Qu’est-ce que la famille ? S’il est possible d’avoir une idée du contenu et de la forme de la famille, il semble très compliqué d’exprimer d’une façon brève et concrète sa définition . Autrefois, le modèle familial fondé exclusivement sur l’alliance et sur la parenté permettait d’apporter une définition suffisante, conforme aux mœurs et à l’état du droit positif . Aujourd’hui, on constate une diversité de situations familiales. Ainsi, il semblerait qu’il n’existe pas un seul modèle familial, mais plusieurs modèles familiaux . C’est pourquoi certains auteurs ne parlent plus du droit de la famille, mais du droit des familles . Cette diversité rend probablement impossible et même périlleux de donner la définition de la notion de famille. Toutefois, l’importance de la famille et la nécessité de sauvegarder les droits familiaux des personnes et de garantir une sécurité juridique aux membres de la famille imposent la recherche de sa compréhension et de sa rationalisation. Ainsi, plusieurs questions se posent : existe-t-il une unité dans la diversité des situations familiales ? Peut-on découvrir l’élément commun sur lequel sont fondées toutes les familles ? Est-il possible de révéler la forme et le contenu de cet élément ? Qui pourrait être l’observateur efficace qui réalise cette découverte et opère cette révélation ? La notion de famille peut-elle être rationalisée sur le fondement de cet élément ? Dans le cadre de cette étude, nous nous proposons de tenter d’apporter une réponse à ces questions.
La notion de famille est la représentation du paradigme qui rationalise la réalité du phénomène familial. Le paradigme familial est la conceptualisation de l’ensemble des croyances, des valeurs reconnues et des techniques considérées comme propres à la famille. Il cherche à décrire et définir la substance de la famille afin de pouvoir donner une explication aux changements qu’elle subit .
La notion de famille a pour objet de saisir, de produire, de communiquer et de manier les éléments qui composent le paradigme familial, lequel appréhende la famille en tant qu’institution juridique. Ainsi, l’institution familiale est l’ensemble permanent, systémique et organique des règles de droit ordonnées et coordonnées qui règlent les rapports familiaux.
Ces rapports sont régis par d’autres institutions juridiques, telles que le mariage, la filiation, l’autorité parentale, ou encore le Pacte civil de solidarité si tant qu’il s’agisse d’un lien familial, etc. La fonction de cet ensemble d’institutions est de rattacher les membres de la famille en leur imposant une certaine interdépendance. Au cœur de la notion de famille, existe-t-il alors une idée maîtresse qui apporterait la stabilité au système et garantirait l’articulation cohérente et homogène des éléments qui la composent , ce que nous appellerons l’unité conceptuelle de la notion ? Elle constituerait le noyau dur autour duquel se construit l’ensemble des éléments qui constituent la famille. L’unité conceptuelle constituerait l’élément essentiel du système qui représente la notion, car elle assurerait la cohésion des éléments de la notion. Elle caractériserait aussi son unicité, car elle reflèterait la spécificité du phénomène familial, tel qu’appréhendé par le droit. L’identification de l’unité conceptuelle de la notion de famille permettrait donc la représentation juridique effective de la famille, même si le phénomène dépasse le strict cadre du droit.
Avant d’être une notion juridique, la famille doit en effet être appréhendée comme un phénomène en ce sens qu’il s’agit d’un fait qui peut être saisi par l’observation ou l’expérience et susceptible de faire l’objet d’une étude scientifique pluridisciplinaire.
Pour les sciences humaines et sociales non juridiques, la forme et la structure de la famille seraient ainsi le résultat de la combinaison des forces sociales, économiques et culturelles. Parmi ces sciences, l’anthropologie, la sociologie et même la démographie essayent d’analyser la structure et la fonction de la famille. L’anthropologie étudie les différents modèles de famille; Au XIXe siècle, le sociologue Frédéric Le Play a abandonné l’approche universaliste de l’époque et proposée la première nomenclature des structures familiales reparties en Europe : la famille patriarcale, la famille-souche et la famille instable, laquelle pourrait être rapprochée de la famille nucléaire contemporaine. La sociologie, quant à elle, apporte des nuances au discours de la crise de la famille en analysant sa composition et les effets de la modernisation de la famille sur sa structure. Celle-ci est passée, selon la théorie d’Émile Durkheim, de la famille « paternelle » et étendue de l’Ancien régime, comprenant le père, la mère et toutes les générations issues d’eux, sauf les filles et leurs descendants, à la famille « conjugale », composée du mari, de la femme et les descendants mineurs et célibataires. Cette transformation résulte d’un processus d’individualisation qui commence avec la Révolution française et qui implique que l’individu est d’abord défini par lui-même et non pas par un lien de filiation. La famille moderne résulterait alors de cette transformation, caractérisée par un d’un double mouvement, d’abord de privatisation, dans lequel l’attention est portée à la qualité des relations interpersonnelles, puis de socialisation, qui suppose une intervention plus importante de l’État. La famille a dès lors acquis une nature hybride : d’une part, elle relève de la vie privée des personnes et permet de protéger leur individualité, d’autre part, elle devient un organe secondaire de l’État, lequel pose les règles relatives à la constitution et au fonctionnement de la famille . Ainsi, la famille moderne est fondée sur trois caractères essentiels : « l’amour dans le mariage, la division stricte du travail entre l’homme et la femme, l’attention portée à l’enfant, à sa santé et à son éducation ».
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : La révélation de l’unité conceptuelle de la notion de famille dans le lien familial
Titre 1 La perception par le juge de l’unité conceptuelle de la notion de famille
Chapitre I : La compétence et la prétention comme moyens de la perception de l’unité conceptuelle de la notion de famille
Chapitre II La perception de l’unité conceptuelle dans les différentes sortes de prétentions
Titre 2. La révélation des sources de l’unité conceptuelle de la notion de famille
Chapitre I La révélation de la source duale du lien familial
Chapitre II La révélation de la marge de manœuvre du juge dans la construction du concept de lien familial
SECONDE PARTIE : La révélation des éléments constitutifs de l’unité conceptuelle de la notion de famille
Titre 1 Un lien juridique modelé par les caractères issus de la règle d’ordre public familial
Chapitre I L’identification des caractères issus de la règle d’ordre public familial
Chapitre II La vérification par le juge des caractères issus de la règle d’ordre public familial dans le lien familial
Titre 2 Un lien juridique fondé sur la volonté caractérisée de constituer une famille ou animus familiae
Chapitre 1 L’identification de l’animus familiae comme un élément constitutif du lien familial
Chapitre II L’appréhension de l’animus familiae par le juge judiciaire
CONCLUSION
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