« On peut parler de sécurité alimentaire quand toutes les personnes ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (FAO, 2008). Cela implique que les aliments devraient être disponibles toute l’année pour soutenir l’énergie et la santé des ménages, et pour couvrir les besoins nutritionnels.
La culture d’igname (Dioscorea alata) participe à la diversification alimentaire et à l’augmentation de cette disponibilité physique des aliments par l’autoconsommation. Cependant, si l’igname a été introduite avec la banane par les premiers migrants, elle a été négligée aux dépens du riz ou d’autres tubercules plus faciles à cultiver jusqu’à ce que le Programme SAHA intervienne d’abord à travers des recherches actions sur l’igname avec le Faculté de Sciences de l’Université d’Antananarivo, puis par des expérimentations de culture et enfin par l’extension et la promotion de la culture au niveau de sa zone d’intervention et actuellement à l’échelle nationale (Gahamanyi, 2009).
L’igname commence à acquérir une place importante au niveau des ménages ruraux, au niveau des partenaires techniques et financiers et maintenant au niveau des dialogues politiques en embrassant d’autres concepts comme l’introduction de l’igname dans la sécurité alimentaire, dans la nutrition scolaire, dans la Réduction des Risques et des Catastrophes, dans l’agriculture urbaine. Sur les 22 régions de Madagascar, 11 régions pratiquent la culture d’igname avec l’accompagnement du Programme SAHA à travers des collaborations entre partenaires. Avec la problématique du Changement Climatique (CC), une étude climatologique a été faite à partir des données historiques climatiques de la température et de la précipitation des périodes 1961 à 2005. La tendance au réchauffement a été confirmée pour tout le territoire malagasy selon la tendance mondiale ainsi que la tendance vers la diminution des précipitations qui est plus marquante pour les régions du Sud-est de Madagascar. Les prédictions par des modèles climatiques régionaux prévoient des tendances au réchauffement et de la diminution des précipitations à partir des projections climatiques pour la période de 2046-2065 (Tadross et al.,2008).
Ce réchauffement, ces modifications des précipitations cumulées avec l’intensification des cyclones vont affecter les systèmes biologiques terrestres mondiaux (Ziervogel et al. 2008) et spécialement à Madagascar car le bien être humain, les écosystèmes et le CC y sont interdépendants (CI &WWF 2008 ; Ratsirarson 2009 ; Alizany et al., 2010). Les systèmes malagasy doivent s’y adapter pour que leurs impacts ne soient pas irréversibles et désastreuses pour la génération future.
Dioscorea alata ou l’igname cultivée à Madagascar
Les ignames cultivées (Dioscorea alata) ont été introduites avec la banane par les premiers migrants. Mais actuellement ces plantes sont négligées et leur culture a déclinée aux dépens du riz ou d’autres tubercules plus faciles à cultiver et pourtant moins intéressants au point de vue nutritionnel comme le manioc ou la patate douce (Rajaonah et al., n.d.). Sans toutefois disparaître de l’alimentation des populations malagasy, notamment dans le Menabe et le Betsileo, ce tubercule continue à être apprécié mais n’avait plus la cote dans les habitudes alimentaires car était considérée comme l’aliment des pauvres (Gahamanyi, 2009).
Les ignames sont des Monocotylédones du genre Dioscorea qui fait partie avec trois autres genres (Tacca, Stenomeris et Trichopus) de la famille des Dioscoreaceae, de l’ordre des Dioscoreales et de la sous-classe des Liliidae. Cette famille qui compte dans le monde environ 400 espèces se rencontre surtout dans les zones tropicales dont une grande partie est comestible. C’est le cas par exemple des ignames sauvages endémiques de Madagascar qui sont au nombre d’une quarantaine et dont la grande majorité est consommée dans les zones rurales (Jeannoda et al., 2007) .
Deux espèces d’ignames sont cependant cultivées à Madagascar. Le « Dioscorea esculenta » qui est cantonnée dans la côte Est du pays et le « Dioscorea alata » que l’on rencontre dans toutes les régions de Madagascar. Si le « Dioscorea esculenta » n’est connue que par deux appellations « mavondro » sur la côte Est et « oviampasika », « ovi-pasy » ou igname des sables dans le Sud-Est de Madagascar, les noms vernaculaires donnés à la « Dioscorea alata » sont nombreux et reflètent la grande variété morphologique de l’espèce, mais aussi la grande étendue de sa distribution (Rajaonah et al., n.d.).
Des études ethnobotaniques, morphobotaniques et moléculaires des ignames cultivées de la région occidentale malgache menées par RAZAFINIMPIASA (2010) montre que l’igname constitue la base de l’alimentation. A l’ouest de Madagascar, elle sert de complément alimentaire ou de substituant du riz lors des périodes de disette. Son système de culture très peu intensif, sous forme de végéculture (culture d’igname mélangée à d’autres plantes cultivées), se fait encore selon des modes ancestraux. Les inventaires à Ankarafantsika (région de Boeny), à Morondava et à Mahabo (région du Menabe), ont permis de recenser cinq formes de Dioscorea alata: « Ovibe » ou « Bodoa », « Ovy fantaka » ou « Ovy mena », « Ovy voay », « Ovy lava» ou « Ovy fotsy » et « Ovy toko », « Bemako » ou « Bodoa » (cf. : Photo 1).
Ces dénominations ont été attribuées par les paysans en fonction des caractéristiques du tubercule. Les études botaniques n’ont montré aucun type morphologique propre à chacune de ces formes à cause de l’importante variabilité morphologique observée au sein d’un même individu et d’un même cultivar. La diversité des ignames cultivées malgaches est très importante et mérite d’être mieux connue et d’être redécouverte.
Le Dioscorea alata (igname ailée, « water yam »), l’igname la plus répandue à l’échelle mondiale, est originaire de l’Asie du Sud-Est. Cette espèce doit son nom au fait qu’elle possède des tiges quadrangulaires ailées. Les feuilles sont oviformes et généralement plus claires et plus grandes que celles des autres ignames. Beaucoup de variétés montrent des nuances pourpres sur les feuilles. Les tubercules sont très variables en taille (de 5 à 10 kg, et jusqu’à plus de 50 kg) et en forme, mais plus ou moins cylindriques dans la plupart des cas. La chair est blanche ou possède des nuances pourpres, la texture en est aqueuse (Source : FAO).
Exigence de la culture de l’igname
L’igname, qui est une plante tropicale, demande 25 à 30°C et nécessite 800 mm à 1200mm de pluie au minimum pour les quatre premières mois de son cycle végétatif pour pouvoir développer ses tiges. Si les températures tombent en dessous de 20°C, leur croissance est fortement freinée mais elles peuvent cependant tolérer des conditions de sécheresse pendant environ un mois sans baisse de rendement majeur. La formation des tubercules est facilitée par de courtes journées, mais l’intensité de la lumière ne doit pas être trop faible. Comparées aux autres racines et tubercules tropicales, les ignames exigent un sol très fertile qui ne doit pas être trop compact. Les sols qui retiennent beaucoup d’eau favorisent la pourriture des tubercules, tandis que les sols rocheux ou contenant du gravier engendrent des malformations. Pour obtenir des tubercules bien formés, le sol doit être meuble. La plantation en buttes donne les meilleurs résultats (source : FAO ).
Dynamique de la culture d’igname à Madagascar
Depuis 2009, la culture d’igname connait une dynamique à telle point que trouver des semences pour sa culture durant la campagne 2011-2012 est devenu un problématique sans précédent. La culture d’igname est devenue, en l’espace de 10ans, une culture appréciée par les agriculteurs malagasy à travers toute l’île au même rang que la culture du manioc et de la patate. « La valorisation de l’igname, plante oubliée mais source d’espoir pour Madagascar », ce titre d’un document de capitalisation du Programme SAHA publié en 2009 résume en quelques mots l’intérêt du Programme SAHA dans la promotion de la culture de l’igname (Gahamanyi, 2009). Tout a commencé en 2002, suite à la collaboration du Programme SAHA avec l’équipe du Projet Ignames CORUS 6020 de la Faculté des sciences Université d’Antananarivo par différents recherches actions sur la valorisation de l’igname, par la maîtrise de sa production avec la mise au point de techniques culturales adaptées au contexte malagasy .
Des expérimentations de culture ont été faites en 2004 dans la commune de Beroboka (Région Menabe) et dans la commune d’Ampitana (Région Matsiatra Ambony) sur différentes variétés de Dioscorea (D. alata, D. maciba, D. bako, D. seriflora, D. sansibarensis) avec le concept Igname et Sécurité Alimentaire et le concept Igname et Protection de la Biodiversité .
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Table des matières
1 INTRODUCTION
2 CONTEXTE
2.1 Dioscorea alata ou l’igname cultivée à Madagascar
2.2 Exigence de la culture de l’igname
2.3 Dynamique de la culture d’igname à Madagascar
3 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
3.1 Problématique
3.2 Hypothèses de recherche
4 MATERIELS ET METHODES
4.1 Etats des approches méthodologiques sur l’évaluation des rendements
4.2 Cadrage conceptuel de la vulnérabilité
4.3 Méthodes de recherche choisies cernant le sujet
4.3.1 Méthode permettant de cerner les enjeux du CC local
4.3.2 Méthode permettant d’évaluer l’indice de vulnérabilité
4.3.3 Méthode permettant de cerner l’enjeu de la disponibilité alimentaire, un des piliers de la sécurité alimentaire
4.4 Méthode de collecte de données sur terrain
4.4.1 Interviews des acteurs, des ONG et des CTD
4.4.2 Focus groupe
4.4.3 Enquêtes ménages
4.5 Critères d’identification des cibles pour la collecte de données
4.6 Echantillonnage pour la collecte de données
4.7 Méthode de sélection de la zone d’étude
4.8 Mode d’analyse des résultats
4.8.1 Analyse de la typologie des ménages
4.8.2 Analyse des liens de dépendance entre la perception climatique et l’évolution du climat
4.8.3 Analyse de l’évaluation de l’indice de vulnérabilité de la culture d’igname
4.8.4 Analyse de la disponibilité alimentaire des communautés cultivant ou non l’igname
4.8.5 Analyse de dépendance des variables de perception des ménages
4.8.6 Analyse de l’évaluation de la culture d’igname en tant que mesure d’adaptation
5 RESULTATS
5.1 Zones de recherche choisies
5.2 Caractéristiques des zones d’étude
5.2.1 Caractéristiques climatiques des zones d’étude
5.2.2 Caractéristiques physiques des zones d’étude
5.2.3 Caractéristique des systèmes de production des ménages
5.2.4 Typologie des ménages suivant les systèmes de production
5.2.5 Perception locale de l’évolution climatique dans les zones d’étude
5.2.6 Les zones d’étude sont-elles propices pour notre sujet de recherche ?
5.3 Durée de disponibilité alimentaire des cultures des zones d’étude
5.3.1 Disponibilité des aliments suivant l’historique des productions
5.3.2 Variation annuelle de la disponibilité alimentaire des cultures
5.3.3 Disponibilité mensuelle des aliments
5.3.4 Est-ce que la disponibilité alimentaire des ménages adoptant la culture d’igname est-elle plus large qu’une communauté ne l’adoptant pas ?
5.4 Liens et dépendances entre les variables perçues par la population locale
5.4.1 Liens entre appréciation des rendements et des facteurs climatiques
5.4.2 Liens entre durée de disponibilité et des facteurs climatiques
5.4.3 Liens entre durée de disponibilité et des appréciations du rendement
5.4.4 Les facteurs climatiques influencent-ils plus le rendement des récoltes et donc de la disponibilité des aliments pour le communauté ?
5.5 Perception locale de la vulnérabilité des cultures à la variabilité climatique et aux phénomènes extrêmes sévissant dans les zones d’étude
5.5.1 Variabilité climatique et phénomènes extrêmes inventoriés et considérés
5.5.2 Niveau d’exposition des cultures
5.5.3 Niveau de sensibilité des cultures
5.5.4 Niveau de capacité d’adaptation
5.5.5 Niveau de vulnérabilité des cultures
5.5.6 Parmi les cultures pratiquées par les agriculteurs malagasy, la culture d’igname est elle la culture la moins vulnérable aux effets du CC et aux variations climatiques extrêmes ?
5.6 Perception de l’efficacité et du coût des mesures d’anticipations à l’adaptation au CC
5.6.1 Inventaire des actions d’anticipation et mesures d’adaptation mise en œuvre localement
5.6.2 Evaluation des mesures d’adaptation au CC
5.6.3 Comme mesure d’adaptation au CC, comment est perçue la culture d’igname par rapport au cout et l’adoption par les ménages de Madagascar ?
6 DISCUSSIONS
7 CONCLUSION