La continuité de l’apprentissage de la lecture au cycle 2

Étant deux étudiantes, nous allons avoir la chance de pouvoir faire nos stages dans deux écoles différentes et donc deux cycles: cycle 2 d’une part avec une classe de CP, et cycles 2 et 3 d’autre part avec une classe de CE2-CM1. Cela va nous permettre de faire une comparaison entre le début du cycle 2 et sa fin mais aussi avec le passage au cycle 3. Nous pourrons aussi observer l’évolution de l’apprentissage de la lecture, les différentes méthodes des enseignants selon les niveaux, ainsi que les demandes des textes officiels à ce sujet sur l’ensemble du cycle. Dans ce mémoire, il a été décidé que notre sujet serait la continuité de l’apprentissage de la lecture. En lien avec nos deux stages, il nous semblait en effet important de nous questionner sur la continuité et sur l’évolution de l’apprentissage de la lecture au fil des années d’élémentaire. Nous nous sommes donc posé diverses questions, comme point de départ, afin d’orienter nos lectures et notre recherche. Quelle part de décryptage et quelle part de compréhension en cycle 2 puis en cycle 3 ? Y a-t-il un après apprentissage de la lecture? L’apprentissage de la lecture s’arrête-t-il à la fin du cycle 2? […] Afin d’étudier ce thème et d’approfondir notre questionnement, il nous faut tout d’abord établir l’état de la recherche à ce sujet, et en faire ressortir les notions principales. Pour ce faire, nous étudierons dans une première partie la lecture et son apprentissage, puis, dans une seconde partie, la continuité de l’apprentissage de la lecture au cycle 2, et enfin, dans une troisième partie, l’enseignement des différentes composantes de la lecture.

La lecture et son apprentissage

Du point de vu des neurosciences

Du point de vue du cerveau, lire c’est mettre en œuvre une suite d’opérations de traitements de signes par l’œil et de mécanismes cérébraux d’interprétation de ces signes. Il y a tout d’abord une reconnaissance visuelle de lettres ou de mots. Ensuite le message est transmis de la rétine jusqu’au cerveau par le nerf optique, sous forme d’impulsions électriques. Les signes sont ainsi reconnus dans le cortex visuel qui se met ensuite en relation avec les aires du langage. Afin de lire , le cerveau a donc besoin de mettre en lien 2 systèmes : le système visuel, appelé le cortex visuel, qui est situé à l’arrière du cerveau et qui représente « l’entrée » du processus de lecture; et le système verbal qui se situe dans le lobe temporal dans la partie gauche de notre cerveau. Grâce à ce lien, le cerveau va pouvoir effectuer des connexions neuronales entre les zones permettant de reconnaître les lettres (graphèmes), donc par la vue, et les zones permettant de reconnaître les sons entendus (phonèmes). Le processus d’apprentissage de la lecture est donc l’association des phonèmes aux graphèmes, c’est-à-dire que le cerveau va visualiser un à un chaque graphème composant un mot et va ensuite les connecter pour les représenter en phonèmes. Dans l’apprentissage de la lecture plusieurs représentations vont se créer dans le cerveau, et ces dernières nécessitent un bagage et des connaissances en amont. D’après le cours de M.Boisson (2021) il y en a trois : la représentation phonologique qui est le son du mot, la représentation sémantique qui est le concept du mot et la représentation orthographique qui est la reconnaissance des lettres. Pour construire ces représentations, le cerveau a besoin de maîtriser le principe alphabétique, c’est-à-dire le code. En le maîtrisant, le cerveau va pouvoir former des  sons en identifiant des associations de lettres.

Selon une étude publiée par les chercheurs Ghislaine Dehaene-Lambertz, Karla Monzalvo et Stanislas Dehaene (d’après un article de Sander Elena, publié en 2018), il existe aussi une partie du cerveau qui a pour seul but de reconnaître les mots dans l’apprentissage de la lecture. Cette zone du cerveau est appelée “la boite aux lettres” du cerveau. Elle est la zone de formation visuelle des mots, que l’on retrouve chez l’adulte qui a appris à lire, indépendamment du système d’écriture utilisé. Afin de comprendre comment cette zone liée à la lecture et son apprentissage se forme, les chercheurs ont fait passer plusieurs IRM fonctionnelles à des enfants de 6 ans et 2 mois en moyenne en leur montrant des images. Les enfants devaient alors réagir à la vue d’une image en particulier, le personnage “Charlie”. Grâce à cette étude, les chercheurs ont découvert qu’une zone spécialisée du cortex visuelle s’activait à la vue de chaque catégorie d’image. Mais lorsque la catégorie d’image était “les mots” la zone que les chercheurs ont pu voir s’activer était “la boîte aux lettres”. Cette zone commence à s’activer durant l’année de CP de manière proportionnelle au niveau de lecture. Elle se trouve dans l’hémisphère gauche du cerveau et persiste une fois que la lecture des mots devient un automatisme. Elle traduit directement la capacité des enfants en lecture. Il s’agit d’une zone préalablement conçu pour un autre usage (la reconnaissance des visages notamment) qui se modifie et se spécialise lors de l’apprentissage de la lecture. Selon l’hypothèse du recyclage neuronal de Stanislas Dehaene, psychologue français, la lecture repose “sur des mécanismes cérébraux anciens, qui ont évolué pour un autre usage, mais qui disposent d’une marge suffisante de plasticité pour parvenir à se recycler ou se reconvertir à ce nouvel usage”, c’est à dire que la plasticité cérébrale permet au cerveau de s’adapter aux diverses activités en changeant sa spécialisation par exemple.

Selon Stanislas Dehaene et Claire Montailoux (2012), l’apprentissage de la lecture est aussi lié à la mise en place des circuits du langage parlé, qui se construisent très tôt dans le cerveau de l’enfant. En effet, ces circuits apparaissent au plus tôt vers l’âge de 2 mois et sont très bien établis vers les 5 ans. On peut ensuite séparer l’apprentissage de la lecture en deux parties: la première qui consiste à associer des sons avec des lettres (phonèmes/graphèmes), ce que l’on peut appeler le “décodage”, et la deuxième qui consiste à rendre ce décodage automatique chez celui qui apprend.

Qu’est-ce que la lecture?

Avant tout, lire c’est déchiffrer un code. Il existe plusieurs sortes de code, le nôtre étant dit alphabétique. Dans ce système, chaque lettre (ou graphème) et association de lettres codent un son. On associe ainsi un graphème, c’est-à-dire l’unité de l’écriture selon R.H Stetson, à un phonème, l’unité de son. Pour pouvoir lire, il faut savoir dans un premier temps identifier les mots mais cela reste insuffisant, il va aussi falloir construire du sens à partir de ces mots et ainsi comprendre le texte. Pour ce faire, il faut d’abord et avant tout savoir décoder les sons associés aux lettres. Pour lire il faut lier sans cesse ses deux activités distinctes de décodage et de compréhension, l’objectif final de la lecture n’étant pas de déchiffrer mais de comprendre le sens de ce qui est écrit. Mais décoder ne suffit pas pour comprendre, le décodage n’est qu’un moyen de parvenir à la compréhension.

En effet, pour comprendre un mot, avant de comprendre la phrase ou le texte en entier, il faut en avoir une représentation mentale, savoir ce qu’il signifie et lui associer du sens. La lecture n’est donc pas passive pour le lecteur, il associe les données visuelles du texte à ses propres connaissances pour accéder au sens. En nous appuyant sur le cours de M. Boisson (2021) la lecture est une construction de significations, qui est réalisée par une personne à partir d’un texte écrit dans un contexte donné. C’est donc le fruit d’une interaction entre les données propres au texte et les connaissances du lecteur, en fonction des buts qu’il poursuit à travers cette lecture. De plus, la compréhension ne suppose pas seulement de comprendre les mots lus individuellement, mais de comprendre leur relation et le sens qu’ils forment ensemble. Ainsi la compréhension demande aussi des connaissances grammaticales de morphologie et de syntaxe. Pour comprendre un texte il faut établir, en plus, des liens entre les mots, des liens entre les phrases, ce qui suppose des capacités d’attention et de mémorisation importantes. Selon Michel Fayol (2020) le lecteur confronté à un texte doit tout d’abord élaborer la base du texte (de qui il s’agit, où cela se passe, etc), puis il doit développer à partir de cette base des “sous structures” (que fait tel ou tel personnage, etc). De plus et en parallèle, le lecteur doit utiliser ses propres connaissances et des indices du texte pour établir des hypothèses sur l’histoire et combler les ellipses. Du point de vue institutionnel (Programme du cycle 2, 2021), lire c’est d’abord identifier des mots de manière de plus en plus aisée. Il s’agit ensuite de parvenir à comprendre un texte et à contrôler sa compréhension. Il faut également pratiquer différentes formes de lecture (conte, poésie, etc), et enfin lire à voix haute, de manière fluide.

Qu’est-ce que l’apprentissage de la lecture? 

Il s’agit ici de se questionner sur les enjeux de l’apprentissage de la lecture, sur ce que les enfants doivent apprendre concrètement et comment cela se construit progressivement. Pour se faire, nous verrons tout d’abord l’apprentissage du code puis celui de la compréhension en lecture.

L’apprentissage du code et des correspondances graphophonologiques

Apprendre à lire c’est d’abord apprendre la valeur phonique de chaque lettre/graphème, il s’agit donc d’apprendre les correspondances graphophonologiques. En français, on ne se contente pas d’apprendre le son de chaque lettre mais aussi celui d’association de lettres (on, an, oi, etc) ainsi que les accents et signes tels que la cédille. De plus, certaines associations de lettres ne se prononcent pas de la même façon selon le contexte grammatical, par exemple le son “ent” dans “lavent” et “seulement”. D’autres lettres ne se prononcent tout simplement pas tels que les s marquant le pluriel. L’enfant doit donc apprendre à la fois toutes les correspondances graphophonologiques mais aussi les codes grammaticaux. Il s’agit donc d’un apprentissage extrêmement complexe. Une fois cela fait, il doit aussi établir la compréhension de ce qui est lu, ce que nous verrons plus en détail par la suite.

Selon la théorie d’Uta Frith, l’apprentissage de la lecture passe par trois stades : logographique, alphabétique et orthographique. Dans le premier, le stade logographique, l’enfant reconnaît un mot dans sa globalité, il peut s’agir par exemple de son prénom. Il ne reconnaît pas les lettres où les sons qui leur sont associés mais seulement le mot entier qu’il a appris par cœur et enregistré comme une image. Le mot n’est donc pas lu mais deviné. Le deuxième est le stade alphabétique. L’enfant établit cette fois-ci une liaison entre lettres et sons, entre graphèmes et phonèmes. Il déchiffre ainsi lettre par lettre les mots mais commence aussi à établir des comparaisons entre les mots. Il peut ainsi décoder plus rapidement un nouveau mot parce qu’il commence pareil qu’un autre lui étant déjà connu. En effet, selon Roland Goigoux et Sylvie Cèbe (2006) avoir un stock de mots connus favorise l’apprentissage, car cela permet d’établir des hypothèses et similitudes, par exemple si l’enfant connaît les mots Maman et Marie, il peut en dégager le son [ma]. Il procède ainsi par analogie en utilisant les similitudes orthographiques des mots. La troisième phase, justement appelée orthographique, résulte progressivement de la deuxième. A force d’entraînement le lecteur reconnaît instantanément la plupart des mots sans passer par un déchiffrage phonèmes par phonèmes. Malgré cette reconnaissance immédiate du mot, cette phase diffère du premier stade logographique, le mot étant identifié par ses différentes unités orthographiques (lettres et groupe de lettres dans un certain ordre) et non par sa configuration visuelle globale.

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Table des matières

INTRODUCTION
CADRE THEORIQUE
Introduction
I- La lecture et son apprentissage
I-1- Du point de vu des neurosciences
I-2- Qu’est-ce que la lecture?
I-3- Qu’est-ce que l’apprentissage de la lecture?
I-3-a- L’apprentissage du code et des correspondances graphophonologiques
I-3-b- L’apprentissage de la compréhension en lecture
II- La continuité de l’apprentissage de la lecture sur le cycle 2
II-1- Attendus des programmes
II-2- Les apports de la continuité des apprentissages sur la consolidation de la lecture : l’équilibre des différentes composantes de la lecture
II-3- Les difficultés des élèves en lecture et les apports de la continuité de l’apprentissage de la lecture à ce sujet
III- L’enseignement des différentes composantes de la lecture : exemples d’activités d’apprentissage de la lecture
III-1- Enseigner le code et le déchiffrage
III-2- Enseigner la compréhension
III-2-a- Le vocabulaire
III-2-b- La syntaxe
III-2-c- L’implicite et la compréhension globale d’un texte
III-3- Enseigner la production de textes
III-4- Les différents types de textes utilisés
Conclusion
Annonce de la problématique et de nos hypothèses de recherche
RECUEIL DE DONNEES
I- Méthodologie de recueil des données
I-1- Justification au regard de la problématique
I-2- Présentation du dispositif d’enquête
I-2-a- Description du terrain d’enquête
I-2-b- Description du dispositif d’enquête
I-3- Présentation de la méthodologie de recueil des données
I-3-a- Rôle des données recueillies
I-3-b- Description des données recueillies
II- Analyse des données
II-1- Présentation des résultats
II-1-1- L’équilibre des composantes de l’apprentissage de la lecture
II-1-1-a-Comparaisons globales des temps de lecture observées en CP et en CE2 (diagrammes)
II-1-1-b-Les composantes dominantes selon le niveau de classe
II-1-1-c-Les composantes minoritaires selon le niveau de classe
II-1-1-d-Les variations de cet équilibre et la différenciation du point de vue des enseignantes
II-1-1-e- La question de l’ordre d’enseignement des composantes
II-1-2- L’enseignement des composantes de l’apprentissage de la lecture
II-1-2-a- Les supports et outils
II-1-2-b- Aides et interventions des enseignantes
II-1-2-c- Le rôle de la production de textes
II-2- Traitement et interprétation des résultats
II-2-1- Les évolutions temporelles de l’équilibre des composantes de l’apprentissage de la lecture au cours du cycle : vérification de nos hypothèses
II-2-1-a- Un temps global consacré à la lecture qui évolue au cours du cycle
II-2-1-b- Une inversion de l’équilibre des composantes entre le CP et le CE2 ?
II-2-1-c- La stabilité de certaines composantes tout au long du cycle
II-2-2- La variabilité de l’équilibre des composantes de l’apprentissage de la lecture: un équilibre qui varie selon les besoins des élèves
II-2-2-a- Un enseignement des composantes qui évolue au fur à mesure du cycle
II-2-2-b- Un équilibre variable selon les besoins de la classe
II-2-2-c- Un équilibre variable selon les besoins de l’élève?
II-2-3- Une pratique enseignante qui rejoint les constatations et les préconisations de la recherche
II-2-3-a- Un enseignement des composantes en parallèle et en continu sur le cycle2
II-2-3-b- Des supports d’enseignement évoqués par la recherche
III- Phase critique
CONCLUSION
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES

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