème à résoudre, un objet dont on cherche à comprendre le mécanisme, un être vivant dont on essaie de comprendre le mode de vie. Cette étape de la démarche d’investigation permet à l’enseignant de connaître les conceptions initiales de ses élèves. Avant tout enseignement, les élèves possèdent leurs propres idées, souvent approximatives, voire fausses, concernant les savoirs enseignés. Ils vont ainsi apporter une réponse à partir de ce qu’ils connaissent ou de ce qu’ils imaginent. « Les conceptions initiales de l’enfant constituent son système explicatif » . Il est important de ne pas les ignorer afin de les faire évoluer. Les élèves peuvent les faire émerger à travers un dessin, des questions, des schémas ou des photos. Prendre en compte les conceptions initiales permet aux enfants d’entrer dans un conflit socio-cognitif où les échanges vont permettre aux élèves de prendre conscience qu’il existe divers points de vue.
Recherche de solutions, définition de la stratégie de recherche
Les élèves vont émettre leurs hypothèses et, avec l’aide de l’enseignant, vont élaborer les activités d’investigation afin de valider ou d’invalider les idées émises lors de l’étape précédente. Cette activité stimule la curiosité et développe la communication. La classe peut mener trois type d’investigations différentes :
— Démarche documentaire : il s’agit d’une recherche documentaire qui peut être faite à travers des livres, d’internet ou d’une visite.
— Démarche d’observation : les élèves disposent de l’objet étudié ou d’un modèle et peuvent ainsi diriger leurs investigations vers l’observation.
— Démarche expérimentale : les élèves conçoivent avec l’aide de l’enseignant et mettent au point les expériences qui vont permettre de valider les hypothèses émises.
LA MISE EN PLACE DE LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION EN PETITE SECTION
La maternelle est « une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble » , une école où ils vont « apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes » . Les activités scientifiques permettent aux élèves de s’interroger sur des phénomènes et des objets. Afin de trouver des réponses à leurs questions, les élèves vont alors devoir coopérer, prendre des initiatives, faire des choix, participer à un projet commun à la classe, échanger et confronter leur point de vue à celui des autres. Les échanges collectifs organisés vont quant à eux permettre aux élèves de faire évoluer leur pensée et leur manière de voir le monde. Les élèves de petite section ont une vision du monde qui leur est propre. Ils découvrent leur milieu de vie en l’explorant et arrivent à l’école avec des connaissances et des représentations sur ce dernier. Ils utilisent leurs sens pour explorer, enquêter, décrire et découvrir leur milieu. Il est donc indispensable pour eux d’expérimenter, de manipuler, d’être acteur de leur propre apprentissage, ce qu’ils sont naturellement depuis leur naissance. Cependant l’enseignement des sciences et technologie à l’école maternelle ne se réduit pas à la réalisation d’expériences. Les élèves doivent se questionner, anticiper en émettant des idées, constater et tirer des conclusions. Afin de préparer au mieux ma séquence j’ai répertorié les différentes difficultés que les élèves de petite sections pouvaient, selon moi, rencontrer lors des activités scientifiques. J’ai aussi été attentive aux obstacles propres au sujet choisi.
Difficultés liées à la mise en place de la démarche d’investigation
Formuler un questionnement
Bien que les élèves fassent preuve de curiosité et d’imagination à l’âge de 3 – 4 ans, il est encore difficile pour eux de formuler un questionnement et donc de repérer une situation problème. Les élèves de petite section ont encore du mal à prendre en compte le point de vue des autres. Sans l’aide de l’enseignant ils ne confrontent pas leurs idées dans la mesure où ils estiment souvent avoir raison. C’est à l’enseignant de les guider et éventuellement de proposer lui-même le problème à résoudre en se basant sur les remarques des élèves.
Élaborer des hypothèses
Émettre des hypothèses suppose que l’apprenant anticipe les effets provoqués par un phénomène. Les élèves de petite section ne sont pas encore familiarisés avec la pensée hypothético-déductive et il est donc difficile pour eux d’élaborer une proposition de solution au problème posé. En cycle 1, les enfants n’éprouvent pas la nécessité de mettre en place une démarche d’investigation pour vérifier leurs suppositions puisque ces dernières sont considérées comme vraies. Ils n’émettent pas encore d’hypothèse mais proposent des solutions aux problèmes.
Le langage
Les élèves de petite section arrivent à l’école maternelle avec des niveaux de langage très hétérogènes. Ceci est dû non seulement à la différence d’âge mais aussi à leurs expériences culturelles. Ce manque de vocabulaire et de langage syntaxiquement correct peut être à l’origine de difficultés d’une part pour l’élève, qui aura plus de mal à trouver les mots justes pour justifier et argumenter ses choix et ses actions, et d’autre part pour l’enseignant qui peut rencontrer des obstacles à la compréhension de l’élève. Comme nous l’avons vu plus haut, les élèves de cet âge éprouvent encore du mal à prendre en compte le point de vue de l’autre, ce qui peut limiter les échanges verbaux entre eux.
Difficultés liées à l’air
Certaines expressions couramment utilisées peuvent présenter un frein à la conceptualisation de l’air. Par exemple « ouvrir la fenêtre pour créer un courant d’air» ou « sortir prendre l’air » sont deux expressions qui peuvent laisser croire à l’élève que l’air n’existe que lorsqu’il est perceptible et qu’il n’y a pas d’air dans une pièce fermée. À ces expressions nous pouvons ajouter le mot « vide », employé généralement pour désigner l’absence de toute matière autre que l’air. L’air est incolore, inodore et quasiment impalpable à l’intérieur, il est invisible à l’œil nu. Or, les enfants de maternelle ont du mal à conceptualiser ce qui n’est pas perceptible par l’un de leurs organes sensoriels. Il est donc difficile pour eux de concevoir que l’air est présent partout, et pas seulement à l’extérieur, où ils en ressentent facilement les effets. Comme nous l’avons vu plus haut, il est important de prendre en compte les conceptions initiales des élèves car elles « constituent leur système explicatif. Si l’on n’en tient pas compte, ces conceptions peuvent faire obstacle aux apprentissages » . Voici quelques exemples de fausses conceptions initiales que peuvent avoir les élèves :
— À l’intérieur il n’y a pas d’air, car ils n’en ressentent pas clairement les effets.
— Un récipient n’est rempli que s’il contient un solide ou un liquide.
— Un récipient ne contient de l’air que s’il est fermé.
— Si on retourne le récipient, l’air qui était à l’intérieur s’échappe.
— Les bulles dans l’eau sont des bulles d’eau et non d’air.
L’AIR EN PETITE SECTION
QUE DISENT LES INSTRUCTIONS OFFICIELLES ?
Les activités scientifiques sont définies par les programmes de 2015 dans le domaine d’apprentissage « Explorer le monde » qui concerne les sous-domaines suivants :
— Se repérer dans le temps et dans l’espace.
— Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière.
Concernant notre sujet, le Bulletin Officiel spécial du 26 mars 2015 note que les élèves de maternelle « découvrent les effets de leurs actions et utilisent quelques matières ou matériaux naturels (l’eau, le bois, la terre, le sable, l’air,. . . ). » De cette façon « ils manipulent, fabriquent pour se familiariser avec les objets et la matière ». L’étude de certaines propriétés de l’air qui lui confèrent un caractère matériel n’est abordée qu’en cycle 3. Ceci n’empêche pas les élèves de maternelle de prendre conscience que l’air est partout autour de nous et qu’il ne se limite pas uniquement au vent. Les élèves de petite section peuvent ressentir et entendre l’air qui sort d’un contenant, comme par exemple d’un ballon de baudruche. Ils peuvent également voir que l’air produit des bulles dans l’eau. Ces découvertes ne vont bien évidemment pas leur permettre de comprendre que l’air est un gaz mais de découvrir certaines de ses caractéristiques et de ses propriétés.
SÉQUENCE « AIR OÙ ES-TU ? »
Présentation de la séquence
La séquence qui va servir de support à ce mémoire s’intitule « Air où es-tu ? ». L’enjeu est de faire prendre conscience aux élèves de l’existence de l’air en les initiant à la démarche d’investigation. Les séances présentées suivent un fil conducteur qui leur permettra d’acquérir les connaissances de manière progressive. L’ordre est important : pendant la première séance (décrite à la section 1.1 de la partie III), les élèves prennent conscience que l’air est tout autour de nous, même à l’intérieur, où nous n’en ressentons pourtant pas clairement les effets. Comment matérialiser, rendre cet air perceptible ? C’est ce à quoi s’intéresse la deuxième séance (décrite à la section 1.2 de la partie III). A l’issue de ces deux premières séances, les élèves auront conscience que l’air est partout autour de nous, mais pas nécessairement qu’il occupe tous les espaces. Les expériences de la troisième séance (décrite à la section 1.3 de la partie III) viendront ainsi montrer à l’enfant que l’air occupe l’espace contenu dans un petit récipient, qu’il soit ouvert ou fermé.
Les objectifs de la séquence
Cette séquence donne la priorité à l’acquisition de compétences dans le domaine «Découvrir le monde ». Voici les objectifs fixés dans ce domaine :
— savoir que le vent est de l’air,
— prendre conscience de l’existence de l’air en utilisant ses sens pour le percevoir,
— prendre conscience que l’air est partout autour de nous,
— connaître quelques propriétés et caractéristiques de l’air,
— être capable de réaliser une expérience scientifique simple,
— valider des idées émises par des expériences.
Les activités scientifiques sont étroitement liées à l’apprentissage du langage. Elles permettent aux élèves de développer des compétences langagières en leur donnant l’occasion de décrire, nommer, échanger avec ses pairs, enrichir son lexique, en utilisant des connecteurs logiques spatiaux, temporels et de causalité. Les objectifs de cette séquence dans le domaine « Mobiliser le langage » dans toutes ses dimensions sont :
— communiquer avec l’adulte et avec les autres enfants par le langage en se faisant comprendre,
— s’exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis,
— pratiquer divers usages du langage oral : décrire, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue,
— participer verbalement à la production d’un écrit.
ANALYSE DE SITUATIONS MISES EN PLACE EN CLASSE
PARTICIPATION ACTIVE DES ÉLÈVES DANS LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION
Dans cette partie j’expliquerai à travers des exemples vécus en classe comment un élève de petite section s’investit dans les différentes étapes de la démarche d’investigation. La première séance (section 1.1) est composée de trois phases. La première de ces phases est présentée sous forme de défi : les élèves doivent attraper du vent. Lors de la deuxième phase les élèves prennent conscience que le vent c’est de l’air. Et pour finir, ils se rendent compte que l’air est tout autour de nous. Dans la deuxième séance (section 1.2) les élèves créent des bulles dans l’eau grâce à leur souffle et déduisent que ce sont des bulles d’air.
Première séance : l’air est tout autour de nous
Première phase : attraper de l’air
a) Formulation du questionnement
Après avoir lancé le défi, les élèves se disent prêts à attraper du vent, mais il ne vient à aucun d’entre eux l’idée de savoir comment. Je leur pose moi même la question : « Comment peut-on attraper le vent ? »
b) Recherche de solution et investigation
Voici l’échange qui a eu lieu :
M : Comment pouvons nous attraper le vent ?
E1 : Avec la bouche.
M : Tu as raison, mais si nous attrapons le vent avec la bouche nous ne pourrons pas le toucher. Il faudrait trouver quelque chose dans lequel le vent peut entrer et qu’on puisse ensuite fermer pour que le vent n’en sorte pas.
E2 : Dans un ballon.
E1 : Oui, un ballon on peut le gonfler !
M : Quelqu’un a-t-il une autre idée ?
E3 : Dans un sac en carton.
M : Le problème du sac en carton est que nous ne pouvons pas le fermer facilement.
E3 : Mais moi, je n’ai que des sacs en carton chez moi.
E4 : Moi j’ai des sacs en plastique, ma maman met les courses dedans et ensuite elle les ferme.
M : J’ai trouvé dans la classe des sacs en plastique, nous pouvons essayer.
Lors de cet échange en regroupement, je constate que la majorité des élèves est restée assez passive. Seuls quatre élèves étaient vraiment dans une démarche de recherche. Les élèves partent dans la cour avec des ballons de baudruche et des sacs en plastique. Ils constatent très vite que le ballon n’est pas le contenant le plus adéquat pour attraper du vent. Ils laissent donc de côté ces derniers pour les échanger contre des sacs en plastique. Nous observons alors la différence entre un sac vide et un sac rempli de « vent ». De retour en classe nous faisons une mise en commun.
M : Comment avons-nous attrapé du vent ?
L’ensemble des élèves : Avec un sac.
M : Quelqu’un peut-il m’expliquer comment a-t-il fait pour attraper du vent ?
Presque tous les élèves se lèvent pour imiter le mouvement qu’ils ont fait avec leur sac en plastique dans la cour. J’ai été confrontée plusieurs fois aux explications mimées des élèves. Il est important de prendre en compte cet aspect de communication qui est propre aux enfants de cet âge. J’accompagne alors chaque geste de l’enfant par une explication orale. Je demande ensuite à l’élève de m’expliquer à nouveau mais cette fois-ci avec des mots et non pas avec des gestes.
c) Résultat
Grâce à cette expérience, les élèves découvrent qu’il est possible d’attraper du«vent» et donc réalisent que le vent est de la matière. Il est évident que cette aspect de l’air ne sera pas abordé dans cette séquence et que le terme « matière » ne sera pas utilisé pour désigner l’air.
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Table des matières
Introduction
I Les sciences en maternelle
1 La démarche d’investigation
1.1 Situation déclenchante
1.2 Observation, questionnement
1.3 Recherche de solutions, définition de la stratégie de recherche
1.4 Investigation
1.5 Résultats
1.6 Conclusion, confrontation
1.7 Phase d’institutionnalisation et de structuration
2 La mise en place de la démarche d’investigation en petite section
2.1 Difficultés liées à la mise en place de la démarche d’investigation
2.1.1 Formuler un questionnement
2.1.2 Élaborer des hypothèses
2.1.3 Le langage
2.2 Difficultés liées à l’air
II L’air en petite section
1 Que disent les instructions officielles ?
2 Séquence « Air où es-tu ? »
2.1 Présentation de la séquence
2.2 Les objectifs de la séquence
2.3 Les critères de réussite de la séquence
III Analyse de situations mises en place en classe
1 Participation active des élèves dans la démarche d’investigation
1.1 Première séance : l’air est tout autour de nous
1.1.1 Première phase : attraper de l’air
1.1.2 Deuxième phase : le vent c’est de l’air
1.1.3 Troisième phase : l’air est tout autour de nous
1.2 Deuxième séance : des bulles d’air
1.3 Troisième séance : L’air dans une bouteille
1.4 Structuration
1.5 Conclusion
2 Le rôle de l’enseignant dans la démarche d’investigation
2.1 La prise en compte des conceptions initiales
2.2 Mettre en place une organisation propice aux activités
2.3 Guider les élèves dans leurs questionnements et relancer l’investigation
2.4 Élaborer des traces écrites
2.5 Conclusion
IV Regard critique sur la démarche d’investigation en petite section
1 Analyse des critères de réussite
2 Les points positifs
3 Les points négatifs
4 Les remédiations
Conclusion
Bibliographie
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