La coopération comme moyen pour stimuler des interactions favorables aux apprentissages des élèves

La loi pour l’Ecole de la Confiance vise à « faire réussir tous les élèves et aspire à promouvoir une Ecole plus inclusive » (Blanquer, Loi pour l’Ecole de la Confiance, 26.09.2019). Cette aspiration ministérielle s’inscrit dans l’ambition de « réduire le taux d’abandon scolaire » (Conseil européen du 17.06.2010). Parallèlement, les bulletins officiels de l’école expliquent que les adolescents sont « en pleine évolution physique et psychique, vivant un nouveau rapport à eux-mêmes, en particulier à leurs corps, et de nouvelles relations avec les autres » (BOEN 26.11.2015). Les adolescents qui vivent de tels changements ont grandement besoin de « compétences », « d’autonomie » et « d’affiliation », qui relèvent des théories de l’autodétermination (Deci et Ryan, 1985). L’apprentissage autour de l’activité sociale semble alors indispensable pour former de futurs citoyens éduqués par et avec les autres. Apprendre avec et par les autres nécessite alors de concevoir des dispositifs favorisant les interactions pour permettre à chacun d’apprendre et de s’épanouir socialement.

Engager les élèves dans des projets collectifs, au sein desquels les élèves apprennent à débattre, prendre en compte le point de vue de l’autre, dévoluer, respecter une organisation collective, à s’entraider, etc., semble alors essentiel. Mais suffit-il de mettre en groupe les élève pour qu’ils développent des interactions coopératives et co-apprennent ? Alors, des conditions sont nécessaires afin de rendre bénéfique les apprentissages et la coopération devient un enjeu scientifique et professionnel concernant les pratiques éducatives. En ce sens les théories psycho-sociales affirment que personne n’apprend jamais seul, montrant ainsi l’importance des interactions et des relations aux autres. Il s’agit pour l’enseignant de faire en sorte que les élèves développent des interactions et travaillent ensemble dans un même but, qu’ils coopèrent. Par ce moyen, l’enseignant permet à chacun de développer des compétences motrices et décisionnelles (Darnis et Lafont, 2008) afin que chacun réussisse scolairement et socialement. L’enjeu est alors d’explorer et de concevoir les modes de groupement favorisant la coopération (en dyade, petit groupe ou groupe classe) en y reliant des méthodes particulières telles que le tutorat, l’apprentissage coopératif ou la co-évaluation afin d’améliorer les conditions d’apprentissages mais également d’atteindre des compétences citoyennes (Evin, 2013). La coopération peut se définir comme la « façon dont les membres d’un groupe rassemblent leurs forces, savoir-faire, savoir-être pour atteindre leur fin » (Olry-Louis, 2011). Elle désigne alors « l’ensemble des situations où des personnes agissent ensemble pour produire ou apprendre » (Jourdan, Mérad et Philippe, 2020). La coopération s’apparente souvent à la méthode employée par les enseignants pouvant alors être désignée comme une approche coopérative reposant sur l’atteinte d’un but commun entre plusieurs élèves (Slavin, 2010). Cette approche nécessite alors diverses conditions comme l’interdépendance positive, reposant elle-même sur la responsabilisation de chacun des élèves (Johnson et Johnson, 1994).

Malgré la multiplication des théories sociales, réflexions et écrits autour de la coopération, ces travaux ne permettre pas de savoir pourquoi ces pratiques sont mises en place, mais aussi ce qui limite ou fait obstacle à leurs mises en œuvre par les enseignants sur le terrain.

Définitions

L’éducation au « vivre ensemble » (BOEN 26.11.2015) et le développement d’un citoyen « solidaire » (BOEN 22.01.2019) sont centraux au sein des politiques éducatives actuelles. Dans une société au sein de laquelle l’affirmation de son individualité représente une valeur essentielle, l’EPS représente un support privilégié pour favoriser les interactions et le développement des compétences psychosociales dans la mesure où les corps sont en mouvement et se donnent à voir aux autres. Les élèves partagent des émotions (de la joie, tristesse, peur, colère, frustration…). Cette discipline représente un lieu de construction de liens sociaux où les élèves s’engagent, s’expriment, s’organisent collectivement à travers multiples organisations telles que les groupes coopératifs. L’apprentissage coopératif peut être défini comme un « travail en petit groupe, dans un but commun, qui est d’optimiser les apprentissages de chacun » (Slavin, 2010, pp. 171-189). C’est également « un modèle d’enseignement dynamique qui peut enseigner divers contenus aux élèves de différents niveaux ». « Les élèves travaillent en petits groupes structurés et hétérogènes pour maitriser le contenu des matières » (Dyson et Casey, 2013). De plus, les groupes coopératifs correspondent à un regroupement de 2 à 5 élèves (Reverdy, 2016). L’apprentissage coopératif propose alors dans chaque situation, la formation d’équipes, l’interdépendance positive, la responsabilisation individuelle au sein du collectif, le développement d’aptitudes positives en matière d’interactions sociales, et le traitement régulier du fonctionnement du groupe pour améliorer son efficacité (Dyson et Grineski, 2001). En EPS, il est attendu de l’apprentissage coopératif qu’il soit l’occasion d’apprentissages dans les domaines psychomoteur, affectif et cognitif.

Le courant de l’apprentissage coopératif et les conditions à prendre en compte 

Pour s’assurer qu’un groupe est coopératif l’enseignant doit alors veiller à organiser « les éléments de base qui doivent être utilisés et les éléments de base qui doivent être soigneusement structurés au sein de chaque activité coopérative » (Dyson et Casey, 2013).

Cependant il faut prendre en compte qu’il ne suffit pas de regrouper des élèves sur une tâche commune pour que des interactions coopératives surviennent. Certaines conditions sont alors à prendre en compte pour s’assurer de l’efficacité d’un apprentissage coopératif.

Premièrement, Dyson et Grineski, (2001) affirment que la première condition réside dans la « formation d’équipes ». L’enseignant constitue ces dernières autour de « la taille, les modes de structuration des groupes, la qualité des interactions sociales au sein des groupes, les liens d’amitié entre les membres » (Darnis, 2010, p. 37) afin de favoriser une dynamique intra-groupale. Cependant, les groupes coopératifs se composent de 2 à 5 élèves (ibid.) pour créer « une cohésion de groupe à condition que la taille du groupe ne soit pas trop grande» (Reverdy, 2016). Celle-ci vise à favoriser la réussite globale de chacun et les relations interpersonnelles. Enfin, le niveau de chacun des membres est un élément à prendre en compte afin de veiller à ce que la dissymétrie (de compétences) ne soit pas « trop importante, au risque d’empêcher les joueurs de coopérer efficacement » (Darnis, 2010, p. 96). Une dissymétrie de compétences trop grande pourrait engendrer l’effet inverse, cumulée à une mésentente entre les membres du groupe, et aboutir à « une absence de coopération » (Darnis, 2010, p. 96).

Deuxièmement, Johnson et Johnson (1994) définissent les dispositifs d’apprentissage coopératif comme devant satisfaire cinq conditions, qui ont été ensuite quasi-systématiquement reprises par la plupart des auteurs centraux du domaine (notamment Dyson & Casey, 2013, ou Dyson & Grineski, 2001) :

(a) « L’interdépendance positive » : « chaque membre du groupe apprend à dépendre du reste du groupe tout en travaillant ensemble pour accomplir la tâche » (Dyson et Grineski, 2001). En d’autres termes, il s’agit à chacun des élèves d’occuper « un rôle différent pour aider chaque coéquipier à apprendre » (Dyson et Casey, 2013). L’interdépendance positive permet d’établir de « véritable espace de dialogue et de coopération » (Darnis, 2010, p. 84) autour d’un but commun. L’interdépendance entre les membres est donc centrale. Notons que celle-ci est positive « si les membres du groupe encouragent et facilitent les efforts d’apprentissage des autres membres » (Reverdy, 2016). En revanche « une interdépendance négative débouche sur des interactions d’opposition plutôt sur de la compétition » (Reverdy, 2016). Coopérative ou compétitive, l’interdépendance est permanente au sein de travaux en groupe car « S’il n’y a pas d’interdépendance, il n’y a pas de travail en groupe » (Reverdy, 2016).

(b) « La responsabilité individuelle et la responsabilité collective»: l’enseignant responsabilise ainsi chaque membre du groupe individuellement et collectivement. Ainsi l’enseignant permet à chacun d’apprendre individuellement, ce qui « est le résultat souhaité de l’apprentissage coopératif » (Dyson et Grineski, 2001).

(c) « La promotion des interactions de soutien et d’entraide entre les élèves » : les élèves développent des compétences importantes telles qu’« écouter les autres, donner des feedbacks, résoudre les conflits, soutenir et encourager les autres, se relayer et exprimer son plaisir de réussir les autres » (Dyson et Grineski, 2001). La situation doit cependant « permettre la confrontation d’idées avec autrui, l’argumentation, l’expression et la prise de conscience des différences de points de vue » (Darnis, 2010 p. 84) afin de déclencher une dynamique d’apprentissage pour dépasser les obstacles au sein des situations organisées.

(d) « La sollicitation et le développement d’habiletés coopératives» : les élèves développent des compétences prosociales autour de la communication, construction de relations de confiance, de partage de responsabilité au sein des divers groupes d’apprentissages coopératifs.

(e) « La discussion et l’évaluation collective du fonctionnement du groupe » : il s’agit pour les élèves de « discuter de la mesure dans laquelle les membres du groupe atteignent leurs objectifs et maintiennent des relations de travail efficaces. (…). Cette réflexion verbale permet aux élèves de s’exprimer » (Dyson et Grineski, 2001). Ainsi chaque élève participe d’autant plus qu’ils [les élèves] « veulent montrer à eux ou aux autres qu’ils possèdent une compétence élevée et souhaitent éviter de paraitre incompétent ». (Reverdy, 2016) .

Les conditions ainsi posées, l’enseignant organise des structures définies comme « des méthodes d’organisation de l’interaction entre les élèves pendant l’apprentissage coopératif » Ces structures sont considérées comme étant « libres de contenu », ou « sans contenu » (« content free »), et servent de « cadres pour les leçons » (Dyson et Grineski, 2001) permettant de dépasser la simple image d’un « jeu de coopération » (Dyson et Grineski, 2001). Ils ont donc la possibilité de s’appuyer sur une diversité de « structures d’apprentissage coopératif particulières» (Dyson et Grineski, 2001). Parmi ces structures coopératives, certaines sont plus particulièrement décrites. Par exemple, Kagan (1992) propose le Think-Share-Perform, une structure qui vise à encourager la participation par la pensée critique, le partage et la négociation entre élèves. Par ailleurs, Aronson (1978) propose le Jigsaw Perform structurant la répartition du travail et le partage de responsabilités entre les élèves. Ainsi chaque élève est responsable de l’apprentissage et de l’exécution de contenus particuliers, dont ils deviennent «experts». Par la suite, les « experts » doivent enseigner les connaissances et habiletés qu’ils maitrisent aux autres élèves dans le cadre d’une interdépendance positive. Enfin, les structures dites Student Teams-Achievement et Learning Together (Johnson et Johnson, 1994) sont des méthodes permettant de donner aux élèves l’occasion de partager des rôles de leadership et de responsabilité ainsi que d’utiliser des compétences collaboratives pour atteindre les objectifs communs.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1. Question de départ
1.2. Motif de notre projet de recherche
2. REVUE DE LITTERATURE
2.1. Définitions
2.2. Le courant de l’apprentissage coopératif et les conditions à prendre en compte
2.3. Compétences et connaissances construites et acquises par les élèves par le biais d’apprentissages coopératifs
2.4. Les formes d’interactions sociales présentes lors d’apprentissages coopératifs
3. CADRE THEORIQUE
3.1. La Grounded Theory ou Théorie ancrée
3.2. Question de recherche
4. METHODE
4.1. Conditions contractuelles
4.2. Participants
4.3. Recueil de données
4.4. Procédure d’analyse
5. RESULTATS
5.1. Utiliser la coopération à court et long terme
5.1.1 La coopération à long terme : transmettre des valeurs à tous les élèves
5.1.2. La coopération est inhérente à l’EPS
5.1.3. La coopération, un levier favorisant l’engagement des élèves
5.2. Les conditions à mettre en œuvre pour faire coopérer au service des apprentissages
5.2.1. Mettre ensemble n’est pas synonyme de coopérer, une vigilance à apporter
5.2.2. Concevoir des dispositifs qui permettent la coopération et accroissent les interactions
5.2.3. Etablir un but commun, une condition primordiale
5.2.4. Donner des rôles et des responsabilités, condition essentielle pour faire coopérer
5.2.5. Un climat de classe bienveillant à instaurer, condition préalable pour faire coopérer
5.3. Coopérer, un apprentissage spécifique médié par l’enseignant
5.3.1. Apprendre à coopérer pour que la coopération serve les apprentissages
5.3.2. L’enseignant, un acteur favorisant la coopération pour servir les apprentissages
5.3.3. Les formes de groupement, élaborées par l’enseignant, afin de favoriser l’usage de la coopération
5.4. Utilisation de la coopération dans des APSA différentes face à un public spécifique afin de favoriser les apprentissages de tous
5.4.1. L’utilisation de la coopération au regard des spécificités des APSA
5.4.2. L’utilisation de la coopération pour les différents profils d’élèves
6. DISCUSSION
6.1. Synthèse des résultats au regard des questions de recherche et des connaissances
scientifiques et professionnelles acquises par les travaux antérieurs
6.1.1. La place des pratiques coopératives dans l’EPS actuelle
6.1.2. L’usage de la coopération, un apprentissage spécifique, au service des autres apprentissages
6.1.3. Les conditions et limites de l’usage de la coopération pour favoriser les apprentissages selon les quatre enseignants interrogés
6.2. Limites des résultats de l’étude
7. CONCLUSION
8. BIBLIOGRAPHIE
9. ANNEXES
Annexe 1 : Formulaire de consentement éclairé
Annexe 2 : Guide d’entretien semi-directif
Annexe 3 : Retranscription Entretien Enseignant A
Annexe 4 : Retranscription Entretien Enseignant B
Annexe 5 : Retranscription Entretien Enseignante C
Annexe 6 : Retranscription Entretien Enseignante D
Annexe 7 : Découpage des protocoles verbaux en unité de sens puis en catégorie pour l’enseignant A
Annexe 8 : Découpage des protocoles verbaux en unité de sens puis en catégorie pour l’enseignant B
Annexe 9 : Découpage des protocoles verbaux en unité de sens puis en catégorie pour l’enseignante C
Annexe 10 : Découpage des protocoles verbaux en unité de sens puis en catégorie pour l’enseignante D
10. QUATRIEME DE COUVERTURE

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