La croissance des Andes centrales du nord du Pérou

La Cordillère des Andes est la plus longue chaîne de montagne du monde et la seconde plus élevée [Sobolev et Babeyko, 2005]. Elle s’étend le long de la marge occidentale de la plaque sud-américaine sur plus de 8000 km (Figure I.1). Elle culmine à presque 7000 m d’altitude et est large de 800 km au maximum [Kennan, 2000]. Elle est le résultat de la déformation engendrée par la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine depuis au moins 200 Ma [Allmendinger et al., 1997 ; Mamani et al., 2010], voir plus de 500 Ma [Chew et al., 2007]. Géologiquement, elle est à la fois d’un cylindrisme remarquable et d’une grande complexité [Martinod et al., 2010 ; Ramos, 2010]. Elle est classiquement subdivisée en trois parties du nord au sud (Figure I.1, I.2) qui correspondent, au premier ordre, aux régimes de subduction et aux directions de convergence [Ramos, 2010]. Il est à présent bien établi que le raccourcissement tectonique contribue largement à l’acquisition du relief [Allmendinger et al., 1997 ; Kley et Monaldi, 1998]. Pour Allmendinger et al., [1997] le raccourcissement est responsable à 90% de l’épaississement crustal, les 10% restant proviendraient de l’apport mantellique de matériel magmatique. Kley et Monaldi [1998] suggèrent que le raccourcissement tectonique horizontal est responsable de 70 à 80% de l’apport volumique de la croûte pour les Andes Centrales. Dans le but de comprendre la formation des Andes Centrales, il apparaît donc déterminant de calculer le raccourcissement tectonique.

Le début de la formation des Andes Centrales reste controversé. En particulier, l’initiation de la formation du bassin d’avant-pays rétro-arc et donc de la compression reste débattu. Pour certains auteurs, le bassin d’avant-pays rétro-arc se formerait au Crétacé supérieur ou au Paléocène inférieur [Balkwill et al., 1995 ; Sempere et al., 1997 ; Horton et al., 2001 ; DeCelles et Horton, 2003 ; Martin-Gombajav et Winkler, 2008 ; Roddaz et al., 2010] alors que d’autres proposent un début de formation pendant l’Éocène [Viramonte et al., 1999] ou même plus tard [Jordan et al., 2001, 2010].

Par leur extension Nord-Sud, les Andes constituent la seule barrière aux flux atmosphériques dans l’hémisphère sud. Il en résulte des climats contrastés de part et d’autres de la chaîne [Montgomery et al., 2001]. Les Andes sont donc considérées comme un endroit privilégié pour étudier les couplages entre les processus tectoniques et climatiques. Au nord du 16° parallèle sud, le contraste climatique est évident avec un versant amazonien (Cordillère Orientale et zone Subandine) soumis à de fortes précipitations et un versant pacifique (Cordillère Occidentale) où domine l’hyperaridité. Certains auteurs ont proposé que cette focalisation des précipitations sur le versant oriental a contrôlé l’érosion et la propagation du prisme chevauchant vers l’Est [Horton, 1999; McQuarrie et al., 2008b]. Par exemple, McQuarrie et al., [2008b] en se basant sur la construction de deux coupes équilibrées dans le prisme orogénique oriental bolivien (une au nord de 15-16°S sous un climat humide, et une au sud de 21°S sous un climat aride) ont proposé que l’érosion plus importante au nord qu’au sud aurait permis de limiter le raccourcissement et la propagation orogénique nord bolivien. Pour ces auteurs, l’augmentation des précipitations focaliserait l’érosion au pied du front de chevauchement et empêcherait la propagation du prisme en modifiant les angles critiques du prisme chevauchant [p.e., Willett et al., 2006], favorisant ainsi la déformation interne et l’augmentation de l’altitude dans la Cordillère Orientale. Ces auteurs se fondent sur l’hypothèse que la déformation a commencé dans la Cordillère Orientale il y a 45 Ma et dans la zone Subandine entre 19 et 8 Ma. Or les âges donnés par [McQuarrie et al., 2008a, 2008b]  ne sont pas des âges mesurés mais sont des âges probables estimés par modélisation des longueurs de traces en prenant pour hypothèse une exhumation miocène (modélisations AFTSOLVE, [Ketcham et al., 2003]). Plus récemment, Lease et Ehlers [2013] ont proposé que l’érosion pliocène enregistrée par les thermochronomètres de basse température dans le prisme orogénique oriental sud péruvien était contrôlée par le climat parce que les chronologies de la déformation dans la zone Subandine et la Cordillère Orientale étaient apparemment décorrélés des âges de refroidissement enregistrés par les thermochronomètres. Plus au nord, en Colombie, la Cordillère Orientale aurait atteint une altitude critique entre 6 et 3 Ma, ce qui lui aurait permis de jouer le rôle de barrière orographique et aurait favorisé l’augmentation des taux d’exhumation et de raccourcissement lors des 3 derniers millions d’années [Mora et al., 2008].

En dehors des processus de surface, l’héritage des bassins paléozoïques [p.e., Espurt et al., 2008 ; Gautheron et al., 2013], du rift permo-triasique [Sempere et al., 2002], ou du rift jurassique [Gil Rodriguez et al., 2001] sont aussi des contrôles potentiels de la déformation dans la zone Subandine en favorisant une tectonique de couverture (« thin-skin tectonics ») ou de socle (« thick-skin tectonics »). Pour comprendre le rôle des différents processus, il est important de bien contraindre la structure, la quantité de raccourcissement, les taux de sédimentation et la chronologie de la déformation des différents domaines structuraux andins.

Les Andes Centrales se caractérisent par la présence du deuxième plus grand haut plateau au monde derrière le plateau tibétain, le haut plateau Andin (Altiplano-Puna). Un haut plateau se caractérise par une altitude élevée, un faible relief et la présence d’un drainage interne [Isacks, 1988 ; Tapponier, 2001 ; Sobel et al., 2003]. Le plateau Andin, comprenant l’Altiplano et le plateau de Puna, se définit par des altitudes dépassant les 3000 m [Isacks, 1988], et s’étend sur plus de 1800 km (12-27°S) tandis que sa largeur est variable, de 350 à 500 km. Ces caractéristiques font du plateau Andin le deuxième plus grand plateau sur Terre et un exemple type de haut plateau formé en contexte de subduction. Les moteurs de la surrection et de l’érosion du plateau Andin sont fortement débattus. Actuellement, trois types de mécanismes (raccourcissement crustal, fluage de la croûte inférieure et délamination du manteau lithosphérique) sont débattus pour expliquer la formation et le soulèvement de l’Altiplano au cours du Cénozoïque. Plusieurs études ont suggéré que le raccourcissement crustal était un des moteurs principaux de la surrection des Andes Centrales et de l’Altiplano [Isacks, 1988 ; Roeder, 1988 ; Sheffels, 1990 ; Roeder et Chamberlain, 1995; Rochat et al., 1999 ; McQuarrie, 2002 ; DeCelles and Horton, 2003 ; McQuarrie et al., 2005, 2008a]. Ces études se fondent sur l’estimation du raccourcissement total à partir de la construction de coupes équilibrées et sur la cinématique de la déformation des différents domaines structuraux. Selon les auteurs, le raccourcissement total varie entre ~ 200 km et 500 km [Allmendinger et al., 1997; Baby et al., 1997; McQuarrie, 2002 ; Oncken et al., 2006]. En considérant un début de la déformation au Paléocène et un raccourcissement total supérieur à 300 km, certains auteurs ont proposé que l’épaississement crustal et la surrection des Andes Centrales résultaient d’un raccourcissement crustal lié à la migration continue du prisme chevauchant vers l’Est [DeCelles et Horton, 2003 ; McQuarrie et al., 2005]. Un tel modèle suppose une déformation et une surrection de la Cordillère Occidentale au Paléocène et implique, 1) une surrection continue de l’Altiplano, et que 2) ce dernier ait atteint son altitude actuelle au Miocène supérieur [p.e., Allmendinger et al., 1997 ; Gregory-Wodzicki, 2000]. Ce modèle a été fortement remis en cause suite à l’acquisition de données de paléo-altitude fondées sur les isotopes de l’oxygène [Garzione et al., 2006, 2008 ; Ghosh et al., 2006]. Bien que fortement contestées [Ehlers et Poulsen, 2009 ; Barnes et Elhers, 2009], ces données suggèrent un gain d’altitude rapide de l’Altiplano de 2.5±1 km entre 10 et 7 Ma [Garzione et al., 2006]. Selon ces auteurs, cette période coïncide avec une cessation de la déformation dans l’Altiplano et un transfert du raccourcissement vers la zone Subandine. Pour expliquer le supposé synchronisme de ce soulèvement rapide de l’Altiplano avec le transfert de raccourcissement vers la zone Subandine, ces auteurs proposent une délamination du manteau lithosphérique préalablement eclogitisé [Garzione et al., 2006, 2008 ; Hoke et Garzione, 2008]. Ce modèle de délamination lithosphérique implique un gain d’altitude et un transfert de raccourcissement synchrones sur près de 15° de latitude. Le dernier modèle propose une surrection de l’Altiplano en réponse à un fluage de la croûte inférieure [Husson et Sempere, 2003 ; Hindle et al., 2005 ; Gerbault et al., 2005]. Pour Husson et Sempere [2003], la surrection de l’Altiplano résulterait d’un transfert de matière de la croûte inférieure partiellement fondue des cordillères vers l’Altiplano. Suivant ce  modèle, la cinématique de surrection des cordillères est antérieure à celle de l’Altiplano. Plus récemment, Picard et al., [2008] proposent une surrection progressive des Andes Centrales du sud vers le nord causée par un fluage crustal du sud vers le nord, contraint d’un point de vue chronologique par des âges de divergence moléculaire de solanacées et de parasites nématodes de ces solanacées. Ces débats sur les modèles de surrection de l’Altiplano montrent le besoin de contraindre parfaitement la quantité de raccourcissement, de reconnaître et de dater les étapes et la cinématique de déformation, d’exhumation et de surrection des différentes régions qui composent les Andes Centrales (Figure I.1).

Outre les questions académiques, le fort potentiel de réserves d’hydrocarbures associé à la présence de la forêt amazonienne qui jouxte une grande partie des Andes Centrales, plaide pour une exploitation raisonnée des ressources fossiles. Ce potentiel est attesté par la présence des deux plus grands gisements de gaz d’Amérique latine (San Alberto en Bolivie et Camisea au Pérou) et les découvertes récentes : champs de Kinteroni 1X dans le bassin d’Ucayali (Figure I.4, 4ème découverte mondiale en 2008) et de Huacaya dans la zone Subandine du Chaco en Bolivie (5ème découverte mondiale en 2008). Dans cette optique, il est important de bien contraindre le timing de formation des potentiels pièges à hydrocarbures. Ce qui revient, dans le cas de la zone Subandine, à contraindre précisément la séquence d’activation des chevauchements.

CHOIX DE LA ZONE D’ETUDE 

Dans les Andes Centrales, la majorité des travaux se sont concentrés sur le sud du Pérou, la Bolivie et l’Argentine, dans le but de comprendre la formation du plateau Andin. Les Andes Centrales du nord, délimitées par les déflections de Huacabamba et d’Abancay (Figure I.1), ont été délaissées ces deux dernières décennies. Elles présentent pourtant des intérêts économiques et académiques certains. D’un point de vue géodynamique, les Andes Centrales péruviennes sont situées au-dessus d’une portion où la subduction a lieu avec un pendage faible à nul (Figures I.2 et I.3). Mis en évidence par la sismicité (Figure I.2), les Andes possèdent actuellement deux zones où le panneau plongeant (slab) est plat ou presque sous la croûte continentale [Ramos et Folguera, 2009].

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Table des matières

Introduction
Chapitre I – Introduction et Problématique
I. Introduction générale
II. Choix de la zone d’étude
III. Objectifs et structure de la thèse
III.1. Objectifs de la thèse
III.2. Description des chapitres
IV. Références du Chapitre 1
Chapitre II – Méthodologie
I. Thermochronologie basse – température
I.1. Introduction à la Thermochronologie
I.2. Application à la datation de la déformation
I.3. Les traces de fission sur apatite
I.4. (U-Th)/He sur apatite
I.5. Profils verticaux
I.6. Réflectance de la vitrinite
I.7. Modélisation numérique des âges
I.8. Autres datations
II. Les Coupes Equilibrées
II.1. Modes de déformation et de restauration
II.2. Base de données pour la construction des coupes
II.3. Datation de la déformation
IV. La Restauration Séquentielle
IV.1. Thermochronologie BT
IV.2. Conservation de la matière et flexure de la lithosphère
V. Références du chapitre 2
Chapitre III – Charte Stratigraphique et Héritage Tectonique
I. Chrono-stratigraphie, Introduction
I.1. Chronologie des études antérieures
I.2. Héritage tectonique
I.3. Diagramme Chrono-stratigraphique
I. Socle Néoprotérozoïque et Paléozoïque
II. Les Bassins subandins
III. Bassins Ouest Péruvien
IV. Bassins Off-shore Trujillo et Salaverry
V.1. Le Substratum Mésozoïque
V.2. Structuration des bassins
V.3. Stratigraphie cénozoïque des bassins
V.4. Conclusion sur les bassins Off-shore
VI. Synthèse stratigraphique
VII. Références du chapitre 3
Chapitre IV – Déformation et Exhumation du prisme orogénique oriental
Résumé en français
Abstract
I. Introduction
II. Geological setting
III. Methods
III.1. Balanced cross-section
III.2. Low temperature thermochronology
III.3. Vitrinite reflectance analyses (Ro)
III.4. Thermal modeling
IV. Results
IV.1. Balanced cross-section
IV.2. Low temperature thermochronology and Ro Results
V. Interpretation and discussion
V.1. Ages of exhumation
V.2. Sequential Restoration and age of deformation
V.3. Implications for the origin of the growth of north-central Andes
VI. Conclusion
Acknowledgment
References of the chapter 4
Chapitre V – Déformation et Surrection de la Cordillère Occidentale
I. Introduction
II. Cadre Géologique et travaux antérieurs
II.1. La chaîne du Marañón
II.2. Le domaine plissée de la Cordillère Occidentale
II.3. Le domaine côtier
III. Résultats
III.1. Du Turonien à l’Eocène : déformation majeure de la Cordillère Occidentale
III.2. De l’Eocène supérieur au Miocène : volcanisme et sédimentation
III.3. La Période Miocène à Quaternaire : Néotectonique et Surrection
IV. Conclusion et discussion
IV.1. Age et déformation du prisme orogénique occidental
IV.2. Quantification de la surrection depuis le Miocène inférieur
IV.3. Synthèse du chapitre 5
V. Références du chapitre 5
Chapitre VI – Discussion et Conclusion
Conclusion

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