La coqueluche : généralités
La coqueluche est une maladie des voies respiratoires inférieures à transmission aérienne, extrêmement contagieuse et d’évolution longue, dont l’agent pathogène principal est Bordetella Pertussis (autrement nommé bacille de Bordet et Gengou). Cette bactérie aérobie est un bacille gram négatif dont le réservoir est exclusivement humain et qui touche toutes les catégories d’âge, du nouveau-né à l’adulte. Plus rarement l’agent pathogène Bordetella Parapertussis et Holmesi Bronchectisa peuvent être responsables de cette maladie qui est alors de forme plus bénigne (dans 5 à 20% des cas)(2). On retrouve l’appellation de « toux des cent jours » dans certains pays, dû à la longue évolution de la maladie (4 à 8 semaines en général).
Epidémiologie
Transmission de la maladie
La transmission de la coqueluche est essentiellement aérienne. La contamination a lieu au moment de la toux, par projection de mucus d’un sujet malade vers un sujet sain. Le bacille se multiplie à la surface des épithéliums ciliés respiratoires de la trachée et des bronches et produit alors des toxines qui vont venir modifier la réactivité bronchique(3). En effet, certaines de ces toxines vont provoquer une nécrose de la muqueuse respiratoire.
Il y a environ 70 ans, avant l’introduction des vaccins, la maladie touchait surtout les enfants de cinq à sept ans qui se contaminaient à l’école. Tandis que les adolescents et adultes, qui eux étaient régulièrement au contact d’enfants malades, avaient ainsi des rappels que l’on appelait « naturels », ce qui leur permettait de ne pas développer la maladie même s’ils étaient en contact avec un malade. Cette immunité dite « naturelle » est due à l’immunité adaptative de notre organisme. Cette réponse immunitaire adaptative est limitée dans le temps et est spécifique d’un antigène avec lequel elle a déjà été en contact. Cela débute par la réponse primaire qui résulte de la première rencontre entre les lymphocytes dits «naïfs » et le pathogène. Ensuite, lors d’une exposition ultérieure à ce même antigène, l’organisme va répondre plus rapidement, plus durablement et plus efficacement afin de l’éliminer. C’est ce que l’on appelle la réponse immunitaire secondaire qui, avant la mise en place de la vaccination, constituait les rappels « naturels » lors d’expositions fréquentes des adultes à la coqueluche.
La coqueluche a donc longtemps été considérée comme une maladie infantile et touchait peu les adultes. En 1959 a été introduit un premier vaccin anti-coquelucheux monovalent : Vaxicoq®. Il s’agissant d’un vaccin à germe entier. La vaccination s’est généralisée à partir de 1966 grâce à l’ajout de la coqueluche au vaccin préexistant contre la diphtérie, le tétanos ainsi que la poliomyélite sous la forme d’un vaccin combiné tétravalent(4). Cette généralisation de la vaccination a permis de diminuer le nombre d’hospitalisation(s) et de décès. La primo vaccination comportait initialement trois doses. En 1966, lors de la mise en place de la vaccination en France, les nourrissons recevaient ces trois injections à trois, quatre et cinq mois, puis il y avait un rappel lors de la deuxième année entre dix huit et vingt-quatre mois. Jusqu’en 1986 la coqueluche était une maladie à déclaration obligatoire. Cette mesure a été levée après l’introduction des vaccins en raison de leur grande efficacité conduisant à la très forte diminution de l’incidence de la maladie au sein de la population . Cependant, quelques années plus tard, on a observé un déplacement de l’âge de la maladie vers les adolescents et les adultes jeunes et que le nombre de nouveau-nés et de nourrissons contaminés par des adultes augmentait fortement.
Cette augmentation associée à l’impossibilité de vacciner plus précocement ces très jeunes nourrissons avant l’âge de deux mois, a fait émettre l’hypothèse de vacciner l’entourage afin de les protéger et réduire ainsi cette fenêtre de vulnérabilité. La vaccination des enfants dès la naissance a montré un effet paradoxal et des interférences avec les réponses vaccinales ultérieures. Cette recrudescence a été également due au fait que l’immunité, qu’elle soit le fait de la maladie naturelle ou de la vaccination, est transitoire et ne dépasse pas une dizaine d’années. Ainsi, on peut contracter la coqueluche plusieurs fois au cours de sa vie. On a donc observé un changement de mode de transmission qui est passé de transmission d’enfants à enfants avant la vaccination, à adultes à nouveau-né et nourrissons depuis l’entrée du vaccin(5). De plus, les anticorps maternels naturels anti-coqueluche ne se transmettant pas au nouveau-né, il n’y a donc pas d’immunité materno-fœtale passive et ce dernier n’est alors pas protégé à la naissance et peut de ce fait contracter la maladie dès ses premières semaines de vie. Par ailleurs, si une femme enceinte contracte la maladie, il n’y a pas de transmission possible au fœtus pendant la grossesse. Le seul risque est si la patiente contracte la maladie en fin de grossesse, car au vue de la longue évolution de la maladie, le risque est qu’elle soit encore contagieuse au moment de la naissance et de ce fait, que son enfant contracte la coqueluche avant qu’il ne soit vacciné .
Quelques chiffres épidémiologiques
La coqueluche atteint 60 millions de personnes dans le monde et provoque le décès de 400 000 d’entre elles par an, en particulier dans les pays émergents. La quasi-totalité de ces décès surviennent chez des nouveau-nés et très jeunes nourrissons. Dans les pays où la vaccination est mise en place depuis bon nombre d’années (Etats-Unis, Canada, France, …), l’incidence de la coqueluche est faible (0.1 à 3%). Dans ces pays, la mortalité est faible mais non nulle du fait de la protection vaccinale qui n’excède pas 10 ans. De plus, l’immunité post contamination n’est pas définitive (en moyenne, 10 ans d’immunité également), on peut donc contracter la maladie plusieurs fois au cours de la vie. L’éradication de la maladie semble donc illusoire(2). Cette maladie peut survenir à tout âge mais elle atteint actuellement essentiellement les enfants de moins de six mois(Annexe 3). L’organisme Renacoq (Réseau national de la coqueluche) regroupe quarante-deux hôpitaux volontaires pour répertorier le nombre de cas de coqueluche qu’ils rencontrent chez les personnes âgées de moins de dix-sept ans. Il s’adresse aux bactériologistes ainsi qu’aux pédiatres qui transmettent à l’institut de veille sanitaire le nombre de cas qu’ils rencontrent. La coqueluche étant la première cause de décès par infection bactérienne chez les nourrissons de moins de trois mois. Le réseau Renacoq a par exemple relevé 128 cas de coqueluche en 2015 chez les moins de dix-sept ans, dont 32% avaient moins de trois mois(Annexe 4). Cette maladie a donc une forte incidence chez les enfants ne pouvant être vaccinés (ou lorsque la vaccination n’a pas encore son efficacité maximale) et dont la santé ne dépend que de la couverture vaccinale des adultes qu’ils côtoient. Cette même année, 90% des enfants de moins de six mois ont été hospitalisés après avoir contracté la coqueluche, dont 38% d’entre eux qui ont été admis en réanimation. Ces enfants de moins de six mois sont pratiquement tous hospitalisés car l’efficacité maximale du vaccin ne peut être atteinte avant(7, 8, 9). En moyenne sur les 15 dernières années, le taux de décès est resté stable, entre 1 à 2% chez les enfants hospitalisés de moins de six mois, avec environ 18% des enfants atteints qui ont été admis en Réanimation .
Clinique
Forme clinique chez le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant
Cliniquement, la coqueluche peut se caractériser en quatre phases :
– Une phase d’incubation pendant laquelle aucun symptôme n’est visible mais qui est déjà contagieuse. Cette première période s’étend sur une dizaine de jours.
– Une phase d’invasion ou période catarrhale : cette période dure entre sept et quinze jours. Cette phase est constituée de symptômes atypiques tels qu’une rhinorrhée, ainsi qu’une toux sèche persistante et à prédominance nocturne. On observe parfois un fébricule. Cette phase étant caractéristique d’un rhume, la plupart du temps les personnes atteintes ne vont pas consulter leur médecin, cependant cette période est la plus contagieuse car les bactéries vont se multiplier et secréter des toxines qui vont être responsables du tableau clinique que l’on va retrouver au cours de la phase suivante. Le taux d’attaque est de 70 à 80% lors de cette phase si le contact est proche entre les deux sujets.
– La phase d’état ou période des quintes fait suite à la phase d’invasion et peut durer trois à six semaines. C’est une période généralement sans fièvre. Lors de cette phase, la toux devient beaucoup plus intense. Au cours de la quinte de toux, l’enfant est cyanosé, couvert de sueur, éventuellement il peut subir des syncopes. La contagiosité s’arrête environ trois à quatre semaines après le début de la toux. La quinte de toux est cyclique. Tout d’abord, elle est précédée d’une aura de la quinte : agitation, anxiété, respiration et activités stoppées. Ensuite, la quinte de toux est une succession de 6 à 20 secousses expiratoires qui aboutissent à une apnée qui dure quelques secondes lors de l’expiration. La quinte de toux est suivie d’une longue et bruyante inspiration, souvent caractérisée de « chant de coq ». Cette dernière annonce une nouvelle succession de secousses expiratoires. Le cycle se termine par une expectoration glaireuse (mucus filant et épais que le sujet peine à évacuer) et s’accompagne souvent d’un vomissement. La fréquence des quintes au cours de la journée est variable en fonction de la sévérité de la maladie, pouvant aller de 10 à 20 jusqu’à 60 à 80 quintes par jour. Pour le nouveau-né ainsi que le nourrisson, la phase de toux que l’on appelle le « chant du coq » est remplacée par une apnée cyanosante s’accompagnant d’une bradycardie et de malaises.
– La dernière phase est la phase de convalescence ou de déclin. Elle se caractérise par l’atténuation progressive des quintes de toux. Cette phase peut durer plusieurs semaines et le sujet est alors souvent amaigri et asthénique .
Formes de l’adolescent, de l’adulte et de la personne âgée
La plupart du temps, les adultes, adolescents et personnes âgées développent une forme atypique de la maladie. Le tableau clinique est souvent confondu avec une banale bronchite ou des épisodes de crises asthmatiques, plus ou moins sévères en fonction de la fragilité du patient. Il est retrouvé une infection par Bordetella Pertussis chez un adulte sur trois qui consulte son médecin pour une toux persistante depuis plus de trois semaines. Il faut donc toujours rechercher une coqueluche devant une toux persistante.
Complications
La coqueluche peut s’accompagner de complications surtout lorsque l’immunité du sujet est moindre, c’est le cas par exemple pour les nouveau-nés, mais parfois également pour les personnes âgées et les femmes enceintes. Les patients immunodéprimés chroniques sont donc aussi plus à risques de complications. Ces complications sont pour les plus fréquentes d’ordre respiratoire. On peut être amené à soigner des surinfections pulmonaires ou bronchiques. Parfois la coqueluche peut se compliquer d’atélectasies au niveau pulmonaire. Ces dernières correspondent à un affaissement des alvéoles pulmonaires suite à un défaut de ventilation malgré une perfusion sanguine persistante. La coqueluche peut aussi se compliquer par des troubles neurologiques. Ces derniers sont moins fréquents que les complications de l’arbre respiratoire. Ces complications sont à type de convulsions par anoxie ou par hyperthermie, mais des hémorragies intracrâniennes peuvent également être associées. Des séquelles au niveau neurologique peuvent subsister suite à une anoxie cérébrale. Des surinfections en dehors des complications respiratoires peuvent avoir lieu, essentiellement au niveau de l’oreille moyenne à type d’otites. Plus rarement, nous pouvons retrouver des complications mécaniques liées à l’intensité de la toux et aux hyperpressions intra-thoraciques. Ces complications peuvent être une ulcération du frein de langue, des hémorragies nasales ou sous conjonctivales. Dans les cas extrêmes, la coqueluche peut se compliquer d’un pneumothorax, de fractures de côtes(3). La coqueluche maligne est celle que l’on redoute le plus chez le nouveau-né malade. C’est une maladie toxinique avec une atteinte pulmonaire hypoxémiantée avec une hypertension artérielle pulmonaire. En effet, cette forme de coqueluche est à l’origine de la majorité des décès chez ces derniers. Elle associe une insuffisance respiratoire qui conduit à une défaillance multi viscérale nécessitant une hospitalisation en service de réanimation .
|
Table des matières
I. Introduction
II. Revue de la littérature
1. Quelques définitions
2. La coqueluche : généralités
3. Epidémiologie
3.1. Transmission de la maladie
3.2. Quelques chiffres épidémiologiques
4. Clinique
4.1. Forme clinique chez le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant
4.2. Formes de l’adolescent, de l’adulte et de la personne âgée
4.3. Complications
5. Diagnostic
6. Examens paracliniques
6.1. Bactériologie
7. Diagnostic différentiel
8. Traitement
8.1. Hospitalisation des nouveau-nés et nourrissons
8.2. L’isolement des patients
8.3. Traitement curatif
9. Prévention
9.1. Antibioprophylaxie
9.2. Vaccination
III. Matériel et méthode
1. Problématique et hypothèses
2. Objectifs et perspectives de l’étude
3. Méthodologie employée
2.1. Outils d’enquête
2.2. Démarche
2.2.1. Déroulement de l’enquête
IV. Résultats de l’enquête
1. Résultats bruts
2. Résultats avec croisement des données
V. Discussion
1. Analyse de la population étudiée
2. L’information des patientes sur la stratégie du cocooning
3. Complications encourues pour l’enfant s’il contracte la coqueluche
4. Vaccination des patientes contre la coqueluche
5. La vaccination pendant la grossesse
6. Consultation du carnet de santé et délivrance d’une ordonnance aux patientes non à jour de leur vaccination
7. Statut vaccinal du conjoint
8. Moyens de préventions souhaités par les patientes
9. Validation des hypothèses
10. Propositions d’axes d’amélioration
VI. Conclusion