La dé-individuation économique dans la filière viticole française

Approches du consommateur post moderne et de sesémotions

Approches du consommateur post moderne 

Depuis Baudrillard (1970) nous disposons d’une cadre conceptuel qui nous place dans « La société de consommation ». Parallèlement, les thèmes de la post modernité se sont diffusés rapidement relayés par ceux de l’hyper-modernité (Lipovetsky, 1983). Dans son ouvrage « L’ère du vide », l’auteur nous signale le reflux de la conscience collective au profit de diverses formes d’individualisme. Malgré des apparences foisonnantes de bénévolat, d’engagement associatif, de valeurs éthiques, esthétiques ou écologiques plus prisées que par le passé, le consommateur hyper moderne demeurerait dans la frénésie. Ceci représente l’un des paradoxes de l’époque pour nombre de sociologues de la consommation. Pour Lipovetsky, la marchandisation du monde n’aurait jamais été aussi forte, faite de concurrence, de mobilité, d’éphémère et de comportements compulsifs. Nous sommes « dans l’excès », non pas tant pour acquérir un rang ou montrer des signes extérieurs de réussite, que pour vivre des expériences où l’émotion est très présente. L’homme de marketing, toujours en veille de nouvelles tendances, l’a bien compris et assimilé en proposant un marketing moins triomphant (marketing identitaire), et plus accompagnant (marketing relationnel) voire support de « tranches de vie » (marketing expérientiel).

Aussi aujourd’hui en est-on venu à ne plus tant considérer les « vieux segments de marché » que de nouvelles tribus de consommateurs. En effet, le segment présente au regard de la postmodernité un défaut majeur : il est figé, dans des critères, des codes, des strates. Il est signe de permanence, de constance dans un groupe (une catégorie socio professionnelle, un niveau d’éducation, de revenu …). Or la réalité contemporaine serait plus caractérisée par trois critères : un côté éphémère, une appartenance non exclusive à un groupe et enfin une réalité plus conceptuelle que réelle. Ces considérations que nous devons à Maffesoli (2006) se concrétisent dans la consommation : le caractère éphémère se manifeste dans la plus faible fidélité aux marques, aux lieux, aux styles de consommation que par le passé. Il brouille les cartes faisant passer telle consommatrice d’un achat de luxe le matin dans un quartier chic à des courses plus quotidiennes effectuées chez tel hard discounter. Par ailleurs, l’appartenance à plusieurs groupes – nommés tribus – en même temps, nous dissocie de la tribu archaïque; les objets partagés ne sont plus réels, mais plus faits de services, l’essentiel étant de provoquer les liens, plus que de l’échange de biens (Cova, 1997). Nous retrouvons donc avec Maffesoli, des formes d’individualisme dans ce nouveau collectif : esthétisation de la vie quotidienne, stimulations d’émotions, de sensations, de relations humaines seraient plus importantes que le simple échange de biens lors des expériences de consommation.

Un renversement de méthode s’en suit en marketing : si, par le passé, certaines marques ou signes de consommation servaient de repères, voire de moyens identitaires, avec les tribus de consommateurs post-modernes il s’agirait au contraire pour la marque de se faire plus modeste, voire de perdre le contrôle sur les valeurs qu’elle désire porter (luxe, écologie, rébellion, conformisme, réussite, modestie …) pour accompagner des tribus pré existantes et s’y faire accepter. Symboliquement on pourrait considérer que le flash mob remplacerait la carte de fidélité. En effet le consommateur ne désire plus tant appartenir à une marque, à un magasin, à un service récurrent que de vivre des événements éphémères, le temps d’un instant décalé et fortement chargé d’émotions (rassemblement de rue, musique, danse, happening) avec d’autres personnes inconnues jusqu’alors.

L’étude sur la représentation des émotions associées à une expérience de consommation, d’achat, de partage ou de cadeau d’un vin, s’inscrit dans cette tentative de compréhension du consommateur post-moderne : loin de vouloir étudier les mécanismes d’une optimisation économique, notre but fut en effet de mettre au jour un jeu de relations entre diverses émotions, sensations, sentiments, puis de tenter de dresser une « première carte des émotions autour du vin » selon quelques variables identitaires. Nous précisons tout d’abord de façon détaillée diverses contributions théoriques (1°) sur ce « nouveau consommateur » dans un courant plus large dont la synthèse a été récemment apportée par Cova et Cova (2009). Notre article s’intéressant aux émotions, matière éminemment subjective, nous reprenons la thèse d’Holbrook, l’un des spécialistes des émotions en situation de consommation et de leur mesure. Celui-ci parle en effet des récentes « explosions de subjectivité » souvent aux antipodes de la rationalité de l’homo-economicus .

La filière viticole faisant régulièrement l’objet de lourdes études sur la segmentation des marchés selon des méthodes quantitatives reposant sur le comportement, nous prenons ensuite quelques temps des voies alternatives afin d’observer comment vingt années de recherche recensées par Arnould et Thompson (2005) sur la « Consumer Culture Theory » (CCT) apportent un complément nouveau à la compréhension du consommateur. On sait en effet que ces auteurs militent pour une autonomisation de la CCT vis-à-vis des techniques plus quantitatives de la segmentation traditionnelle . Plus concrètement, nous analysons les apports de la « Brand Community » de Mc Alexander, Schouten et Koenig (2002), comme adaptation du marketing à la nouvelle donne post moderne. Notre but est alors de voir dans quelle mesure la construction de marque de vin peut répondre à cette tendance, et selon quelles modalités . Ce point sera repris en échos dans la troisième partie de ce document de façon moins sociologique et plus managériale. Enfin, nous commentons les conclusions de cet article afin de voir en quoi il se rapproche et s’éloigne des hypothèses sur la consommation post-moderne .

Les figures du nouveau consommateur et la place qu’y tiennent ses émotions 

Dans un article récapitulant les tendances du nouveau consommateur au cours de ces vingt dernières années, un cadre de référence théorique articulé en trois parties nous est proposé, fixant l’essentiel des avancées théoriques pour connaître le consommateur postmoderne (Cova et Cova,2009). La place qu’y tiennent ses émotions et l’importance de leur prise en considération sont particulièrement manifestes. Nous allons donc étudier en quoi la question de la représentation des émotions lors d’une situation de consommation ou d’achat d’un vin illustre ce cadre théorique.

Pour les auteurs, trois mouvements ont fixé le regard porté par les théoriciens du marketing sur le consommateur :

✧ le début des années 90, marqué par « le marketing one to one ou marketing relationnel qui propose la figure du consommateur individualiste » (McKenna, 1991).

✧ la fin des années 90 qui voit le développement du marketing expérientiel (Pine et Gilmore, 1999) et de leur dérivés sensoriels ( Hetzel, 2002) qui « affirment l’avènement du consommateur hédoniste ».

✧ le milieu des années 2000, porté par le marketing collaboratif (Pralahad et Ramasawamy, 2004) où le consommateur est considéré comme « créatif » et susceptible, notamment via le web 2.0, de participer à la création de l’offre : dans ce sens la frontière entre producteur et consommateur s’estomperait.

Au-delà de ces périodes, le recyclage des écrits sociologiques semble, selon les auteurs, la base de ces avancées marketing. Cette approche fait l’hypothèse d’une  » quête de libération et d’une montée de l’individualisme. » Reprenant les thèmes de Lipoversky (1990), Cova (2009) estime que « s’impose l’idée d’une condition post-moderne où l’individu dégagé des idéaux collectifs comme du rigorisme éducatif, familial, sexuel, opère une processus de personnalisation. » .

Un point retient davantage notre attention dans cette progression : celui de la deuxième étape marquée par le marketing expérientiel et l’avènement du consommateur hédoniste. En effet, pour le marketing expérientiel, « la gestion de l’expérience de consommation devient le moyen marketing pour promouvoir une marque en considérant que le consommateur est non seulement un être rationnel, mais aussi un être émotionnel ». Selon Schmitt (1999), le consommateur souhaite des campagnes de communication qui « étourdissent ses sens, touchent son cœur, stimulent son esprit. » .

Avec cette analyse sociologique, apparaît également la notion de construction identitaire en « intensifiant l’instant présent par un mouvement d’esthétisation de la vie quotidienne » (Gergen, 1991). Proche de ce thème se trouve le concept central de réenchantement du monde dans un contexte marketing que l’on peut résumer à une revendication sensualiste du consommateur (Firat et Venkatesh, 1995). Il s’agit ici de « faire vivre au consommateur des immersions dans des expériences de consommation plutôt que d’acheter de simples produits ou services. » (Pine et Gilmore, 1999).

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : Approches du consommateur post moderne et de ses émotions
– I- Approches du consommateur post moderne
I-1- Les figures du nouveau consommateur
I-2- Une explosion de subjectivité
I-3- La Consumer Culture Theory comme fabrique identitaire
I-4- Les prétentions de la marque à intégrer des tribus de consommateurs
I-5- Consommateur post-moderne dans le contexte de la filière viticole
– II- La place des émotions dans l’expérience de consommation
II-1- Justification du recours aux émotions pour décrire l’expérience de consommation
II-2- Les théories des émotions dans le contexte de la consommation
II-3- La mesure des émotions dans la situation de consommation
II-4- Représentation des émotions et imagination dans l’expérience de consommation
II-5- Emotion et individuation du consommateur
Partie 2 : Les mutations de la filière viticole face à l’adversité
– I- L’activité exportatrice des PME viticoles dans un contexte de crise
I-1- Apports des théories BGF : Born Global Firms
I-2- Déterminants de l’export des PME viticoles françaises
I-3- Limites des apports de la BGF et des explications financières
I-4- Actualité du débat dans le contexte de la crise
– II- La perception de la crise et les discours managériaux sur l’adaptation
II-1- Des questions structurelles face à une récession de long terme
II-2– Marketing as usual ?
II-3- Marketing face à l’adversité : des réponses dans la filière viticole
Partie 3 : Des tentatives d’adaptation des acteurs
– I : L’apport de la notion de facteur clés de succès
I-1- Avantages concurrentiels et facteurs clés de succès
I-2- La gestion de la relation marketing-vente comme facteur clé de succès
I-3- Alliances, petites et moyenne entreprises et compétitivité
I-4- La question de l’avantage concurrentiel à l’export
I-5- Illustration sur l’entreprise viticole
– II : La question du rajeunissement de l’image des produits
II-1- Les représentations du vin chez les jeunes
II-2- La sensibilité des jeunes aux activités de sponsoring par les marques d’alcool
II-3- L’efficacité des initiatives publi-promotionnelles
II-4- La question du rajeunissement de l’image de marque dans l’industrie viticole
II-5- La diversification d’usage comme manière de rajeunissement. Le cas Sofia Mini
– III : Les stratégies de marque dans la filière viticole
III-1- L’adaptation du prisme de la marque dans le monde du vin
III-2- Eléments d’une sociologie des vins de marque en France
III-3- Internationalisation de la marque, marques alternatives et marques identitaires
III-4- Les limites de l’approche par les marques
Conclusion
Bibliographie

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