La culasse moteur : un composant soumis à de fortes contraintes
La culasse d’un moteur a plusieurs fonctions : assurer l’approvisionnement de chaque cylindre en mélange air-carburant, maintenir l’étanchéité de la chambre de combustion lors de l’explosion du mélange et évacuer les « gaz brûlés », après explosion, vers la ligne d’échappement.
La succession d’explosions est à l’origine d’un échauffement de la culasse, localisé aux abords de la face flamme. Afin de limiter cet échauffement, la culasse est parcourue par un système de refroidissement. Cependant, à cause de la géométrie complexe de la culasse, certaines zones demeurent difficiles à refroidir. La zone du pontet inter-soupapes fait partie de ces zones. A chaque démarrage / arrêt du véhicule, cette zone subit un cycle de chauffage / refroidissement. Compte tenu de la rigidité de la structure qui ne permet pas la dilatation libre de la zone du pontet inter-soupapes, la montée en température peut provoquer la plastification en compression du pontet inter-soupapes. Puis, lors du refroidissement, la zone déformée plastiquement va se trouver en traction, favorisant ainsi l’amorçage de fissures dans cette zone et provoquant la ruine de la pièce.
Les chargements thermomécaniques deviennent de plus en plus importants avec la mise en place de nouvelles méthodes telles que le downsizing (réduction d’encombrement à iso-puissance), ou l’application des nouvelles normes européennes [COMMISSION-EUROPEENNE, 2010] sur les rejets de particules et de gaz polluants . L’augmentation de ces chargements impose le développement de nouveaux alliages d’aluminium présentant des caractéristiques mécaniques mieux adaptées à ces nouvelles spécifications. L’une des tendances actuelles est l’utilisation d’alliages plus riches en cuivre, présentant une microstructure de précipitation plus stable thermiquement qui permet d’obtenir de meilleures propriétés mécaniques à hautes températures.
Présentation des matériaux
Alliages d’aluminium de fonderie hypoeutectiques…
Les culasses de moteur Diesel PSA sont fabriquées à partir d’alliages d’aluminium de fonderie fortement chargés en silicium qui sont des binaires hypo-eutectiques Al-Si. Les raisons du choix d’un tel alliage sont multiples : faible densité, bonne coulabilité ainsi qu’une très bonne conductivité thermique. La solidification des alliages de cette étude a été réalisée par fonderie « coquille » suivi d’un refroidissement air.
Lors de la solidification, les premiers germes de cristaux d’(Al) apparaissent sur la surface du moule. Pendant la croissance, chaque germe se développe ensuite sous la forme d’une dendrite. Avant d’atteindre le palier eutectique, le liquide s’enrichit en Si puis lorsque la température eutectique (577°C) est atteinte, les zones entre les dendrites se solidifient en un agrégat eutectique de solution solide d’(Al) et de globules de (Si). Ainsi les conditions de refroidissement contrôlent directement la structure de l’alliage en sortie de fonderie, en particulier l’espacement entre les bras de dendrites secondaires (SDAS :secondary dendritic arm spacing) qui est le paramètre le plus souvent choisi pour définir la finesse de la structure. Cependant, au vu de l’aspect massif des pièces réalisées, la vitesse de refroidissement n’est pas homogène ce qui provoque une hétérogénéité de la microstructure de l’alliage dans la pièce.
… durcis par précipitation
Les alliages d’aluminium durcis par précipitation sont apparus au début du XXème siècle avec l’invention du duralumin (alliage d’Al-Cu) par Alfred Wilm. Ces alliages présentent le double avantage d’avoir une densité plus faible que l’acier tout en gardant de bonnes performances mécaniques ce qui fait qu’ils ont été largement utilisés dans l’industrie aéronautique, notamment pour la réalisation du fuselage et des ailes.
L’utilisation dans l’industrie automobile, plus récente, est très largement motivée par un objectif d’allègement [COLE and SHERMAN, 1995] et [HIRSCH, 1997]. Ces alliages sont présents selon deux formes : les produits minces et les produits coulés. Les produits minces sont très largement utilisés pour les produits de structure et de caisse. Les alliages de la série 6000 (éléments d’alliages Mg et Si) sont, par leur bonne tenue à la corrosion, majoritairement employés. Les produits coulés sont eux utilisés principalement dans les liaisons au sol et pour les moteurs. L’apparition des premières culasses datent des années 70. Plus légères que les culasses en fonte et permettant de mieux évacuer la chaleur, elles ont permis un gain de masse et une augmentation des performances des moteurs.
Les performances des alliages d’aluminium dépendent majoritairement des éléments d’alliage. Les effets des principaux éléments d’alliages de l’étude sont les suivants :
1. Le cuivre permet le développement d’une microstructure de précipitation composée de précipités durcissants augmentant sensiblement les propriétés mécaniques par rapport à une solution solide à base d’Al. Il permet de conserver une bonne usinabilité de l’alliage même s’il provoque une diminution de la résistance à la corrosion.
2. Le magnésium, lorsqu’il est associé à du silicium, permet lui aussi le développement d’une microstructure de précipitation composée de précipités durcissants qui vont améliorer les propriétés mécaniques de l’alliage par rapport à une solution solide à base d’Al. Il augmente la résistance à la corrosion, mais diminue l’usinabilité du matériau.
3. Le silicium réduit les phénomènes de retassures lors de la solidification en compensant la diminution du volume de l’Al.
Ces trois éléments d’alliage participent également à la précipitation de composés intermétalliques très stables qui sont mal distribués lors de la solidification et qui produisent donc un apport quasiment nul en terme de durcissement. Afin d’améliorer leurs propriétés mécaniques, ces alliages sont soumis à un traitement thermique qui a pour objectif la formation d’une précipitation fine, dense et uniformément distribuée.
La gamme de traitements thermiques subie par ces alliages est classiquement composée des étapes suivantes :
Mise en solution : Cette étape permet de dissoudre les précipités formés lors du refroidissement non contrôlé après solidification. La solution solide s’enrichit en éléments de solutés au fur et à mesure que les précipités se dissolvent et atteint une composition homogène. La température de mise en solution est juste inférieure à celle de fusion de l’eutectique afin d’éviter de « brûler » l’alliage.
Trempe : L’alliage se trouve en équilibre à la température de mise en solution. Il est refroidi le plus rapidement possible. La microstructure à haute température est ainsi figée lors de cette trempe pour obtenir une solution solide sursaturée. Lors de la trempe de pièces massives, cette étape peut provoquer l’apparition de contraintes résiduelles dans le matériau dues au gradient de refroidissement dans la pièce.
Revenu : A la suite de la trempe, l’alliage est porté pendant quelques heures à une température comprise entre 150°C et 300°C. Cette étape a deux objectifs : relaxer les contraintes internes résiduelles issues de la trempe et faire germer et croître les précipités durcissants dans la solution solide à base d’(Al). Certains traitements thermiques incluent une période de maturation pendant laquelle l’alliage est laissé à température ambiante après trempe. L’apparition d’amas d’atomes correspondant à la première étape de précipitation, peut se produire durant cette maturation.
Une fois traité thermiquement, l’alliage a une microstructure de précipitation suffisamment fine et dense pour lui conférer les propriétés mécaniques nécessaires au fonctionnement de la culasse.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1 Contexte Industriel et Scientifique
1.1 La culasse moteur : un composant soumis à de fortes contraintes
1.2 Présentation des matériaux
1.2.1 Alliages d’aluminium de fonderie hypoeutectiques
1.2.2 … durcis par précipitation
1.2.3 AlSi7Cu0,5Mg0,3 / AlSi7Cu3,5Mg0,1
1.3 La prise en compte du vieillissement
1.4 Le dimensionnement des structures
1.5 Objectifs et principes de l’étude
2 Caractérisation microstructurale du vieillissement isotherme
2.1 Introduction
2.2 Bibliographie : phases précipitées, précipitation, murissement
2.2.1 Nature de la précipitation
2.2.2 Etapes de la précipitation
2.2.3 Cinétique de mûrissement
2.3 Méthode expérimentale d’identification des phases précipitées et d’imagerie des précipités
2.4 Vieillissement isotherme des alliages AlSi7Cu0,5Mg0,3 et AlSi7Cu3,5Mg0,1 : étude de référence [OSMOND, 2010]
2.4.1 Vieillissement isotherme de l’alliage AlSi7Cu0,5Mg0,3
2.4.2 Vieillissement isotherme de l’alliage AlSi7Cu3,5Mg0,1
2.5 Vieillissement isotherme de l’alliage AlSi7Cu3,5Mg0,1 de la coulée utilisée dans la suite de cette étude
2.5.1 AlSi7Cu3,5Mg0,1 – Vérification de l’identification des phases précipitées
2.5.1.1 Identification en microscopie électronique en transmission
2.5.1.2 Identification en diffraction des rayons X
2.5.2 AlSi7Cu3,5Mg0,1 – Mesure des paramètres morphologiques
2.6 Conclusion
3 Comportement Mécanique
3.1 Introduction
3.2 Etat de l’art
3.2.1 Contributions au durcissement
3.2.1.1 Effet du réseau
3.2.1.2 Effet de la taille de grain
3.2.1.3 Effet des dislocations
3.2.1.4 Effet des éléments de solutés
3.2.1.5 Effet de la microstructure de précipitation
3.2.2 Ecrouissage
3.2.3 Comportement Viscoplastique
3.2.4 Effet Bauschinger
3.3 Protocole Expérimental
3.3.1 Géométrie d’éprouvette
3.3.2 Montage
3.4 Résultats
3.4.1 AlSi7Cu0,5Mg0,3 – Influence croisée du vieillissement et de la température d’essai sur le comportement mécanique
3.4.1.1 Comportement cyclique transitoire
3.4.1.2 Comportement cyclique stabilisé
3.4.1.3 Comportement viscoplastique
3.4.2 AlSi7Cu3,5Mg0,1 – Influence croisée du vieillissement et de la température d’essai sur le comportement mécanique
3.4.2.1 Comportement cyclique transitoire
3.4.2.2 Comportement cyclique stabilisé
3.4.2.3 Comportement viscoplastique
3.4.3 Comportement mécanique à iso-dureté
3.4.4 Bilan
4 Effet de la déformation plastique sur la microstructure de précipitation
4.1 Introduction
4.2 Essais mécaniques
4.2.1 Protocole expérimental
4.2.2 Résultats
4.3 Analyses microstructurales
4.3.1 Introduction : mesures de microdureté
4.3.2 Identification des phases
4.3.3 Mesures des paramètres morphologiques
4.4 Discussion
4.4.1 Effet de la déformation plastique
4.4.2 Effet du cyclage anisotherme
4.5 Conclusion
CONCLUSION