LA DECOUVERTE DE LA CONJURATION DE CATILINA DE CATON, LES CATILINAIRES DE CICERON

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ร‰VOLUTION DE LA POPULATION ET TRANSFORMATIONS SOCIALES

Dรจs le IIIe siรจcle av. J.-C., Rome sโ€™engage dans une sรฉrie de guerres. Dรฉjร  en 270, elle avait รฉtendu sa domination sur toute lโ€™Italie, son ambition pour la Sicile conduisit la Rรฉpublique ร  affronter Carthage. Les deux premiรจres guerres puniques qui se dรฉroulรจrent respectivement de 264 ร  241 et de 218 ร  202 permirent ร  Rome de gagner lโ€™Espagne. La puissance de Rome va se confirmer en 146 av. J.-C. matรฉrialisรฉe par la destruction de Carthage. Cependant, cette gloire ne sera pas sans consรฉquence car les rรฉvoltes sociales furent dโ€™une gravitรฉ extrรชme. En effet, la Rรฉpublique connait un grand dรฉsordre dans la mesure oรน lโ€™extension de lโ€™empire ramenait sur le marchรฉ un trรจs grand nombre dโ€™esclaves. La main dโ€™ล“uvre fut abondante, la population servile se chiffrait ร  3 millions dans le courant du Ier siรจcle.20
Cette arrivรฉe massive dโ€™esclaves accroit la population romaine de faรงon considรฉrable. En effet, la main dโ€™ล“uvre salariale รฉtait dรฉsormais concurrencรฉe par la masse servile issue des conquรชtes ; ce qui va accentuer le chรดmage en ville. En campagne toutes les familles furent obligรฉes de se rรฉfugier dans lโ€™Urbs oรน elles ne trouvent ni travail, ni logement, ce qui provoqua un tohu-bohu dans la sociรฉtรฉ. Les contestations fusent de partout, le systรจme en place qui ne profite quโ€™ร  une portion de la sociรฉtรฉ รฉtait menacรฉ de conspiration par la majoritรฉ en colรจre. La population de Rome ne cessait de sโ€™accroitre, la citรฉ rassemblait ร  cotรฉ de ses citoyens, des Italiques, des Grecs, des affranchis de tous les horizons souvent trรจs pauvres. Ainsi, cโ€™est le dรฉbut dโ€™un bouillonnement du climat social caractรฉrisรฉ par des tensions de toute nature entre riches et pauvres. Cโ€™รฉtaient les grandes familles notamment celles de la Nobilitas qui profitaient des biens de la Rรฉpublique sous prรฉtexte quโ€™elles jouissaient dโ€™une bonne descendance et que leurs ancรชtres รฉtaient les propriรฉtaires de la citรฉ.
Les antagonismes sociaux ne contribuaient pas ร  la dรฉcrispation de la situation politique au contraire. Et cโ€™est dans cette optique que la cohรฉsion de la Nobilitas porteuse dโ€™harmonie se disloque en deux factions rivales : lโ€™une sensible aux aspirations de la masse, lโ€™autre au contraire รฉtait inspirรฉe par la crainte, le mรฉpris et lโ€™รฉgoรฏsme. Les premiers รฉtaient les populares ยซ partisans du peuple ยป, les autres portaient le nom de optimates ยซ ceux qui pensent bien ยป21. Les populares furent trรจs sensibles aux revendications du peuple et cela sans doute parce que la plupart dโ€™entre eux sont issus de familles plรฉbรฉiennes qui jadis avaient subi les mรชmes injustices. Le traumatisme que subissait le corps populaire รฉtait ร  lโ€™origine dโ€™une tentative de rรฉformes agraires en -133, qui consistait ร  soulager le sort des citoyens dรฉpossรฉdรฉs et dรฉmunis ร  cause de la forte classification de la sociรฉtรฉ romaine. Les injustices rรฉsidaient au fait que lโ€™Ager publicus รฉtait dans sa grande majoritรฉ allouรฉ ร  lโ€™oligarchie dirigeante.
Ces temps romains sont dโ€™une trรจs grande importance dโ€™รฉtude en ce sens que la Rรฉpublique รฉtait paradoxalement favorable au partage inรฉgalitaire des biens de la citรฉ. Les succรจs militaires nโ€™avaient pas participรฉ ร  la protection de Rome, encore moins ร  la prรฉvention de certains รฉcarts de conduite รฉmanant de niveaux insoupรงonnรฉs. Ce qui est la source des guerres civiles ร  Rome dont lโ€™une des plus cรฉlรจbres รฉclatait en 135 av. J.-C. Il y avait aussi un autre motif de tension sociale qui avait eu lieu entre 73 et 71 av. J.-C., cโ€™est la frustration des esclaves qui va plonger Rome dans une cinglante rรฉvolte servile dirigรฉe par Thrace Sparthacus.
Ces conflits internes fragilisent lโ€™ร‰tat au moment oรน les hommes influents du moment exerรงaient leur hรฉgรฉmonie sur les autres citoyens. Les institutions rรฉpublicaines de moins en moins solides ne purent rien faire pour empรชcher le chaos. Lโ€™accroissement de la population รฉtait la rรฉsultante du contact avec lโ€™extรฉrieur. Les conquรชtes furent dโ€™un grand apport pour le prestige des gรฉnรฉraux, mais la dรฉcouverte du luxe nโ€™aura pas prรฉdit de bons lendemains aux Romains. Les nouvelles habitudes quโ€™รฉpousaient les Romains venaient renverser les mล“urs et aussi certaines valeurs. Et pour lโ€™attester, voici ce que Plutarque avait dit : ยซ la Rรฉpublique รฉtait dรจs lors trop grande pour conserver sa puretรฉ, lโ€™empire quโ€™elle exerรงait sur tant dโ€™affaires et tant de peuple y avait introduit un grand mรฉlange de coutumes et de faรงons de vivre de tout genre ยป.22
Les risques que courait la Rรฉpublique sont multiples, ร  cรดtรฉ il yโ€™avait des difficultรฉs dโ€™administration qui faisaient surface. Vu lโ€™immensitรฉ de lโ€™espace romain, lโ€™ร‰tat รฉtait obligรฉ dโ€™รฉriger ses nombreuses colonies en provinces, chaque province exige ร  la fois une administration et une mise en valeur. Alors, une nouvelle donne sโ€™impose puisque les institutions rรฉpublicaines รฉtaient autrefois prรฉvues pour assurer le gouvernement dโ€™un petit ร‰tat. Cette mรฉtamorphose oblige le corps รฉtatique ร  rรฉorganiser ses colonies, il fallait donc beaucoup plus dโ€™administrateurs qui ne seront pas choisis sur des bases fragiles, mais par voie dโ€™รฉlection. Et ici, il faut noter que la crรฉation de ces nouvelles provinces aura des rรฉpercussions dans la trajectoire politique. Lโ€™รฉtendue du territoire augmente le nombre de candidats aux magistratures. ร€ partir de ce moment, Rome scrutait une crise politique en perspective qui prenait forme sur la base de la rudesse et de la brutalitรฉ de certains personnages influents.
La tรขche de gouverneur de province est confiรฉe ร  dโ€™anciens magistrats sortis de charge. Ainsi chaque candidat veut obtenir un commandement ce qui explique le foisonnement dโ€™assassinats politiques. Et cโ€™est sans doute, la raison pour laquelle Salluste soutient que cโ€™est lorsque Rome se trouvait au comble de sa gloire en dominant mรชme Carthage quโ€™ ยซ On vit croitre la passion de lโ€™argent, puis celle de la domination ; et cโ€™รฉtait la cause de tout ce que se fit de mal ยป23. Dans cette course aux magistratures, on rencontre aussi bien des patriciens que des riches plรฉbรฉiens.
Ce spectacle dรฉsolant qui caricature profondรฉment lโ€™image de la Rรฉpublique fera rรฉagir Cicรฉron en ces termes ยซ absolument lamentable sont la rivalitรฉ et lโ€™ambition pour les honneurs ยป24.Par ailleurs, les troubles politiques impliquant assassinats et conspirations contre lโ€™ร‰tat peuvent รชtre analysรฉs sous lโ€™angle รฉconomique. En effet, les terres nouvellement conquises renferment dโ€™รฉnormes richesses en or et aussi en argent. Tous les peuples soumis par lโ€™armรฉe romaine รฉtaient contraints de payer un impรดt ร  lโ€™ร‰tat. Ces bรฉnรฉfices รฉtaient exclusivement gรฉrรฉs par les dirigeants de la citรฉ et la majoritรฉ qui en รฉtait exclue nโ€™hรฉsitera pas ร  sโ€™offrir aux plus riches, ou ร  se laisser ameuter par dโ€™autres hommes qui prรฉparaient un coup de force contre le rรฉgime en place.
Le commentaire que Salluste fera ร  ce sujet est celui-lร  : ยซ les deux partis tirรจrent chacun de leur cรดtรฉ ; et la Rรฉpublique entre eux victime de leurs dรฉchirements ยป25 et Cicรฉron de renchรฉrir : ยซ Pour moi, plus la fortune de la Rรฉpublique devient de jour en jour meilleure et plus florissante, plus notre puissance sโ€™accroit (et dรฉjร  nous avons pรฉnรฉtrรฉ dans la Grรจce et dans lโ€™Asie, ces provinces remplies de toutes les Voluptรฉs, et mรชme nous portons la main sur les trรฉsors des rois), plus je redoute quโ€™au lieu de prendre ces richesses, nous nโ€™ayons pas รฉtรฉ pris par ellesยป.26
Dรฉjร  au VIe siรจcle, lโ€™influence grecque avait envahi lโ€™Italie et Rome ; elle y amรจne de riches parures de temple. Les demeures deviennent trรจs somptueuses par leur dรฉcoration luxueuse, chose que les romains ignoraient jusque-lร . Les objets dโ€™art sont admirรฉs. Du coup, les gens commenรงaient ร  prendre davantage goรปt au luxe et aux lettres grecques. Chacun voulait avoir accรจs au luxe et cela ร  tout prix, mรชme si cela impliquait la soumission et lโ€™obรฉissance aux hommes qui pouvaient le garantir.
Ces avertissements amรจnent certains Romains ร  vouloir apporter des changements. Ainsi, le IIรจme siรจcle avant notre รจre est marquรฉ par des tentatives de reformes et de rรฉvolution afin de rรฉtablir le niveau social des prolรฉtaires. Des propositions de lois agraires sont faites au Sรฉnat. Ces lois proposรฉes ne rรฉpondant pas aux intรฉrรชts des nobles, le Sรฉnat va dรฉcrรฉter le senatus consulte, disposition consistant ร  donner aux sรฉnateurs le pouvoir dโ€™assassiner tout citoyen suspectรฉ de dรฉstabiliser la Rรฉpublique. Ainsi, aux temps des Gracques nous assistons aux premiers assassinats politiques. Aussi toutes les vellรฉitรฉs rรฉvolutionnaires sont coupรฉes court par les aristocrates romains.

TENTATIVE DE REFORMES ET ASSASSINATS POLITIQUES

La rรฉpartition des terres obtenues lors des conquรชtes a causรฉ ร  Rome une crise
profonde au IIรจme siรจcle avant J.-C. Les essais de solution ร  cette crise avaient occasionnรฉ des troubles qui vont provoquer la chute de la Rรฉpublique. Le pรดle conservateur des optimates nโ€™entendait faire aucune concession des privilรจges รฉconomiques et politiques. Les aristocrates siรฉgeant au Sรฉnat sโ€™รฉtaient accaparรฉ dโ€™immenses pouvoirs au point de ne pas prendre en compte les revendications de la majoritรฉ populaire demandant ร  รชtre rรฉtablit dans leurs droits de disposer des terres. En clair, le pรดle radical des rรฉvolutionnaires voulait le partage รฉquitable des biens de la citรฉ.
Face ร  cette situation, de fervents rรฉformateurs, ร  lโ€™image de Scipion Emilien, vont essayer dโ€™apporter des innovations pour remรฉdier ร  la crise รฉconomique et sociale. Descendant du cercle des Scipions, cet homme acquis aux idรฉes populaires exerรงa le consulat ร  Rome en 149 av. J.-C. coรฏncidant avec le tribunat de Calpurnius Piso de la mรชme annรฉe.27 Scipion Emilien รฉtait prรฉoccupรฉ par la crise dans laquelle la plรจbe romaine รฉtait condamnรฉe ร  vivre.
Les rรฉformes instituรฉes par Scipion Emilien consistaient aussi ร  remรฉdier aux abus des gouverneurs de provinces et mieux contrรดler leur gestion. Selon lui, la survie de lโ€™empire que Rome รฉtait en train de constituer devrait passer par une impunitรฉ totale ร  lโ€™รฉgard des gouvernants. Dโ€™autres rรฉformes vont aussi voir le jour ร  partir du tribunat des Gracques, mais il faut dire que ce sont des motions plus orientรฉes vers le volet social. En effet, Tibรฉrius Gracchus, tribun de la plรจbe en 133 av. J.-C. (voir infra), sโ€™รฉtait plutรดt insurgรฉ contre lโ€™accaparement des grands domaines par lโ€™aristocratie romaine.
Les rรฉformes de Tibรฉrius constituent lโ€™รฉlรฉment dรฉclencheur des premiers assassinats ร  Rome. Sachant que tous les concepteurs de tels projets de lois ont subi la cruautรฉ du Sรฉnat, les rรฉformes proposรฉes nโ€™avaient pas totalement rรฉpondu aux attentes du peuple. Alors, la voie rรฉvolutionnaire รฉtait aussitรดt tracรฉe par Gaius Gracchus, tribun de la plรจbe en 126 avant J.-C. Dโ€™abord, les rรฉformes constitutionnelles de Gaius sont considรฉrรฉes comme une grave atteinte ร  la stabilitรฉ de la Rรฉpublique, il est vite assassinรฉ par les nobles sรฉnateurs en 121 avant J.-C.

LES IDร‰ES Rร‰FORMISTES DE SCIPION EMILIEN

ร€ lโ€™instar de Cicรฉron, Scipion Emilien peut aussi รชtre perรงu comme un dรฉfenseur de la moralitรฉ pendant que lโ€™Etat romain ne rencontrait quโ€™abus et dรฉcadence. Il fut lโ€™homme sage capable dโ€™y apporter des remรจdes. Ses idรฉes rรฉformistes ont commencรฉ ร  jaillir ร  partir de 142 av. J.-C., elles consistaient ร  confier les jurys aux sรฉnateurs, qui devenaient ainsi les juges des membres de leur ordre puisque les gouverneurs et anciens magistrats appartenaient au Sรฉnat. Cโ€™est lors du tribunat des Gracques quโ€™il trouve la mort, aprรจs avoir exprimรฉ son opposition ร  la rรฉvolution gracquienne. Scipion Emilien faisait partie du cercle des Scipions favorable au maintien de la constitution, sa mort รฉtait revendiquรฉe par le parti populaire.
Exerรงant les fonctions de consul en 149 av. J.-C., il รฉtait le seul qui avait les convictions chevillรฉes au corps apte ร  porter des rรฉformes politiques et sociales avant Tibรฉrius. Dans sa jeunesse, Scipion Emilien avait รฉvitรฉ les sentiers battus des dรฉbutants politiques, ne se montrant ni dans les antichambres des sรฉnateurs considรฉrables, ni dans les prรฉtoires ou retentissaient les dรฉclamations des prรฉtendus redresseurs de torts.
Alors nous pouvons nous permettre de parler de parallรฉlisme de forme entre Cicรฉron et Scipion Emilien, aucun dโ€™eux nโ€™รฉtait du cรดtรฉ des populares ni favorable ร  celui des optimates au contraire ce qui les intรฉressait cโ€™est le maintien de lโ€™oligarchie sรฉnatoriale par-delร  la prรฉservation de lโ€™autoritรฉ รฉtatique sans laquelle la rรฉpublique se dirige tout droit vers sa chute. Douรฉ dโ€™une raison droite et ferme, il savait sรฉparer le bon grain de lโ€™ivraie, dรฉtruisant, empรชchant les abus, il amรฉliora notamment la justice. Il faut rappeler que son influence et son appui ne manquรจrent point ร  lโ€™endroit de Lucius Cassius, citoyen aussi actif et animรฉ des sentiments austรจres de lโ€™antique honneur. Malgrรฉ la violente rรฉsistance des optimates, il fit passer la loi qui introduisait le vote secret dans les tribunaux populaires, demeurรฉ encore le plus important organe de la juridiction criminelle.
Mรชme รฉtant adolescent, Scipion Emilien nโ€™avait pas voulu se produire dans les accusations publiques. Adulte, il traduisit devant les tribunaux de grands coupables appartenant ร  lโ€™aristocratie. Alors censeur en 142 Scipion Emilien balaya impitoyablement lโ€™รฉlรฉgante cohue des dรฉbauchรฉs : il a des mots trรจs sรฉvรจres ร  lโ€™endroit du peuple, il lโ€™exhorte ร  la fidรฉlitรฉ et aux mล“urs intรจgres des temps anciens.
Le seul dessein de Scipion Emilien รฉtait de guรฉrir le malaise social et prรฉvenir le rรฉgime en place du danger qui le guettait. Gaius Laelius consul en 140, son plus vieil ami, son maรฎtre et son confident politique eut un jour lโ€™idรฉe dโ€™une motion impliquant le retrait de toutes les terres domaniales de lโ€™Italie non aliรฉnรฉes par lโ€™Etat mais dรฉtenues par les occupants.28Dans un contexte trรจs sensible de la vie socio-รฉconomique des Romains caractรฉrisรฉ par le vent de changement constitutionnel provoquรฉ par les tribuns des Gracques, Scipion Emilien marchait droit ร  lโ€™abus avec sa bravoure royale pour assurer le salut de la patrie. Il en concluait ร  raison ou ร  tort que le remรจde รฉtait pire que le mal. Il se plaรงa donc avec son petit cercle dโ€™amis, entre les aristocrates qui ne lui pardonnรจrent jamais lโ€™appui quโ€™il apportait ร  la loi Cassia.
Au terme de cette analyse, il nโ€™รฉtait pas facile pour un homme qui se faisait passer un moraliste dโ€™รชtre exempt de certains reproches, et pour lโ€™attester, les dรฉmocrates favorables au renversement du Sรฉnat tenaient Scipion pour un modรฉrรฉ quโ€™ils ne voulaient pas suivre, en dรฉpit de tout ce que lโ€™homme incarnait comme principe de valeurs. Isolรฉ pendant sa vie, aprรจs sa mort vantรฉ par les deux partis, il est le champion et dรฉfenseur des conservateurs, parallรจlement le prรฉcurseur des rรฉformes. Scipion Emilien agissait en faveur du peuple donc tantรดt opposรฉ au bloc compact des optimates.
Au demeurant, les censeurs ร  Rome, en se dรฉmettant de leur charge avaient tendance ร  demander aux dieux lโ€™accroissement de la puissance et de la grandeur de la citรฉ, Scipion Emilien quant ร  lui, au sortir de la censure leur demanda de veiller au salut de la Rรฉpublique.
Les vล“ux rรฉformistes de Scipion Emilien sont prolongรฉs par Tibรฉrius Gracchus qui avait lโ€™audace de dรฉposer une motion de rรฉforme au Sรฉnat. Ce projet autrement appelรฉ (les lois Sempronia) avait comme fondement la rรฉduction des privilรจges des sรฉnateurs, et la distribution du blรฉ ร  bas prixโ€ฆ..
Pour rรฉussir son projet, Tibรฉrius voulait la suppression de la loi Licinia-sextia qui profitait plus ร  lโ€™aristocratie. En dรฉpit de sa pondรฉration, Tibรฉrius Gracchus รฉtait victime du senatus consulte, une disposition unanimement acceptรฉe par les sรฉnateurs consistant ร  rรฉprimer toutes vellรฉitรฉs rรฉvolutionnaires aux temps des Gracques.29

LES Rร‰FORMES DE TIBร‰RIUS GRACCHUS

Tibรฉrius Sempronius Gracchus 163-133 voulut รชtre le sauveur de Rome. Edile, lโ€™homme a toujours obรฉi ร  son humeur chevaleresque mรชme quand il sโ€™agissait dโ€™intervenir dans le triste procรจs dirigรฉ contre les Scipions, rรฉfรฉrence au meurtre de Scipion Emilien dont certains leaders Gracques avaient รฉtรฉ accusรฉs. Tibรฉrius Gracchus a une รฉtiquette exceptionnelle en ce sens quโ€™il provient de la caste des Gracques. En dehors des trajectoires politiques plus ou moins similaires notamment dans la dรฉfense de la justice, Scipion Emilien est le cousin de Tibรฉrius Gracchus et son beau-frรจre. ร€ dix-huit ans il servit sous ses ordres dans la guerre oรน รฉtait dรฉtruite Carthage en 146.
Tibรฉrius vivait dans un milieu oรน dominait la pensรฉe singuliรจre aux classes rurales, la restauration de celles-ci, et enfin la mise en garde dโ€™une รฉventuelle et prรฉvisible destitution de lโ€™Etat. Tibรฉrius รฉtait un adepte juvรฉnile des doctrines rรฉformatrices, dโ€™ailleurs cโ€™est pour cette raison quโ€™il occupe une place de premier plan dans ce travail. En effet, il voulait en poursuivre ร  outrance la rรฉalisation mais il faut dire que maintes rรฉformes avaient vu lโ€™opposition farouche dโ€™Appius Claudius consul en 149 av. J.-C. et censeur en 136 av. J.-C. Il รฉtait aussi lโ€™un des plus considรฉrรฉ au Sรฉnat dans son langage passionnรฉ et puissant apanage ordinaire des Claudiens.30
Tout porte ร  croire que le Sรฉnat dont le dernier rempart furent les Claudiens montraient leur volontรฉ de conserver leur hรฉgรฉmonie sur lโ€™รฉchiquier socio-รฉconomique. Il faut noter par ailleurs que Tibรฉrius Gracchus vivait trรจs proche des hommes illustres ร  lโ€™image de Quintus Metellus, le vainqueur de la Macรฉdoine et de lโ€™Achaie, moins estimรฉ pour ses faits de guerre, tenu pour le modรจle des mล“urs et de la discipline ancienne.
ร€ ce lot des hommes illustres il faut ajouter Publius Mucius Scoevola alors grand pontife respectรฉ de tous, peuple et Sรฉnat avaient parlรฉ dans le mรชme sens. Tibรฉrius et les autres officiers de lโ€™armรฉe voyaient leurs tentatives institutionnelles rejetรฉes par le Sรฉnat y compris les traitรฉs de paix. Devant une telle injure, Tibรฉrius assistait impuissant ร  la dรฉpouille de sa dignitรฉ dโ€™homme loyal, car pour rappel toutes ces initiatives lรฉgales furent tout bonnement รฉcartรฉes. Dรจs lors, il gardait une profonde rancune contre lโ€™aristocratie qui rรฉgnait en maitre ร  Rome.
Tout de mรชme, il appartenait ร  cet homme de prendre en main la cause des pauvres et pour ce faire, il accรฉda au tribunat en 133 av. J.-C. Les rรฉformes introduites par Tibรฉrius Gracchus furent la consรฉquence effrayante dโ€™une mauvaise administration et la dรฉcadence ร  la fois politique, militaire, รฉconomique et morale du peuple romain. Dans ses nouveaux habits de tribun, Gracchus avait eu besoin dโ€™une excitation nouvelle pour passer de la pensรฉe ร  lโ€™action, il lโ€™eรปt trouvรฉe dans les conjonctures prรฉsentes. En effet, ร  peine en fonction, Gracchus propose une loi dont le soubassement est le renouvellement de la loi Licinia-sextiaen 132 av. J.-C.,31 mais la nouvelle loi proposรฉe stipule que le dรฉtenteur dรฉpossรฉdรฉ avait droit ร  une compensation sur le domaine.
En outre, les terres domaniales rentrant ainsi dans la main de lโ€™Etat, on les divisait en lot de trente (30) jugรจres (7, 560 ha), on les tirait au sort, on les abandonnait aux citoyens ou aux alliรฉs italiques, non en toute propriรฉtรฉ mais ร  bail perpรฉtuel et hรฉrรฉditaire. De ce fait, il est important de retenir que le nouveau possesseur sโ€™engagera ร  les tenir en culture et ร  payer une modique rente au trรฉsor. Des triumvirs qui devaient รชtre รฉlus annuellement par le peuple dans ses comices auraient ร  trancher les questions de propriรฉtรฉ et diraient quelles terres appartenaient au domaine de lโ€™Etat, quelles autres ร  celui des particuliers. Poursuivant toujours, la nouvelle disposition prรฉconisรฉe par Gracchus, il faudra ajouter que le partage, une fois entamรฉ, devait continuer sans fin et sโ€™appliquer ainsi ร  toutes les classes besogneuses. Contrairement aux lois Liciniennes, la loi agraire Sempronia prรฉvoyait une somme annuelle que le trรฉsor fut astreint ร  verser aux triumvirs, et voici quelques รฉlรฉments qui nous prouvent que les deux lois se diffรฉrencier
– La nouvelle loi se distinguait par ses dispositions spรฉciales en faveur du possesseur hรฉrรฉditaire,
– le caractรจre inaliรฉnable quโ€™elle imprimait aux possessions nouvelles,
– et surtout la permanence des fonctionnaires rรฉpartiteurs.
ร€ cela, il faut dire que le gouvernement aristocratique croupit sous le poids des contestations populaires, cโ€™est lร  dโ€™ailleurs quโ€™il faudra fustiger la dรฉmarche trop rรฉvolutionnaire de Gracchus qui, quelque part a semblรฉ permettre aux masses de faire des empiรฉtements sur lโ€™administration. Cโ€™est dans ce sens que nous allons commenter lโ€™attitude de Marcus Octavius, autre tribun et collรจgue de Gracchus, adversaire dรฉcidรฉ du projet, le tenant pour mauvais en toute bonne foi. Ce rรฉcalcitrant de la loi agraire de Tibรฉrius Gracchus vint dรฉclarer son intercession au moment du vote, dโ€™aprรจs la constitution il รฉcartait du mรชme coup la motion. Gracchus ร  son tour suspend le cours des affaires publiques et de la justice et met les scellรฉs sur les caisses des trรฉsors.
Au bout de quelques temps, le tribun rapporta son projet devant le peuple, Octavius rรฉpรฉta son intercession. ร€ ce moment, le Sรฉnat tenta dโ€™ouvrir ร  Tibรฉrius une porte de retraite, il en voulut tirer la conclusion que le Sรฉnat ne repoussait plus le principe du partage agraire : il sโ€™รฉvertua ร  multiplier les abus, ce qui fait que toute tentative de pourparlers tourneront court, sans rรฉsultat. Gracchus avait donc รฉpuisรฉ tous les moyens lรฉgaux. En 131 av. J.-C., Tibรฉrius rรฉveillait la motion autant que le besoin de rรฉforme le demandait or la puissance de lโ€™opinion publique entrainait ร  la fin toutes formes de rรฉsistance.32
Gracchus se voyait arriver ร  la crise suprรชme, il opta ainsi pour la rรฉvolution, il dรฉclara au peuple quโ€™il fallait quโ€™Octavius ou lui sortit du collรจge des tribuns. ร€ partir de ce moment il exposait sa vie et celle de ses partisans car il tentait ร  tout prix dโ€™assouvir ses rancunes personnelles et rรฉaliser ses ambitions dirigรฉes contre lโ€™aristocratie. En effet, il prรฉparait dโ€™autres lois populaires comme le raccourcissement du service militaire, lโ€™extension du droit de provocatio, la suppression des privilรจges des sรฉnateurs de siรฉger comme jurรฉs en justice et enfin lโ€™admission des alliรฉs italiques au droit de citรฉ romaine. On ne saurait dire en vรฉritรฉ, jusquโ€™oรน seraient allรฉes ces aspirations ! Cet รฉpisode de Gracchus conรงu comme le premier complot politique contre lโ€™Etat Romain peut aussi sโ€™analyser comme un acte de torpiller la constitution pour arriver ร  ses fins. La voie rรฉvolutionnaire quโ€™avait empruntรฉe Gracchus ramait ร  contre-courant avec les institutions de la rรฉpublique.
Ce quโ€™il faudra retenir de cette partie est que le concepteur des rรฉformes gracquiennes ne voyait son salut que dans la prorogation de sa charge pour une seconde annรฉe. La rรฉforme de Tibรฉrius prรฉvoyait aussi le transfert du contrรดle des tribunaux dโ€™extorsion du Senat aux chevaliers. Les sรฉnateurs dans leur majoritรฉ ne pouvaient cautionner un tel dessaisissement de prรฉrogative. En clair, pour obtenir du peuple une telle concession anticonstitutionnelle au premier chef, il lui fallait mettre en avant rรฉformes sur rรฉformes.
En revanche, les tribuns se rรฉunirent pour les รฉlections des tribuns de lโ€™annรฉe suivante et leurs premiรจres sections votรจrent pour Tibรฉrius mais lโ€™opposition du parti contraire fut assez forte pour que les comices dussent se sรฉparer sans avoir rien fait. Alors, on fut contraint de renvoyer au lendemain la suite des opรฉrations, Gracchus mit tout en mouvement moyens permis et moyens dรฉfendus, cโ€™est lร  que le Sรฉnat proclama officiellement que Gracchus avait aspirรฉ ร  la royautรฉ. ร€ cela, il faut ajouter lโ€™action de Scipion Nasica,33 le consulaire le plus dur et le plus fougueux des aristocrates contre Gracchus dans le temple de la fidรฉlitรฉ, lieu de rassemblement public dans lequel Tibรฉrius a voulu rรฉcidiver.
Nos recherches font รฉtat dโ€™une brutalitรฉ dont serait victime Gracchus. En effet, il aurait รฉtรฉ frappรฉ ร  la tempe dโ€™un coup de bรขton par un de ces furieux. Ainsi, gisant aux pieds des Statues des sept rois de Rome ร  cรดtรฉ du temple de la fidรฉlitรฉ, il trouva la mort. Trois cent de ses partisans meurent autour de lui et comme lui assommรฉs. Le soir venu, les cadavres sont jetรฉs dans le Tibre. En vain, Gaius Gracchus avait demandรฉ quโ€™on lui rende le cadavre de son frรจre. Jamais Rome nโ€™avait traversรฉ une aussi funeste journรฉe.
Cette partie abordant le temps des rรฉformes sociales au IIรจme siรจcle avant notre รจre nous a permis dโ€™accentuer nos recherches sur deux personnages clรฉs qui sโ€™รฉtaient รฉrigรฉs en sauveur de la classe sociale brimรฉe ร  Rome. Leurs desseins ne sโ€™รฉtant pas rรฉalisรฉs du moins par la voie lรฉgale, lโ€™option rรฉvolutionnaire prit le relais pour faire passer les lois populaires conรงues pour rรฉsorber lโ€™รฉcart social entre la majoritรฉ du peuple et la classe minoritaire aristocratique.
Nous allons dโ€™abord voir dans un premier temps avec quelle hargne Gaius Gracchus le continuateur du projet populaire avait osรฉ adopter des rรฉformes constitutionnelles qui ne voient pas lโ€™adhรฉsion du Sรฉnat.
Scipion Emilien et Tibรฉrius Gracchus avaient failli ร  leur tentative dโ€™opรฉrer des changements dans lโ€™Etat Romain. Les rรฉformes nโ€™avaient pas รฉtรฉ avalisรฉes par le Sรฉnat, or le prolรฉtariat tenait toujours ร  aspirer ร  un mieux-รชtre. ร€ travers le surgissement de Gaius Gracchus, on note une rรฉelle volontรฉ de porter trรจs haut les exigences de la plรจbe. Le tribunat de Gaius est marquรฉ par des motions draconiennes proposรฉes au Sรฉnat, elles sont trรจs mal perรงues par lโ€™aristocratie. Le tribun est aussitรดt accusรฉ de tentative de destituer les valeurs de la Rรฉpublique.

GAIUS ET SES Rร‰FORMESS CONSTITUTIONNELLES

Tibรฉrius Gracchus avait trouvรฉ la mort ร  la suite des coups de ses pourfendeurs les plus extrรชmes, mais ses deux ล“uvres qui se rรฉsument entre autres ร  un partage des terres et ร  une rรฉvolution sont toujours dโ€™actualitรฉ cette fois-ci sous la version Gaius Gracchus. Il faut dire dโ€™emblรฉe quโ€™en face des classes rurales expirantes, le Sรฉnat nโ€™avait pas reculรฉ devant le meurtre, le crime commis, il nโ€™osa pas en profiter pour abolir la loi agraire Sempronia. Au contraire, on peut mรชme avancer quโ€™aprรจs lโ€™explosion de fureur du parti rรฉactionnaire cette loi sโ€™est trouvรฉe confirmer. Il faut dire quelque part quโ€™il y avait des traits de similitude entre Tibรฉrius et son frรจre Gaius. Le premier avait รฉtรฉ au-devant du peuple sa rรฉforme unique ร  la main. Mais le second se prรฉsentait avec une sรฉrie de projets divers, formant en rรฉalitรฉ toute une constitution nouvelle.
Derriรจre ce dessein purement politique, Gaius voulait se venger de ce ยซ misรฉrable gouvernement ยป, comme lui-mรชme il dit, se venger ร  tout prix. Ce tribun de la plรจbe de 126av. J.-C. se sentait vouรฉ au mรชme destin que son frรจre. Alors, aussi paradoxale que cela puisse paraรฎtre, il ne fit que se hรขter davantage comme un homme mortellement blessรฉ qui se prรฉcipite sur lโ€™ennemi. Et sur le fond, il avait en bandouliรจre la rรฉรฉligibilitรฉ des tribuns ร  leur sortie de charge. Les chefs populaires pouvaient dรฉsormais dans cet รฉlan de rรฉvolution conquรฉrir une situation nouvelle qui pourtant nโ€™est pas รฉphรฉmรจre mais il fallait au prรฉalable sโ€™assurer le pouvoir matรฉriel, sans doute un critรจre de crรฉdibilitรฉ.
Pour dominer ses vis ร  vis, Gaius ne sโ€™รฉtait pas limitรฉ ร  faire des retouches constitutionnelles. En effet, il fรฎt supprimer lโ€™ordre de votation encore suivi dans les centuries. Autrefois, nous savons que les cinq classes ayant la fortune y votaient selon leur rang et lโ€™une aprรจs lโ€™autre chacune dans sa circonscription. Par consรฉquent, dans la nouvelle trajectoire prรฉconisรฉe par Gaius, les centuries voteraient en sโ€™appuyant sur les prolรฉtaires urbains. Les souteneurs de la loi avaient comme objectif principal de mettre la capitale et avec elle tout lโ€™empire sous lโ€™emprise de la faction populaire.34
Si cette tentative arrivait ร  se rรฉaliser, Gaius et ses partisans auraient un ascendant absolu sur les comices. On assisterait alors ร  lโ€™affaiblissement des aristocrates romains au profit de la majoritรฉ populaire. Lโ€™esprit et la lettre de cette loi furent dirigรฉs contre le Sรฉnat et les magistrats, cโ€™est ici quโ€™il faudra percevoir Gaius comme le vรฉritable continuateur du projet de conspiration contre lโ€™aristocratie jadis muri par son dรฉfunt frรจre.35Il faut retenir quโ€™ร  ce coup de force portรฉ contre les institutions en 126 av. J.-C. sโ€™ajoutait une ardeur dont faisait preuve le lรฉgislateur Gaius. Ses vellรฉitรฉs rรฉvolutionnaires senties du cรดtรฉ des populares et de leurs chefs respectifs permettaient quelque part ร  cette faction de faire apparaitre son mal vivre.
Mais, sous un autre angle, les institutions en ont vรฉritablement souffert, ce qui par ailleurs fragilise le socle sur lequel sโ€™appuyait le rรฉgime. Et pour lโ€™attester, faisons un clin dโ€™ล“il aux lois agraires de Gaius qui nous dit-on allaient bien au-delร  des dispositions lรฉgislatives de la Sempronia.36 En effet, en voulant uniquement sauver le principe, les partages agraires repris pour la forme marchaient dans les plus minces proportions. La situation sociale fut dโ€™autant plus intenable que des bruits de bottes sโ€™apprรชtaient ร  affecter lโ€™รฉchiquier politique car en tout รฉtat de cause, au temps de Gaius la question รฉpineuse de lโ€™extension du droit de citรฉ a failli รชtre remise au goรปt du jour. Nรฉanmoins, des changements notables furent constatรฉs notamment le principe รฉquitable de la distribution de grains. Il faut rappeler que souvent dรฉjร  les blรฉs de la dime provinciale avaient รฉtรฉ donnรฉs au peuple ร  vil prix. Gracchus dรฉcida quโ€™ร  lโ€™avenir tout citoyen rรฉsidant ร  Rome et qui se ferait inscrire aurait droit ร  une prestation mensuelle. ร€ cette fin, une chose sโ€™imposait cโ€™รฉtait lโ€™agrandissement des greniers de la ville. Les distributions faisant abstraction de tous ceux qui vivaient hors de Rome, elles รฉtaient un appรขt pour eux et les attiraient en masse. Par la suite, les prolรฉtaires qui autrefois passaient tous dans la clientรจle des animateurs du parti rรฉformiste revรชtiront dโ€™un orgueil de taille. En effet, ce nouveau rรฉamรฉnagement de la sociรฉtรฉ les permettait de fournir une garde du corps aux nouveaux maรฎtres de la citรฉ.
En outre, les prolรฉtaires assuraient une invincible majoritรฉ aux dirigeants populaires dans les comices. La dรฉmocratie รฉtant le moins mauvais des systรจmes politiques รฉtait au sommet de sa vitalitรฉ ร  Rome ร  telle enseigne que le peuple sโ€™exprimait, proposait des lois, contrebalanรงait parfois les dรฉcisions rendues par le Sรฉnat, mais par le biais de la dรฉmocratie le peuple se trompait รฉgalement. Pour รฉtayer nos propos, il suffit juste de voir ร  quel point le pouvoir de la rue parvenait ร  porter des hommes influents au pinacle pour dit-on instaurer la justice sociale mais en vรฉritรฉ cโ€™รฉtait une sorte de complot politique contre la classe aristocratique dรฉpositaire de lโ€™essentiel des pouvoirs sous la rรฉpublique ร  Rome.
Donc les populares furent capables des contorsions politiques les plus imprรฉvisibles empรชchant ainsi le bon fonctionnement des faisceaux sรฉnatoriaux. Il y avait eu deux pouvoirs dans lโ€™Etat : le Sรฉnat qui incarne le pouvoir de gouverner et dโ€™administrer, et le peuple qui dรฉtient le pouvoir de lรฉgifรฉrer. Tous ces รฉvรฉnements confus ร  tout point de vue concouraient davantage ร  faire lโ€™apologie de lโ€™inรฉvitable catastrophe. La motion de Gaius ne faisant pas lโ€™unanimitรฉ est ร  la base de tous les tiraillements entre les deux factions disons tiraillement entre le Sรฉnat et le contre-pouvoir. Le jour du vote, Gaius se montra au Capitole, oรน lโ€™assemblรฉe du peuple รฉtait convoquรฉe รฉcartant toute idรฉe de violence pour ne pas donner ร  ses adversaires le prรฉtexte quโ€™ils cherchaient.
Il faut rappeler quโ€™un grand nombre de ses amis se rappelant les circonstances de la mort de Tibรฉrius viennent en armes sur les lieux. Il fallait sโ€™attendre ร  quelque voie de fait, le consul L. Opimius tout ร  coup tenant dans ses mains les entrailles sacrรฉes ordonne aux ยซ mauvais citoyens ยป dโ€™รฉvacuer le temple. Il semble vouloir mettre la main sur Gaius : un des fanatiques de ce dernier tire son รฉpรฉe et abat le consul. Un tumulte affreux sโ€™รฉlรจve, en vain Gracchus sโ€™efforce de se faire entendre, en vain il repousse toute responsabilitรฉ dans le meurtre sacrilรจge de son frรจre. Cโ€™est dans le brouhaha que Gaius coupait la parole ร  un tribun sans sโ€™en rendre compte or la (loi Icilia) prรฉvoyait des peines trรจs sรฉvรจres contre lโ€™auteur de tel acte.
Cโ€™est ร  partir de lร  que L. Opimius prendra des mesures coercitives. Il fallait vaille que vaille tuer dans lโ€™ล“uf une rรฉvolte qui nโ€™avait dโ€™autres intentions que le renversement de la constitution rรฉpublicaine. Cโ€™est ainsi que les aristocrates qualifiaient les รฉvรฉnements de la journรฉe. Dans la nuit, M. Flaccus37 de son cรดtรฉ avait voulu organiser la guerre des rues mais Gaius รฉtait demeurรฉ inactif et dรฉdaignait ainsi ร  lutter contre la destinรฉe. Ce tribun des Gracques refusait le triste sort des citoyens militant aux cรดtรฉ du peuple. Les dรฉmocrates montรจrent ร  lโ€™Aventin38 signe de la dรฉtermination ร  combattre lโ€™ennemi aristocrate. Ces troubles politiques incitรจrent Flaccus ร  rรฉpondre au camp adverse de faรงon indรฉlicate obligeant son frรจre Quintus ร  porter des paroles dโ€™accommodement ร  lโ€™encontre du Sรฉnat, une fois arrivรฉ dans le temple de Diane dans lequel il sโ€™รฉtait retranchรฉ.
Pour rappel, Quintus revint annonรงant que les aristocrates exigeaient la soumission et apportant ร  Gracchus et ร  Flaccus une assignation ร  comparaitre devant le Sรฉnat. Gracchus voulait obรฉir, Flaccus lโ€™en empรชcha, revenant ร  la charge auprรจs du Sรฉnat et sollicitant encore une possible compromission. Ces tentatives de marchander politiquement avec le Sรฉnat furent vaines et tournรจrent ร  la dรฉrive. Seul le camp des populares sโ€™en trouve lรฉser par une sรฉrie de poursuites contre Gracchus et aussi contre Flaccus. ร€ cela, il faut ajouter que lโ€™aventure politique des rรฉvolutionnaires fut cernรฉe lors de lโ€™arrestation de leur porteur de parole et du signal donnรฉ par le Sรฉnat pour attaquer lโ€™Aventin.
Ce lieu considรฉrรฉ comme le symbole de la rรฉvolution fut la cible dโ€™attaque meurtriรจre, quelque deux cent cinquante manifestants furent massacrรฉs. Flaccus fuyant avec son fils ainรฉ, sโ€™รฉtait cachรฉ. Bientรดt dรฉcouvert dans sa retraite, il est aussitรดt neutralisรฉ. Quant ร  Gracchus, dรจs le dรฉbut de la lutte, il sโ€™รฉtait retirรฉ dans le temple de Minerve. Il allait se percer de son รฉpรฉe quand son ami Publius Lentulus se jeta dans ses bras le suppliant de se conserver pour de meilleurs jours. Gracchus, assistรฉ dโ€™Euporus son esclave, avait pu grรขce ร  lui gagner la rive droite du fleuve. Ainsi, puisquโ€™il fallait leur passer sur le corps, les conservateurs fomentรจrent les assassinats de Flaccus et de Gracchus en 122 et 121 av. J.-C. On trouva leurs deux cadavres dans le bois sacrรฉ de Furrina. Les tรชtes des deux chefs de la Rรฉvolution furent apportรฉes au consul comme il a รฉtรฉ convenu. Celui qui remettait la tรชte de Gracchus, Lucius Septumuleius รฉtait un homme de condition : il reรงut et au-delร  la rรฉcompense promise. Leurs cadavres furent jetรฉs dans le fleuve, leurs maisons livrรฉes ร  la foule qui les pilla. Ensuite, vint le temps du procรจs contre les nombreux partisans de Gaius poursuis pour atteinte ร  la suretรฉ de lโ€™Etat. Le Sรฉnat tenait autant au conservatisme de la constitution rรฉpublicaine quโ€™il aurait procรฉdรฉ ร  la pendaison en prison de trois mille complices de Gaius.
Ne faudrait-on pas assimiler la rรฉvolution des Gracques ร  une tentative de complot politique contre le rรฉgime rรฉpublicain en ce sens que Gaius avait imaginรฉ une toute autre constitution qui va en porte-ร -faux avec les intรฉrรชts de certains nobles citoyens ?
La dรฉchรฉance du landerneau politique se poursuivait progressivement, les vagues rรฉvolutionnaires fusent de partout. En dรฉpit de la rรฉpression des frรจres Gracques, un autre jeune soldat ayant cรฉlรฉbrรฉ son triomphe avait le dessein trop risquรฉ de se mettre dans la voie frayรฉe par Gaius Gracchus. Marius39 puisque cโ€™est de lui quโ€™il sโ€™agit, se rรฉsolut ร  tenter la conquรชte du pouvoir suprรชme, et pour ce faire, il se jetait dans les bras du parti populaire et faisait ainsi forcรฉment alliance avec les meneurs du moment.
Dans le chapitre suivant, nous allons poursuivre lโ€™รฉlan de rรฉvolution dans lequel sโ€™รฉtaient inscrits certains leaders de la faction dรฉmocratique. Ainsi, Marius apparait ici comme le redresseur du camp des populares. Il devait ร  la fois rรฉveiller le parti populaire de sa longue lรฉthargie et aussi lui permettre de remonter sur la scรจne. Avait-il accompli ce devoir qui lui รฉtait dรฉvolu ?Il est aussi question dans ce dernier chapitre de parler de la dictature de Sylla, toutes les modifications institutionnelles qui sโ€™en suivent, et les consรฉquences ร  la fois politiques, militaires et sociales des pratiques occultes du dictateur.

LES PRร‰MICES DE LA RUINE INSTITUTIONNELLE

Cโ€™est ร  partir du moment oรน le commandement de la guerre contre Mithridate VI Eupator, roi du Pont, a รฉtรฉ confiรฉe ร  Marius au dรฉtriment de Sylla, que ce dernier trama un coup dโ€™Etat en marchant sur Rome avec ses troupes en 83 av. J.-C. Ainsi, Sylla portait un sacrรฉ coup aux institutions de Rome. Cโ€™est lโ€™avรจnement des gรฉnรฉraux, avides de prestiges, qui vont militer pour leurs propres intรฉrรชts, sachant que lโ€™espoir de voir les rรฉformes rรฉussir nโ€™รฉtait plus permis. Alors, lโ€™รฉchec des Gracques combinรฉ aux multiples rรฉformes faites par Sylla contribuent ร  anรฉantir davantage la plรจbe.40
Les institutions ne faisaient lโ€™objet dโ€™aucun respect. En effet, certains gรฉnรฉraux sont investis de faรงon illรฉgale et illรฉgitime, de maniรจre ร  provoquer un risque de soulรจvement du cรดtรฉ de la masse. Lโ€™รฉchec des tribuns Gracques avait poussรฉ Marius ร  plaider la cause populaire. Sa tentative de rรฉformes va trรจs vite prendre les allures dโ€™une rรฉvolution. Les ambitions de Marius รฉtaient de voir les prolรฉtaires accรฉder aux terres. Aussi nous allons parler de lโ€™effritement des institutions au dernier siรจcle de la Rรฉpublique et de ses consรฉquences que nous pouvons rรฉsumer par les abus des gรฉnรฉraux et la mise en ล“uvre illรฉgale du premier triumvirat ร  Rome.

LA TENTATIVE DE REVOLUTION DE MARIUS

Nรฉ en 157 av. J.-C. Marius travaillait รฉtroitement avec les tribuns de la plรจbe qui soutenaient les causes populaires notamment Cinna et Saturninus. Il avait beaucoup dโ€™รฉgard pour les citoyens pauvres sans terres et pour le prolรฉtariat romain. Vรฉritable homme de guerre, son armรฉe รฉtait composรฉe de cultivateurs, il leur promet des gratifications en terre comme bรฉnรฉfice personnel. Eu รฉgard ร  son passรฉ militaire, trรจs tรดt il attira sur lui les regards de Scipion, le gรฉnรฉral sรฉvรจre, par le bon entretien de son cheval et de ses armes, par sa bravoure dans les combats et par sa bonne conduite au camp. Il portait ร  son retour dโ€™honorables cicatrices et les insignes du mรฉrite militaire, dรฉsirant se faire un nom et ร  sโ€™illustrer.
Pour rappel, Marius fut ร  la dure รฉcole des guerres dโ€™Espagne et se voyait promptement propulser au grade dโ€™officier. Le jeune officier sรปt conquรฉrir la richesse et des alliances ร  lโ€™aide de spรฉculations commerciales qui rรฉussirent. Enfin, au bout de longs efforts, aprรจs de multiples insuccรจs, il arriva en 115 av. J.-C. ร  la prรฉture et chef du gouvernement de lโ€™Espagne ultรฉrieure. Cโ€™est ร  partir de ce moment que Marius trouva de larges champs de manifester ร  nouveau sa vigueur militaire.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : APERร‡U ET ANALYSE DE LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE ROMAINE AUX DEUX DERNIERS SIECLES DE LA REPUBLIQUE
CHAPITRE I: LES TRANSFORMATIONS SOCIALES ET Lโ€™EBULLITION DE LA SCENE POLITIQUE AUX IIIEME SIECLE AV. J-C
I โ€“ EVOLUTION DE LA POPULATION ET TRANSFORMATIONS SOCIALES
II- TENTATIVE DE REFORMES ET ASSASSINATS POLITIQUES
1- LES IDEES REFORMISTES DE SCIPION EMILIEN
2) LES REFORMES DE TIBERIUS GRACCHUS
3) GAIUS ET SES REFORMES CONSTITUTIONNELLES
CHAPITRE II : LES PREMICES DE LA RUINE INSTITUTIONNELLE
I – LA TENTATIVE DE REVOLUTION DE MARIUS
II โ€“ LA POLITIQUE DICTATORIALE DE SYLLA
1) LA SUCCESSION CONTROVERSEE DE SYLLA ET Lโ€™INVESTITURE ILLEGALE DES GENERAUX
2) LES POUVOIRS EXCEPTIONNELS DE POMPEE
III – LE TRIUMVIRAT : UNE ALLIANCE ANTICONSTITUTIONNELLE
DEUXIEME PARTIE : DE LA CONJURATION DE CATILINA A Lโ€™ASSASSINAT DE JULES CESAR
CHAPITRE I : LA CONJURATION DE CATILINA
I- PORTRAIT DE CATILINA ET CORRUPTION DES Mล’URS POLITIQUES
II- LE DEROULEMENT DE LA CONJURATION DE CATILINA
III/ Lโ€™EXTENSION ET LA TERREUR DE LA CONJURATION DE CATILINA
IV/ LA DECOUVERTE DE LA CONJURATION DE CATILINA DE CATON, LES CATILINAIRES DE CICERON
I- LES OPINIONS DE CESAR ET DE CATON AU SENAT
II- LES CATILINAIRES DE CICERON
III- ECHEC DE LA CONJURATION : MORT DE CATILINA, ETUDE CRITIQUE DU PROCES DES CONJURES
1) ECHEC DE CATILINA
2) LES DEFAILLANCES Dโ€™UN PROCES INEQUITABLE : CRITIQUE DU SENATUS CONSULTE
VI- REGARD CRITIQUE SUR LE DERNIER DEFENSEUR Dโ€™UNE MORALITE : LA PERTE DE CICERON
CHAPITRE III : Lโ€™ASSASSINAT DE JULES Cร‰SAR
I- LES RAISONS DE LA CONJURATION CONTRE CESAR
II- LE COMPLOT CONTRE CESAR
III- Les CONSEQUENCES POLITIQUES DE Lโ€™ASSASSINAT DE JULES CESAR
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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