L’isolement social et la solitude représentent un enjeu important de santé publique. Dans nos sociétés modernes, le paradoxe de l’hyper-connectivité a également engendré une augmentation des situations d’isolement social. En 2018, l’OMS en a fait un de ses axes majeurs pour la prochaine décennie . La Direction Générale de la cohésion sociale a ainsi lancé, en 2021, un programme de lutte contre l’isolement social des personnes âgées pour remettre la question au cœur des sujets de Santé Publique. L’isolement social accroit le risque de mortalité de 25% selon certaines études . Il a été montré, sur des populations de babouins sauvages, que les femelles socialement bien connectées sont moins harcelées par d’autres singes, ont des niveaux plus faibles d’hormones de stress, cicatrisent plus rapidement les blessures, produisent plus de descendants et vivent plus longtemps . La solitude affaiblit le système immunitaire et réduit la résistance aux maladies et aux infections. La persistance de la solitude à long terme pourrait augmenter le risque d’apparition de cancer, le risque de maladie d’Alzheimer et de dépression . Elle entraîne de mauvaises habitudes de sommeil, avec des conséquences psychologiques et physiologiques négatives.
Dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19, la société a été confrontée à une expérience humaine inédite dans la période après-guerre : le confinement. Ce dernier, imposant volontairement un arrêt des interactions sociales, a engendré un isolement social nécessaire d’un point de vue épidémique mais probablement délétère, sur le plan du bienêtre mental et donc de la santé . Selon la définition de l’OMS, la bonne santé « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité́ », mais est également « un état de complet bien être physique, mental et social » . Dans ce contexte inédit, la place de l’animal de compagnie a pu être remise au cœur des interactions sociales des individus en situation de confinement et d’isolement social.
Depuis longtemps aux côtés de l’être humain dans sa vie quotidienne, la place de l’animal a fondamentalement changé dans nos sociétés modernes. D’un statut de nécessité vitale à travers la chasse, l’élevage, la protection, l’élimination des nuisibles, le statut des animaux domestiques est passé à celui d’animaux de compagnie. Ce terme a toute son importance car il est représentatif de la place de ces animaux dans les foyers modernes. De nombreuses études ont ainsi démontré les effets bénéfiques de la compagnie d’un animal à plusieurs points de vue. Sa présence aide au développement de l’enfant et de ses interactions sociales, favorise la responsabilisation, développe le sentiment d’empathie et permet même de diminuer la prévalence des allergies. Au niveau somatique, l’activité physique favorisée par l’accompagnement d’un animal aide à lutter contre les effets néfastes de la sédentarité : lutte contre les facteurs de risques cardiovasculaires, le surpoids.
La possession d’un animal de compagnie aurait des bienfaits sur la bonne santé des maîtres selon de nombreuses études. La Société Française de Cardiologie s’est d’ailleurs associée avec la Société Protectrice des Animaux en 2019 dans le cadre de la campagne #OhMyDog et #Bienfait Animal, par le biais d’un film promouvant les bienfaits d’un animal de compagnie sur l’activité physique. D’après la Société Française de Cardiologie, vivre avec un chien représenterait un cercle vertueux avec une réduction de 36% des risques de mortalité cardio vasculaire, du fait d’un exercice physique quotidien . De plus, la solitude, l’isolement social des personnes plus âgées représentent également des facteurs de risques cardiovasculaires.
Des études ont montré que les propriétaires d’animaux (principalement de chiens) bénéficiaient de moins de consultations médicales que ceux qui n’en possédaient pas . L’animal est parfois un membre à part entière d’un foyer familial, et joue donc un rôle social important. Une récente loi a d’ailleurs changé le statut de ces animaux, avant considérés comme des objets, les rapprochant du statut de personne morale .
L’objectif de cette étude était de de déterminer l’impact d’un animal de compagnie sur le bien-être mental des patients de 18 à 74 ans sur les différentes périodes de confinement auprèsd’une population de médecine de ville.
La définition de la bonne santé
Selon la définition de l’OMS, la bonne santé « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité́ », mais est également « un état de complet bien-être physique, mental et social ». La santé mentale entre pleinement dans le cadre de cette définition. L’OMS a lancé un programme appelé « Special Initiative for Mental Health » sur la période 2019-2023. La santémentale a fait l’objet de recommandations dans le Lancet, sous l’égide de l’OMS .
Le bien être mental
L’Organisation mondiale de la santé considère que le bien-être mental fait partie intégrante de la santé. Un état positif de bien-être mental permet aux individus de se sentir valorisés, de faire face aux différentes problématiques, de travailler de manière effective et de prendre part à la société. La santé mentale est déterminée par des facteurs socio-environnementaux (pauvreté, faibles revenus, précarité, logement…), et liée au comportement . Le bien-être mental est une notion subjective et difficile à évaluer : plusieurs échelles ont été créées afin de l’évaluer. L’échelle PANAS décrit les aspects affectifs et émotionnels du bienêtre, se compose de deux dimensions : l’affect positif (PANAS-PA) et l’affect négatif (PANASNA). L’échelle de satisfaction de la vie (SWLS), composée de cinq items,vise à mesurer les facettes cognitives et évaluatives du bien-être. L’échelle du bien-être psychologique (SPWB), mesure l’autonomie, l’acceptation de soi, la maîtrise de l’environnement, le but de la vie, la croissance personnelle et les relations positives avec les autres. La Short Depression-Happiness Scale (SDHS) à cinq items, développée pour être utilisée dans des contextes thérapeutiques, évalue le bien-être comme un continuum entre les deux états de dépression et de bonheur .
L’indice de bien-être de l’OMS (OMS-5), composé de cinq items formulés positivement, vise à mesurer le bien-être général et couvre des aspects de la santé physique et mentale. L’échelle Warwick Edimbourgh Mental Well-Being Scale ou WEMWBS a été développée en 2007 au Royaume-Uni et est une échelle reconnue et maintenant traduite et validée dans de nombreuses langues . Sa validation a été réalisée en français en 2016 et publiée dans Psychiatry Research .
Solitude et Isolement Social
De nos jours, la solitude est considérée comme un problème de société majeur . Ces deux notions ne sont pas synonymes. L’importance du réseau social est un élément prédictif de l’isolement social (21). Il est objectivement mesuré par la fréquence des rencontres et le nombre de personnes côtoyées. Une personne isolée entretient des relations sociales superficielles et n’appartient à aucun groupe . On peut désigner l’isolement social comme «la condition des individus qui n’ont que peu ou pas de contacts avec autrui et qui, par conséquent, se sentent seuls ». A contrario, la solitude est une notion subjective, que l’on assimile à tort avec le fait d’être seul. Elle peut être définie par un sentiment désagréable voire douloureux et ce même si la personne possède un réseau social fourni. On parle alors de manque de soutien affectif. Vandenbroucke et al. décrivent la solitude comme un ressenti individuel, dépendant de la personnalité de chacun. Ils divisent la solitude en deux sous-parties, la solitude émotionnelle et la solitude sociale. On parle de solitude émotionnelle dans le cadre d’absence de relations intimes durables. La solitude sociale, plus proche de l’isolement représente les personnes qui ont un réseau social plus limité de façon quantitative. Cependant la solitude peut également être assimilée à une expérience positive quand elle est choisie et de courte durée. A l’interrogatoire, la solitude est plus difficile à mesurer que l’isolement social du fait de la subjectivité, d’où l’utilisation d’échelles qui interrogent de façon indirecte. Dans un rapport australien de 2010, Sansoni et al. ont proposé un aperçu et une évaluation des différentes échelles de solitudes existantes. On peut ainsi en retenir deux, qui présentent chacune leurs propres points forts et limites. L’échelle de Jong et Gierveld est la plus utilisée en Europe et dans le cadre des recherches internationales. L’échelle UCLA (Russel et al., 1978) est un instrument d’évaluation des sentiments subjectifs de solitude et d’isolement social.
Santé mentale et animal
L’animal représente un facteur favorisant notamment la relation, le lien affectif de qualité et l’exercice physique. Le chien notamment présente un haut potentiel d’aide dans de nombreuses situations, en apportant entre autres de l’affection. Il a été montré que l’animal pouvait avoir un rôle central pour la santé mentale de l’Homme et protéger contre la solitude et la dépression . Plusieurs études ont examiné la relation entre la possession d’un animal de compagnie et l’humeur des personnes vivant seules . Chez les femmes vivant seules, avoir un animal de compagnie était associé à un meilleur moral et à une diminution de la solitude . Une étude a révélé que les chats atténuaient les humeurs négatives aussi bien qu’un partenaire humain, mais que seul un partenaire humain renforçait les humeurs positives . Une étude observationnelle a conclu que les chats semblaient aider à diminuer la dépression chez les adultes célibataires . A contrario, d’autres études ont montré une tendance plus importante à la dépression dans les populations possédant un animal de compagnie ou chez les adultes masculins célibataires . Un animal de compagnie peut donc compenser un manque affectif, aider à lutter contre la solitude mais ils peuvent être indirectement liés à un terrain psychologique fragile, dépendant, expliquant selon certaines études la prévalence plus importante de la dépression chez les possesseurs d’animaux de compagnie.
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Table des matières
Introduction
I. La définition de la bonne santé
II. Le bien être mental
III. Solitude et Isolement Social
IV. Santé mentale et animal
V. Histoire de la zoothérapie
Objectifs
Matériels et méthodes
Population d’étude
Caractéristiques démographiques et cliniques
Caractéristiques sur la possession d’un animal de compagnie
Mesures de santé mentale et de solitude
Informations et consentement écrits
Objectifs principal et secondaires
Statistiques
Résultats
Population
Evaluation du bien-être mental et de la solitude
Activité physique
Analyse des facteurs de risques de solitude
Analyse des facteurs prédictifs de bien-être mental
Questions aux possesseurs d’un animal de compagnie
Discussion
Conclusion
Références