L’utilisation de mortiers à base de chaux, d’argile, de sable et d’eau pour la construction est ancienne (les égyptiens utilisaient ce type de mortier vers 2600 av. J.C. et les romains formaient des mélanges de chaux et de pouzzolanes (sable volcanique de Pouzzole (baie de Naples)) dès 100 ap. J.C.) mais son savoirfaire a été perdu au moyen-âge. Dans la seconde moitié du 18ème siècle, des recherches sur les ciments ont été à nouveau menées en Angleterre (Smeaton, Higgins) et en France (Chaptal, Vicat). La découverte du ciment est attribuée à Louis Vicat, qui fut le premier en 1818 à fabriquer de manière artificielle des chaux hydrauliques dont il détermina les composants ainsi que leur proportion. L’industriel anglais Joseph Apsdin déposa le premier brevet en 1824 et créa la marque Portland. Le béton constitué de granulats (graviers, sable), de ciment et d’eau est un matériau évolutif à maturation progressive. Initialement à l’état liquide, il évolue vers un état viscoélastique durant les premières heures puis durcit pour enfin présenter des résistances mécaniques importantes (maturation sur une période de 28 jours).
La Corrosion dans les structures en béton armé
L’utilisation du béton en combinaison avec l’acier est une technique utilisée pour diminuer les coûts de construction, par rapport à la fabrication d’une structure entièrement en acier. Le béton offre de bonnes caractéristiques physiques en compression, mais son talon d’Achille est sa relative faiblesse en traction. Ceci est la raison pour laquelle l’acier est utilisé comme colonne vertébrale en compensation (« béton armé »). L’acier est aussi parfois utilisé comme structure de précontrainte (« béton précontraint »). Le béton fonctionne alors essentiellement en compression dans un domaine de déformation plus étendu.
Le béton est obtenu à partir de granulats agglomérés par un ciment – qui constitue environ 1/6 du volume total – et d’eau. Selon l’US Geological Survey, la production mondiale de ciment pour l’année 2013 était de 4 milliards de tonnes [3]. Par conséquent, ce volume de production place le béton comme le matériau artificiel le plus utilisé au monde . La présence d’un métal (essentiellement de l’acier) dans le béton sous forme d’armature introduit cependant un facteur de risque lié à la possible apparition de phénomènes de corrosion pouvant dégrader la résistance mécanique de la structure. L’actualité mentionne fréquemment des exemples d’effondrements de structures de génie civil consécutifs à une dégradation par corrosion, par exemple des ponts : Silver Bridge (Ohio, Etats-Unis), Mianus River Bridge (Connecticut, Etats-Unis) et I-35W Mississippi River bridge (Minneapolis, Etats-Unis) .
Conséquences économiques
Selon les pays, les coûts de réparation et de restauration des structures corrodées peuvent constituer un poste important des dépenses d’infrastructures. Ainsi, les structures construites dans des zones à climat chaud et humide, en bords de mer ou sous climat froid soumis aux sels de déverglaçage (États-Unis, Canada, nord de l’Europe) sont particulièrement exposées. En contrepartie, les structures construites en pays chauds et secs (Mexique, Nord de l’Afrique, etc.) sont relativement épargnées.
Aux coûts de réparation s’ajoutent les coûts d’arrêt d’exploitation qui impactent directement l’activité socio-économique. Pour donner un exemple, en 2013 :
4,7 millions de voitures et 338.000 poids lourds ont transité par le viaduc de Millau. Une interruption d’un jour de service est équivalente à 100.000 euros de pertes de rentabilité [5]. Ainsi, les travaux de réparations accusent des retards souvent importants en raison des budgets d’entretien limités dont disposent la plupart des exploitants et des collectivités publiques. A titre d’exemple, les USA doivent maintenir et surveiller environ 600.000 ponts d’autoroutes, dont 15 % sont considérés comme structuralement déficients, essentiellement en raison de la corrosion. La plupart de ces ponts ont été construits durant les années 1930 et durant les années 1950 – 1970 lors de la réalisation du réseau d’autoroutes. Les premiers ont atteint leur fin de vie et les seconds nécessitent des réparations majeures. De plus, des millions de tonnes de sels ont été déversées sur les routes et les ponts durant les années 1950. Le coût des dommages provoqués est de l’ordre de 8,3 BUSD pour les ponts chaque année .
Pourquoi mesurer la corrosion ?
La problématique de corrosion est particulièrement critique pour les structures en béton armé qui, fragilisées, mettent en péril la sécurité des biens et des personnes. Déterminer l’intégrité d’une structure est vital pour éviter les conséquences citées précédemment. Tant qu’il n’existe pas de solutions totalement efficaces (e.g. utilisation d’autres matériaux de construction viables économiquement), la corrosion demeurera un problème majeur pour les structures. En plus, la majorité des ouvrages déjà existants ont été construits selon la technique acier-béton. Cela constitue un immense ensemble de structures soumises à cette problématique. Une maintenance optimisée est nécessaire étant donné qu’une déconstruction massive suivie d’une reconstruction engendrerait des coûts trop importants.
La maintenance conditionnelle
Actuellement, cette maintenance est programmée (i.e. périodique) [7],[8]. En effet, hormis quelques infrastructures manifestement dégradées, il n’est pas possible d’anticiper l’état réel de l’ouvrage uniquement à partir d’une analyse visuelle de l’extérieur. Quel que soit le procédé de réparation ou de protection envisagé, il est nécessaire de connaitre à tout moment l’état de corrosion au sein de l’ouvrage affectant sa durabilité afin de définir une stratégie de maintenance de l’infrastructure en question. Cependant, les gestionnaires d’ouvrages manquent d’outils opérationnels pour étayer leur prise de décision. Face à cet énorme enjeu technico-économique que constituent l’entretien et la restauration des structures endommagées par la corrosion, la constante augmentation des coûts afférents conduit à privilégier une stratégie de réparation conditionnelle (Condition-Based Maintenance – CBM) plutôt que périodique [Scheduled-Driven Maintenance]. Le principe d’une maintenance conditionnelle est d’optimiser les interventions là où elles sont réellement nécessaires et ainsi épargner une analyse systématique longue et coûteuse. Ces outils permettront aux autorités compétentes d’évaluer l’état réel de leurs structures, de prédire leurs performances à venir et d’optimiser la répartition des budgets nécessaires à leur entretien afin d’assurer leur fiabilité et de réduire les coûts du cycle de vie. L’efficacité de cette stratégie de maintenance évoluée est donc absolument tributaire d’une cartographie précise et fiable de l’état de corrosion global de l’ouvrage afin d’intervenir sélectivement sur des zones identifiées comme « à risque », i.e. lorsque au moins un témoin d’alerte de corrosion est activé.
La fibre optique comme solution
Selon P. Ferdinand [9], dès l’apparition des premières fibres optiques au début des années 1970, certains chercheurs envisagèrent leur utilisation comme simples guides de lumière, puis en tant que capteurs. Les fibres optiques ont été développées dans un objectif initial de télécommunications. Plus de 40 ans de développements ont abouti à la conception de divers dispositifs de mesure basés sur différentes propriétés optiques. En passant par le Gyroscope à Effet Sagnac, les ampèremètres à fibre, les mesures réparties de type DTS-Raman et DTSS-Brillouin, les réseaux de Bragg, les fibres à cristal photonique, etc. (la liste n’est pas exhaustive), l’évolution de la technologie dans ce domaine permet de présenter la fibre optique comme une possible solution aux problématiques de détection de corrosion. Des nouveaux développements dans les méthodes d’interrogation permettant d’augmenter simultanément la sensibilité et la résolution spatiale ont ouvert un éventail d’applications. Parmi les avantages des Capteurs à Fibres Optiques (CFO), nous pouvons citer le déport important (plusieurs dizaines de km), la passivité (électrique, chimique), l’immunité électromagnétique et une grande capacité de multiplexage. Les CFO constituent ainsi une solution intéressante dans l’objectif d’une mesure in situ répartie de corrosion de capacité élevée (une pluralité de points de mesure le long d’une seule fibre optique), fiable et à coût optimisé.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Contexte du problème
1.1 La Corrosion dans les structures en béton armé
1.2 Conséquences économiques
1.3 Pourquoi mesurer la corrosion ?
1.3.1 La maintenance conditionnelle
1.4 La fibre optique comme solution
1.5 Limites de la recherche
Chapitre 2 : La corrosion des structures de béton armé
2.1 Le béton armé
2.1.2 Le béton
2.1.2.1 Le ciment
2.1.2.2 Les granulats
2.1.2.3 Adjuvants
2.1.2.4 Eau de gâchage
2.1.2.5 Formulation
2.1.3 Les armatures
2.1.3.1 Corrosion des métaux
2.2 Mécaniques de dégradation du béton armé
2.3 Indicateurs physico-chimiques d’une situation de corrosion des armatures
2.4 Techniques de mesure traditionnelles
2.4.1 Analyse non destructive par auscultation de l’ouvrage
2.4.1.1 Détection par ultrasons
2.4.1.2 Détection électrique
2.4.2 Analyse destructive par prélèvement
2.5 Conclusion
Chapitre 3 : Capteurs à Fibre Optique
3.1 La fibre optique
3.1.3 Caractéristiques
3.1.3.1 Atténuation
3.1.3.2 Dispersion chromatique
3.1.3.3 Non-linéarité
3.1.3.4 Dispersion modale de polarisation (Polarization-mode dispersion PMD)
3.1.4 Fibres monomodes et multimodes
3.1.4.1 Fibres multimodes
3.1.4.2 Fibres monomodes
3.1.4.3 Longueur d’onde de coupure et fréquence normalisée
3.2 La fibre comme capteur
3.3 Procédés de mesure optique
3.3.1 Procédé de réflectométrie OTDR (Optical Time Domain Reflectometry)
3.3.2 Procédé de diffusion Raman
3.3.3 Procédé de diffusion Brillouin
3.3.4 Procédé Bragg
3.3.5 Procédé OFDR (Optical Frequency – Domain Reflectometry)
3.4 Conclusions
Chapitre 4 : Etat de l’art CFO de Corrosion
4.1 Capteur de corrosion colorimétrique
4.1.1 Procédé de P. Fuhret al
4.1.2 Procédé de N. Singh et al
4.2 Capteur de corrosion en intensité lumineuse
4.2.1 Procédé de J. Sirkis
4.2.2 Procédé de S. Dong et al
4.2.3 Expérience de C.K.Y. Leung
4.2.4 Expérience de Y.L. Lo et al
4.2.5 Expérience de Martins-Filho et al
4.3 Capteurs de corrosion reposant sur un effet mécanique
4.3.1 Procédé d’E. Uddet al
4.3.2 Expérience de Zheng et al
4.3.3 Expérience de Gao et al
4.3.4 Expérience de Grattan et al
4.3.5 Expérience de S.A. Wade et al
4.3.6 Expérience de Lo et al
4.3.7 Expérience de Lee et al
4.3.8 Expérience de Mc Cague et al
4.3.1 Expérience de Zhang et al
4.4 Capteurs de corrosion réfractométriques
4.4.2 Expérience de Sinchenko et al
4.4.3 Expérience de Cooper et al
4.4.4 Expérience de T. Hien Nguyen et al
4.5 Conclusion
Conclusion