La définition du genre

La définition du genre

Le genre se définit par « la construction sociale et culturelle de la différence des sexes » (Rousseil, 2007 : 74). Selon la psychologie sociale, les préjugés, les stéréotypes de genre et les rôles prescrits constituent la source de la construction sociale de l’inégalité des sexes et des caractéristiques psychologiques et sociales selon le genre. C’est pourquoi, « les différences entre les hommes et les femmes sont donc le produit de la société, de la culture, d’habitus et de stéréotypes » (Rousseil, 2007 : 74). Bereni évoque le genre en tant que système générant « une bipartition hiérarchisée entre hommes et femmes et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin) » (Bereni dans Fourcade & Fourel (dir.), 2014 : 9). La construction socioculturelle de la différence des sexes attribue donc au féminin et au masculin des stéréotypes, des valeurs, des comportements et des rôles spécifiques. C’est pourquoi, le genre questionne l’organisation sociale patriarcale « hétéro-normée », c’est-à-dire basée sur une norme hétérosexuelle (Fourcade & Fourel (dir.), 2014 : 9).

Celle-ci condamne toute « déviance de genre » (« hommes efféminés », « femmes masculines », « personnes trans’ » etc.) (Fourcade & Fourel (dir.), 2014 : 9). En 1949, Simone de Beauvoir affirmait « on ne nait pas femme, on le devient », soulignant ainsi que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas le résultat d’un « déterminisme biologique » mais d’une « construction socioculturelle » (Fourcade & Fourel (dir.), 2014 : 9). Contrairement au sexe biologique femelle ou mâle, le féminin et le masculin constituent le produit de ce lien socioculturel et composent un système (Fourcade & Fourel (dir.), 2014). Selon Ventelou, l’intérêt de cette théorie est de distinguer le sexe biologique, et la construction sociale et culturelle qui s’y réfère. En effet, elle permet de concevoir l’existence des inégalités non comme un invariant de la nature, mais comme une construction sociale. Le genre est, d’une part, un élément caractéristique des rapports sociaux édifié sur les différences discernées entre les sexes ; d’autre part, il constitue la première manière de refléter des rapports de pouvoir (Ventelou, 2007). Les études sur le genre ont favorisé la visibilité des réalités ainsi que le dévoilement des inégalités entre les femmes et les hommes (Fourcade & Fourel (dir.), 2014).

La socialisation masculine

J’ai étudié la manière dont se construit l’identité masculine au travers de la socialisation vécue par les individus masculins. Selon Lebaron, la socialisation est « l’intériorisation par les individus de dispositions (à agir, sentir, penser) d’origine culturelle (ou encore renvoyant à ce que l’on appelle parfois « l’environnement social ») et non biologique. […] À travers la socialisation, ce sont les corps et les rapports au corps qui sont en partie construits par les interactions et les expériences sociales.» (Lebaron, 2009 : 113) Selon Welzer-Lang, le masculin est construit autour d’un double socle. D’une part, l’idée d’une « pseudo nature supérieure des hommes, qui renvoie à la domination masculine, au sexisme et à des frontières rigides et infranchissables entre les genres masculin et féminin. » (Welzer-Lang, 2007 : 43) D’autre part, la « vision hétérosexuée du monde » considère que seuls les rapports sexuels entre hommes et femmes constituent une sexualité « normale » et « naturelle ». Cette vision renforce « la pseudo nature complémentaire du masculin et du féminin.

Les autres sexualités – homosexualités, bisexualités, sexualités transsexuelles … – sont, elles, au mieux, définies voire admises, comme « différentes ». » (Welzer-Lang, 2007 : 43) En s’appuyant sur Molinier, Welzer-Lang met en évidence le double sens de la virilité : d’une part, les caractéristiques sociales assignées aux hommes et au masculin telles que « la force, le courage, la capacité à se battre », ainsi que la légitimité au recours à la violence et aux privilèges en lien avec la domination des personnes ne pouvant être viriles (enfants, femmes) ; d’autre part, « la forme érectile et pénétrante de la sexualité masculine » (Welzer-Lang, 2007 : 43).

Selon Welzer-Lang, la virilité est initiée et exigée aux garçons par le clan des hommes durant leur socialisation dans le but qu’ils se différencient hiérarchiquement des femmes. Il évoque le fait que « la virilité est l’expression collective et individualisée de la domination masculine» (Welzer-Lang, 2007 : 43) et soutient que « l’apprentissage de la masculinité ou de la virilité se fait dans la douleur » pour les adolescents (Welzer-Lang, 2007 : 44). Le Breton affirme que la « tyrannie du regard des autres » a un impact important sur les garçons (Le Breton, 2005 : 599). En effet, dans le but d’être à la hauteur, les garçons tentent de relever de nombreux défis mettant parfois en péril leur existence ou leur avenir. Fuir face une difficulté est inconcevable pour l’estime de soi et sa position au sein du groupe. Les pairs provoquent « un effet de renchérissement des conduites » du fait que le risque est signe de virilité chez les adolescents et qu’ils craignent la sanction d’un manque de courage (Le Breton, 2005 : 600). C’est pourquoi, « le risque pour l’identité est plus redoutable à assumer que le risque pour la santé ou la vie» (Le Breton, 2005 : 600). Selon Welzer-Lang, le masculin ainsi que les rapports entre hommes sont construits à partir de la perception hiérarchisée des rapports entre hommes et femmes.

C’est pourquoi, les garçons ayant de la difficulté à s’affirmer en tant que tels seront menacés d’être exclus et considérés comme les dominés, donc comme des femmes (Welzer-Lang, 2007). Selon lui, il existe deux conséquences directes de cette socialisation masculine. D’une part, la violence des garçons envers les filles puis, plus tard, envers les femmes est initiée en premier lieu au sein des rapports entre les hommes. D’autre part, les rapports entre hommes et femmes ne pourront être égalitaires tant que virilité et masculinité seront en contradictions hiérarchiques par rapport au féminin (Welzer-Lang, 2007). Ayral et Raibaud expliquent que l’animation socioculturelle a tendance à accompagner les garçons au sein de domaines favorisant l’expression de la masculinité : sports virils, jeux de guerre. Il est possible que cette prise en charge spécifique aux garçons, contraire à « l’approche égalitaire des sexes », contribue à une « surconstruction de la masculinité » (Ayral & Raibaud, 2009 : 43). « Le virilisme, le sexisme et l’homophobie qui en découlent ne serait pas les conséquences d’une condition masculine naturelle mais des construits sociaux, encouragés implicitement par la communauté éducative afin de fabriquer des « vrais garçons » » (Ayral & Raibaud, 2009 : 43).

En s’appuyant sur Bourdieu, Ayral et Raibaud affirment que les garçons traversent une longue socialisation afin de se démarquer des femmes caractérisée par des jeux virils ainsi que le culte de la virilité traduit par le désir de dominer les autres hommes et puis les femmes. Les hommes doivent sans cesse faire face à une tension qui les contraint à affirmer leur virilité en permanence. Cette virilité est perçue comme une « capacité reproductive, sexuelle et sociale », mais également comme une compétence au combat et à la violence (Ayral & Raibaud, 2009 : 46). Elle doit être confirmée par les autres hommes, sans quoi ils ne pourront se considérer comme de vrais hommes (Ayral & Raibaud, 2009). 12 S’inspirant de Goffman, Ayral et Raibaud travaillent sur les attitudes d’opposition des garçons telles que « le fait de perturber l’ordre, le défi, l’insolence, la violence sexiste et/ou homophobe » comme une manière pour eux de confirmer leur identité masculine et s’éloigner des filles (Ayral & Raibaud, 2009 : 46). Ils poursuivent leur réflexion en envisageant l’influence d’une « injonction sociale » imposant à ces garçons de devenir des hommes puissants et virils (Ayral & Raibaud, 2009 : 46).

Selon Ayral & Raibaud, la « naturalisation des rôles sociaux de sexe », d’une part, harmonise les comportements de l’ensemble des garçons d’un côté et de l’ensemble des filles de l’autre ; d’autre part, elle constitue le fondement d’une « police du genre » qui guette toute éventualité de déviation de la norme (Ayral & Raibaud, 2009 : 51). Collet affirme que cette socialisation masculine se traduit également au sein des interactions verbales en classe. En effet, « la prise de parole en classe prend la forme d’une compétition. » (Collet, 2015 : 6) Les filles ont moins accès à la parole au sein de la classe et ne révèlent donc pas leurs compétences. Pour certains garçons, l’objectif est d’être celui qui possède la parole et non de donner la réponse correcte. Des études ont été entreprises sur les différentes interventions que les garçons et les filles peuvent vivre lors des interactions verbales au sein de la classe.

Ces recherches révèlent que les enseignants questionnent et discutent plus fréquemment avec les garçons et consacrent davantage de temps pour les aider. En s’appuyant sur Mosconi, Collet émet l’hypothèse que les garçons sont plus souvent questionnés du fait qu’ils éprouvent davantage de difficultés { s’adapter aux exigences de l’école. Les enseignants tentent donc de les accompagner dans la conciliation de leurs aspirations en lien avec leur identité sexuée et les exigences de l’école. Selon Collet, l’attitude de ces professionnels a un effet contraire. De manière inconsciente, les garçons sont encouragés à développer leur identité masculine et donc contester les exigences scolaires et le pouvoir de l’enseignant (Collet, 2015).

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Table des matières

1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1. Le genre
2.1.1. La définition du genre
2.2. L’identité masculine à l’adolescence
2.2.1. Le concept de l’identité
2.2.2. Le concept de l’adolescence
2.2.3. La construction identitaire à l’adolescence
2.2.4. La socialisation masculine
2.3. L’orientation professionnelle chez les adolescents
2.3.1. Une orientation sexuée
2.3.2. Les rapports sociaux de sexe au sein de l’orientation
2.3.3. La socialisation et le choix de formation
2.3.4. L’influence des livres pour enfants
2.3.5. Les aspirations professionnelles des jeunes en Suisse
2.4. L’identité masculine et le travail social
2.4.1. Deux modèles sexués au sein du travail social
2.4.2. Une profession contraire aux stéréotypes de sexe
2.5. L’histoire de la division sexuée du travail social et sa féminisation actuelle
2.5.1. La division sexuée du travail social
2.5.2. Un métier traditionnellement féminin
2.5.3. La féminisation actuelle du travail social
2.5.4. Les enjeux de la mixité
3. Méthodologie et travail de terrain
3.1. Les questionnaires
3.1.1. Élaboration de mon intervention
3.1.2. Construction du questionnaire
3.1.3. Interventions dans les classes
3.2. Les entretiens
3.2.1. Élaboration de mon intervention
3.2.2. Construction des entretiens
3.2.3. Déroulement des entretiens
3.3 Prise en compte des aspects éthiques de la recherche
4. Résultats et analyse
4.1. Les questionnaires
4.1.1. Échantillon des répondants
4.1.2. Des aspirations professionnelles sexuées
4.1.3. Des qualités également sexuées
4.1.4. Des activités pour les garçons et d’autres pour les filles
4.1.5. Totalement non-mixte ou totalement mixte
4.1.6. Les métiers du social, pas pour les hommes !
4.1.7. Les métiers du social, je connais pas !
4.2. Les entretiens
4.2.1. Échantillons des répondants
4.2.2. Des caractéristiques féminines et masculines bien ancrées
4.2.3. Des activités sportives indifférenciées
4.2.4. Une socialisation masculine qui dérange un peu
4.2.5. Les métiers du social, des inconnus
4.2.6. Une orientation professionnelle marquée par l’empreinte du genre
4.2.7. Des représentations du travail social à la fois naïves et savantes
4.2.8. Le travail social étiqueté féminin
4.2.9. Féminin, mais pas que
4.2.10. Des pistes pour changer les choses
5. Conclusion
6. Pistes d’action
7. Bilan des apprentissages personnels et professionnels
8. Bibliographie et cyberographie
9. Annexes
Annexe n°1 : Questionnaire transmis dans les classes
Annexe n°2 : Questions-clés pour l’entretien individuel

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