La création des panthéons romains dans la Lusitanie tardo-républicaine et impériale

Alors qu’il prononçait un discours visant à défendre Flaccus, Cicéron affirma : «Chaque cité a son obligation religieuse, Laelius, nous avons la nôtre ». En d’autres termes, le paysage religieux de la cité de Rome n’était pas le même que celui des cités de son empire . Cicéron n’étant pas allé plus loin, des chercheurs ont mené des études dans le but de vérifier ses dires. Le travail qui a retenu notre attention est l’analyse que William van Andringa a réalisée sur la Gaule romaine. En effet, dans son livre paru en 2002 et intitulé La religion en Gaule romaine : piété et politique (Ier IIIe siècle ap. J.-C.), il a donné trois tendances. Premièrement, le paysage religieux est allé de pair avec la romanisation. Deuxièmement, l’harmonie politique était le reflet de l’harmonie religieuse. Troisièmement, les divinités locales n’ont jamais été en conflit avec les divinités romaines, elles se sont seulement adaptées à la vie romaine au sein d’un territoire intégré à un empire pacifié. C’est donc dans le but d’observer ce qu’il est advenu pour la province de Lusitanie que nous nous sommes intéressés à la création des panthéons romains dans les colonies césaro augustéennes de Lusitanie de 45 av. J.-C. à 68 ap. J.-C.

Le XIXème fut une période d’effervescence scientifique durant laquelle nos connaissances sur l’Antiquité devinrent plus précises. C’est dans ce contexte que parurent les Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Charles Daremberg et Edmond Saglio à partir de 1877. Ces publications avaient pour but de regrouper toutes les connaissances sur les divinités grecques et romaines. Par ailleurs, des auteurs naturalistes, sous la houlette du savant allemand Hermann Usener, tentèrent de comprendre les origines des religions grecque et romaine. Philologue et spécialistes des  mythes, Hermann Usener publia en 1896 un livre intitulé Götternamen: Versuch einer Lehre von der Religiösen Begriffsbildung. Même s’il affirma que les individus de l’Antiquité percevaient la présence divine dans la vie quotidienne, cet ouvrage eut deux limites. D’un côté, il ne sut pas différencier la religion romaine de la religion grecque alors qu’elles étaient foncièrement différentes. D’un autre côté, il étudia ces deux religions en se basant sur le christianisme. En effet, mener des études comparatives entre la religion chrétienne et les religions polythéistes était l’une des préoccupations de son époque . Néanmoins, quelques avancées notoires sont à noter. Dans un premier temps, en 1902, le philologue allemand Georg Wissowa différencia la religion romaine de la religion grecque dans l’introduction de son livre Religion und Kultus der Römer. Puis, en 1907, l’archéologue français Jules Toutain proposa de discerner la religion romaine des autres religions dans Les Cultes païens dans l’Empire romain. Son mérite fut d’élargir le cadre géographique de son étude à tout l’empire de Rome. Il était question de classer les dieux dans trois groupes isolés les uns des autres. Un tel classement fut considéré comme extrêmement rigide puisqu’il ne tenait pas compte des échanges entre les différents groupes . Dans un deuxième temps, à partir du milieu du XXème siècle, l’histoire de la religion romaine fut influencée par les courants anthropologiques et sociologiques. Dans son livre La religion romaine archaïque, paru en 1966, Georges Dumézil eut le mérite de s’appuyer sur les sources littéraires pour montrer qu’une divinité romaine avait des fonctions et que celles-ci pouvaient varier selon les territoires . Dans un troisième temps, vers la fin du XXème siècle et le début du XXIème siècle, les spécialistes de la religion romaine — John Scheid du côté français et Jörg Rüpke du côté allemand — procédèrent à une relecture des connaissances apportées tout au long des XIXème et XXème siècles . Avant toute chose, ils différencièrent la religion romaine du christianisme et de la religion grecque. Ensuite, ils établirent que la religion des romains était chaotique, ritualiste, traditionaliste , « intimately connected with the civil order of the state » et qu’elle s’adaptait à l’expansion romaine . Les élèves de John Scheid que furent William van Andringa et Audrey Bertrand appliquèrent donc ces précepts respectivement pour l’étude de la Gaule romaine  et des colonies de la péninsule italique . Toutefois, très peu d’auteurs s’intéressèrent à la religion romaine en Hispanie Ultérieure. En effet, seulement deux ouvrages concernant la religion romaine en Bétique furent publiés . Pour la Lusitanie, les travaux, à l’image de celui de Bertrand Goffaux sur la colonie d’Augusta Emerita , se centrèrent sur une colonie ou un conuentus de Lusitanie. Aucune étude globale concernant toutes les colonies de Lusitanie n’a été réalisée. C’est dans le but de compléter ce manque que nous nous sommes penchés sur la Lusitanie.

Le culte impérial

« Nul partenaire de la res publica doit avoir, sur terre, plus d’honneurs qu’Auguste […] ». Telle est la maxime caractérisant le culte impérial. Il s’agissait d’un culte destiné à un empereur défunt et à certains membres de sa famille — élevés dès lors parmi les demi-dieux — et décidé par le Sénat. Ce culte, qui n’était donc pas présent à partir de César mais à partir du règne d’Auguste , consistait donc à commémorer le passé de Rome et à célébrer l’empereur dont dépendait la pérennité de l’empire . En Lusitanie, la capitale provinciale Augusta Emerita joua un rôle primordial dans la diffusion de ce culte. En effet, l’ensemble des témoignages lusitaniens en relation avec le culte impérial proviennent de ladite colonie. Par ailleurs, le fait qu’elle était la capitale de la province dut sûrement jouer un rôle. En s’intéressant de plus près au contenu de ces témoignages, nous remarquons qu’Auguste concentra la majeure partie des honneurs puisque 24 témoignages sur un total de 27 font référence au divin Auguste . À Augusta Emerita, un des deux temples en lien avec le culte impérial lui était directement dédié. Toutes les facettes de l’Empereur Auguste étaient encensées. Il était ainsi grand pontife106, époux de Livie et père de famille c’està dire de Rome (pater  ou pater patria ) et d’Augusta Emerita (puisqu’il fonda la colonie). Enfin, on encensait — à l’image du poète augustéen Ovide — son rôle de pacificateur . À l’image d’Augusta Emerita, les quatre autres colonies lusitaniennes durent, elles-aussi, définir le culte impérial comme un élément essentiel de leur socle religieux. Il est vrai que ni l’épigraphie, ni la numismatique, ni les sources littéraires et archéologiques ne sont en mesure de conforter cette thèse.

La Mère des dieux

Déesse phrygienne venant du Mont Ida, surnommée Mater Deorum, elle était la protectrice de Troie puis celle de Rome . Suite à l’étude des livres sibyllins, nous pourrions penser, comme John Scheid, que les quindécemvirs auraient confirmé les prêtres de Cybèle depuis l’introduction du culte à Rome et auraient été en charge de « vérifier l’application de l’oracle à Rome et dans les cités romaines ». Toutefois, il existe d’autres hypothèses qui, à l’image de celle de John Scheid, ne peuvent être confirmées ou infirmées comme le rappelle Françoise van Haeperen. Il est à noter que l’empire de Rome était très hellénisé et que la Lusitanie l’était également eu égard à sa position stratégique entre la Mer Méditerranée et l’Océan Atlantique. Dans ce contexte, le culte de Cybèle put se diffuser avec une certaine facilité comme ce fut le cas à Pax Iulia .

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Table des matières

SOMMAIRE
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
LISTE D’ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE PAYSAGE RELIGIEUX DES COLONIES LUSITANIENNES
CHAPITRE II : DÉDICANTS ET SOCIÉTÉS COLONIALES EN LUSITANIE
CHAPITRE III : LES CULTES DANS LES COLONIES LUSITANIENNES
CONCLUSION
CATALOGUE DE SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
TABLES DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES MATIÈRES
INDEX
ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT
RÉSUMÉS DU MÉMOIRE

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