L’époque que nous traversons est marquée par de nombreux débats liés à l’école, en particulier la réforme du collège. Beaucoup le constatent : les évaluations traditionnelles (orthographe, mathématiques…) semblent marquer une « baisse de niveau » d’après certains indicateurs. Et d’aucuns d’accuser les parents, la télévision, les professeurs, le Ministère de l’Éducation nationale ou encore les élèves eux-mêmes. Cette baisse est toutefois à relativiser. A titre d’exemple, voici un extrait du rapport PISA de 2015 concernant la France : « La performance de la France en compréhension de l’écrit a augmenté en 2015 par rapport à 2009, passant de 496 à 499 points. Ce score place la France au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE ». Un constat fait cependant l’unanimité : il y a beaucoup d’élèves dans les classes – 29 en moyenne dans le secondaire . L’objet d’une étude en pédagogie n’est pas de développer des problèmes mais plutôt d’en trouver les solutions. Parmi les solutions abondamment réfléchies se trouve la pédagogie dite différenciée. Cette expression désigne de façon concrète « un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves» . L’idée de pédagogie différenciée n’est pas une invention du XXIème siècle, bien qu’elle soit davantage mise en lumière de nos jours en France. Dès le début du XXème siècle, Célestin Freinet (1896-1966) en France ou Helen Parkhurst (1887-1973) aux Etats-Unis mettent en place une différenciation pédagogique. Parkhurst crée le Plan Dalton en 1917 au Massachusetts, qui consiste à organiser le travail de chaque en élève en autonomie. L’enseignant a alors un rôle de superviseur du travail et de conseiller, plutôt que de transmetteur de connaissances que les élèves recevraient passivement. Freinet s’inspire en partie de cette pédagogie en personnalisant l’apprentissage des élèves. Il s’inspire également des pratiques de Carl Washburne, instituteur anglais qui, au début du siècle, développe des plans de travail individuels dans ses classes de quatre niveaux. Les multiples niveaux d’apprentissage permettent en outre de faire coopérer les élèves entre eux, les aînés pouvant aider les plus jeunes.
Etat de l’art
Dans la seconde moitié du XXème siècle et jusqu’aujourd’hui, plusieurs chercheurs en sciences de l’éducation ont approfondi le travail sur la différenciation en lien avec les réformes nationales. A la suite de Freinet, Philippe Mérieu (né en 1949) propose l’organisation de la classe comme un atelier permettant à chaque élève de travailler en autonomie pour développer activement ses compétences. L’élève doit travailler en étant conscient de sa liberté pour que ses activités aient plus de sens. Il propose également la coopération entre élèves et, de façon, plus concrète, un accompagnement personnalisé de plus grande envergure : dans son texte Comprendre et repenser le collège , il propose un « travail complémentaire » qui consisterait à suspendre les cours classiques un ou deux jours toutes les deux semaines afin que l’équipe pédagogique aide les élèves en difficulté là où ils en ont besoin.
En Suisse, le sociologue Philippe Perrenoud (né en 1944) s’est quant à lui intéressé à la question de la pédagogie différenciée après des recherches sur l’échec scolaire. Il rejoint les conclusions de P. Mérieu en proposant de baser la formation des élèves non sur l’évaluation de connaissances mémorisées lors d’un cours mais sur les compétences que chaque élève doit pouvoir développer lui même, avec l’aide des enseignants. Il définit ainsi la différenciation : « Différencier, c’est organiser les interactions et les activités, de sorte que chaque élève soit constamment ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui ». Une pédagogie différenciée met donc au centre des activités l’élève, dont le travail est suivi par l’enseignant. Chaque élève et chaque enseignant ayant sa propre façon de travailler, il existe plusieurs axes de différenciation, on peut en définir trois principaux :
– diversifier les supports, les outils de l’activité d’apprentissage (ordinateur, cahier, manuel, vidéo…) ;
– différencier les contenus : du fait de la liberté pédagogique laissée aux enseignants et des nouveaux programmes du collège français, qui laissent beaucoup de marge de manœuvre, une multitude de contenus est possible. On peut ainsi travailler avec des images plutôt que des textes (ce qui est particulièrement pertinent dans le cas d’élèves ne comprenant pas la langue), associer les deux (pour faire progresser la compétence de maîtrise du français), travailler avec des éléments de la vie quotidienne.
– différencier les démarches d’apprentissages : le travail de groupe ou individuel, la recherche, la conclusion inductive ou déductive, la précision des consignes, l’aide apportée par l’enseignants aux élèves…
Philippe Perrenoud a pu comparer les systèmes éducatifs francophones (France, Suisse, Belgique, Québec), ce qui lui permet d’aboutir à une synthèse sur les difficultés rencontrées par l’école dans différents contextes. L’école actuelle ne prend pas suffisamment en compte les différences de compétences entre élèves et porte un jugement général basé sur les degrés annuels. Il y a des différences également dans la manière d’évaluer entre enseignants : certains considèrent qu’un enfant de dix ans qui arrive à écrire un texte simple, à peu près lisible, avec quelques idées organisées, fait son métier d’élève. D’autres assimilent le savoir écrit à une maîtrise précoce de la dissertation. La manière d’évaluer n’est toutefois que le signe d’inégalités et pas leur origine, bien qu’elle en accentue les conséquences. Finalement, la différenciation de la pédagogie est nécessaire car le capital culturel de connaissances et de compétences est différent entre les élèves dès leur entrée en classe. Le système scolaire ne prenant pas en compte les différences culturelles entre élèves, il crée un « handicap socioculturel » : en s’adressant aux élèves avec les codes que seuls certains peuvent saisir, il en perd une partie qui risque de décrocher .
Un autre handicap est lié au développement individuel de chaque enfant, physique et mental : l’école fonctionne par degré annuels d’âge, et ne prend pas en considération les différences de développement des enfants d’un même âge, qui peuvent pourtant être importantes. Ces différences sont d’autant plus profondes, par exemple, entre un élève né le 1er janvier et un élève né le 31 décembre de la même année civile, qui ont donc un an d’écart mais se retrouvent, par la logique des degrés annuels (basés sur l’année de naissance) dans la même classe. Un paradoxe émerge de ces différences mal gérées : elles peuvent créer des tensions entre les élèves en décrochage et l’enseignant, les premiers pouvant se braquer et le second porter plus d’attention aux « bon élèves » : les sages, qui ont de bonnes notes et qui sont polis. L’inverse est aussi vrai : par bonne volonté, le professeur peut venir en aide prioritairement aux élèves en difficulté et délaisser ceux qui semblent ne pas en avoir.
L’échec scolaire, qui est dû à une absence de prise en compte des différences, devient visible et intolérable à partir du moment où l’école cherche à se démocratiser : on cherche désormais à lutter contre l’échec et non plus à le voir, dans une vision fataliste ou résignée, comme l’ordre naturel des choses. Il est aussi plus visible à partir du moment où toutes les catégories sociales sont mélangées dans un collège unique : l’enseignement n’est plus adapté selon un héritage culturel familial commun à une catégorie d’élèves fréquentant le même établissement. Il devient au contraire universel, car toutes les catégories sociales, et tous leurs héritages culturels respectifs, se retrouvent dans les mêmes classes (même si l’application de la carte scolaire peut atténuer cette mixité dans certains cas). Les enfants issus de catégories modestes sont généralement dans le bas des classements alors qu’on leur propose la même formation, et finissent par accepter cet état d’infériorité. Finalement, à ne pas réagir, on recrée deux collèges parallèles en un seul établissement (et en une seule institution) car on permet l’hétérogénéité (dans la réussite des élèves) au sein des classes. Ne pas différencier la pédagogie revient en définitive à abandonner les élèves qui ne s’adaptent pas à ce qui est proposé au groupe. Cette différenciation est pourtant un corollaire à l’hétérogénéité de l’École, dont le but est à la fois l’égalité des chances mais aussi la progression du niveau général . Face à l’échec, on a proposé le redoublement ou le soutien, qui n’ont pas porté de fruits probants. Alors que faire ? Des solutions sont mises en œuvre, qui prennent une forme différenciée, d’une manière ou d’une autre, pour permettre à tous les élèves de réussir : classes de niveau, Dispositif Relai Interne…
Dans le collège dit unique, la pédagogie différenciée se heurte à des structures anciennes et fortement ancrées, en particulier le fonctionnement par degré annuel et la répartition de classes d’âges. Quand elle est appliquée, la pédagogie différenciée cherche plutôt à personnaliser les parcours et à étaler les cycles d’apprentissage sur deux ou trois ans. Il ne suffit cependant pas d’ajouter une touche de différenciation dans l’école, il faut réformer l’institution en profondeur . Le but de l’école n’est plus d’apprendre à vivre là où on a été éduqué, mais de préparer les élèves à réinvestir leurs acquis dans des contextes variés, hors de l’école. Il faut donc transférer des capacités d’adaptation et de réinvestissement : beaucoup d’élèves connaissent leur leçon mais ne savent pas réinvestir les connaissances apprises, faute de compétences. Il faut donc alléger les programmes pour approfondir les compétences plutôt qu’emmagasiner les connaissances, et entraîner les élèves avec des situations-problèmes.
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Table des matières
Introduction
Etat de l’art
Développement
I. Présentation des binômes
I. 1. Elsa et Marius
I. 2. Eglantine et Mathéo
I. 3. Maxime et Célia
I. 4. Quelle différenciation ?
II. Pratique du langage cartographique
II. 1. Cartographier la naissance du judaïsme
II. 1. A. Elsa et Marius
II. 1. B. Eglantine et Mathéo
II. 1. C. Maxime et Célia
II. 2. Schématiser la Rome impériale
II. 2. A. Elsa et Youenn
II. 2. B. Maxime et Célia
III. Du langage cartographique à la rédaction
III. 1. Raconter la Guerre des Gaules : Elsa et Marius
III. 2. Décrire la Rome impériale : Eglantine et Mathéo
Conclusion
Bibliographie
Annexes
1 Travail individuel de Marius et d’Elsa sur la naissance du judaïsme
2 Dialogue entre Elsa et Marius lors de l’activité sur la naissance du judaïsme
3 Carte finale de Marius et Elsa sur la naissance du judaïsme
4 Activité individuelle de Mathéo sur la naissance du judaïsme
5 Dialogue entre Eglantine et Mathéo lors de l’activité sur la naissance du judaïsme
6 Carte finale de Mathéo sur la naissance du judaïsme
7 Travail individuel de Maxime sur la naissance du judaïsme
8 Dialogue entre Célia et Maxime lors de l’activité sur la naissance du judaïsme
9 Carte finale de Célia sur la naissance du judaïsme
10 Dialogue entre Elsa et Youenn lors de l’activité sur la réalisation du schéma de la Rome impériale
11 Schéma final d’Elsa sur la Rome impériale
12 Page 116 du manuel Hachette 2016 de Sixième, dessin de Rome au IIème siècle ap. J.-C
13 Dialogue entre Maxime et Célia lors de l’activité de schématisation de la Rome impériale
14 Schéma final de Célia sur la Rome impériale
15 Activité sur la Guerre des Gaules de Marius
16 Dialogue entre Elsa et Marius sur le récit historique de la Guerre des Gaules
17 Schéma corrigé d’Eglantine sur la Rome impériale
18 Dialogue entre Eglantine et Mathéo sur la description de la Rome impériale à partir du schéma
19 Texte final de Mathéo et Eglantine sur la Rome impériale
20 Entretien entre le professeur et les élèves ayant participé au tutorat
Engagement de non-plagiat