La Cour de Bourgogne à Paris (1363-1422)

L’hôtel de Bourgogne

L’hôtel de Bourgogne, situé dans le quartier latin, à proximité de Saint-Étienne-du-Mont, son église paroissiale, est hérité des prédécesseurs capétiens des ducs Valois. Il est, selon Sauval, délimité par les rues Chartière, des Sept-Voyes, et de Reims, «appellée alors et longtems depuis la rue de Bourgogne». Il dépend de la censive de l’abbaye Sainte-Geneviève.
Il s’agit d’une bâtisse «fermé[e] de hauts murs en pierre de taille» . À la mort de Philippe de Rouvres, cet hôtel passe, tout comme le duché, dans la main du roi, mais il y reste après le don du duché par Jean II à Philippe le Hardi. Ces lettres ne font en effet pas mention de l’hôtel de Bourgogne, que Philippe ne reçoit que lorsque son frère Charles V, confirmant le don fait par son père, y ajoute dans ses propres lettres patentes, données au Louvre, le 2 juin 1364, l’hôtel de Bourgogne.
Nommé dans les sources «ostel de monseigneur le duc de Bourgogne ou Mont saint Ylaire a Paris» ou «au Mont de sainte Genevieve», cet hôtel a laissé peu de traces dans la documentation : il n’est mentionné que deux fois comme nécessitant des travaux sous le principat des ducs Valois, et son agencement n’est jamais précisé. En 1394, Jean de Conflans, concierge de l’hôtel de Conflans, est chargé de faire faire des travaux dans les cinq hôtels parisiens du duc, parmi lesquels l’hôtel de Bourgogne. En 1403, Philipe le Hardi y fait réaliser des « reparacions qui y estoient tres neccessaires » . Peut-être en lien avec ces travaux, Gerart le Bourguignon, charretier parisien, est payé, après la mort du duc, « pour plusieurs gravoiz par lui menez de l’ostel de feu mondit seigneur, assiz a Paris au dessus de Cloz Brunel, aux champs et dehors de Paris, lesquelz gravoiz estoient dedens et autour dudit hostel ».Certification est donnée le 9 mars 1405 (n. st.) par Jean de Thoisy, conseiller ducal, qui est alors concierge de l’hôtel.
La place secondaire de l’hôtel de Bourgogne tient sans doute à sa situation, quelque peu excentrée, sur la rive gauche, alors que le roi réside de plus en plus rive droite. En 1401, Philippe prévoit qu’il reviendra, à sa mort, à son plus jeune fils, Philippe, comte de Nevers. En 1412 l’archevêque de Reims, Guy de Roye, l’acquiert moyennant la somme de 2 000 l.t.1 Il en fait un collège, connu ensuite sous le nom de «collège de Reims».

Le personnel des hôtels parisiens : les concierges

La fonction de concierge est née, dans l’administration royale, de la création, sous les règnes de Louis VI et de Louis VII, d’un nouveau type de résidence, peu ou pas fortifiée, ayant des fonctions d’agrément plutôt que militaires : le concierge est l’agent chargé de l’entretien et de la garde de ces résidences, qui se distinguent donc du château, confié à un châtelain puis à un capitaine. Les résidences des ducs de Bourgogne à Paris et dans les environs, sans fonctions militaires, sont naturellement confiées à des concierges, comme le sont la plupart des résidences des grands nobles et ecclésiastiques à Paris dès la fin du XIIIe siècle. Pour la période des ducs Valois de Bourgogne, des concierges sont attestés pour les hôtels des Bourdonnais, de Flandre, d’Artois et de Conflans. Il s’agit d’une charge mal connue, mais cependant importante, comme en témoignent les qualités des titulaires de la charge dans l’administration royale. Ainsi, la charge de concierge à Vincennes reste prestigieuse, en dépit de la création à la fin du XIVe s. d’un office de capitaine du château : tous les concierges connus, sauf un, sont nobles, et pour la plupart chevaliers, quand les capitaines sont tous écuyers.

Le duc de Bourgogne, hôte du roi

L’un des principaux hôtes du duc à Paris est le roi lui-même. Lorsqu’il séjourne à Paris, Philippe le Hardi se trouve souvent « devers le roi », ce qui laisse supposer qu’il loge chez le roi, à ses frais. Ainsi, le 20 août 1366, Philippe le Hardi dîne à Paris « devers le roy, et fut son corps logé devers Sa Majesté et à ses despens, et avait mondit seigneur XXXVI chevaux » . Les longs séjours auprès du roi sont fréquents : du 19 juin au 1er juillet 1367, le duc est à Paris « devers le roi », tout comme du 21 juillet au 11 août 1371, ou encore en janvier 1377 et en décembre 1378. Au début du principat de Philippe le Hardi, c’est la personne royale qui est l’enjeu des séjours ducaux dans la capitale : le duc de Bourgogne se rend à Paris principalement pour y voir son frère. Ainsi, lorsque Philippe y arrive le 15 juillet 1365, après une absence de près de six mois – depuis son départ de Paris le 19 février précédent, il est resté en Bourgogne – il ne fait qu’un bref arrêt à Paris même, le temps du dîner, et se rend directement auprès du roi, à Senlis, où il séjourne jusqu’au 12 août suivant . En décembre 1378, au retour d’un voyage en Flandre, le duc passe dix jours à Paris «vers le roy» avant de partir pour la Bourgogne. Des exemples de ce type d’itinéraires, visant le roi plutôt que Paris, sont repérables jusqu’à la mort de Charles V. La concordance des séjours est telle que les itinéraires du duc de Bourgogne ont servi de source pour établir l’itinéraire de Charles V.
L’avènement de Charles VI est l’occasion pour Philippe le Hardi de séjourner encore davantage en la compagnie du roi : les sources manquent pour les années 1381 et 1382, mais l’année 1383 est tout entière passée avec le jeune roi, sauf un intermède bourguignon en mai-juin. Dans les années qui suivent, tout séjour à Paris ou en région parisienne se déroule à la cour royale. Entre mai 1388 et avril 1390, période pour laquelle les comptes de l’hôtel sont conservés, le duc séjourne toujours très régulièrement en compagnie du roi lorsqu’il se trouve à Paris ou dans ses environs. La prise de pouvoir personnelle de Charles VI, à compter de novembre 1388, se traduit par une diminution de la présence globale du duc à Paris, mais lorsqu’il est dans la capitale, Philippe le Hardi continue de fréquenter son royal neveu.

L’emblématique ducale présente en ville

La présence du duc de Bourgogne à Paris est d’abord visible et perceptible par la présence dans la ville de l’emblématique ducale, à la fois sous sa forme héraldique traditionnelle, renvoyant au lignage et au prince comme seigneur territorial, et sous la forme de la devise, qui vient compléter les armoiries à partir du milieu du XIVe siècle, et qui renvoie à la personne individuelle du prince. Cette présence emblématique inscrit le pouvoir ducal dans l’espace de la ville.

Inscrite dans la pierre des hôtels

Les hôtels ducaux sont tout naturellement le plus évident des lieux où s’inscrit cette emblématique. Leur façade, et de façon tout à fait symbolique leur porte, est ornée, classiquement, de la marque ducale, rappelant aux passants la qualité de l’occupant des lieux, et plaçant ces bâtiments sous son autorité. Ainsi, en mai 1401, Philippe le Hardi paie son peintre et valet de chambre Jean Malouel pour «l’entailleure de ung grant pierre armoié de marguerites et des armes dudit seigneur dedens ledit pierre, avec deux grant escuz ou sont les armes de madame la duchesse, celles de monseigneur le conte de Nevers, et aussi pour l’or et autres plusieurs estouffes que ycelluy Maluel avoit mises en l’ouvraige desdictes choses par lui faictes et assises, par l’ordonnance et commandement dudit seigneur, au dessus de la premiere porte de l’ostel de Conflans». On remarque que la sculpture est ici rehaussée d’or et de peinture, et on note l’association des armes, qui sont traditionnellement inscrites sur la façade des propriétés des princes, et de la devise (ici la marguerite). Un autre exemple de l’emploi de la devise à l’usage du public peut être trouvé sur la Tour Jean sans Peur : la porte sud, ouvrant sur la courtine au premier étage, et tournée en direction de Paris, est surmontée d’un tympan aux devises de Jean sans Peur : un niveau de maçon, devise adoptée par le duc le 1er janvier 1410, surmonté de deux rabots, tandis que la salle haute présente quatre consoles sculptées aux armes du duc. Le programme politique du duc est ainsi clairement affirmé.

L’emblématique ducale dans les lieux publics à Paris

Les bâtiments privés du duc ne sont pas les seuls à arborer l’emblématique du prince. Celle-ci est visible dans des lieux publics ouverts à la population parisienne, tels les églises, par exemple lorsque le duc y fait déposer des cierges portant ses armes, ou encore au cœur du grand marché des Halles. Ainsi, en septembre 1404, Jean sans Peur fait payer 8 fr. à «Christofle Besan, paintre, pour avoir paint es Halles de Paris un pile aux armes de mondit seigneur, et y mis un grant escuçon des dictes armes de mondit seigneur ou lieu ou il a sa prinse». Il s’agit ici de marquer de façon visible l’endroit où le personnel ducal exerce aux Halles le droit de prise dont le duc de Bourgogne jouit à Paris, comme le roi et d’autres grands seigneurs. L’emblème porté sur le pilier des Halles matérialise le droit du duc, qui est par ailleurs établi par des actes de droit, au cœur de la ville. Il est actualisé lors des changements de règne : c’est le cas ici, puisqu’il s’agit de remplacer l’emblème de Philippe le Hardi, décédé, par celui de son fils.
Les armoiries ducales se déploient aussi dans l’espace de la rue parisienne sur les chariots et litières qui permettent et accompagnent les déplacements de la cour et de l’Hôtel. En effet, des peintres sont spécialement chargés d’orner ce matériel aux couleurs du prince, de façon à rendre visible et reconnaissable le(s) convoi(s) et donc la présence ducale . Le souci de la visibilité de ces symboles est d’ailleurs présent lorsqu’en août 1411, au début de la guerre civile, le duc Jean se rend d’Arras à Paris accompagné de ses troupes .

Les hôtels princiers : un espace judiciaire d’exception ?

L’apposition de l’emblématique ducale en façade des hôtels parisiens peut être interprétée en termes d’affirmation d’une souveraineté ducale sur ces espaces. En effet, bien que la présence du roi et des seigneurs qui se partagent l’espace urbain limite le pouvoir des grands aristocrates à Paris, les hôtels princiers sont traditionnellement perçus comme des espaces particuliers, en dehors de la juridiction ordinaire, et notamment de la juridiction royale.
Une forme d’immunité semble effectivement s’attacher à ces espaces : ainsi, lorsque le prévôt de Paris Guillaume de Tignonville enquête sur le meurtre du duc d’Orléans, il demande au conseil du roi l’autorisation d’entrer dans les hôtels des princes, afin de pouvoir y enquêter et de suivre la piste qui mène à l’hôtel d’Artois. De même, dans l’affaire du viol d’Ysabelet des Champions, déjà évoquée, l’une des menaces proférées à l’encontre de la victime est de l’emmener à l’hôtel de Flandre – qui n’est pourtant pas proche, l’enlèvement d’Ysabelet ayant eu lieu rue de la Huchette, rive gauche : « lors ledit Berthelemi lui dist que se il n’y couchoit [avec elle cette nuit-là], il la meneroit en la court monseigneur de Bourgogne en son hostel de Flandres ».
En effet, l’hôtel ducal est un espace « à part » au sein de la ville, notamment parce que le duc étant juge de ses serviteurs, l’Hôtel dispose d’un système judiciaire interne spécifique, qui reste mal connu. Dans l’hôtel du roi, ce sont les maîtres de l’hôtel, supervisés par le grand maître de l’hôtel, qui ont des fonctions judiciaires; pour l’hôtel d’Orléans ces fonctions sont attribuées aux maîtres d’hôtel puis, à partir de la deuxième moitié du XVe s., aux prévôts de l’hôtel. Le maître de l’hôtel du duc de Bourgogne semble avoir des fonctions équivalentes : ainsi, Pierre de Fontenay, maître d’hôtel du duc, fait prendre et emprisonner à Charenton Étienne Laisié, accusé du vol d’un gobelet d’or dans l’hôtel de Philippe le Hardi.

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Table des matières

Introduction
Sources
Première partie Lieux et formes de la présence du duc de Bourgogne à Paris
Chapitre 1 Les hôtels personnels du duc de Bourgogne à Paris et aux alentours
I. À Paris
1. L’hôtel de Bourgogne
2. L’hôtel des Bourdonnais
3. L’hôtel d’Artois, rue Mauconseil
4. L’hôtel de Flandre
5. L’hôtel d’Armagnac ou de Charolais
6. Les autres hôtels
II. En dehors de Paris
1. Les résidences au Bois de Vincennes
2. L’hôtel du Val-Coquatrix.
3. Autres hôtels
III. Financement et gestion des hôtels parisiens
1. Financement
2. Le personnel des hôtels parisiens : les concierges
3. Autre personnel
4. L’investissement ducal à Paris
Chapitre 2 Construction et usages de l’espace parisien
I. Le duc hors de chez lui à Paris
1. Le duc chez le roi et les princes
2. Le duc en ville
II. La mobilité en région parisienne
1. La construction de l’espace parisien : l’espace arpenté par le duc et les lieux fréquentés
2. Dynamique des séjours
III. Les signes de la présence : la matérialisation de la présence ducale à Paris 
1. L’emblématique ducale présente en ville
2. La question du statut des hôtels princiers
Conclusion de la première partie
Deuxième partie La vie matérielle de la cour de Bourgogne à Paris
Chapitre 3 La cour, centre de consommation
I. L’organisation du quotidien : du marché à l’Hôtel
1. Structure et dépenses de l’Hôtel
2. Un exemple d’approvisionnement quotidien : le vin
II. Les objets de luxe
III. Paris, place financière 
1. Les créanciers ducaux
2. Les types de prêts
Chapitre 4 L’influence de la cour sur la vie économique et les spécificités parisiennes de l’approvisionnement
I. Les relations des fournisseurs parisiens avec la cour de Bourgogne 
1. Les marchands fournisseurs de la cour à Paris : portrait de groupe
2. Le recrutement des fournisseurs parisiens
3. Le rôle des officiers ducaux
4. Marché urbain et clientèle curiale
5. Commerce parisien et guerre civile
II. Les spécificités parisiennes de la gestion de l’Hôtel ducal 
1. La logistique parisienne de l’Hôtel
2. Le recours aux hôteliers et à la location
3. Géographie parisienne des achats des ducs de Bourgogne
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie Les hommes du duc à Paris 
Chapitre 5 L’entourage ducal à Paris
I. Les officiers et serviteurs du duc à Paris
1. La cour de Bourgogne : un noyau royal et parisien
2. La cour face à Paris : la construction d’une extranéité
II. Les Parisiens dans l’entourage ducal 
1. La noblesse d’Île-de-France et la cour de Bourgogne
2. L’intégration de fournisseurs et marchands parisiens dans l’Hôtel ducal
3. Personnel administratif
4. Gens de savoir, gens de lettres
III. La question du cumul des fonctions
1. D’un Hôtel à l’autre
2. Service du prince et administration royale
3. Service du prince et activités urbaines
Chapitre 6 Les modalités de l’intégration dans le cadre curial
I. L’implantation des Bourguignons à Paris : résidence et investissement immobilier 
1. Hôtels ducaux, location, achat : les solutions de logement pour les officiers du duc de Bourgogne
2. L’emprise foncière des Bourguignons dans l’espace parisien
3. Les demeures des membres de la cour à Paris
4. Rôle des hôtels des courtisans dans la vie de la cour
II. L’intégration des Parisiens à vie de la cour 
1. Rémunérations et fonctions à la cour
2. Les dons ducaux aux Parisiens
Chapitre 7 Interactions et confrontations entre cour et ville
I. Un quotidien en dehors de la cour
1. Le coût de la vie parisienne
2. À Paris sans la cour
II. Une implantation durable à Paris ? 
1. Le déplacement d’activités professionnelles de la cour vers la ville
2. Liens familiaux
3. Paris comme dernière demeure
III. Liens choisis, liens subis : sociabilité et confrontation 
1. Gens de cour et sociabilité urbaine
2. Violence et délinquance
Conclusion de la troisième partie
Quatrième partie Activités et manifestations de la cour de Bourgogne dans l’espace parisien
Chapitre 8 L’hôtel ducal, un espace ouvert sur la ville
I. Un quotidien tourné vers la ville 
1. La scène du quotidien
2. Un espace ouvert
II. Les fêtes internes à l’hôtel 
1. Les réjouissances à caractère familial
2. Les fêtes curiales et chevaleresques
Chapitre 9 L’église
I. La piété ducale à Paris : la fréquentation de sanctuaires
1. Le modèle royal
2. Des dévotions « personnelles »
3. Les types d’offrandes
II. Vie paroissiale et religion urbaine 
1. Le cadre urbain de la pratique religieuse
2. Temps forts de la présence ducale dans les églises parisiennes
III. Le duc et le clergé parisien
1. Personnel bourguignon et institutions ecclésiastiques parisienne
2. Le clergé parisien et la cour
Chapitre 10 La rue 
I. Le temps de la fête
1. Divertissements urbains et curiaux
2. Les entrées du duc de Bourgogne à Paris
II. La politisation de l’espace de la rue
1. La privatisation de l’espace public
2. Badges et autres symboles
3. La rue et la communication politique
Conclusion de la quatrième partie
Conclusion générale

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