La construction du soin des bébés

La construction du soin des bébés

Le soin des bébés en tant qu’objet anthropologique

Tous les nouveau-nés ont besoin de quelqu’un qui prend soin d’eux. Sinon ils ne peuvent pas survivre. Dans le monde entier, les personnes qui deviennent des parents sont confrontées à la même question : comment soigner les bébés ? Elles partagent le souci de bien soigner leurs nouveau-nés. Bien que le partage de ce but soit un phénomène universel, les pratiques de soin varient selon l’espace et le temps (Fontanel/D’Harcourt 1998 : 9 ; 22). L’acte de prendre soin des bébés est souvent pris comme instinctif et naturel (Appell 2005 : 36). Mais en réalité, les manières de prendre soin des nouveau-nés, tout comme les pratiques de soin en général, sont socialement construites (Vega 2007 : 36). En ce sens, les soins sont un objet anthropologique. Ils constituent une partie essentielle de la vie quotidienne des hommes. Selon Collière, ils sont « le bien, l’art, le patrimoine de savoirs, le mieux partagé des êtres humains » (1996 : 23). Mais qu’est-ce que le soin ? Différents anthropologues et psychologues proposent des définitions générales ou en lien avec l’enfance.

Selon la définition de Saillant et Gagnon, il s’agit d’« un ensemble de gestes et paroles, répondant à des valeurs et visant le soutien, l’aide, l’accompagnement de personnes fragilisées dans leur corps et leur esprit, donc limitées de manière temporaire ou permanente dans leur capacité de vivre de manière ‘normale’ ou ‘autonome’ au sein de la collectivité » (1999 : 5). La personne soignée est donc toujours restreinte dans sa participation à la vie sociale. Le but du soin qui consiste en des actes très concrets tels que les gestes et les paroles est le soutien. Bonnet et Pourchez définissent le soin en tant qu’« unité minimale de contact ou d’interaction orientée vers un but hygiénique, thérapeutique ou affectif entre un adulte et un jeune individu » (2007 : 22-23). Elles se réfèrent uniquement au soin des enfants. En ce qui concerne le but du soin, elles ne mentionnent pas uniquement le niveau de soutien, mais aussi l’aspect thérapeutique et hygiénique. Une caractéristique importante est que tout acte de soin est interactif.

Une troisième définition du soin est proposée par Appell. Selon elle, un soin du bébé qualitatif exige « d’être attentif à ses manifestations, d’être vigilant à son bien-être, de s’appliquer à le bien traiter corporellement et affectivement, et si nécessaire, de prendre en compte son mal-être » (2005 : 15-16). Il s’agit donc de s’occuper attentivement de l’hygiène et du bien-être d’un bébé, mais aussi de le guérir d’éventuelles maladies. Le champ du soin dépasse les limites du champ du médical. Le soin n’a pas seulement une intention thérapeutique. Il peut aussi être caractérisé par des buts hygiéniques ou affectifs. De surcroît, il a toujours des liens avec les rituels et la religion (Benoist 2004 : 279 ; Bonnet/Pourchez 2007 : 11). En résumé, dans le cas des nouveau-nés, prendre soin signifie s’occuper de leur bien-être et de leur santé de manière interactive.

C’est en particulier l’anthropologie de l’enfance qui se préoccupe de cette thématique. Cette discipline est relativement nouvelle. Non seulement l’anthropologie, mais aussi d’autres sciences sociales ne se sont que peu intéressées à la petite enfance. Parmi les anthropologues, particulièrement chez les hommes, le sujet du premier cycle de vie n’était pas très populaire (Bonnet/Pourchez 2007 : 17 ; Pourchez 2002 : 20-21). Pourtant, les culturalistes, à partir de la première moitié du 20ème siècle, ont commencé à étudier les pratiques relatives à l’enfance. Ils ont été influencés par l’émergence de la psychanalyse et ont critiqué le fait que les théories de cette dernière ne pouvaient pas être généralisées à toutes les sociétés. Une de leurs hypothèses centrales était l’existence d’une personnalité culturelle propre à chaque société.

Comme les caractéristiques de cette personnalité de base qu’ils cherchaient à définir se développent à l’âge de l’enfance, ils se sont intéressés à cette période de vie. La plupart des recherches menées étaient comparatives. Le but était de découvrir les particularités culturelles et les universalités en ce qui concerne la puériculture et le développement des enfants. Vers la fin du 20ème siècle, divers anthropologues sont allés dans toutes les régions du monde pour étudier l’enfance. Souvent, ils ont abordé différentes disciplines telles que l’anthropologie du corps et de la maladie. L’idée de la construction sociale des besoins et des capacités des nouveau-nés a émergé. Les attentes des parents et d’autres acteurs face aux compétences des enfants varient selon les sociétés. Elles influencent fortement les pratiques puéricultrices (Bonnet/Pourchez 2007 : 12-19).

Le rapport au corps de l’enfant

En Europe, depuis le Moyen-Âge, il y a une tendance à la mise à distance de l’enfant. L’emmaillotement de l’enfant était une mesure pour garantir une distance entre lui et la mère. L’église a édicté la règle selon laquelle les bébés ne devraient pas dormir dans le même lit que leurs mères, suite au risque de l’étouffement des enfants. Au 18ème siècle, c’était la médecine qui a recommandé 11 aux mères de s’isoler de leurs enfants, pour cause d’asepsie. Tout contact physique était assimilé à un risque de contamination. Le souci était la protection de l’enfant, la valeur universelle au centre de toutes les pratiques puéricultrices. Il faut se rappeler qu’à l’époque, la mortalité infantile était encore très élevée en Europe, ce qui inquiétait les médecins. Au 19ème siècle, prendre un bébé dans les bras et le bercer était quasiment interdit. Plus tard, l’interdit de la proximité a été appuyé par la psychanalyse (Candilis-Huisman 1993 : 154-172 ; Stork 1993 : 290).

Selon les théories de cette discipline, le nouveau-né a une tendance naturelle à obtenir du pouvoir sur ses parents. Ce pouvoir doit être écrasé afin que l’enfant apprenne à se comporter de manière civilisée. Pour ce faire, la mère doit poser des limites claires et se montrer distant (Plume 2013). Seuls les professionnels de la médecine pouvaient toucher le corps du bébé parce que c’était nécessaire pour guérir une personne. Mais dans le domaine médical, le corps était transformé en un objet d’étude et de représentation (Saint-Pierre/Vinit 2006 : 3-4). Cependant, dans les années 1970, il y a eu une psychologisation de l’enfance. Des psychologues ont favorisé une relation intime entre la mère et le bébé. Ils trouvaient cette relation cruciale pour la survie, la santé et le développement psychique de l’enfant, malgré le fait que la génération des aînés ait critiqué cette tendance. Contrairement à l’isolation artificielle et forcée, une approche naturelle vers l’enfant a été valorisée. Les enfants sont devenus des individus. Par conséquent, les normes éducatives généralisées ont été de plus en plus rejetées. Les parents ont été plutôt encouragés à découvrir et promouvoir les compétences individuelles de leurs enfants. Ainsi, ils ont reçu la liberté de sentir et décider eux-mêmes quel était le degré de contact corporel approprié (Gebhart 2009 : 177-182).

La médicalisation des soins

L’anthropologie médicale a démontré que dans les sociétés occidentales, c’est-à-dire dans les sociétés nord-américaines et européennes, il y a tendanciellement une médicalisation des différents états et étapes de la vie. Les médecins généralistes et les infirmières doivent s’occuper des domaines de la vie de plus en plus variés. De plus en plus de personnes remettent leur santé entre les mains de la médecine au lieu de se prendre en charge de façon autonome (Vega 2007 : 36-39). Cela est aussi vrai pour la période post-partum (Bridgeman 2002 : 100-102 ; Gebhart 2009 : 51-54 ; Pourchez 2002 : 21). Nous avons vu dans le chapitre précédent que l’enfant et sa mère se sont soumis au savoir médical et à ses règles en ce qui concerne la proximité corporelle mutuelle. Au 20ème siècle, l’idée de la prévention s’est dégagée du progrès de la médecine. Le soin des bébés longtemps accompli par les familles fait maintenant partie principalement du domaine de responsabilité de divers spécialistes de l’enfant qui protègent le bébé de façon préventive au travers de leurs compétences professionnelles (Candilis-Huisman 1993 : 155-172). Les vaccinations de base fortement recommandées par, à la fois, les médecins et l’Office fédéral de la santé publique Suisse en sont un exemple. Elles sont en partie effectuées peu après la naissance (OFSP 2016).

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Table des matières

Introduction
2 Contexte de la recherche
2.1 Le soin des bébés en tant qu’objet anthropologique
2.2 Prendre soin des bébés en Suisse
2.2.1 Le rapport au corps de l’enfant
2.2.2 La médicalisation des soins
2.2.3 Émergence d’un pluralisme des soins
2.3 La médecine moderne et la médecine traditionnelle
2.4 Prendre soin avec le massage de bébé
2.5 Le massage de bébé népalais selon la tradition Newar
2.5.1 Origine au Népal
2.5.2 Développement en Suisse
3 Problématique et structure du travail
4 Méthodologie
4.1 Approche méthodologique
4.2 Entrée dans le terrain
4.3 Collecte des données
4.3.1 Entretiens
4.3.2 Observations participantes
4.3.3 Autres éléments d’analyse
4.4 Analyse
4.5 Écriture
5 La construction du soin des bébés
5.1 Arriver dans ce monde
5.2 Le besoin de contact corporel
5.3 Le rôle des parents et du genre
5.4 Conclusion intermédiaire
6 Usage et légitimation du massage de bébé népalais en Suisse
6.1 Une pratique avec de multiples usages
6.1.1 Rôle thérapeutique
6.1.2 Bien-être
6.1.3 Hygiène
6.1.4 Ritualisation du soin
6.1.5 « Empowerment » des parents
6.2 Légitimation par la tradition
6.3 Conclusion intermédiaire
7 La transformation de la pratique
7.1 Traduction
7.2 Adaptation à la structure familiale en Suisse
7.3 Professionnalisation
7.4 Conclusion intermédiaire
8 Conclusion
9 Bibliographie
Annexe
A Grille d’entretien
B Questionnaire

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