La culture orale commune en maternelle

Selon Bruner « la création d’une culture commune est un but de l’école » car « la seule manière d’apprendre le langage, c’est de l’utiliser en communiquant » (1986). D’ailleurs Agnès Florin s’en est inspirée quand elle a mis en œuvre des petits groupes homogènes conversationnels permettant l’émergence d’échanges et de productions enfantines pour une amélioration progressive de la qualité de ces derniers, notamment chez les « petits parleurs ». Dans le cadre de l’étude présentée, le public visé est constitué de « petits parleurs » voire mutique au sein d’un groupe classe où ils cohabitent avec des « moyens et grands parleurs ». La problématique réside dans le fait d’observer et comprendre les différentes pratiques professionnelles qui pourront permettre d’intégrer l’ensemble des élèves dans une culture orale commune à la classe, tout en s’appuyant sur le territoire sur lequel ils évoluent. Afin d’observer ces pratiques professionnelles, des entretiens ont été effectués au sein de l’école auprès des membres de l’équipe éducative. En parallèle, des projets plus ciblés ont été mis en place sur la classe de Toutes petites et Petites sections dont j’ai la responsabilité. Les participations des familles et des élèves ont été requises afin de permettre à chaque élève, notamment les « petits parleurs », de progresser. L’objectif est aussi de les intégrer dans la dynamique globale de la culture orale commune de la classe. Tout en prenant en considération, les cultures variées présentes sur le territoire, Bruner nous rappelle aussi que les élèves d’aujourd’hui seront les adultes de demain et feront donc parti d’une communauté où le langage est primordial. Les groupes de langage homogènes mis en place sur la classe, ont été inspiré par A. Florin. Les différentes séances ont aussi été adaptées en fonction de la Zone Proximale de Développement (ZPD) présentée dans l’ouvrage de Vygotski. Dans un premier temps, le cadre de l’étude va donc, tout naturellement, présenter l’environnement économique, culturel et professionnel de la commune. Ensuite je reviendrais sur les constats observés au sein même de ma classe de TPS/PS. Ce qui m’a amené à me poser des questions et à en retirer la problématique liée à l’acquisition du langage en école maternelle. A la lumière des pratiques professionnelles de mes confrères, je présenterais les difficultés rencontrées concernant les compétences langagières des élèves et les réponses apportées par les enseignants. Dans un second temps, j’évoquerais les dispositifs mis en place afin de répondre à la problématique au sein de la classe de TPS/PS, notamment la valise commune de mots, la création de groupes homogènes de langage et l’utilisation de supports vidéo. Pour finir, je présenterais les résultats obtenus dans la classe sur la participation des familles et des élèves autour du projet de la valise, sur les groupes de langages homogènes permettant aux « petits parleurs » de s’exprimer sans la pression du groupe classe. Mais aussi, les résultats obtenus grâce à l’utilisation du support vidéo qui permet de retranscrire les progrès des élèves dans le cahier journalier et sur le travail d’anticipation nécessaire pour les « petits parleurs ».

L’état des lieux de la question

Environnement économique et culturel de la ville

L’école maternelle de 142 places (chiffres issus du site DSDEN13) se situe à Port de Bouc dans les Bouches du Rhône. La ville côtière de Port de Bouc se trouve à proximité du port autonome de Marseille qui constitue l’une des principales sources de travail pour les Port de Boucains travaillant dans le commerce et le transport. Le taux de personnes sans activités en 2013 était de 24,2%, celui-ci recule en décembre 2016 car il est de 11 à 16% (chiffre donné par région dans le journal le Monde). La population est constituée d’habitants de diverses cultures et origines, plus de 34 nationalités, une mixité culturelle datant des vagues d’immigrations à partir des années 1860/1870 (ressources journal de l’exposition « d’une rive à l’autre» espace Gagarine à Port de Bouc, 2009) :
– Français (Alsaciens, Lorrains, Provençaux)
– Turcs (Arméniens et Chypriotes)
– Belges, Portugais, Suisses, Suédois, Espagnols, Italiens, Anglo-maltais, Grecs
– Gens du voyage
– Pays du Maghreb

Selon les chiffres de l’INSEE (2013), la ville accueille 17716 habitants dont 19% ayant entre 0 et 14 ans (en jaune) soit 3370 habitants.

Environnement professionnel

655 places en école maternelle sont dédiées aux enfants de la ville. En 2013, 72% des 2 à 5 ans sont scolarisés soit 688 enfants sur les 955 potentiellement scolarisables. Une centaine d’associations accueillent les résidents sur divers ateliers dont quatre centres sociaux travaillant en collaboration avec les écoles primaires de la commune. En effet, les enfants sont accueillis dans les centres sociaux de la ville à partir de 7h45 le matin puis après l’école. Des animateurs amènent et viennent chercher les enfants dans les écoles. La ville est partenaire de ce programme d’accueil périscolaire organisé par les centres sociaux (informations issues du site de la mairie de Port de Bouc). J’enseigne dans une classe de toutes petites et petites sections qui font parti d’un Réseau d’Education Prioritaire. Les enfants rentrent à l’école à 2 ans en fonction de la capacité d’accueil. Mon public a donc entre 2 et 3 ans et demi. L’école accueille des enfants de divers nationalités (kurde, ukrainienne, vietnamienne, turque, grecque, portugaise, camerounaise, des pays du Maghreb, Des Enfants issus de Familles Itinérantes ou du Voyage). Une mixité culturelle est présente au sein de l’école.

Intérêt de la question : constats

Mon premier constat a été d’observer les différences d’acquisitions du langage des enfants de la même classe. Certains ne parlent pas du tout, par timidité pour quelques uns mais par manque de vocabulaire pour d’autres. D’autres, quant à eux, sont en capacité de former des phrases et de raconter ce qu’ils ont fait le week-end, voir de décrire ce qu’ils ont fait en atelier dans la classe. Je m’interroge donc sur ce que je peux faire dans la classe, afin d’amener les élèves à obtenir un vocabulaire nécessaire à la communication avec les autres. Sachant qu’à la fin du cycle 1, en grande section, les enfants doivent avoir acquis 1500 mots. Voyant actuellement l’écart entre les « petits parleurs » et les « grands parleurs » pour reprendre les termes utilisés par Agnès Florin, je me demandais qu’elle serait la meilleure façon pour permettre aux « petits parleurs » (selon le terme utilisé par A. Florin) de sortir de leur mutisme langagier. Un second constat concernant les élèves « petits parleurs » : ils utilisent un autre moyen pour communiquer. En effet, ces élèves sont plus tactiles, ils entrent en contact par le toucher ou encore par le regard. Qu’elle sera la façon la plus adaptée pour les amener à passer du langage corporel au langage oral par le développement d’un vocabulaire actif ? Un travail sur la socialisation sera, à priori nécessaire. Un troisième constat, j’ai pu observer que ces élèves « petits parleurs » ne s’intègrent pas dans la dynamique globale de la classe. Ils ont plus de difficultés à respecter les consignes de travail par exemple. Je n’arrive pas à savoir si le manque de vocabulaire les bloque dans un « monde parallèle » ou si les autres élèves ne les intègrent pas du fait de l’absence d’échanges oraux avec eux. La question de la socialisation prend alors tout son sens. La question se pose donc de savoir quelles études ont déjà été menées sur le sujet du langage en école maternelle. Mais aussi, quelles pédagogies et techniques les autres enseignants du territoire utilisent-ils pour travailler avec les « petits parleurs » sur l’acquisition du langage et donc du vocabulaire en toute petite et petite section puis tout au long de la scolarisation en maternelle ? J’envisage donc de procéder à des entretiens uniquement sur l’école Lucia Tichadou, afin d’observer et de recueillir l’évolution des pratiques des enseignants sur cette école, tout en analysant l’évolution des élèves à travers les classes sur l’ensemble du cycle.

La problématique soulevée 

Quelle pratique peut permettre d’intégrer les élèves dans une culture orale commune à la classe tout en s’appuyant sur le territoire où ils évoluent ?

Les ouvrages pédagogiques de référence

Dans un premier temps, une recherche sur les auteurs qui ont traité le sujet du langage en maternelle a été faite. Cela m’a permis d’avoir un éclairage sur le thème que je vise : l’acquisition du langage et du vocabulaire en maternelle.

J’ai donc fait des recherches et lu des ouvrages afin de comprendre les pratiques déjà appliquées par certains enseignants. Notamment un ouvrage de Bruner (2008) basé sur les travaux de Vygotski qui pense qu’il faut faire de l’élève, un acteur partie prenante d’un processus de négociation sous la forme de forum. Cette invitation à la négociation et à la spéculation est impulsée par l’enseignant dans sa locution et l’intonation auprès de la classe. L’élève devient alors un acteur de la fabrication du savoir tout en étant un réceptacle de sa transmission : « l’enfant ne doit pas seulement s’approprier son savoir, il doit le faire dans une communauté avec ceux qui partagent avec lui le sentiment d’appartenir à une culture » (Bruner, 2008). Bruner met donc l’accent sur l’invention et la découverte qui s’associent à la négociation et au partage pour la « création d’une culture commune comme but de l’école »(2008). En effet, les élèves étant des futurs membres d’une autre communauté, celle des adultes, où ils doivent mener leur propre existence. Les adultes créent donc des scénarios routiniers, qui permettent à l’enfant de « passer d’une communication pré-linguistique à une communication linguistique ». Ce procédé LASS permettra à l’enfant de converser avec ses pairs et avec l’adulte : de rentrer dans le langage oral. Les quatre modalités du LASS (système de support de l’acquisition du langage) :
– Découverte de la correspondance entre la sémantique et la syntaxe sur une forme spécifique liée à un évènement type, connu de l’enfant (ex : il mange un gâteau).
– Apprentissage de la fonction des mots comme « demander, montrer… » en se basant sur des moyens non-verbaux utilisés par l’enfant, pour ensuite le guider pour les mettre en mots.
– Recréer des scénarios de vie indéfiniment.
– Enrichir le scénario par d’autres enfants car « Apprendre à nommer pour montrer, sert ensuite à demander ». (p277, Boisseau). Pour Bruner, l’étayage de l’adulte dans l’interaction de tutelle permet à l’élève de réels progrès. Bruner a une approche psycholinguistique qui néglige néanmoins les contraintes syntaxiques pesant sur la compréhension et la production du langage.

Selon Vygotski (1985), qui a travaillé sur la théorie de Piaget, le langage égocentrique permet d’élaborer des plans pour résoudre un problème qui surgit chez les moins de 7 ans. A partir de cet âge, les enfants élaborent des plans intérieurement et silencieusement. Vygotski l’a défini comme étant une Zone de Proximale de Développement. Il s’agit alors de mettre en œuvre une procédure qui permet à l’apprenant (l’élève) d’entrer et de progresser dans une tâche en étant aidé dans un premier temps par un tiers. Par la suite, quand l’apprenant comprend, on le laisse faire seul. L’élève apprenant passe alors d’un espace connu et maîtrisé à un nouvel espace qui ensuite devient un espace connu puisqu’il a appris à le faire seul. L’évolution se fait en passant de zone en zone tout en étant proche des acquis stabilisés par l’élève. Il acquiert de nouvelles compétences avec de l’aide en utilisant des compétences déjà acquises. Il s’agit ici d’avoir une expertise très fine de chaque élève afin d’être au plus près de leur ZPD. Selon les recherches effectuées par Philippe Boisseau (2005) dans des écoles maternelles, primaires et au sein des foyers d’élèves issus de familles de milieux aisés ou défavorisés, l’enseignement de la langue orale est primordial. Elle suit un parcours de progression encadré par des pédagogues (enseignants, Atsem). Afin de combattre l’inégalité linguistique : il existe 3 décalages qui doivent être transformés par le pédagogue en objectifs syntaxiques linguistiques :
– Aider l’enfant à diversifier ses pronoms,
– L’aider à se construire un système de temps de plus en plus diversifié,
– L’encourager à complexifier sa syntaxe.

Le but étant de résorber ces problèmes afin de leur permettre de se construire de réelles chances de réussite (p18, Boisseau). Il conseille donc de mettre en place des groupes de langage pour les élèves les plus en difficultés afin de leur permettre d’acquérir le vocabulaire nécessaire pour converser avec les autres. Il présente dans son livre des pistes pédagogiques sur lesquelles les enseignants peuvent s’appuyer. Notamment, il évoque les albums échos de 1ère personne, des feedbacks réguliers, des albums jeunesse en syntaxe adaptée. Ce dernier permet d’élever de façon progressive, le niveau de locution des élèves qui découvrent alors de nouveaux mots de vocabulaire, des formes syntaxiques et des formes de phrases complexes. Il traite aussi des cinq conditions (p.174) permettant la réussite de chaque élève quelque soit son milieu social :
• Fonctionner en maternelle en petit groupes de langage, prioritairement pour les élèves en retard de l’apprentissage du langage dès la PS.
• Le pédagogue doit se méfier des « belles situations », inappropriées à la stabilisation et à l’aide aux élèves en difficultés, au profit d’un travail privilégiant les réitérations en travaillant sur thème abordé sous un autre axe.
• Mettre en place des procédures d’élaboration des albums échos, pour les rendre efficace.
• Mettre en place des procédures pour les albums en syntaxe adaptée (magie de l’histoire, qualité des illustrations…).
• La condition majeure : être dans la zone proximale de développement (inspiré de Vygotski, 1985, 1997).

Mes principales sources de réflexion ont été les ouvrages de recherches d’Agnès Florin et l’ouvrage sur le langage de Micheline Cellier. Pour Agnès Florin, cette professeure émérite de psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’université de Nantes, « La langue maternelle est importante à l’école car elle est un support d’expression personnelle et de la communication interindividuelle. La maternelle est une période cruciale pour la socialisation et le développement du langage. » (p.13, Florin 1991). Dans l’enseignement parental du langage, il est observé que les parents adaptent leur discours et se soucient d’être bien compris. L’adulte utilise néanmoins un langage légèrement plus complexe (décalage) ce qui permet à l’enfant d’augmenter ses capacités linguistiques. Il est alors primordial de prendre en compte l’importance du feed-back, des corrections, des répétitions et des expansions pour montrer à l’enfant qu’il a été compris et l’importance que l’on prête au langage oral. Elle met aussi en avant le fait que la signification de la tâche de communication peut être perçue de façon différente selon les enfants notamment en fonction de leur appartenance sociale. Ils n’ont pas les mêmes références.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. LE CADRE DE L’ETUDE
1.1 L’état des lieux de la question
1.1.1 Environnement économique et culturel de la ville
1.1.2 Environnement professionnel
1.1.3 Intérêt de la question : constats
1.2 La problématique soulevée
1.2.1 Les ouvrages pédagogiques de référence
1.2.2 Les attendus de l’étude
1.2.3 La méthode utilisée (les entretiens)
2. L’ETUDE
2.1 Dispositifs mis en place
2.2.1 Un outil : la valise de vocabulaire de la classe
2.2.2 Les groupes de langage
2.2.3 Le support vidéo
3. LES RESULTATS
3.1 Les résultats de la valise sur la participation commune « Des familles de mots, lien avec les familles »
3.3.1 La participation des familles dans le projet
3.1.2 L’évolution des élèves retranscrit dans le cahier journalier
3.2 Les résultats des groupes de langage
3.2.1 L’anticipation en fonction des difficultés observées et notées dans le cahier journal
3.2.2 Les groupes homogènes de parole
3.3 Le support vidéo, support d’analyse des progrès
3.3.1 La prise de vue avec les groupes homogènes
3.3.2 Le visionnage en groupe
3.3.3 La retranscription, trace écrite des progrès
4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE/SITOGRAPHIE/CONFERENCE
SOMMAIRE DES ANNEXES

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