La Convention relative aux droits de l’enfant
La CDE est un instrument international des droits humains, ratifié par la Suisse en 1997. Elle assure protection et garantit un développement harmonieux à tous les enfants. Cette Convention est la première qui réunit tous les droits dans un seul texte. En effet, elle fait référence aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que civils et politiques de l’enfant. L’esprit de cette Convention se résume aux 3P : Prestation, Protection et Participation. Ils peuvent être considérés comme un tout qui est valable pour chaque situation dans laquelle se trouve l’enfant. Cela souligne l’interdépendance et l’invisibilité entre les différents droits présents dans la Convention. En effet, il n’existe pas de rapport hiérarchique entre ceux-ci. Elle comporte également quatre principes généraux : non-discrimination (art.2 CDE) ; intérêt supérieur (art.3 CDE) ; vie, survie et développement (art. 6 CDE) et respects des opinions (art. 12 CDE). Ces principes généraux traversent l’ensemble des droits présents dans la Convention. Ils ont été ajoutés par le Comité des droits de l’enfant afin de créer une ligne directrice lors de l’examen des Rapports des Etats. La question du port du voile dans le contexte occidental est en lien avec plusieurs articles de la CDE, comme : la non-discrimination (art.2), l’intérêt supérieur de l’enfant (art.3), le droit d’exprimer son opinion (art. 12), le droit à la liberté de religion (art. 14) et le droit à l’éducation (art. 28). Dans ce chapitre nous allons proposer une discussion autour de ces différents articles. Dans le cadre de notre travail, nous avons pu remarquer que le principe d’interdépendance entre les différents droits n’est pas toujours évident. En effet, nous pouvons observer un conflit entre certains droits.
• Non- discrimination Le principe de non-discrimination est important dans le cadre de notre problématique, car les jeunes filles qui portent le voile appartiennent à une minorité religieuse en Occident. Le concept de discrimination se pose de manière différente concernant le port du voile. En effet, il peut être considéré comme contraire à l’égalité des sexes. Il peut donc être jugé comme une pratique discriminante envers les filles musulmanes, car il n’existe pas d’obligation vestimentaire équivalente pour les garçons musulmans. L’Etat conformément à la Convention devrait donc prendre des mesures pour protéger ces jeunes filles contre une possible discrimination (art.2 al.2 CDE). Cependant, la CDE souligne également l’obligation de l’Etat de veiller à respecter les droits de chaque enfant relevant de sa juridiction, sans distinction aucune (art.2 al.1 CDE). Pourtant, comme nous avons pu l’observer, certains pays européens ont légiféré sur la question du voile. Ces controverses visent principalement une minorité religieuse. En répondant par une interdiction du voile dans l’espace public, l’Etat de ne respecte pas le principe de non-discrimination par rapport à la liberté de religion. L’interdiction du voile, peut être vue comme une discrimination pour les jeunes filles qui le portent, tandis que pour certains Etats, elle apparaît comme une mesure de protection. Nous observons donc un conflit de valeurs concernant la signification donnée au port du voile par les différents acteurs.
• Intérêt supérieur de l’enfant et droit d’être entendu La notion d’intérêt supérieur de l’enfant reste difficile à définir. Cette notion juridique indéterminée a fait l’objet d’une Observation générale (n°14) de la part du Comité des droits de l’enfant afin d’établir des règles quant à sa mise en oeuvre. Son application reste subjective et dépend de plusieurs facteurs, comme le contexte social, politique et culturel de chaque enfant. L’intérêt supérieur est une obligation que l’Etat doit assurer dans toutes situations qui concernent l’enfant. Chaque Etat a sa propre interprétation et cette subjectivité peut restreindre d’autres droits (Hanson, 2014). Dans le cas de la loi française sur l’interdiction des signes ostentatoires à l’école, il est intéressant d’observer que la Rapporteuse spéciale sur la laïcité souligne que : « Cette loi se justifie dans la mesure où conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant, à protéger l’autonomie des mineurs qui risquent d’être presser de porter le voile ou d’autres signes religieux, voire d’y être contraints. Toutefois, ce texte prive de leurs droits les mineurs qui ont choisi de porter librement un signe religieux » (E/CN.4/2006/5/Add.4).
L’intérêt supérieur de l’enfant est difficile à déterminer dans ce contexte. Il est donc nécessaire de procéder au cas par cas et de considérer l’opinion des filles concernées par le port du voile et tenir compte de leur environnement socioéconomique, de leur âge et de leur capacité d’action. Nous pouvons donc observer une complémentarité entre l’article 3 (intérêt supérieur) et l’article 12 (Respect des opinions) de la CDE (Zermatten, Stoecklin, 2009). En effet, pour définir l’intérêt supérieur de ces jeunes filles, il faut les écouter et prendre en considération leurs avis. Cela permet d’avoir une vision plus claire de leurs opinions. L’article 12 peut donc être perçu comme une condition nécessaire au respect de leur intérêt supérieur. Cependant, concernant notre problématique l’avis des jeunes filles qui désirent porter le voile n’est pas toujours entendu et respecté par les politiques occidentales.
La Cour européenne des droits de l’homme
La Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH, ci-après) a été amenée à statuer plusieurs fois, sur des questions relatives au port du voile dans l’espace public concernant différents pays européens. La CEDH n’adopte pas une jurisprudence claire en ce qui concerne le port du voile et tient compte des particularités de chaque pays (Bribosia, Rorive, 2004, p.963). En effet, dans plusieurs cas, les instances de Strasbourg semblent prendre en compte la situation du pays concerné et se basent sur des principes plus généraux comme la liberté de religion (art.9 CEDH), la liberté d’expression (art.10 CEDH), la non-discrimination (art.14 CEDH) et le respect de la vie privé et familiale (art.8 CEDH). En 1993, une étudiante turque n’a pas pu obtenir son diplôme universitaire, car elle ne présentait pas une photo d’elle sans le voile. Elle saisit la CEDH, mais celle-ci juge que dans ce pays « où la grande majorité de la population adhère à une religion précise, la manifestation des rites et des symboles de cette religion, sans restriction de lieu et de forme, peut constituer une pression sur les étudiants qui ne pratiquent pas ladite religion ou sur ceux adhérant à une autre religion » (Req n° 16278/90, décision de la Commission européenne des droits de l’homme, du 3 mai 1993).
Dans ce cas, la Cour se positionne plutôt du côté de la société et non de l’individu concernant la liberté de religion. Ce n’est pas le seul cas, où la liberté de religion est considérée dans sa dimension collective plutôt qu’individuelle. En effet, en 2001, Lucia Dahlab, une enseignante genevoise se voit obligée de retirer son voile pour exercer sa profession. La CEDH insiste sur le rôle laïc de l’école et des représentants de l’Etat dans la société suisse. La Cour rappelle que le port du foulard peut être limité par l’Etat. Elle se base donc sur le principe de proportionnalité concernant les intérêts de la nation et ceux de l’individu (Bribosia, Rorive, 2004, p. 957). L’argument de la sécurité publique est également utilisé à plusieurs reprises par la Cour. Dans le cas de l’enseignante genevoise, elle juge que : 17 « L’Etat peut limiter la liberté de manifester une religion, par exemple, le port du foulard islamique, si l’usage de cette liberté nuit à l’objectif visé de protection des droits et libertés d’autrui, de l’ordre et de la sécurité publique » (n° 42393/98, Lucia Dahlab contre Suisse, du 15 février 2001, CEDH 2001-V).
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Table des matières
RESUME
1. INTRODUCTION
1.1 QUESTION DE DEPART
1.2 APPROCHE METHODOLOGIQUE
1.3 PRECISIONS LEXICALES
2. CADRE LEGAL
2.1 NIVEAU INTERNATIONAL : LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT ET LA COUR
EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
2.1.1 La Convention relative aux droits de l’enfant
Non- discrimination
Intérêt supérieur de l’enfant et droit d’être entendu
Droit à la liberté de religion et droit à l’éducation
2.1.2 La Cour européenne des droits de l’homme
2.2 NIVEAU FEDERAL
2.2.1 Quelques cas
2.3 NIVEAU CANTONAL
3. POLITISATION DE LA QUESTION DU VOILE EN SUISSE
3.1 ANALYSE DES SOURCES
4. CADRE THEORIQUE
4.1 REPRESENTATIONS SOCIALES
4.1.1 Eléments d’information
Contexte sociohistorique
Discours médiatique
Lexique utilisé
4.1.2 Hiérarchisation et organisation : la catégorisation sociale
4.1.3 Attitudes de la société suisse et création d’une image de la femme voilée
4.2 CAPACITE D’ACTION
4.2.1 Système de l’acteur
5. QUESTION DE RECHERCHE ET HYPOTHESE
5.1 APPROCHE BASEE SUR LES DROITS VIVANTS
6. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
6.1 METHODE UTILISEE
6.2 ECHANTILLON
6.3 ETHIQUE DE LA RECHERCHE
6.4 RECOLTES DES DONNEES
7. RESULTATS
7.1 VALEURS
7.2 MOTIVATIONS
7.2.1 Réflexion autour du choix de se voiler
7.2.2 L’importance du voile dans leur quotidien
7.3 IMAGE DE SOI
7.3.1 Image de soi et regard de l’autre
7.3.2 Les effets du discours dominant sur l’image de soi
7.4 RELATIONS
7.4.1 Relations familiales
7.4.2 Relations amicales
7.4.3 Relations professionnelles
7.5 ACTIVITES
7.5.1 Études
7.5.2 Loisirs
8. DISCUSSION DES RESULTATS
9. CONCLUSION
10. BIBLIOGRAPHIE
11. ANNEXES
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