La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées puis la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 en faveur d’une école inclusive, ont permis des avancées majeures dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap (Lesain-Delabarre, 2016). Najat Vallaud Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche expose notamment, au cours de la « Conférence nationale du handicap 2016 », les chiffres clefs de « la scolarisation des élèves en situation de handicap de 2012 à aujourd’hui » (annexe 1). Selon le gouvernement, 24 % d’élèves handicapés supplémentaires sont scolarisés en milieu ordinaire par rapport à la rentrée 2012. Elle précise qu’il y a eu 30 % d’élèves additionnels scolarisés avec des troubles du spectre autistique entre 2012 et 2015. Le rapport rappelle qu’il existe actuellement, 60 Unités d’Enseignement en Maternelle (UEM) pour jeunes enfants présentant des troubles du spectre autistique et qu’il en sera créé 50 de plus pour l’année 2016 2017. L’inclusion scolaire ou la scolarisation inclusive (Bourdon, 2005 et 2016), dont nous définirons le concept, sont pour les parents des objectifs fondamentaux à atteindre pour leurs enfants avec des TED. Ainsi, les parcours en structures spécialisées devraient (hypothétiquement quand c’est possible) aboutir vers une scolarisation inclusive (Blancou, 2013) facilitant l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap et mobilisant le numérique au service de ces derniers à « Besoins Éducatifs Particuliers » (BEP), tel qu’introduit par Éric Plaisance (2007). Pour certains auteurs (Bintz, 2015), des passerelles peuvent exister entre le milieu spécialisé et milieu ordinaire.
Le contexte politique et législatif
L’autisme, confidentiel dans le grand public jusque dans les années 1980, s’est imposé progressivement dans les médias et dans les textes officiels. En 1996, un article modifie la loi d’orientation sur le handicap du 30 juin 1975 « relative aux institutions sociales et médicosociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l’autisme » et reconnait officiellement l’autisme comme un handicap spécifique. La France se mobilise depuis plusieurs années dans ce domaine quels que soient les gouvernements. Après le premier plan autisme (2005/2007) sous la présidence de Jacques Chirac, puis le second en 2008/2010, c’est en 2012 que l’autisme est institué « Grande cause nationale » en France.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées puis la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 en faveur d’une école inclusive, ont permis des avancées majeures dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap (Lesain-Delabarre, 2016). Le site de l’éducation nationale présente les résultats de cette avancée en 2016, et précise que « depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé avec plus de 260 000 à la rentrée 2015. Le ministère chargé de l’Éducation nationale a fait des efforts sans précédent pour améliorer la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap. L’objectif est d’aller vers une école toujours plus inclusive sachant s’adapter aux besoins spécifiques. Les différents dispositifs de scolarisation, les parcours de formation individualisés et les aménagements personnalisés en fonction des besoins des élèves sont autant de mesures participant à l’inclusion scolaire ».
Le rapport de la HAS de 2010 dresse un état de connaissance sur les TED et déclare que la participation des familles dans la prise en charge des personnes avec autisme est essentielle et complémentaire au travail des professionnels. Rappelons que le Plan Autisme est un programme de niveau national et un ensemble de mesures déterminées par les différents gouvernements français dans le but d’améliorer la prise en charge des personnes avec autisme. Le troisième Plan Autisme (2013-2017) a été présenté en mai 2013 et propose des changements fondamentaux au niveau de la scolarisation de ces personnes. Il suggère de déployer « pour les enfants, un panel de structures adaptées à la scolarisation des élèves avec autisme ou autres TED pour permettre une graduation de la prise en charge et une continuité des parcours dans un fonctionnement rénové en conformité avec les recommandations (scolarisation individuelle, CLIS ou ULIS, unité d’enseignement). Ainsi, sera poursuivi le développement des SESSAD, en soutien à l’inclusion scolaire des enfants comme en accompagnement de l’avancée en âge des jeunes adultes et afin d’éviter ainsi les ruptures de parcours. De plus, l’accompagnement des autistes Asperger sera pris en compte dans le cadre de la création de ces nouveaux services vu la spécificité de leurs besoins » (Carlotti, 2013). C’est donc un véritable plan d’action qui se met en œuvre. Pourtant, malgré cette mobilisation de l’État, le 5 février 2014, la France a été pour la cinquième fois condamnée par le Conseil de l’Europe pour la piètre qualité de sa prise en charge des personnes avec autisme.
« (…) le Comité observe que, s’agissant des enfants et adultes autistes, la France n’a pas, en dépit d’un débat national vieux de plus de vingt ans sur l’importance du groupe concerné et les stratégies pertinentes de prise en charge, marqué des avancées suffisantes, même après la promulgation de la loi du 30 juin 1975 d’orientation des personnes handicapées, dans la prise en charge de l’éducation des personnes autistes. Il observe également que la définition de l’autisme retenue par la plupart des documents officiels français, en particulier ceux produits dans le cadre de la présente réclamation, est toujours restrictive par rapport à celle de l’Organisation Mondiale de la Santé, et que nombre de statistiques nécessaires à l’évaluation rationnelle des progrès réalisés au fil du temps font toujours défaut. Il considère (…) comme établi que la proportion d’enfants autistes par rapport à l’effectif total du groupe – conçu extensivement ou restrictivement – scolarisée dans les établissements de droit commun ou spécialisés demeure, ainsi que les autorités elles-mêmes l’admettent, extrêmement faible et significativement inférieur à la proportion constatée pour les autres enfants, handicapés ou non ; il est également établi et non contesté par les mêmes autorités qu’il existe une insuffisance chronique de structures d’accueil ou d’appui pour autistes adultes » (para.54 ; propos rapportés dans le rapport de Langloys, 2014).
Le contexte associatif et accompagnement scolaire ou spécifique
Le site Autisme France recense les différentes associations existantes sur le territoire. Notons qu’une journée nationale de l’autisme est organisée chaque année le 2 avril depuis 2008. C’est une journée internationale qui a pour but de sensibiliser à l’autisme. Elle a été mise en place par l’assemblée générale des Nations Unies. La situation, en France, des personnes avec des TED est pointée du doigt par les parents et les associations dédiées à l’autisme. M’Hammed Sajidi, président de l’association « vaincre l’autisme » souligne, dans une interview donnée en 2013 à « France Handicap Info », que « la France ne reconnaît pas encore l’autisme tel qu’il est reconnu au niveau international et reste sur ses positions d’une vision dépassée sur l’autisme. Parallèlement, le système sanitaire et médico-social reste campé dans son fonctionnement classique et refuse l’évolution. La politique du gouvernement français reste donc une politique d’institutionnalisation de l’autisme au lieu d’entendre les usagers de la santé publique touchés par l’autisme ». La tension et le mécontentement de l’ensemble des parents et des représentants associatifs (Callenec et Chapel, 2016) sont relayés par les médias et les réseaux sociaux. Le contexte politique et le contexte associatif ne parviennent pas à avancer main dans la main dans l’intérêt des personnes avec autisme. La communication est rompue alors qu’il faudrait absolument repartir sur une collaboration des deux contextes afin de trouver des solutions adaptées et répondant aux besoins de cette population.
Le gouvernement français pourrait, avec la collaboration des associations, avoir un retour et une remontée de besoins à partir du discours des parents de personne avec autisme. En effet, les associations ont un rôle primordial dans l’accompagnement des familles, car « l’association a pour objet d’aider les familles à mettre en œuvre les conditions optimales de scolarisation de leur(s) enfant(s) en milieu ordinaire, de proposer aux familles tout type de prise en charge susceptible de favoriser l’autonomie et l’épanouissement de la personne autiste, et d’accompagner les familles en leur proposant des démarches individuelles ou collectives afin de leur permettre de surmonter les difficultés (administrative, financières, psychologiques ou sociales) qu’elles peuvent rencontrer » (Les parents membres de l’association « Un pas vers la vie » et Éméyé, 2016).
Les démarches proposées par les associations dédiées à la cause de l’autisme sont en lien direct avec la législation mise en place par le gouvernement. Il est donc nécessaire pour le gouvernement et l’association de travailler ensemble afin d’élargir les champs des possibles. Cette collaboration permettrait, à terme, de proposer un accompagnement éducatif adapté à chaque enfant dans l’espoir de profiter, un jour, d’une scolarisation inclusive. En 1999, le plan Handiscol est lancé en faveur de l’intégration scolaire des enfants et des adolescents handicapés par le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN) et le Ministère de l’Emploi et de la Scolarité. C’est également en 1999 qu’une circulaire de l’Éducation Nationale introduit une double notion, un double processus : celui d’intégration, qui est un devoir et celui de scolarisation, qui est un droit universel. C’est d’ailleurs une des premières fois que le mot « scolarisation » est employé pour les élèves handicapés (Bourdon, 1999). Le terme d’intégration a ensuite laissé place à une notion plus adéquate dans l’approche de la prise en charge en école ordinaire puisque l’on parle en effet aujourd’hui, d’inclusion et non plus d’intégration. « Le nouveau terme ‘inclusion’ à la place ‘d’intégration’ reste ambigu pour les enseignants, le changement est limité au niveau des pratiques pédagogiques, voire inexistantes. Il est pourtant primordial de bien les différencier parce que l’inclusion signifie adopter de nouvelles stratégies d’enseignement, installer un réel changement d’environnement scolaire pour qu’il soit adapté aux besoins particuliers de chaque enfant, pas seulement pour ceux en situation de handicap, mais aussi pour tous les enfants » (Hayek, 2015, p. 296). L’évolution des termes employés pour discuter de la scolarisation des personnes avec des TED à toute son importance puisqu’elle permet de faire évoluer le contexte législatif et donc les conditions de prise en charge.
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Table des matières
Introduction générale
Partie 1 : Cadre théorique
Chapitre 1. Le contexte socio-politique dans lequel s’inscrit cette étude
1.1.1. Le contexte politique et législatif
1.1.2. Le contexte associatif et accompagnement scolaire ou spécifique
Chapitre 2. L’autisme, les Troubles Envahissants du Développement (TED) ou Trouble du Spectre Autistique (TSA) ?
1.2.1. Définition de chaque notion en fonction des classifications nosographiques
1.2.2. L’évolution de la prévalence au cours du temps
1.2.3. Causes actuelles de l’autisme
Chapitre 3. La particularité du développement des personnes avec des TED sur les apprentissages
1.3.1. La perception du temps et la construction temporelle chez les enfants avec autisme
1.3.2. Le fonctionnement cognitif et communicatif des personnes avec des TED
Chapitre 4. Des outils papier de communication/planification vers des outils numériques
1.4.1. Les supports papier existants pour l’aide à la communication
1.4.2. Les supports papier existant pour la planification
1.4.3. L’intérêt du support numérique dans les accompagnements pédagogiques pour les personnes à besoins spécifiques
Chapitre 5. Accompagnement pédagogique des personnes avec des TED et introduction de TICE dans la pratique des professionnels
1.5.1. Méthodes pédagogiques et effets sur les apprentissages
1.5.2. Accompagner vers une forme d’inclusion en milieu scolaire ordinaire partielle ou totale
1.5.3. Rôle des parents et de la collaboration
1.5.4. Genèse instrumentale dans la pratique des professionnels autour des TICE
Chapitre 6. Problématique de recherche et hypothèses
Partie 2 : Expérimentation
2.1. Approche méthodologique
2.1.1. Présentation du contexte local de l’étude
2.1.2. Population Cible
2.1.3. L’outil numérique de planification utilisé
2.1.4. Procédure expérimentale
2.1.5. Recueil des données
2.1.6. Place du chercheur sur le terrain
Partie 3 : Résultats
3.1. Enquête et analyse préliminaire sur l’intérêt de l’usage d’une application numérique de planification d’activité au regard des pratiques des éducateurs et des familles
3.1.1. Objectif pédagogique définit par les utilisateurs prescripteurs dans le cadre de l’utilisation de l’application çATED
3.1.2. Besoins éducatifs particuliers des enfants avec des TED dans la perception du temps et la construction temporelle
3.2. Analyse de la pratique des encadrants au regard du processus d’appropriation
3.2.1. Processus d’appropriation du support numérique et usages de l’application çATED par les utilisateurs prescripteurs pour les enfants avec autisme
3.3. Analyse des données qualitatives et quantitatives en lien avec le développement des enfants en situation d’apprentissage au travers de l’utilisation de l’application çATED
3.3.1. Les observations relatives aux enfants avec des TED
3.4. Croisement des observations par les utilisateurs-prescripteurs et les observations recueillies à partir des bandes vidéo
3.4.1. La communication verbale et non verbale
3.4.2. Les comportements-défis
3.4.3. La disponibilité cognitive
3.4.4. Les interactions multiples
Partie 4 : discussion et perspectives
4.1. Argumentation autour des principaux résultats et hypothèses
4.1.1. Construction et évolution du processus d’appropriation des utilisateurs prescripteurs utilisant un support numérique de planification
4.1.2. Les effets de l’utilisation d’un support de planification numérique sur le développement sociocognitif des enfants avec des TED
4.2. Forces et faiblesse du travail de recherche
Conclusion
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