La coopération entre pairs

D’après le code de l’éducation, et ce depuis les lois Ferry de 1882 et la loi Debré de 1959, l’instruction est obligatoire pour les filles et les garçons, âgés de 6 à 16 ans, résidant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité. Cette instruction peut s’exercer à la maison ou dans le cadre scolaire. D’après une enquête réalisée par l’INSEE (2018), à la rentrée 2015 les écoles de l’enseignement du premier degré scolarisent 6,8 millions d’élèves. De plus, l’affectation d’un élève dans une école maternelle ou une école élémentaire relevant de l’enseignement public obéit à la sectorisation scolaire. Autrement dit, les élèves sont scolarisés dans l’établissement scolaire correspondant à leur lieu de résidence. Enfin, la loi du 11 février 2005 ajoute un aspect important prônant l’inclusion scolaire : un enfant en situation de handicap est inscrit en priorité dans l’établissement scolaire de son secteur lequel constitue son établissement scolaire de référence. L’accumulation de toutes ces mesures met en évidence le fait que l’école accueille de manière obligatoire tous les élèves par secteur. Par conséquent les élèves sont regroupés dans des classes hétérogènes. Prendre en charge cette hétérogénéité constitue une compétence du métier de professeur des écoles. En effet, d’après le référentiel des compétences de 2013, l’enseignant doit être capable de « construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves ». Je me suis donc interrogée sur cette problématique, à savoir comment prendre en compte la diversité des élèves (cette hétérogénéité). En effet, chaque élève est unique et a son histoire de vie ; chaque élève a une approche personnelle de l’école et des savoirs qu’il va aborder. Autrement dit, chaque élève a des besoins différents de son camarade de classe. Après plusieurs lectures (2004, 2017) je suis arrivée à la conclusion suivante : pour qu’une classe fonctionne correctement, il est nécessaire que les besoins individuels de chaque élève soient satisfaits, mais aussi que les besoins du groupe soient reconnus et pris en compte. François Muller (2014) a repris la classification d’Abraham Maslow sur les besoins fondamentaux des individus d’un point de vue pédagogique. D’après cet auteur, l’enseignant doit toujours s’assurer du respect des besoins physiologique, de sécurité, d’appartenance et affectif, d’estime et d’épanouissement. Le rôle de l’enseignant est donc de repérer les difficultés et les besoins des élèves et d’y répondre le plus tôt possible afin qu’elles n’aient pas de conséquences néfastes sur la scolarité de l’enfant. Pour ceci différents moyens peuvent être mis en place. Par exemple l’enseignant peut modifier sa façon d’enseigner en y ajoutant du numérique ou alors les élèves peuvent être sollicités à travailler différemment comme par exemple en groupe.

Qu’est-ce qu’une « classe coopérative » ?

Qu’est-ce que la coopération entre pairs ? 

Pour commencer nous allons chercher à comprendre ce que nous entendons par « classe coopérative » et plus spécifiquement par « coopération entre pairs ». D’après le Larousse, coopérer, c’est l’« action de participer (avec une ou plusieurs personnes) à une œuvre ou à une action commune ». Philip C. ABRAMI (1995) dit que « l’apprentissage coopératif est une stratégie d’enseignement qui consiste à faire travailler les élèves ensemble au sein d’un groupe; il faut former ces derniers avec soin afin de créer une interdépendance positive entre les élèves». Autrement dit, une classe coopérative est une classe qui, par différents moyens, met à disposition de tous, les richesses individuelles de la classe par des échanges entre pairs. D’après Alain Marchive (1995), « coopérer, c’est aider, coopérer, c’est s’entraider, coopérer, c’est travailler en groupe, coopérer, c’est rentrer dans des logiques tutorielles ». Dans son livre « La coopération entre élèves » (2017), Sylvain Connac reprend ces quatre formes de pratique de coopération entre élèves mises en avant par A. Marchive. Il distingue les formes « symétriques » des formes « asymétriques ». Parmi les formes relevant de la coopération « symétrique », c’est-à-dire entre élèves de même niveau ou de niveau homogène, il parle de l’entraide et du travail en groupe. Parmi les formes de coopération « asymétrique », c’est-àdire entre élèves ayant un niveau différent pour une tâche ou une discipline précise, par exemple, il parle de tutorat et d’aide.

S. Connac nous parle de l’aide comme étant une des quatre formes de coopération entre pairs. Il s’agit d’une situation dans laquelle un élève s’estimant compétent apporte une réponse à un camarade qui en a exprimé la demande. Il s’agit ici d’une relation asymétrique car l’aidant possède plus de connaissances que l’aidé pour la tâche engagée. M. Crahay, K. Lehraux et C. Buchs (2017) proposent une distinction entre aide rétroactive et aide proactive. L’aide proactive consistant à « accompagner l’aidé de manière précise à tel point de le dessaisir du travail cognitif d’élaboration de la stratégie ». Quant à l’aide rétroactive, il s’agit pour l’aidant de s’appuyer sur les questions ou les erreurs de l’aidé afin de lui expliquer ces aspects précis. Par conséquent l’aidé continue de chercher et c’est à partir des obstacles qu’il rencontre que l’étayage lui est apporté. D’après ces chercheurs, seules les aides rétroactives s’avèreraient efficaces. De plus, d’après A. Baudrit (2012) il existe trois niveaux d’élaboration d’aide en fonction de la situation et de la demande. Parmi ces trois niveaux nous avons : l’aide exécutive qui consiste à fournir directement la réponse, l’aide peu élaborée qui consiste à donner une information simple et appropriée à une tâche peu complexe et l’aide élaborée qui consiste à fournir des explications plus compliquées et à faire des analyses des stratégies de résolution du problème. Aider dans une classe « coopérative » c’est accepter de donner une part de son temps pour répondre à une question posée par un camarade. Aider nécessite donc de se reconnaitre compétent pour pouvoir apporter une aide particulière.

Ensuite, S. Connac parle de l’entraide comme étant une autre forme de coopération entre pairs. L’entraide est selon cet enseignant chercheur « une interaction entre plusieurs personnes, conjointement bloquées face à une même difficulté ». Il s’agit alors d’une forme symétrique dans la mesure où les élèves réunis se trouvent au même niveau de compétence. Dans cette forme de coopération, les élèves peuvent se réunir librement selon leur initiative. Par exemple, si un enfant essaie de résoudre un problème individuellement mais n’y parvient pas, il peut essayer de le réaliser avec un autre camarade qui est également en situation de recherche afin d’unir leurs savoirs. C’est l’idée que s’unir pour résoudre la tâche et s’associer permettraient d’aller plus loin dans le travail demandé. S. Connac évoque également le travail en groupe comme étant une troisième forme de coopération entre pairs. A la différence de l’entraide, le travail de groupe est à l’initiative de l’enseignant. Il s’agit d’un ensemble d’élèves ayant un but commun et s’influençant réciproquement. S. Connac explique que le but d’un travail en groupe réside dans le fait de provoquer un conflit sociocognitif entre les membres du groupe suite à une situation problème. En effet, ce conflit permettra aux élèves de confronter de nouvelles informations (les représentations de chacun des élèves) dans les réponses des autres qui leur seront utiles pour aller plus loin. Pour terminer, le tutorat est la quatrième forme de coopération entre pairs évoquée par S. Connac. Il s’agit d’une situation où un élève reconnu compétent dans le champ de l’explication accepte de répondre à une question d’un ou d’une de ses camarades. Pour être reconnu compétent et tuteur dans la classe l’élève doit répondre à plusieurs conditions dont S. Connac fait part dans une conférence (2017) : recevoir une formation expliquant les modalités d’un élève tuteur, être volontaire, réaliser une évaluation afin de vérifier si la formation a été bénéfique. A ceci s’ajoute une possibilité de perdre son statut de tuteur afin de garder un climat de bienveillance.

La coopération entre pairs dans les programmes

Comme nous venons de le démontrer, la coopération est une notion importante dans la mesure où elle concerne tous les élèves quelles que soient leurs compétences. D’après la conférence de S. Connac, la coopération entre élèves contient trois objectifs principaux. Tout d’abord elle doit aider les élèves à s’engager dans les activités proposées en les autorisant à partager ce qu’ils savent faire et à solliciter l’intervention de pairs en cas de blocage. Elle doit également participer à une prise en compte inclusive de la diversité des élèves. Et enfin, elle doit développer la promotion de valeurs liées à la solidarité, l’altruisme et la responsabilité. De plus, le code de l’éducation, article L111-1, rappelle que « par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maitres qui y enseignent, le service public de l’éducation favorise la coopération entre les élèves ». Ajoutons que cette notion de coopération est inscrite dans le Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture. En effet, elle apparaît notamment dans le domaine 3 « la formation de la personne et du citoyen », dans la rubrique « Responsabilité, sens de l’engagement et de l’initiative » où il est indiqué que « l’élève coopère et fait preuve de responsabilité vis-à-vis d’autrui ». Cette notion est également employée plusieurs fois dans le Bulletin officiel n°30 du 26 juillet 2018 qui reprend le programme d’enseignement moral et civique. Il est rappelé que « L’enseignement moral et civique se prête particulièrement aux travaux qui placent les élèves en situation de coopération ». Aux cycles 2 et 3 « l’engagement des élèves dans la classe et dans l’école prend appui sur la coopération dans l’objectif de réaliser un projet collectif, sur leur implication dans la vie scolaire et leur participation à des actions éducatives et à des journées mémorielles ». Au cycle 3, « il convient de créer les conditions de l’expérimentation de l’engagement dans la classe, dans l’école et dans l’établissement » .

De plus, les élèves de cycle 2 et de cycle 3 doivent comprendre les principes et les valeurs de la République française et des sociétés démocratiques. La coopération reprenant les valeurs principales telles que la liberté, l’égalité et la fraternité ; il s’agit d’un apprentissage ayant un double enjeu dans le programme d’enseignement moral et civique. De plus, la coopération peut être travaillée dans chaque discipline dans la mesure où une situation problème, permet, par un travail en groupe, d’arriver à un conflit sociocognitif et donc de travailler cette notion de vivre ensemble. Etre coopératif ne dépend pas d’une discipline ou d’un module d’apprentissage dans la mesure où cette coopération peut être utilisée dans chacune d’elles. On peut alors parler de transdisciplinarité car il s’agit de compétences transversales pouvant s’appuyer sur plusieurs disciplines. Pour conclure nous pouvons donc dire que mettre en place de la coopération dans une classe est essentielle au regard de son importance dans les programmes. Maintenant que nous avons compris ce qu’était une classe coopérative ainsi que sa place dans les programmes, nous allons essayer de comprendre pourquoi il peut être intéressant de la mettre en place.

Pourquoi mettre en place une « classe coopérative » ?

Pour favoriser les apprentissages de tous en suscitant un désir d’apprendre 

D’après S. Connac qui a repris les travaux de D. Favre et C. Gattergno dans son ouvrage « la coopération entre élèves » (2017) ; lors d’un apprentissage, l’élève passe par quatre phases : la phase d’incompétence inconsciente, la phase d’incompétence consciente, la phase de compétence consciente et la phase de compétence inconsciente. Lors de la première phase, la phase d’incompétence inconsciente, l’élève n’est pas encore conscient qu’il va entrer dans un apprentissage. Lors de la seconde phase, la phase d’incompétence consciente, l’élève sait qu’il entre dans un apprentissage. Alors deux possibilités s’offrent à lui : cette phase peut déclencher des émotions désagréables allant jusqu’à contourner l’effort et atteignant le renoncement ; ou bien, cette phase peut créer chez l’enfant un désir d’apprendre par l’expression de questions. C’est ici que le rôle de la coopération a toute son importance. Prenons l’exemple du travail de groupe évoqué précédemment : l’objectif de celui-ci est de se questionner par un conflit sociocognitif suite à une situation problème. Le but de la coopération est alors de faire naître chez l’élève un désir d’apprendre, par un travail de groupe ouvrant à des questionnements venant des élèves eux-mêmes, plutôt qu’à un renoncement. Une fois ce désir d’apprendre présent, c’est à l’enseignant de répondre aux questionnements. La phase suivante, la phase de compétence consciente, consiste pour l’élève de prendre conscience de son savoir. C’est-à-dire d’être conscient qu’il vient d’acquérir un nouveau savoir. Enfin, la dernière phase, la phase de compétence inconsciente, consiste soit à rendre automatique un savoir, soit à le rendre inconscient pour l’élève. C’est le fait d’atteindre un tel niveau de maîtrise qu’on est plus conscient de le savoir. C’est un automatisme. Pour conclure, nous pouvons dire que la coopération favorise l’apprentissage dans la mesure où elle constitue un élément essentiel dans la phase d’incompétence consciente permettant d’encourager ce désir d’apprendre plutôt qu’un renoncement. Elle est donc un levier important permettant aux élèves de passer plus facilement la seconde phase énoncée par D.Favre et C. Gattergno, permettant le passage à la suivante jusqu’à l’autonomisation du savoir.

Pour transmettre à tous les valeurs de la République

Mettre en place une « classe coopérative » permettrait aux élèves d’appréhender les valeurs de la République quotidiennement. Jean-Michel Zakhartchouk a mis en évident dans son livre « Quelle pédagogie pour transmettre les valeurs de la République ? » (2016) les trois valeurs de la République mises en œuvre dans une classe coopérative. Tout d’abord, la Liberté. En effet, les élèves disposent d’un certain nombre de libertés dans cette pédagogie : liberté de parler, de se déplacer, de choisir une partie de son travail, de choisir les modalités de son travail (personne avec qui va être effectué le travail)… Cette valeur permet aux enfants d’accéder à un des principes essentiels de l’école : l’autonomie. Selon H. Durler « un élève devient autonome quand il est capable de s’auto-contraindre pour rentrer dans un exercice libre de ce qui lui est ouvert dans la classe » (2017). Cette idée définit la finalité de la coopération reliée à la valeur qu’est la liberté. L’égalité constitue une autre valeur mise en avant par l’école coopérative. En effet, les élèves sont égaux les uns face aux autres dans ce principe coopératif dans la mesure où ils peuvent être à la fois aidants et aidés. Par ce principe nait aussi une compétence essentielle au rôle d’élève : la responsabilité. D’après S. Connac, c’est une capacité à « concevoir l’autre dans toute son altérité comme étant aussi digne que moi d’exister » (2017) Enfin, une autre valeur républicaine mise en avant par la coopération énoncée par Jean-Michel Zakhartchouk est la fraternité. Effectivement, en autorisant les élèves à coopérer on leur donne la possibilité d’avoir des gestes altruistes. En effet, d’après S. Connac, la coopération repose sur la générosité des élèves. Selon cet auteur, « elle implique du partage de désirs et de la générosité réciproque » (2017). Il reprend également les idées de Nicolas Go qui résume la coopération comme étant la capacité de faire « quelque chose avec l’autre et pour l’autre parce que j’éprouve une satisfaction à l’idée de la satisfaction de l’autre » (2017). C’est l’idée même d’un acte altruiste qui est, selon le Larousse, le fait de « se consacrer à autrui de façon désintéressée, aimer et aider les autres ». Ces formes de fraternité qui ont lieu dans la classe entre camarades permettent de développer des compétences altruistes par l’expérience quotidienne ; la fraternité est donc une valeur qui est au cœur de la coopération entre pairs. La coopération, en plus de favoriser l’apprentissage, participerait aussi à l’amélioration des comportements sociaux par le biais des valeurs de la république (liberté, égalité, fraternité) et des savoir-être de l’école (autonomie, responsabilité, altruisme).

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Table des matières

Introduction
Fondements théoriques
I. Qu’est-ce qu’une « classe coopérative » ?
A. Qu’est-ce que la coopération entre pairs ?
B. La coopération entre pairs dans les programmes
II. Pourquoi mettre en place une « classe coopérative » ?
A. Pour favoriser les apprentissages de tous en suscitant un désir d’apprendre
B. Pour transmettre à tous les valeurs de la République
C. Pour faire progresser tous les élèves selon leur rythme
D. Parce que ce peut être bénéfique pour tous les acteurs de la classe
III. Comment mettre en place une classe coopérative ?
A. Les éléments essentiels d’une classe coopérative
B. Les précautions à avoir dans une classe coopérative
Conclusion
Recueil de données
I. Présentation de l’échantillon interrogé
II. Présentation du questionnaire
III. Analyse des résultats du premier questionnaire
A. Le travail de groupe
1. Constat n°1 : Des élèves victimes d’un contexte de classe particulier
2. Constat n°2 : Des élèves qui n’ont pas conscience de l’intérêt du travail de groupe
B. L’aide
1. Constat n°3 : Des élèves qui ne savent pas comment aider leur camarade
2. Constat n°4 : Des élèves qui préfèrent être aidés par la maîtresse que par leur camarade
3. Constat n°5 : des élèves qui préfèrent aider un camarade plutôt qu’être aidés par un camarade
Dispositif n°1 : les activités coopératives quotidiennes
I. Préparation en amont
II. Déroulement sur dispositif sur la période 4
A. Introduction du dispositif (en février)
B. Déroulement des différentes activités
C. Phase de métacognition
Dispositif n°2 : aidant / aidé
I. Préparation en amont
II. Déroulement du dispositif
ANALYSE
I. Le travail de groupe
A. Les dispositifs ont permis aux élèves de prendre conscience qu’ils développaient des compétences en pratiquant de la coopération
B. Les dispositifs ont permis aux élèves de mieux s’entendre
C. Des dispositifs ayant permis une meilleure entente et une meilleure entrée dans les apprentissages ?
D. Des dispositifs qui ont permis aux élèves de percevoir divers intérêts à travailler en groupe
II. L’aide
A. Le deuxième dispositif a permis à l’ensemble des élèves de savoir comment aider leur camarade
B. Certains élèves préfèrent quand même être aidés par la maîtresse
C. Des élèves qui ont pris conscience qu’ils ont développé des compétences à l’aide du dispositif n°2
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
Annexes

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