La contraception est une problématique de société qui concernait 71.9% des femmes en France en 2016 (1). La contraception hormonale concernerait 67.4% des femmes, avec un impact potentiel sur leur santé. L’utilisation de la contraception hormonale, malgré son intérêt, n’est pas sans risque, et les accidents graves les plus fréquents sont liés aux complications cardiovasculaires. Une partie des accidents cardiovasculaires graves sous contraception est d’origine thromboembolique. La contraception hormonale est connue comme étant un facteur de risque pour ces pathologies et se cumule avec les autres facteurs de risques (notamment les antécédents d’hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie, l’âge et le tabagisme). Le risque thrombo-embolique est un enjeu de santé publique important avec une incidence de 85.5 cas pour 100 000 habitants en 2010 en France et une mortalité associée de 22.9 décès pour 100 000 habitants (2). Ce surrisque est également observé en cours de grossesse et en post partum immédiat.
Dans ce contexte, il est intéressant d’avoir à disposition des alternatives moins risquées. La contraception progestative non combinée est utilisée actuellement dans deux buts. Permettre de nouvelles voies d’administrations pour limiter les échecs par oubli. Et proposer une contraception efficace adaptée lorsqu’une contraception oestro-progestative combinée est jugée à risque. En effet, à l’heure actuelle, il est communément admis que l’exposition à la contraception progestative non combinée n’entraine pas de surrisque thrombo-embolique.
Méthodologie
Sélection des articles
Nous avons réalisé une revue systématique de la littérature à partir des bases de données Medline (PubMed), The Cochrane Library et Google Scholar jusqu’au 31/12/2017 et sans limite d’ancienneté. Une veille bibliographique a été établie tout au long de la recherche. Pour interroger le moteur de recherche PubMed nous avons utilisé un algorithme en utilisant les termes progest* AND ((« contraceptives, oral, hormonal »[MH] OR (« contraceptives, oral, hormonal »[TW] OR « hormonal oral contraceptive agents »[TW] OR « hormonal oral contraceptives »[TW])) OR « contraceptives, oral, hormonal »[All Fields]) AND ((« thrombosis »[MH] OR (« thrombosis »[TW] OR « thromboses »[TW] OR « thrombus »[TW])) OR « thrombosis »[All Fields]) .
Pour la recherche sur la base The Cochrane Library les termes « contraception » et « thrombosis » ont été utilisés. Pour la base de données Google Scholar nous avons utilisé un algorithme en utilisant les mots « contraception hormonal thromb etonogestrel desogestrel contraceptives OR hormonale OR agents OR thrombosis OR thromboses OR thrombus OR embolie OR embolism -oestrogene ethyniloestradiol -oestrogen ».
Une absence d’augmentation de risque globale
L’ensemble des articles étudiés montre une absence de surrisque thrombo-embolique veineux associé à la contraception progestative non combinée. Ces résultats ont été confirmé pour l’ensemble des voies d’administrations et des molécules étudiées à l’exception de la progestérone seule par voie injectable qui entrainait un surrisque. Pour la voie orale les risques relatifs variaient entre 0.55 et 1.6, avec une moyenne de 0.97 avec 9 résultats. Pour la voie par implant sous cutanée le risque relatif était de 1.4 (IC95% 0.6 à 3.4, p=0.45) dans une seule étude (12). Pour les DIU au lévonorgestrel les risques relatifs variaient entre 0.3 et 0.89 avec une moyenne de 0.65 avec 5 résultats. L’un de ces résultats était statistiquement significatif avec un risque relatif de 0.6 (IC95% 0.4 à 0.8, p=0.002) (12). Pour la voie injectable les risques relatifs variaient entre 1.27 et 3.6 avec une moyenne à 2.51 avec 3 résultats. Le risque de récurrence n’était exploré que dans une seule étude de cohorte rétrospective, avec un hazard ratio de 1.3 (IC95% 0.5 à 3, p=0.51). Toutes les autres études limitaient l’exploration au premier épisode thrombo-embolique veineux.
Mais des résultats non significatifs
En dehors du résultat de l’étude de Lidegaard et al. (12) pour les DIU au lévonorgestrel, aucun des résultats exprimés n’était statistiquement significatif. On peut expliquer cela principalement par le fait que, malgré des effectifs importants de patientes recrutées initialement, les femmes prenant effectivement une contraception progestative non combinée étaient peu nombreuses. Certaines des études portaient sur moins de 10 cas et cela avait un impact sur les résultats avec une instabilité des intervalles de confiance. Ce souci d’effectifs est encore plus marqué quand les molécules et modes d’administration sont évalués séparément car toutes les études ne traitent pas de l’ensemble des modes d’administration disponibles :
– Les implants contraceptifs n’étaient évalués que par une seule étude. Une seconde étude avait un effectif trop faible pour permettre un calcul de risque (1 cas, pas de témoin).
– La voie injectable par 3 études
– Le dispositif intra-utérin par 5 études.
– La voie orale par 7 études (certaines séparant la voie orale par molécule .
Des études avec une méthodologie fiable dans l’ensemble
Aucune des études analysées n’était associée dans leur méthodologie à un biais majeur. Pour les études de cohorte rétrospectives, le principal biais associé était un biais d’information potentiel, avec notamment l’absence de données sur le tabagisme et l’IMC des patientes. Pour les études castémoin, un biais de mémoire lié au recueil d’information par questionnaire était possible, mais les auteurs limitaient ce risque par recoupement avec d’autres sources d’information. Un biais de référencement lié au type d’étude en lui-même reste possible et a pu provoquer une surévaluation du risque thrombo-embolique.
Certaines études ne mentionnaient pas les données démographiques de chaque groupe. Dans les cas où celles-ci étaient précisées, le profil de risque cardio-vasculaire du groupe traité par progestatifs non combinés était plus élevé que celui du groupe non exposé. Dans l’ensemble les études sont cohérentes entre elles, l’exception étant la voie injectable. Des trois études (14) (15) (27) qui ont montré un surrisque, les deux études directes avaient un niveau de preuve faible selon les critères HAS, et elles avaient comme point commun un effectif très restreint. L’étude réalisée par Van Hylckama et al ne concernait que 20 cas et 15 témoins avec un risque relatif de 3.6 (IC95% 1.8 à 7.1). Celle de la WHO concernait seulement 11 utilisatrices de progestatifs injectables seuls avec un risque relatif de 1.27 (0.63 à 2.57). La dernière étude étant une métaanalyse, elle faisait une moyenne des deux premières sur ce sujet. De toutes les études analysées, deux traitent de la population ambulatoire (l’une des deux uniquement dans son groupe témoin (20) (24)). Toutes les autres études se basent sur un recrutement initial hospitalier pour les études prospectives ou sur un critère de jugement hospitalier pour les études rétrospectives (diagnostic de sortie d’hospitalisation le plus souvent). Une seule étude traitait du risque de récidive sous contraception progestative seule dans la population générale. Les autres articles ont volontairement exclu ce cas de figure de leur champ d’analyse pour limiter le risque de biais de confusion. Bien que cette décision soit efficace pour limiter les biais, elle peut être discutée pour sa pertinence. Cette variable aurait pu être intégrée dans les analyses multivariées car cette classe est plus souvent utilisée que d’autres pour la contraception après un premier épisode thrombo-embolique veineux. Du coup, la population recrutée a pu s’en retrouver réduite et moins représentative de la réalité des prescriptions. Une étude traitait des macroprogestatifs. Nous n’avons pas pris en compte ces résultats car cette classe est généralement utilisés à des fins thérapeutiques dans des populations particulières (personnes en pré- ou post-ménopause avec troubles menstruels ou mastodynies, dysménorrhée, anomalie de la durée des cycles, hémorragie génitale). L’effet contraceptif, bien que présent, n’est pas le but premier motivant leur prescription. Cette classe était donc exclue du fait de la population cible. Une autre étude traitait également des macroprogestatifs et contraception progestative non combinée (28), mais elle a été exclue car elle ne séparait pas ces classes thérapeutiques dans deux branches distinctes. On mentionnera tout de même que dans le cas des macroprogestatifs un surrisque était mentionné mais non significatif du fait du nombre de patiente incluses, et que la présence d’un cancer devenait un facteur de confusion majeur.
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Table des matières
1 Introduction
2 Méthodologie
2.1 Sélection des articles
2.2 Analyse des articles
3 Résultats
3.1 Phase de sélection
3.2 Analyse des articles
3.2.1 Hormonal contraception and risk of venous thromboembolism: national follow-up study. Øjvind Lidegaard, Ellen Løkkegaard, Anne Louise Svendsen, Carsten Agger, BMJ 2009;339:b2890 doi:10.1136/bmj.b2890
3.2.2 Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and oestrogen doses: Danish cohort study, 2001-9. Øjvind Lidegaard, Lars Hougaard Nielsen, Charlotte Wessel Skovlund, Finn Egil Skjeldestad, Ellen Løkkegaard. BMJ 2011;343:d6423 doi: 10.1136/bmj.d6423
3.2.3 Venous thrombosis in users of non-oral hormonal contraception: follow-up study, Denmark 2001-10. Øjvind Lidegaard, Lars Hougaard Nielsen, Charlotte Wessel Skovlund, Ellen Løkkegaard. BMJ 2012;344:e2990 doi: 10.1136/bmj.e2990 (Published 10 May 2012)
3.2.4 Cardiovascular Disease and Use of Oral and Injectable Progestogen-Only Contraceptives and Combined Injectable Contraceptives. Results of an International, Multicenter, Case-Control Study. World Health Organization Collaborative Study of Cardiovascular Disease and Steroid Hormone Contraception
3.2.5 The Risk of Deep Venous Thrombosis Associated With Injectable Depot– Medroxyprogesterone Acetate Contraceptives or a Levonorgestrel Intrauterine Device. Astrid van Hylckama Vlieg, Frans M. Helmerhorst, Frits R. Rosendaal. Arteriosclerosis, thrombosis, and vascular biology, November 2010
3.2.6 Oral progestogen-only contraceptives and cardiovascular risk: Results from the Transnational Study on Oral Contraceptives and the Health of Young Women.L. A. J. Heinemann, A. Assmann, T. Dominh & E. Garbe. The European Journal of Contraception & Reproductive Health Care, Juin 1999; 4:2, 67-73, DOI: 10.3109/13625189909064007
3.2.7 Risk of idiopathic venous thromboembolism in users of progestagens alone. C. Vasilakis, H. Jick, M. del Mar Melero-Montes. Lancet. 1999 Nov 6;354(9190):1610-1
3.2.8 Oral contraceptives and venous thromboembolism: a five-year national case-control study. Øjvind Lidegaard, Birgitte Edström, Svend Kreiner. Contraception 65 (2002) 187–196, Elsevier
3.2.9 Assessing the risk of venous thromboembolic events in women taking progestin-only contraception: a meta-analysis. S. Mantha, R. Karp, V. Raghavan, N. Terrin, K. A. Bauer, J. I. Zwicker. BMJ 2012;345:e4944 doi: 10.1136/bmj.e4944 (Published 7 August 2012)
3.2.10 Risk factors for recurrence of venous thromboembolism associated with the use of oral contraceptives. Hélène Vaillant-Roussel, Lemlih Ouchchane , Claire Dauphin , Pierre Philippe , Marc Ruivard. Received 16 March 2011; revised 19 June 2011; accepted 22 June 2011 (30)
4 Discussion
4.1 Une absence d’augmentation de risque globale
4.2 Mais des résultats non significatifs
4.3 Des études avec une méthodologie fiable dans l’ensemble
4.4 Un faible niveau de preuve scientifique
5 Conclusion
6 Bibliographie
7 Annexes
7.1 Annexe 1 : critères d’analyse des études cas-témoin et de cohorte
7.2 Annexe 2 : critères PRISMA pour les méta-analyses
7.3 Critères de niveau de preuve de la Haute Autorité de Santé
8 Résumé