LA DECONSTRUCTION DU SUJET CHEZ NIETZSCHE ET FREUD

La ยซย dรฉconstructionย ยป du sujet : une rรฉgression vers lโ€™origine

ย  Le terme de ยซ dรฉconstruction ยป, nous le reprenons de Jacques Derrida, qui en a fait un concept philosophique, mรชme si la connotation que nous lui attribuons nโ€™est pas totalement la mรชme. En effet, lร  oรน Derrida dรฉfinit la dรฉconstruction comme une analyse des structures sรฉdimentรฉes qui forment le discours philosophique dans lequel nous pensons, nous, nous lui donnons une dรฉfinition plus proche du c oncept de ยซ destruction ยป chez Heidegger pour signifier les entreprises nietzschรฉenne et freudienne de dรฉfaire, par le biais de lโ€™interprรฉtation, la conception classique du sujet dans la pensรฉe occidentale. La dรฉconstruction est donc entendue ici dans le sens dโ€™une destruction. Toutefois, elle ne doit pas รชtre comprise comme la critique dโ€™un des thรจmes de la pensรฉe philosophique mais bien lโ€™ensemble du projet philosophique comme le dit Paul Ricล“ur. Nietzsche et Freud sโ€™attaquent ร  ce q ui fonde la totalitรฉ du dicible et du pensable : la conscience, et plus prรฉcisรฉment le rapport de la conscience ร  el le-mรชme et partant au monde. Rapport que ces deux maรฎtres du soupรงon nous ont fait dรฉcouvrir comme รฉtant la grande illusion sur laquelle sโ€™est construit notre narcissisme et quโ€™ils viennent secouer par une remise en cause radicale de tout notre systรจme de reprรฉsentation. Cโ€™est la raison pour laquelle nous avons choisi ce concept de dรฉconstruction ร  la place de celui de critique. Nous pensons quโ€™une critique ne peut montrer que les manquements ou les failles de tel ou tel aspect de quelque chose ; donc elle peut ne pas tout dรฉtruire. Mais encore, elle nโ€™entreprend pas forcรฉment de refaire ce qui a รฉtรฉ dรฉtruit. Par contre, une dรฉconstruction est dโ€™une part beaucoup plus radicale dans la mesure oรน elle dรฉtruit tout ce qui a รฉtรฉ construit et jusque dans ses fondements, mais suppose encore une reconstruction qui est sensรฉe รชtre meilleure que la construction prรฉcรฉdente. On ne dรฉconstruit que pour mieux construire. Autrement dit, pour bien construire, il faut dโ€™abord dรฉconstruire. Ce que Nietzsche affirme en disant : ยซ Pour que lโ€™on puisse bรขtir un sanctuaire, il faut quโ€™un sanctuaire soit dรฉtruit : cโ€™est la loi ยป. Dโ€™autre part, la dรฉconstruction renvoie ร  la fondation, qui signifie ici le sujet de la connaissance auquel sโ€™attaquent Nietzsche et Freud. Ces derniers dรฉtruisent tout le savoir classique que la pensรฉe occidentale a construit, ร  travers la dรฉconstruction de ce qui le fonde, c’est-ร -dire la conscience qui lโ€™รฉnonce, pour une reconstruction meilleure. Cela sous-entend alors une nouvelle รฉtude du sujet. Et pour ce f aire, Nietzsche et Freud posent dโ€™abord deux soupรงons : dโ€™une part, que le sujet est un ensemble de structures sรฉdimentรฉes et de lโ€™autre, quโ€™on ne peut vraiment lโ€™apprรฉhender dans toutes ses dimensions que par une interprรฉtation qui consistera ร  remonter jusquโ€™aux structures les plus profondes pour saisir ce qui commande son apparence, c’est-ร -dire, son comportement, la faรงon dont il apprรฉhende le monde, ses choix et ses critรจres dโ€™apprรฉciation ou dโ€™รฉvaluation. Dรจs lors, lโ€™interprรฉtation, comme la mรฉthode empruntรฉe par Nietzsche et par Freud, va sous-entendre une rรฉgression pour montrer la non-coรฏncidence entre lโ€™รชtre et le paraรฎtre du sujet, la distorsion considรฉrable de lโ€™รฉcart entre ce quโ€™il est rรฉellement et ce quโ€™il croit รชtre. Et cโ€™est dans ce sens que Ricล“ur, parlant des philosophes du soupรงon que sont Marx, Nietzsche et Freud, dit quโ€™ยซ ร  partir dโ€™eux, la comprรฉhension est une hermรฉneutique : chercher le sens, dรฉsormais, ce nโ€™est plus รฉpeler la conscience du sens, mais en dรฉchiffrer les expressions. Ce quโ€™il faudrait donc confronter, cโ€™est non seulement un triple soupรงon, mais une triple ruse. Si la conscience nโ€™est pas telle quโ€™elle croit รชtre, un nouveau rapport correspondrait ร  celui que la conscience avait instituรฉ entre lโ€™apparence et la rรฉalitรฉ de la chose. La catรฉgorie fondamentale de la conscience, pour eux trois, cโ€™est le rapport cachรฉmontrรฉ ou si lโ€™on prรฉfรจre, simulรฉ-manifestรฉ ยป. Aussi lโ€™idรฉe de soupรงon a-t-elle comme consรฉquence lโ€™intention de dรฉchiffrer ou de dรฉmasquer (retirer le masque pour rendre visible) ce rapport du ยซ montrรฉ-cachรฉ ยป comme ruse de la conscience. Soupรงonner la vรฉritรฉ dโ€™รชtre vรฉritรฉ implique forcรฉment le fait de vouloir chercher en-deรงร  dโ€™elle, dans des profondeurs ou mรชme de supposer quโ€™elle ne soit plus une et unique mais quโ€™elle soit une superposition de plusieurs vรฉritรฉs parfois contradictoires et dont chacune est vraie, prise isolรฉment ou par rapport ร  son contexte dโ€™engendrement. On assiste ainsi ร  une crise ou ร  une mise en crise du statut รฉpistรฉmologique de la Vรฉritรฉ par les philosophes du soupรงon. Et Ricล“ur ajoute que ยซ ce nโ€™est peut-รชtre pas encore ce quโ€™ils ont de plus commun ; leur parentรฉ souterraine va plus loin [โ€ฆ] [ils] commencent par le soupรงon concernant les illusions de la conscience et continuent par la ruse du dรฉchiffrage ยป. En effet, Nietzsche soupรงonne la vรฉritรฉ dโ€™รชtre vraie et entame une gรฉnรฉalogie des valeurs pour dรฉchiffrer leur origine et montrer ce quโ€™elles sont rรฉellement en elles-mรชmes. Freud, lui, soupรงonne la conscience dโ€™รชtre maรฎtre en sa propre demeure. Il analyse rรชves, symptรดmes nรฉvrotiques et actes manquรฉs pour montrer quโ€™ils ne sont en rรฉalitรฉ que la satisfaction de dรฉsirs inconscients refoulรฉs. Nietzsche interprรจte la morale, la mรฉtaphysique, la science, la religion, la philosophie comme les symptรดmes dโ€™une maladie, celle qui consiste ร  nier la vie. Et Freud interprรจte les rรชves, les actes manquรฉs, les mythes et les ล“uvres dโ€™art comme des symboles de lโ€™Inconscient, des dรฉsirs masquรฉs de celui-ci. Ainsi, lร  oรน lโ€™un cherche ร  comprendre lโ€™articulation du sens et du phรฉnomรจne, lโ€™autre veut connaรฎtre celle du dรฉsir et de son expression. Le premier part du sens unique, simple et apparent donnรฉ au phรฉnomรจne pour dรฉcouvrir sa complexitรฉ dans la succession des forces qui sโ€™en emparent. Le second part des multiples sens apparents dans toute manifestation psychique pour dรฉcouvrir leur noyau infantile dont un traumatisme inconscient est la cause. Nietzsche et Freud ont donc une mรชme intention de rรฉgresser vers lโ€™origine, lโ€™un vers celle des valeurs, la valeur de cette origine pour trouver la valeur des valeurs, lโ€™autre vers celle des manifestations psychiques normales et pathologiques pour connaรฎtre leurs causes inconscientes. En consรฉquence, ยซ ce quโ€™ils ont tentรฉ [โ€ฆ] sur des voies diffรฉrentes, cโ€™est de faire coรฏncider leur mรฉthode consciente de dรฉchiffrage avec le travail ยซย inconscientย ยป du chiffrage quโ€™ils attribuaient ร  la volontรฉ de puissance [โ€ฆ] au psychisme inconscient ยป. Cโ€™est la raison pour laquelle on peut dire que la gรฉnรฉalogie de la morale que fait Nietzsche et lโ€™interprรฉtation des rรชves opรฉrรฉe par Freud sont deux ยซ procรฉdures convergentes de dรฉmystification ยป quโ€™on peut appeler dรฉconstruction du sujet ou rรฉgression vers lโ€™origine. Mais sโ€™ils ont cette mรชme intention de dรฉmystifier ou de dรฉchiffrer, cherchent-ils vraiment la mรชme chose ? Nietzsche et Freud cherchent un passรฉ โ€“ entendu dans le sens dโ€™une origine toujours โ€“ sous un prรฉsent. Cependant, ils nโ€™ont pas la mรชme perception spatiale de ce passรฉ. Ils le conรงoivent diffรฉremment dans son rapport avec le prรฉsent. Ce prรฉsent est pour Nietzsche la Modernitรฉ et pour Freud la nรฉvrose. Pour le premier, le passรฉ survit dans le prรฉsent cโ€™est pourquoi il ยซ se sert de lโ€™origine pour exhiber le sens de la filiation pour la qualifier ou la disqualifier, pour lโ€™รฉvaluer ยป. Alors que le second le perรงoit comme ce qui sous-tend le prรฉsent. Ce qui fait quโ€™il ยซ tend ร  dรฉterrer lโ€™origine pour expliquer le prรฉsent ยป. Cโ€™est dans cette diffรฉrence dโ€™apprรฉhension de lโ€™origine que se dessine la sรฉparation mรชme des chemins de rรฉgression vers elle chez Nietzsche et chez Freud. Et cโ€™est lร  aussi que nous pourrions dire avec Paul-Laurent Assoun que si ยซ pour Nietzsche comme pour Freud il sโ€™agit de trouver lโ€™avant-prรฉhistorique [โ€ฆ] rรฉvรฉler ร  nouveau ce par quoi tout ร  commencรฉ pour lโ€™homme ยป, lโ€™un emprunte la mรฉthode gรฉnรฉalogique et lโ€™autre la fouille archรฉologique. Ce quโ€™il faut donc remarquer cโ€™est que la mรฉthode dโ€™approche de cette origine diffรจre. Sous ce dรฉnominateur commun se dessinent deux acceptions diffรฉrentes. Lโ€™origine est chez Nietzsche ce qui est รฉparpillรฉ et diffus dans le prรฉsent, affleure en lui pour sโ€™y dissoudre en effaรงant toute distance. Alors que chez Freud, lโ€™origine, mรชme si elle dรฉtermine le prรฉsent, se manifeste ร  travers elle sous une forme mรฉconnaissable, elle ne peut รชtre saisie dans son authenticitรฉ que par une remontรฉe vers les profondeurs. Cโ€™est ce que Paul-Laurent Assoun consigne dans ces propos, en comparant ces deux approches qui se confondent et se sรฉparent en mรชme temps : Nietzsche, en tant que gรฉnรฉalogiste, veut montrer que le passรฉ qui est sensรฉ รชtre ยซ rรฉvolu ยป, ne lโ€™est en aucune faรงon ยซ puisquโ€™il en atteste la prรฉsence dans le prรฉsent. [Pour lui] lโ€™exhibition du passรฉ sert ร  montrer que le prรฉsent est par nature lโ€™origine [โ€ฆ] [il] croit davantage ร  la diachronie de la filiation quโ€™ร  la dรฉpendance spatiale : sโ€™il creuse, il nโ€™approfondit pas : son art est de saisir la continuitรฉ en explorant les surfaces. [โ€ฆ] la gรฉnรฉalogie consiste ร  faire voir le passรฉ dans le prรฉsent, pour rรฉvรฉler la duperie du prรฉsent [โ€ฆ] [Donc] le gรฉnรฉalogiste se sert du passรฉ pour dรฉbouter le prรฉsent de ses prรฉtentions ou les fonder : il annule en ce sens la distance et jusquโ€™ร  la distinction ยป. Par consรฉquent chez Nietzsche ยซ cโ€™est le prรฉsent qui fait problรจme, puisquโ€™il est dupe de lui-mรชme ยป. Et cโ€™est ce qui fonde mรชme sa critique de la Modernitรฉ dans la mesure oรน celle-ci constitue ยซ le prรฉsent en tant quโ€™illusion ยป. Par contre, Freud, en tant quโ€™archรฉologue, ยซ recourt [โ€ฆ] ร  un passรฉ mort, sรฉparรฉ du prรฉsent par la distance quโ€™il cherche ร  combler [โ€ฆ]. Cโ€™est quโ€™il faut creuser sous la surface pour dรฉcouvrir la ยซย vรฉritรฉย ยป qui gรฎt dessous, recouverte par le prรฉsent, afin de lโ€™extraire. Le passรฉ en tant que tel doit รชtre rรฉvolu, pour que le prรฉsent soit visible comme dรฉbris et dรฉcombres [โ€ฆ] [Ainsi] lโ€™archรฉologie tend ร  rattacher le passรฉ ardu au prรฉsent en rรฉengendrant le prรฉsent ร  par tir du ยซย vraiย ยป passรฉ [โ€ฆ] [Donc] lโ€™archรฉologue vise le passรฉ comme tel et le rรฉgรฉnรจre comme vรฉritรฉ du prรฉsent : loin dโ€™annuler la distance, il la confirme comme lโ€™espace du c hemin, le temps du symptรดme, tout en la comblant par un rรฉajustement ยป. Ainsi, pour Freud, ยซ cโ€™est le passรฉ qui fait problรจme, puisquโ€™il sโ€™agit de le retrouver et de le reconstruire : dans lโ€™idรฉal de la cure, la restitution du passรฉ (dans la remรฉmoration) dissipe les anomalies du prรฉsent. [De ce fait] […] le prรฉsent nโ€™est que du passรฉ incomplet et mutilรฉ ยป. Au total, si lโ€™on y regarde de prรจs, ยซ il y a une duperie du prรฉsent pour Nietzsche comme pour Freud โ€“ celle de la maladie-, [mais] [โ€ฆ] pour deux raisons bien diffรฉrentes : le prรฉsent nโ€™est malade que de se croire distinct de lโ€™origine, pour Nietzsche ; le prรฉsent est malade de se confondre avec le passรฉ, chez Freud. Corrรฉlativement, le recours thรฉrapeutique ร  lโ€™authenticitรฉ de lโ€™origine chez lโ€™un et lโ€™autre est portรฉ par deux philosophies distinctes de la santรฉ : le rappel de lโ€™origine dรฉprend le prรฉsent de son mensonge propre, chez Nietzsche, tandis que le mรชme rappel, chez Freud, a pour but de rendre impossible le maintien des illusions du passรฉ, en le restaurant comme tel ยป. Le constat que lโ€™on peut faire de ce qui prรฉcรจde, cโ€™est que les sens de ces d eux dรฉmarches sont inversรฉs. Lร  oรน Nietzsche trouve lโ€™origine au dรฉbut de sa dรฉmarche, Freud nโ€™y arrive quโ€™ร  la fin. Nietzsche dรฉcรจle le passรฉ dans le prรฉsent en montrant quโ€™ils ne se distinguent pas mais se confondent. Alors que chez Freud, le passรฉ qui dรฉtermine le prรฉsent de ses patients nโ€™apparaรฎt quโ€™en remontant jusquโ€™ร  la scรจne originaire que constitue le fantasme primitif. Ainsi, il apparaรฎt que ces deux formes de rรฉgression vers lโ€™origine diffรจrent dans leur mรฉthode dโ€™approche qui est commandรฉe par la position spatiale et structurelle mรชme de leur objet : le passรฉ. Mรชme si ยซ lโ€™un et lโ€™autre cherchent lโ€™avant qui rend compte du prรฉsent qui vaut comme aprรจs, et suivent les ramifications qui conduisent vers lโ€™embouchure en remontant le courant ยป. Par consรฉquent, mรชme si nous avons parlรฉ, plus haut dans notre propos, de rรฉgression dans lโ€™un et lโ€™autre mรฉthode, il ne faut pas donner nรฉanmoins ร  ce terme la mรชme connotation dans les deux cas. Il convient plutรดt de lui assigner la signification spรฉcifique ร  laquelle elle correspond dans chaque dรฉmarche. Aussi, si toute gรฉnรฉalogie et toute archรฉologie supposent-elles lโ€™existence dโ€™une origine quโ€™il faut dรฉcouvrir, cette origine nโ€™est pas donnรฉe, au contraire cโ€™est la difficultรฉ dโ€™y accรฉder qui constitue lโ€™obstacle principal de telles entreprises. Mais si lโ€™origine est ici celle de lโ€™histoire du sujet, en quoi son accession peut-elle รชtre un obstacle ? La question qui se pose dโ€™abord est celle de lโ€™identitรฉ du sujet. Qui est le sujet ici ? Evidemment, cโ€™est lโ€™homme ! Mais qui est cet homme ? Un รชtre socialisรฉ et civilisรฉ, ร  qui on a appris ร  se comporter comme un รชtre raisonnable, diffรฉrent de lโ€™animal qui vit instinctivement. Mais vivre de faรงon raisonnable ne veut-il pas dire laisser de cรดtรฉ ou rรฉprimer tout ce qui est contraire ร  la raison, tout ce qui est pulsions et instincts ? Et si ces derniers constituent ce qui est innรฉ en lโ€™homme, les seules choses quโ€™il apporte ร  la naissance, alors que tout le reste lui est inculquรฉ par la sociรฉtรฉ, ne sont-ils pas ร  lโ€™origine de notre histoire ? Pulsions et Instincts ne sont-ils pas cette origine qui serait le principe dโ€™engendrement de lโ€™histoire de lโ€™humanitรฉ quโ€™on a appelรฉ Civilisation dans la mesure oรน ce sont des รฉlรฉments caractรฉrisรฉs par le manque et qui demandent incessamment un assouvissement ? Cโ€™est ce quโ€™on pourrait appeler le Dรฉsir. Alors ce dernier nโ€™est-il pas en dรฉfinitive ce que le gรฉnรฉalogiste et lโ€™archรฉologue chercheraient ร  connaรฎtre pour montrer que nous sommes habitรฉs par lui ? La civilisation, bien quโ€™elle soit le ยซ bien le plus prรฉcis de lโ€™homme ยป, dit-on, parce quโ€™elle symbolise la domination de la nature par celui-lร , relรจve pourtant dโ€™une rรฉpression fรฉroce des instincts et des pulsions. Et lโ€™homme en tant que crรฉateur de la civilisation nโ€™a pas conscience dโ€™un tel fait, il a fini par oublier lโ€™origine de sa crรฉation ร  force de vouloir en effacer les traces. Mais cela nโ€™a-t-il pas pour cause sa propre ignorance? A partir de ce moment, ne devient-il pas un labyrinthe pour lui-mรชme ? Le labyrinthe est, selon Angรจle Kremer-Marietti, ce qui ยซ renferme le chemin de lโ€™origine et de la vรฉritรฉ originaire, le chemin qui conduit ร  la racine derniรจre, la vรฉritรฉ radicale [โ€ฆ]. Mais le labyrinthe a รฉtรฉ construit par lโ€™homme pour cacher justement cette rรฉalitรฉ. Recouvert par le langage et la science, et la loi humaine en gรฉnรฉral qui rรจgnent sur ces rรฉalisations, le labyrinthe est en fait lโ€™envers de toutes les conventions humaines, ce sur quoi lโ€™homme ne voudrait pas revenir ยป. ยซ Ce sur quoi lโ€™homme ne voudrait pas revenir ยป, cโ€™est le Dรฉsir dans sa forme instinctuelle ou pulsionnelle. Et cโ€™est ce que Nietzsche et Freud cherchent justement ร  dรฉterrer. Ils veulent faire revenir lโ€™homme sur ses pas pour lโ€™aider ร  reprendre son dรฉsir quโ€™il prรฉtend abandonner en le reconnaissant ร  nouveau comme sien dans la mesure oรน il en est vรฉritablement insรฉparable. Et cette reconnaissance de son propre dรฉsir constitue le moyen de rรฉconcilier lโ€™homme avec lui-mรชme dans la mesure oรน on ne peut maรฎtriser une chose que si on l a reconnaรฎt. Donc, si lโ€™homme est un labyrinthe et le dรฉsir son รฉnigme, cโ€™est par un refus de lโ€™officiel et du conventionnel que Nietzsche et Freud sont arrivรฉs ร  ce rรฉsultat : ยซ lโ€™รฉnigme du labyrinthe est รฉclaircie et le labyrinthe cesse dโ€™รชtre ce quโ€™il รฉtait ยป. Lโ€™homme cesse dโ€™รชtre ce quโ€™il รฉtait en voyant plus clair en lui-mรชme, c’est-ร -dire en reconnaissant son dรฉsir. Ainsi, la mรฉthode pour dรฉcouvrir le labyrinthe de la conscience et de la civilisation nโ€™est donc autre chose que le refus de la surface que Michel Foucault appelle ยซ refus du commencement ยป. Elle cherche ร  connaitre, ce qui, sous les rรฉalisations humaines, rรฉgit lโ€™homme, le dรฉtermine malgrรฉ sa croyance ร  la primautรฉ de la raison qui lui fait entretenir une illusion de lui-mรชme et de la civilisation quโ€™il a crรฉรฉe. Et cette mรฉthode dite gรฉnรฉalogique et/ou archรฉologique a comme corollaire lโ€™interprรฉtation parce que la vรฉritรฉ nโ€™est plus une et unique mais que chaque vรฉritรฉ trouvรฉe est supplantรฉe par une autre. Cโ€™est ce qui fait de Nietzsche et de Freud, respectivement gรฉnรฉalogiste et archรฉologue, interprรจtes des contraires et de la pluralitรฉ. Rien nโ€™est univoque ou formel ร  leurs yeux. Ils considรจrent que toute vรฉritรฉ est le rรฉsultat dโ€™une interprรฉtation mais encore une interprรฉtation en elle-mรชme. Pour Nietzsche, tout signe est une interprรฉtation qui traduit le point de vue et la position dโ€™une force. Pour Freud, tout symptรดme est une interprรฉtation qui traduit la maniรจre individuelle du sujet de manifester son mal ou sa maladie. La vรฉritรฉ ne sโ€™apprรฉhende donc vraiment que dans lโ€™interprรฉtation parce que le langage qui lโ€™exprime dit toujours autre chose que ce quโ€™il dit. Cโ€™est pour cela que le sens vรฉritable de tout phรฉnomรจne nโ€™est pas ce que lโ€™acte langagier nous fait entendre, cโ€™est ce qui se trouve plutรดt dรฉcalรฉ par rapport ร  la surface. Et cโ€™est pour cette raison que Nietzsche et Freud refusent tout commencement officiel. Pour eux, signes et symptรดmes sont respectivement des masques qui se donnent lโ€™apparence de la vรฉritรฉ pour mieux la cacher. De ce fait, seule lโ€™interprรฉtation peut les dรฉmasquer pour faire apparaรฎtre la pluralitรฉ des significations quโ€™ils contiennent et dont lโ€™ensemble constitue des vรฉritรฉs. Ainsi, on peut voir quโ€™avec Nietzsche et Freud, le travail dโ€™interprรฉtation est par essence infinie dans la mesure oรน la vรฉritรฉ quโ€™elle cherche dans chaque phรฉnomรจne nโ€™est ni figรฉe ni fixe mais plutรดt multiple et plurielle. La Vรฉritรฉ nโ€™existe plus, nous avons plutรดt des vรฉritรฉs qui nโ€™ont de validitรฉ que par rapport ร  leur contexte dโ€™รฉmergence et dโ€™expression. Cโ€™est pour cette raison que le perspectivisme de Nietzsche commande sa mรฉthode gรฉnรฉalogique lร  oรน Freud considรจre la mรฉthode analytique comme une opรฉration qui ne sโ€™achรจve jamais. Cโ€™est par ce travail dโ€™interprรฉtation que Nietzsche et Freud sont donc, non seulement des hermรฉneutes, mais aussi des mรฉdecins de la culture. Ils diagnostiquent les signes, symboles et symptรดmes culturels comme un texte dont ils font lโ€™exรฉgรจse pour en dรฉployer les niveaux de sens. Et le texte en question nโ€™est pas ici un texte au sens propre, c’est-ร -dire scripturaire, il signifie plutรดt lโ€™expression du dรฉsir ร  travers les phรฉnomรจnes culturels. Nietzsche et Freud soupรงonnent ce texte dโ€™รชtre lโ€™objet de multiples ruses et falsifications du sens commandรฉ par ce quโ€™on pourrait appeler le larvatus prodeo. Lโ€™homme comme un ensemble de dรฉsirs avance masquรฉ mais inconsciemment. Les rรชves, les nรฉvroses, lโ€™art, les lapsus, les actes manquรฉs mais aussi tout ce q ui est รฉrigรฉ comme valeurs ou concepts โ€“ morale, mรฉtaphysique, Etat,ย science, etc. โ€“ sont lโ€™accomplissement de dรฉsirs sous la tutelle dโ€™un Inconscient ou dโ€™une Volontรฉ de puissance. Cโ€™est pourquoi, si Freud est le mรฉdecin qui diagnostique lโ€™รขme humaine pour voir en la civilisation ce qui cause la maladie, Nietzsche est le philosophe-mรฉdecin qui diagnostique la civilisation et trouve que les valeurs sont les formes ร  travers lesquelles apparaรฎt la maladie. De ce f ait, il ne devient pas รฉtonnant de trouver chez Freud tout ce quโ€™a รฉcrit Nietzsche, comme lโ€™a constatรฉ Georges-Arthur Goldschmidt, parce quโ€™ils ont eu la mรชme prรฉoccupation : montrer lโ€™intรฉrรชt des instincts et des pulsions dont lโ€™opposition รฉternelle avec la raison est ce qui a toujours divisรฉ lโ€™homme. Une telle prรฉoccupation aura comme consรฉquence majeure une invalidation de la civilisation moderne ou du moins sa critique dans sa prรฉtention ร  รชtre un ยซ bien absolu ยป pour lโ€™homme.

Lโ€™analyse des processus inconscients

ย  ย Avant de parler des processus inconscients, il nous faut dโ€™abord dรฉfinir le terme Inconscient. En fait, mรชme si ce concept fait penser immรฉdiatement ร  l a psychanalyse, il existait dรฉjร  bien avant elle. Cependant, cโ€™est Freud qui lui a donnรฉ un contenu dont la signification est devenue aujourdโ€™hui celle qui est connue du grand public. Freud dรฉfinit lโ€™Inconscient comme la partie la plus importante du psychisme humain et qui contient toutes les pensรฉes refoulรฉes incompatibles avec la vie consciente. Mais ces pensรฉes refoulรฉes ne disparaissent pas, elles peuvent resurgir de faรงon dรฉguisรฉe sous diffรฉrentes formes dรจs que des circonstances propices se prรฉsentent. La cause de leur manifestation est toujours la satisfaction dโ€™un dรฉsir. Elles sโ€™expriment sans cesse ร  travers des symptรดmes psychiques morbides, des actes manquรฉs et des rรชves tant quโ€™elles nโ€™accรจdent pas ร  la conscience. Cโ€™est la raison pour laquelle Freud dit que : ยซ Dans lโ€™inconscient rien ne finit, rien ne passe, rien nโ€™est oubliรฉ, Cโ€™est ce qui nous frappe le plus quand nous รฉtudions les nรฉvroses et lโ€™hystรฉrie en particulier. La voie des pensรฉes inconscientes qui mรจne ร  la crise libรฉratrice pourra se rouvrir dรจs quโ€™une quantitรฉ dโ€™excitations suffisante se sera amassรฉe. ยป Ainsi, cโ€™est lโ€™ensemble de ces mรฉcanismes et caractรฉristiques des pensรฉes inconscientes que Freud appelle processus inconscients. Cโ€™est par leur รฉtude quโ€™il est arrivรฉ ร  trouver que notre comportement est rรฉgi en grande partie par ces pensรฉes refoulรฉes. Dans ce chapitre nous avons choisi de travailler sur lโ€™un de ces processus inconscients quโ€™est le rรชve parce que dโ€™une part il constitue ยซ le premier objet dโ€™investigation ยป de la psychanalyse et le ยซ modรจle [โ€ฆ] de toutes les expressions dรฉguisรฉes, substituรฉes, fictives du dรฉsir humain ยป. Dโ€™autre part, Freud considรจre son รฉtude comme le chemin le plus efficace pour explorer les mรฉcanismes psychiques profonds. ยซ Lโ€™interprรฉtation des rรชves est, en rรฉalitรฉ, la voie royale de la connaissance de lโ€™inconscient, la base la plus sรปre de nos recherches, et cโ€™est lโ€™รฉtude des rรชves, plus quโ€™aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera ร  sa pratique. Quand on m e demande comment on peut devenir psychanalyste, je rรฉponds : par lโ€™รฉtude de ses propres rรชves. ยป Voilร  les propos que Freud consigne dans ses Cinq leรงons de psychanalyse, dans la troisiรจme confรฉrence quโ€™il prononce aux Etats Unis, en 1909 ร  la Clark University de Worcester ร  Massachusetts. Si lโ€™inconscient est le lieu des dรฉsirs refoulรฉs, le rรชve est leur moyen dโ€™expression le plus symbolique. Le rรชve, par le biais dโ€™un langage codรฉ, est par excellence le lieu de manifestation du dรฉsir, mais surtout du dรฉsir comme interdit. Cโ€™est pourquoi, il est en mรชme temps satisfaction et dรฉguisement de celui-ci. Un rรชve symbolise toujours un dรฉ sir dont il dissimule le sens sous un autre sens. De ce fait, il garde les mรชmes fonctions aussi bien chez les nรฉvrosรฉs que chez les personnes normales. Sa principale raison dโ€™รชtre est la satisfaction dโ€™un dรฉsir inconscient. Il rรฉalise la mรชme chose chez tous les hommes, c’est-ร -dire, lโ€™assouvissement dรฉtournรฉ des pulsions du ร‡a tout en respectant les exigences du Moi et du Surmoi qui instaurent la censure. Ainsi, le rรชve nโ€™existe que pour satisfaire des dรฉsirs mais cโ€™est la ruse avec laquelle il opรจre cette satisfaction qui fait que ยซ mรชme sโ€™il nโ€™avait pas primitivement dโ€™utilitรฉ, en acquit une dans le jeu de forces de la vie mentale. [โ€ฆ] Il sโ€™est chargรฉ de ramener lโ€™excitation inconsciente demeurรฉe libre sous le contrรดle du prรฉconscient ; il la dรฉtourne, lui sert de soupape de [โ€ฆ] [sรปretรฉ] et assure par lร , avec une faible dรฉpense de vigilance, le sommeil du prรฉconscient. Ainsi le rรชve est un compromis, il est au service de deux systรจmes et accomplit les deux dรฉsirs dans la mesure oรน ils sโ€™accordent. ยป72 On peut donc constater que le rรชve est la rรฉalisation fantasmatique dโ€™un dรฉsir qui se satisfait au cours du sommeil. Cette dรฉfinition sโ€™applique aussi bien aux rรชves dโ€™enfant quโ€™ร  ceux de lโ€™adulte. Mais si les rรชves des enfants sont du mรชme type que ceux des adultes, les derniers ne relรจvent pas des dรฉsirs nรฉs du jour prรฉcรฉdent comme ceux des enfants, mais remontent bien plus loin. Leur origine se trouve dans lโ€™inconscient. Cโ€™est ce que Freud affirme dans ces propos : ยซ Vous serez en outre รฉtonnรฉs de dรฉcouvrir dans lโ€™analyse des rรชves, et spรฉcialement dans celle des vรดtres, lโ€™importance inattendue que prennent les impressions des premiรจres annรฉes de lโ€™enfance. Par le rรชve, cโ€™est lโ€™enfant qui continue ร  vivre dans lโ€™homme, avec ses particularitรฉs et ses dรฉsirs, mรชme ceux qui sont devenus inutiles. ยป Mais cette dimension du rรชve nโ€™apparaรฎt pas ร  premiรจre vue ร  cause de ce que Freud appelle le ยซ travail onirique ยป qui consiste en un ensemble de mรฉcanismes produits par la censure pour empรชcher lโ€™expression directe des dรฉsirs sexuels infantiles dans le rรชve. Dans la formation du rรชve entrent donc en jeu ยซ la condensation ยป, le ยซ dรฉplacement ยป, la ยซ figuration ยป, lโ€™ยซ รฉlaboration secondaire ยป, la ยซ dramatisation ยป. Tous ces mรฉcanismes sont commandรฉs et dirigรฉs par la censure. A cause de celle-ci les dรฉsirs inconscients du rรชve sont bien masquรฉs par le scรฉnario incohรฉrent dont nous nous souvenons au rรฉveil. Cโ€™est la censure qui travaille donc ร  ce que lโ€™objet du rรชve diffรจre complรจtement de ce quโ€™il montre. Mais parmi ces mรฉcanismes, il y en a deux qui sont les plus importants et sans lesquels le rรชve ne peut se former : cโ€™est le travail de condensation et celui de dรฉplacement. La condensation est un des procรฉdรฉs oniriques ร  lโ€™ล“uvre dans la ยซ disproportion ยป entre le contenu manifeste du rรชve et son contenu latent. Le contenu manifeste est le rรชve tel que sโ€™en souvient le rรชveur. Cette partie du rรชve est trรจs souvent incohรฉrente, illogique et brรจve par rapport ร  la densitรฉ de la partie latente qui contient les pensรฉes du rรชve, c’est-ร -dire la satisfaction hallucinatoire des dรฉsirs refoulรฉs. Ces derniers constituent le rรชve dรฉpliรฉ dans toute son รฉtendue aprรจs avoir รฉtรฉ interprรฉtรฉ. On peut constater ร  quel point le contenu apparent du rรชve est un rรฉcit compressรฉ dont la dรฉcompression peut donner ร  une interprรฉtation plus ou moins infinie selon Freud. Et cโ€™est pour cette raison quโ€™il considรจre que nous ne pouvons jamais avoir la certitude dโ€™avoir dรฉchiffrรฉ toutes les significations contenues dans un rรชve. En dโ€™autres termes, le ยซ quotient de condensation ยป du rรชve nโ€™est jamais mesurable avec prรฉcision parce que dans une mรชme reprรฉsentation se concentrent toujours et en mรชme temps images et idรฉes de dรฉsirs qui nโ€™ont aucun rapport ou sont souvent contradictoires. Aprรจs le travail de condensation qui agit dans la formation du rรชve, vient celui du dรฉplacement qui le complรจte. Le processus du dรฉplacement dans le rรชve a pour fonction de ยซ dรฉcentrer ยป celui-ci. Il procรจde ร  un transfert des affects psychiques de haute intensitรฉ contenus dans un รฉlรฉment du rรชve pour lโ€™attribuer ร  un autre moins important et vice versa. Sans ce mรฉcanisme de transfert inversรฉ qui rend mรฉconnaissables les affects psychiques intenses, ces derniers ne peuvent accรฉder au contenu du rรชve sans heurt avec le Moi. Mais en retour le Moi cรจde aussi aux exigences du ร‡a dans le rรชve aprรจs ce travail de dรฉformation pour accomplir son dรฉsir de sommeil. Ainsi, par ce mรฉcanisme du dรฉplacement on comprend alors la diffรฉrence des histoires scรฉniques et des personnages entre contenu et pensรฉe du rรชve. Le dรฉplacement et la condensation sont donc les deux grands mรฉcanismes qui concourent, dans le travail onirique, ร  la formation du rรชve. ยซ Lโ€™un construit le dรฉsir qui est exprimรฉ par le rรชve, lโ€™autre le censure et par suite de cela dรฉforme lโ€™expression de ce dรฉsir.ยป74 Cโ€™est ce qui explique la surdรฉtermination des รฉlรฉments du contenu manifeste du rรชve. On peut ainsi voir combien au cours du rรชve le Moi garde une attitude dรฉfensive qui sโ€™exprime dans et par le mรฉcanisme de la censure alors que le ร‡a exerce la part crรฉatrice. Le rรดle principal de la censure est alors dโ€™assurer le sommeil du Moi en lui รฉvitant toute souffrance qui peut le rรฉveiller. Il rรฉprime toutes les reprรฉsentations inconscientes qui pourraient dรฉclencher les affects liรฉs ร  des sentiments de dรฉplaisir et dโ€™angoisse que le Moi avait dรฉjร  refoulรฉs lors de leurs premiรจres expressions. Dรจs lors, par le biais du mรฉcanisme de la censure quโ€™il a crรฉรฉ, le Moi tient ร  sโ€™รฉviter le dรฉplaisir ร  tout prix, parfois quitte ร  interrompre le sommeil. Cโ€™est ce qui se passe dans les rรชves dits dโ€™angoisse dont le caractรจre pรฉnible cause le rรฉveil brutal. Dans ces rรชves, certains dรฉsirs inconscients qui tiennent ร  sโ€™exprimer dans leurs formes primitives font subir au Moi une pression dans la mesure oรน la censure nโ€™arrive pas ร  les dรฉguiser. Ce qui pousse le Moi ร  rompre son dรฉsir de dormir pour se dรฉfendre de ces dรฉsirs qui menacent son รฉquilibre.

La transmutation : pour un meilleur type dโ€™homme

ย  ย Nietzsche prรฉconise une transmutation de toutes les valeurs, quelles quโ€™elles soient : politiques, morales, philosophiques, religieuses, scientifiques, etc. Mais ร  qui incombe une telle tรขche ? Qui est-ce qui doit se charger de renverser ces valeurs ยซ รฉternelles ยป ? Nietzsche dit que ce sont les philosophes nouveaux, les esprits libres, ยซ les hommes de lโ€™avenir qui dรจs maintenant riveront la chaรฎne et serreront le nล“ud, qui contraindront le vouloir des millรฉnaires ร  s โ€™engager dans de nouvelles voies ยป88. Ces hommes ont ยซ lโ€™obligation dโ€™assumer cette tรขche nouvelle ; renverser les valeurs, forger ร  c oups de marteau une conscience, bronzer un cล“ur et les rendre capables de porter le poids dโ€™une pareille responsabilitรฉ ยป89. Ils ont la tรขche dโ€™รฉradiquer les ยซ idรฉes modernes ยป et toute ยซ la morale europรฉenne et chrรฉtienne ยป ; toute ยซ cette dรฉgรฉnรฉrescence globale de lโ€™humanitรฉ, qui la ramรจne au niveau du parfait animal de troupeau ยป. Ainsi, le philosophe de lโ€™avenir doit non seulement nier et dรฉtruire toutes ces valeurs nรฉes de ce que Nietzsche appelle le ยซ nihilisme europรฉen ยป et qui font lโ€™histoire de la culture occidentale, mais aussi crรฉer de nouvelles valeurs qui les remplaceront pour engager lโ€™avenir de lโ€™humanitรฉ dans de nouvelles voies en la libรฉrant de toutes les fausses valeurs. Le philosophe de lโ€™avenir doit donc rompre avec un passรฉ dรฉcadent qui rapetisse lโ€™homme, le mortifie, lui fait nier et dรฉprรฉcier la vie pour lโ€™engager dans un avenir meilleur qui lui fera exprimer toute la puissance de sa volontรฉ en affirmant la vie dans toutes ses contradictions. La tรขche du philosophe de lโ€™avenir consistera donc ร  un changement de principes qui se fera par une ยซ critique de toutes les valeurs รฉtablies c’est-ร -dire des valeurs supรฉrieures ร  la vie et du principe dont elles dรฉpendent, et la crรฉation de nouvelles valeurs, valeurs de la vie qui rรฉclament un autre principe ยป. Destruction du principe dโ€™รฉvaluation qui engendre les valeurs dรฉcadentes, crรฉation dโ€™un nouveau principe dโ€™รฉvaluation ร  partir duquel vont naรฎtre les valeurs qui affirment la vie. ยซ Marteau et transmutation ยป sont alors les deux armes dont se munissent les hommes de lโ€™avenir, nouveaux philosophes et esprits libres. Le marteau dรฉtruit les valeurs traditionnelles, la transmutation en instaure de nouvelles. Le dualisme comme principe de la philosophie, de la religion, de la science et de la morale est remplacรฉ par un autre, celui de la pluralitรฉ et de la complexitรฉ. Aux dualismes entre vrai et faux dans la science, bien et mal dans la morale, monde sensible et monde intelligible dans la philosophie, ici-bas et au-delร  dans la religion, sโ€™opposent des vรฉritรฉs multiples et complexes, une rรฉalitรฉ changeante et รฉquivoque qui restent toujours soumises ร  lโ€™interprรฉtation. Nietzsche considรจre que le monde des apparences est la seule rรฉalitรฉ, il nโ€™y a ni un au-delร  ni un en-deรงร  qui serait la ยซ vraie rรฉalitรฉ ยป ou la vรฉritรฉ. Pour lui, rechercher la vรฉritรฉ ne consiste pas ร  creuser pour trouver un fond ni ร  se projeter au-delร  de la terre pour atteindre lโ€™Idรฉe. Ce qui caractรฉrise lโ€™essence de la vรฉritรฉ nietzschรฉenne, cโ€™est donc sa nature perspectiviste, elle nโ€™est jamais absolue, et nโ€™est valable et valide que dans un temps et un espace limitรฉs dans lesquels une vรฉritรฉ contraire peut aussi รชtre valable. Ce qui rรฉfute donc le principe de non-contradiction que Nietzsche voit comme une illusion logique de la Science. Vouloir alors rendre une vรฉritรฉ absolue ou la proclamer comme telle serait non seulement une illusion mais un acte de mauvaise foi. Cโ€™est ce quโ€™Angรจle Kremer-Marietti confirme, ร  lโ€™instar de Nietzsche, en disant que ยซ lโ€™erreur qui conditionne notre vie permet ce que la vie recherchera, c’est-ร -dire ce quโ€™on appelle une fois encore la vรฉritรฉ ; de mรชme, cette mauvaise foi nรฉcessaire ร  notre exigence de bonne foi, cette cรฉcitรฉ passagรจre ร  lโ€™endroit de la lรฉgitimitรฉ de la vรฉritรฉ, ร  lโ€™endroit de la justice, prouvent bien que le monde, c’est-ร -dire notre monde, nโ€™est ni radicalement vrai, ni radicalement faux non plus ยป . Henry Birault, lui, fait รฉcho en expliquant que ยซ Nietzsche veut dire la vรฉritรฉ sur la vรฉritรฉ. Or la vรฉritรฉ sur la vรฉritรฉ, cโ€™est quโ€™il nโ€™y a pas de vรฉritรฉ autre que celle que nous faisons, donc pas de vรฉritรฉ du t out. Cโ€™est pourquoi la notion de valeur remplace celle de vรฉritรฉ [โ€ฆ] Et, ร  ce moment-lร , il ne reste plus quโ€™une hiรฉrarchie de jugements de valeur [โ€ฆ] [qui] pourront รชtre mesurรฉs en fonction de celui qui les prononce, et en fonction de leur effet ยป. En dโ€™autres termes, il nโ€™existe pas de vรฉritรฉ absolue. Tout ce quโ€™on nomme vรฉritรฉ nโ€™est rien quโ€™une faรงon de voir, de juger ou dโ€™รฉvaluer. Mais il y a une volontรฉ de vรฉritรฉ qui serait presque innรฉe aux hommes qui leur fait croire en lโ€™existence dโ€™une Vรฉritรฉ une et unique. Cela sโ€™explique dโ€™une part par une volontรฉ de maรฎtriser le rรฉel et de lโ€™autre par le vล“u de se conformer aux croyances et rรจgles sociales par peur de sโ€™รฉgarer. Aussi la critique nietzschรฉenne de toute la mรฉtaphysique inhรฉrente ร  la philosophie, ร  la morale, ร  l a science et ร  la religion a-t-elle comme corollaire la critique des systรจmes politiques modernes dont les principes sont les mรชmes que ceux de la religion parce que ยซ lโ€™idรฉe de ยซย lโ€™รฉgalitรฉ des รขmes devant Dieuย ยป […] est le prototype de toutes les idรฉes dโ€™รฉgalitรฉ juridique ; on a dโ€™abord enseignรฉ ร  lโ€™humanitรฉ ร  balbutier le principe de lโ€™รฉgalitรฉ religieuse,ย on lui en a fait plus tard une morale ; quoi dโ€™รฉtonnant si lโ€™homme finit par la prendre au sรฉrieux, par la mettre en pratique โ”€ je veux dire sโ€™il rรฉalise lโ€™รฉgalitรฉ politique ยป94. Cโ€™est pour cette raison que la dรฉmocratie est lโ€™un des systรจmes politiques contre lesquels Nietzsche sโ€™insurge le plus. En effet, la dรฉmocratie, comme modรจle politique de lโ€™Europe ร  partir du XVIIIe siรจcle, est une autre maniรจre de contamination des forts par les faibles par le biais de lโ€™appareil dโ€™Etat qui prรดne lโ€™รฉgalitarisme au dรฉtriment dโ€™une culture sรฉlective sans laquelle les forts sont ravalรฉs au rang de la masse.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
PRMIERE PARTIE : Des entreprises similaires
CHAPITRE I : La ยซย dรฉconstructionย ยป du sujet : une rรฉgression vers lโ€™origine
CHAPITRE II : La rรฉรฉvaluation des valeurs
CHAPITRE III : Lโ€™analyse des processus inconscients
DEUXIEME PARTIE : Des objectifs identiques
CHAPITRE I : La transmutation : pour un meilleur type dโ€™homme
CHAPITRE II : La psychothรฉrapie : pour une meilleure connaissance de soi
CHAPITRE III : Bilan des finalitรฉs
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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