Historique et recommandations
La visite prénuptiale fut instaurée par la loi du 16 Décembre 1942 et encadrée par les articles 63 du code civil et L.153 du code de la santé publique sous le régime de Vichy. [1] Elle comportait un objectif sanitaire pour lutter contre les affections contagieuses ou chroniques susceptibles d’avoir des conséquences sur la santé du conjoint ou de la descendance. Cette consultation délivrée par le médecin généraliste concernait uniquement les couples mariés. La prévention et l’éducation des couples abordaient leur hygiène de vie, les infections sexuellement transmissibles, la contraception et bien sûr la grossesse. Lors d’une première consultation, une sérologie syphilis datant de moins de 3 mois ainsi qu’une radiographie pulmonaire pour le dépistage de la tuberculose, si besoin, étaient réalisées. Les décrets du 19 Juillet 1962 puis du 17 Mars 1978 ont ajouté la réalisation d’une sérologie rubéole et toxoplasmose datant de moins de 3 mois ainsi que le typage du groupe sanguin, groupe rhésus avec recherche d’agglutinines irrégulières chez les femmes de moins de 50 ans ainsi que le recours à une consultation de conseil génétique si le cas était nécessaire. [2] Plus tard, le décret du 14 Février 1992 inséra dans le bilan sanguin une sérologie Hépatite B dans le suivi de grossesse. La sérologie syphilis ne fut plus obligatoire mais proposée ainsi que la sérologie VIH. [3] Après l’examen clinique et biologique, suivait un dialogue entre le médecin traitant et les futurs époux lors d’une deuxième consultation avec la remise des résultats. Une brochure d’éducation sanitaire était remise en main propre. La visite prénuptiale se clôturait par la rédaction du certificat prénuptial en deux exemplaires, nécessaire pour procéder à la publication des bans du mariage par l’état civil. En Avril 2005, la HAS (Haute Autorité de Santé) publiait des recommandations pour les professionnels de santé : « Comment mieux informer les femmes enceintes ? » pour leur permettre de bien informer le couple et de les aider à prendre des décisions dans leur suivi de la grossesse et de la naissance. [4] Puis, une préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) a été mise en place en Novembre 2005. [5] L’académie de médecine a insisté en 2006 sur la nécessité « d’une information bien avant la grossesse » et « d’action de prévention et d’éducation pour la santé » afin d’éviter les atteintes embryofoetales survenant dans les premières semaines de gestation. Elle a proposé l’information, la prévention et le dépistage des pathologies infectieuses VIH, VHB, VHC, la rubéole et la toxoplasmose. La supplémentation d’acide folique a été conseillée ainsi que la correction des troubles métaboliques, notamment concernant l’obésité, l’équilibre du diabète et la reprise du régime contrôlé en phénylalanine en cas de phénylcétonurie congénitale. Enfin, elle a préconisé la prise en charge des comportements à risque durant l’adolescence : tabac, alcool, drogues, alimentation, médicaments. Elle a ajouté une prévention contre les radiations ionisantes. Elle a différencié la consultation préconceptionnelle générale et la consultation pluridisciplinaire en cas d’antécédent pathologique. [6] Depuis les années 70, le nombre de mariage n’a cessé de diminuer et la proportion de femmes mariées au moment de la naissance de leur enfant fut en décroissance marquant une baisse des naissances intra mariage. [7] La loi du 20 Décembre 2007 décida donc d’abroger la visite prénuptiale en réponse à cette évolution démographique. [8] D’après le discours du ministre du budget M. Jean-François Copé, la sécurité sociale économisait 14 millions d’euros par an grâce à la suppression de l’examen prénuptial. Alors que le besoin d’information des futurs parents qu’ils aient des enfants intra ou hors mariage était toujours important. [9] Parallèlement, le plan périnatalité de 2005-2007 a oublié la consultation préconceptionnelle alors qu’il visait à améliorer la qualité de prise en charge des futurs parents pour une approche « plus humaine » avec la mise en place d’un « entretien du 4 ème mois » de grossesse délivré par les sages-femmes. [10] La HAS a réalisé en mai 2007 des recommandations concernant le suivi et l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risques identifiées. Elle a conseillé la mise en place d’une consultation préconceptionnelle afin d’évaluer ce niveau de risque pour permettre des changements de comportements avant le début d’une grossesse. [11] En Octobre 2007, le collège national des gynécologues et obstétriciens français publia un communiqué de presse qui s’adressait aux médecins, aux autorités et aux couples eux-mêmes : « On trouve normal de faire un examen médical systématique au travail, pour débuter la pratique d’un sport, il faut le faire pour accueillir son enfant dans les meilleurs conditions ». [12] Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) en 2007, a publié des conduites à tenir utilisables par le praticien lors des consultations : « clinical knowledge summaries, preconception : advice and management » impliquant aussi le futur père dans le suivi préconceptionnel (MST, tabagisme passif). [13] Pour guider les praticiens dans la réalisation de cette consultation en 2009, la HAS a publié une recommandation sur le « projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer ». [14]
Les complications gravidiques et obstétricales
Les complications gravidiques et obstétricales sont également à prendre en compte. En ce qui concerne le diabète gestationnel, plusieurs études ont démontré que le risque d’en développer un augmente avec l’âge :
« American diabetes care » a montré en 2006 que le risque de développer un diabète gestationnel augmente à partir de 25 ans. [21]
L’âge ≥ 40 ans semblerait être un facteur déterminant de l’augmentation du taux de diabète gestationnel et de développer un diabète chronique. [22]
Selon les recommandations du CNGOF (Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français) de 2010, l’âge est donc un facteur de risque à prendre en compte dans le dépistage du diabète gestationnel, il accorde le seuil de 35 ans. [23] On constate également chez les femmes de plus de 40 ans :
L’apparition plus fréquente d’une hypertension gravidique et de ses complications.
Un taux plus important d’extraction instrumentale et de césarienne. [22]
Le risque de placenta prævia serait multiplié par 9 chez les femmes âgées de plus 40 ans. [16]
La pathologie thyroïdienne
Les études épidémiologiques ont montré l’existence d’une carence iodée modérée chez la majorité des femmes enceintes vivant en France. Cette carence iodée chez la mère serait responsable d’une hypertrophie thyroïdienne, facteur de goitrigénèse chez la femme et d’altérations des paramètres fonctionnels thyroïdiens. L’hypothyroxinémie maternelle au cours du premier trimestre de la grossesse pourrait entraîner l’apparition de troubles mineurs du développement psychomoteur chez les nouveau-nés et les enfants. Selon les recommandations éditées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une supplémentation iodée devrait être proposée en France : 100 μg/jour chez les femmes en âge de procréer et 150 μg/jour dès le début de la grossesse (non remboursée) afin de prévenir la carence iodée au cours de la grossesse évitant ainsi ses conséquences maternelles et fœtales. [32] L’hypothyroïdie est majorée pendant la grossesse et nécessite donc une adaptation des doses de L-Thyroxine dès le début de la grossesse (augmentation de 30 à 50%) si la patiente est traitée. [33] En période préconceptionnelle, le dépistage d’une dysthyroidie doit être ciblée s’il existe des facteurs de risques chez la mère (goitre, maladie dysthyroidienne familiale, signes cliniques). [33] A l’inverse, le traitement de l’hyperthyroïdie par Neomercazole devra être interrompu car celui-ci peut causer une embryopathie ou bien une hypothyroïdie fœtale. [33]
La pré-éclampsie
Les hypertensions avec protéinurie semblent avoir augmenté entre 2003 et 2010 parallèlement à l’évolution des facteurs de risque que sont l’âge et le surpoids. [7] Le risque de récidiver une pré-éclampsie lors d’une grossesse future est évalué grossièrement entre 10 et 30% selon le contexte. Le risque de complications sévères lors de la seconde grossesse (la mort in utero, hématome rétroplacentaire, ou retard de croissance) serait plus que doublé si la pré-éclampsie avait été précoce lors de la première grossesse. [37] La prescription d’aspirine à faible dose de 100 mg/jour dès 12 SA serait associée à une réduction importante de l’incidence de l’hypertension artérielle gravidique et de manière plus modérée et non significative des décès périnataux. [38]
Le tabagisme
Les conséquences du tabagisme démarrent avant la conception avec une baisse de la fertilité chez l’homme et la femme pour s’étendre jusqu’à la période du postpartum avec des complications chez l’enfant. Concernant la morbidité de l’enfant :
Il dégrade sa santé pulmonaire dès le troisième trimestre en augmentant l’hyperréactivité bronchique jusqu’à son enfance. Concernant les complications obstétricales :
Des fausses couches spontanées et des grossesses extra utérines sont clairement liées.
Au cours du troisième trimestre, le risque de prématurité est augmenté du fait d’une hausse des hématomes rétroplacentaires et des placentas bas insérés.
Près d’une femme sur six développera un retard de croissance intra-utérin et des faibles poids lors de la naissance. [43]
Malgré une diminution depuis ces dernières années, on compte encore près de 30% de femmes fumeuses en France d’après le baromètre de santé 2014. Le tabagisme durant la grossesse est encore présent malgré les campagnes de sensibilisation ainsi que les messages délivrés sur les paquets de cigarettes. Durant la journée mondiale sans tabac de Mai 2014, l’organisation mondiale de la santé (OMS) porte une attention particulière pour inciter le sevrage tabagique chez les femmes enceintes. L’INPES délivrera plusieurs spots de prévention, des messages incitatifs auprès des femmes et professionnels de santé. L’OMS appellera les pays à augmenter les taxes sur le tabac, une politique efficace pour réduire la consommation. En effet en 2016, 30,0% des femmes interrogées ont déclaré avoir fumé juste avant leur grossesse et cette prévalence n’a pas diminué depuis 2010. En France, 16,5% des femmes fument encore au moins une cigarette par jour au troisième trimestre de leur grossesse en 2016. Pour la région de Normandie, ce chiffre atteint 22.3%. [17] La récente hausse des prix du tabac, les nombreuses campagnes d’information ou encore le remboursement des traitements substituts nicotiniques(TSN) ne semblent pas avoir eu d’effet majeur sur la consommation de tabac durant la grossesse. En 2010, 29% des femmes enceintes disent n’avoir reçu aucune information sur l’influence néfaste du tabac. 20% ont été aidées par les professionnels de santé et 3,5% seulement ont reçu un TSN. Seulement 5.9% des femmes avaient arrêté le tabac en prévision de leur grossesse. [7] On note la faible participation des professionnels de santé pour le sevrage tabagique chez la femme enceinte (peur d’utiliser les TSN et des contreindications d’utilisation des traitements oraux pour sevrage tabagique ?). Il semble que les conséquences du tabagisme sur le fœtus soient dose dépendantes. Les risques de l’exposition à la nicotine sur le développement fœtal conduiraient donc à recommander en première intention une assistance non pharmacologique pour l’aide au sevrage. Si le sevrage est difficile, il pourrait être instauré des TSN si la dépendance est forte. La nicotinémie sous traitement substitutif est 2 à 3 fois moins élevée que la nicotinémie liée au tabagisme. De plus, le TSN permet d’éviter la toxicité des autres composants de la fumée. Ces observations soulignent l’utilité d’améliorer l’information des femmes enceintes et de sensibiliser à l’utilisation des TSN par les professionnels de santé. [43]
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Table des matières
1. La consultation préconceptionnelle
1.1 Historique et recommandations
1.2 Cibler les facteurs de risques
1.2.1 Les antécédents personnels
1.2.2 Les antécédents familiaux
1.2.3 Les facteurs tératogènes
1.2.4 La prévention
1.3 Les professionnels de santé
1.4 Objectif de l’étude
2. L’étude
2.1 Le type d’étude
2.2 Le recrutement des médecins généralistes
2.3 L’échantillon
2.4 L’analyse des données
3. Résultats
3.1 Le taux de participation
3.2 Le profil de généralistes
3.2.1 Caractéristiques de la population médicale étudiée
3.2.2 La formation des généralistes
3.2.3 La connaissance des recommandations
3.3 La pratique des médecins généralistes
3.3.1 La pratique gynéco-obstétrique
3.3.2 La pratique préconceptionnelle
3.4 La patiente n’ayant pas eu la consultation préconceptionnelle
3.4.1 Les freins liés à la patiente
3.4.2 Les freins liés au médecin
3.5 La patiente ayant eu une consultation préconceptionnelle
3.5.1 Opportunité
3.5.2 Les sujets difficiles à aborder
3.6 Les solutions que l’on peut apporter
3.6.1 Pour les professionnels de santé
3.6.2 Pour les patientes
3.7 Qu’en pensent les médecins généralistes
3.7.1 Le professionnel concerné
3.7.2 L’étude a-t-elle sensibilisé les médecins ?
3.7.3 L’étude a-t-elle permis une meilleure anticipation de la consultation préconceptionnelle ?
3.7.4 La consultation préconceptionnelle est-elle indispensable ?
4. Discussion
4.1 La preuve de sa nécessité et l’intervention des professionnels de santé
4.2 Le profil du généraliste sur l’exercice préconceptionnel
4.3 Le ressenti du médecin
4.4 Les patientes
4.5 Les solutions
4.6 Les limites de l’étude
5. Bibliographie
6. Annexes
Annexe 1 : Questionnaire distribué aux généralistes
Annexe 2 : Période critique du développement embryonnaire
Annexe 3 : Taux de fausse couche et malformation du tube neural
Annexe 4 : Guide pratique pour les professionnels
7. Le serment d’Hippocrate
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