Le contexte urbain latino-amรฉricain : le ยซ centro histรณrico ยป
ย ย Les villes sont des lieux particuliers de lโexpression de nos identitรฉs collectives. Elles sont construites par une superposition de couches qui racontent ร leur maniรจre comment chaque population, ร son รฉpoque, a cru bon de devoir sโorganiser spatialement et socialement, mais aussi sa relation avec un passรฉ reprรฉsentรฉ par certaines constructions et sa vision du futur exprimรฉ dans sa planification. Cependant, lโurbanitรฉ est sans aucun doute une caractรฉristique de notre sociรฉtรฉ contemporaine. Aujourdโhui, alors que les trois quarts de la population mondiale vit en ville et y passe la grande majoritรฉ de son temps, il est normal quโelle y concentre ses activitรฉs, ses loisirs et son patrimoine. Dans le contexte de la mondialisation, les villes se positionnent, au sens oรน lโentend le marketing, et รฉvoluent dans une concurrence internationale elle aussi mondialisรฉe. Les stratรฉgies de dรฉveloppement en viennent mรชme ร se ressembler puisquโelles sont issues des mรชmes travaux thรฉoriques tels que lโรฉtude du phรฉnomรจne des clusters ou la thรฉorie de la creative class de Florida (2002). Lร oรน la nationalitรฉ dรฉsigne โ encore โ notre identitรฉ, cโest la ville plus que le territoire national qui semble dรฉfinir notre ยซ spatialitรฉ ยป. Demander aujourdโhui ร quelquโun oรน il vit implique souvent une rรฉponse qui fait rรฉfรฉrence ร une ville, futelle simplement la ยซ grande ville la plus proche ยป. Pourtant, cela ne suffit pas ร justifier lโintรฉrรชt dโรฉtudier plus spรฉcifiquement le patrimoine urbain. Ainsi, paraphrasant Morisset (1999 : 8) ร propos de la ville, nous pouvons demander ยซ pourquoi le patrimoine urbain et pas autre chose ? ยป Cette auteure souligne ยซ quโen tant quโobjet de reprรฉsentation, la ville spatialise une culture, ร la fois comme un fossile et comme un moule, dans lequel germeraient les renaissances de ses images, dans lequel incuberaient, aussi, des identitรฉs ยป (ibid. : 6). Veschambre souligne รฉgalement lโintรฉrรชt de la ville dans lโรฉtude du patrimoine, en tant que ยซ lieu dโexacerbation des enjeux dโappropriation ยป (2008, 8-9). La ville est donc un objet de reprรฉsentations, qui se manifestent ร travers notamment des enjeux dโappropriation et de pouvoir. Et dans ces enjeux et ces reprรฉsentations, la ville devient lโexpression dโune identitรฉ collective, une ยซ sorte โdโimageโ ร travers laquelle une collectivitรฉ se reconnaรฎt ยป (Drouin, 2005 : 20). Mais plus encore, la reprรฉsentation elle-mรชme de la ville fait signe et influence ร son tour lโimaginaire collectif (Morisset, 1999 : 11). La ville a une importance particuliรจre en Amรฉrique latine oรน elle est, par ses caractรฉristiques urbaines anciennes et modernes, un marqueur โ nous reviendrons sur ce terme โ de lโidentitรฉ. Cette question de lโidentitรฉ en Amรฉrique latine est complexe. En effet, si le terreau des identitรฉs culturelles de la rรฉgion est ยซ latin ยป, les apports des cultures prรฉcolombiennes et des immigrations successives ont rendu, selon Rolland, cette dรฉnomination ยซ trรจs imparfaite ยป (2005 : 14). Cโest pourquoi, pour cet auteur, ยซ lโinterrogation sur les identitรฉs collectives (ร de multiples รฉchelles, groupales, locales, rรฉgionales, nationales, voire supranationales) sโimpose ร la recherche latinoamรฉricaniste ยป (ibid.). Il faut se souvenir, en effet, quโen plus de la multiplicitรฉ des cultures prรฉsentes sur ce sous-continent, se sont ajoutรฉes les immigrations successives, forcรฉes ou volontaires, de populations dโEurope, dโAfrique, mais aussi dโAsie dans bien des pays. Cette complexitรฉ se reflรจte depuis le XIXe siรจcle dans lโenjeu de la dรฉnomination de cet ensemble de pays et si on utilise le plus souvent la locution ยซ Amรฉrique latine ยป, ce nโest que lโun des ยซ cent noms de lโAmรฉrique ยป (Rojas Mix, 1991). Difficile donc de percevoir une unitรฉ dans ce que Niedergang dรฉfinissait comme les ยซ vingt Amรฉriques latines ยป (1969) et que lโon dรฉsigne parfois aussi comme ยซ Ibรฉro-Amรฉrique ยป ou ยซ Amรฉrique centrale et du Sud ยป par exemple. Si la ville y est importante, cโest parce quโยซ on sait que lโon est ni en Inde, ni en Afrique, ni en Europe, ni en Amรฉrique du Nord. Lโunitรฉ de lโAmรฉrique latine se fait beaucoup plus dans et par ses villes que par ses campagnes ยป (Dollfus, 1994 : 8).
Lโรฉmergence du centro histรณrico
ย ย Ces zones particuliรจres que sont les centres-villes historiques ont fait lโobjet dโune attention particuliรจre dans les รฉtudes en Amรฉrique latine et, plus rรฉcemment, dans la planification urbaine. ร tel point que le centro histรณrico sโest autonomisรฉ comme objet dโรฉtude et dโanalyse. Ces secteurs, qui apparaissent dans les annรฉes 1970 ยซ demasiado distantes, congestionados y hasta peligrosos ยป [trop distants, congestionnรฉs et mรชme dangereux] (Hardoy et Gutman, 1992 : 19) pour des commerรงants et des habitants qui ont privilรฉgiรฉ les nouveaux quartiers pรฉriphรฉriques, ont depuis une trentaine dโannรฉes fait lโobjet dโune nouvelle attention, pour diverses raisons, dans les textes internationaux, dans les รฉtudes scientifiques et dans les textes lรฉgislatifs. Ainsi, dans cette rรฉgion on commence dans les annรฉes 1960 ร parler dโensembles urbains plutรดt que des seuls monuments, notamment ร la suite de lโadoption de la Charte de Venise (1964), mais surtout par son ยซ adaptation ยป ร la rรฉalitรฉ latinoamรฉricaine traduite dans lโadoption des Normes de Quito (Normas de Quito) en 1967, lors dโune rรฉunion sous lโรฉgide de lโOrganisation des รtats amรฉricains (OEA). Lโintรฉrรชt pour les centres historiques se manifestera plus particuliรจrement ร lโoccasion du Primer Seminario Interamericano sobre Experiencias en la Conservacion y Restauracion del Patrimonio Monumental de los Periodos Colonial y Republicano [Premier sรฉminaire interamรฉricain sur les expรฉriences de conservation et derestauration du patrimoine monumental des pรฉriodes coloniales et rรฉpublicaines, Santo Domingo], tenu ร Santo Domingo du 2 au 8 dรฉcembre 1974, et dont les conclusions seront intรฉgrรฉes aux Normes de Quito. La plus grande partie des centres historiques datent de ces pรฉriodes et ce sรฉminaire marque donc un intรฉrรชt croissant pour ces quartiers, car, mรชme dans les rares cas de constructions sur des sites prรฉalablement occupรฉs et de rรฉemploi de vestiges prรฉhispaniques, comme ร Cusco (Figure 1.1), la majoritรฉ des รฉdifices et du plan date de lโรฉpoque coloniale ou rรฉpublicaine.
Lโintรฉrรชt pour les centres historiques
ย ย Dans les deux derniรจres dรฉcennies, il y a eu un regain dโintรฉrรชt pour les centres historiques dans la planification urbaine et les interventions. Ce phรฉnomรจne est le rรฉsultat de la rรฉflexion engagรฉe ร la fin des annรฉes 1970 avec le colloque de Quito, mais qui, en raison des difficultรฉs รฉconomiques de la rรฉgion dans les annรฉes 1980, appelรฉe la ยซ dรฉcennie perdue ยป, nโont produit des effets visibles que dans les annรฉes 1990. Cโest aussi une consรฉquence de la transformation de la rรฉpartition du pouvoir avec un renforcement de la place des municipalitรฉs qui nโavaient que peu de pouvoir jusque-lร et de la place croissante occupรฉe par le secteur privรฉ (commercial ou ร but non lucratif) dans le financement de certains projets (Carriรณn, 2007 : 41). Nous voyons donc apparaรฎtre des plans de ยซ rรฉcupรฉration ยป des centres historiques, qui intรจgrent plus ou moins les principes du dรฉveloppement intรฉgral promu par le colloque de Quito et, plus rรฉcemment, ceux du dรฉveloppement durable. Lโun des premiers ร dรฉpasser la dimension uniquement monumentale pour prendre en compte les populations et le dรฉveloppement local est justement le Plan Maestro del Centro Histรณrico de Quito [Plan directeur du centre historique de Quito] en 1991 (Carriรณn, 2001 : 48). Cette ville, qui a fait partie des 12 premiers sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en 1978, a une histoire de plusieurs dรฉcennies de rรฉflexion sur le patrimoine et a fait lโobjet de beaucoup dโรฉtudes et dโexpรฉrimentations qui ont servi aux autres villes de la rรฉgion. Ce retour au centre historique sโexplique principalement par trois facteurs. Cโest dโabord une nรฉcessitรฉ fonctionnelle qui pousse les autoritรฉs ร agir pour sortir ces zones de lโengorgement et du chaos qui paralyse non seulement les activitรฉs qui sโy trouvent, mais aussi les accรจs aux services centraux et les flux de personnes et de marchandises que la centralisation fait transiter par lร et qui affectent le reste de la ville. Cela se rรฉsout bien sรปr de faรงon externe, en proposant des circuits de contournement, mais aussi en intervenant directement dans le centre, en rรฉgulant le transit et les activitรฉs. Nous verrons dans la prรฉsente รฉtude que ces diffรฉrentes actions ont รฉtรฉ entreprises dans le cas de la ville dโArequipa avec la construction dโaxes de contournement et la rรฉorganisation des activitรฉs et des services prรฉsents au centreville. Cโest ensuite pour des raisons รฉconomiques, notamment liรฉes au tourisme, que lโon intervient pour mettre en valeur les centres historiques. Que ce soit par la seule prรฉsence de quelques monuments majeurs, pour un ensemble urbain particuliรจrement prรฉservรฉ ou pour revitaliser une zone qui a perdu sa fonction, le tourisme est un choix รฉconomique fait par de nombreuses villes. Cela semble รฉvident pour celles inscrites au patrimoine mondial, qui sont donc reconnues comme ayant une ยซ valeur universelle exceptionnelle ยป, mais cโest aussi le cas pour beaucoup dโautres oรน, comme ร Salta (Argentine), les anciens bรขtiments de la municipalitรฉ ont รฉtรฉ convertis en musรฉe (Figure 1.4) et lโarchitecture domestique de style colonial a รฉtรฉ mise en valeur.
Le patrimoine mondial et les centres historiques en Amรฉrique latine
ย ย Cette recherche ne sโintรฉresse pas ร tous les types de centres historiques puisquโil sโagit dโรฉtudier un centre inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de lโUNESCO. Ce choix du patrimoine mondial repose sur plusieurs raisons qui rendent lโรฉtude de la patrimonialisation particuliรจrement pertinente dans ce contexte. En effet, lโinscription entraรฎne une visibilitรฉ plus importante aux niveaux local, national et international, qui semble favoriser les investissements et les interventions sur le site. Cette multiplicitรฉ des niveaux concernรฉs dans la gestion du site semble plus complexe que dans les centres non inscrits et cette complexitรฉ, comme nous le verrons, peut produire des sites patrimoniaux dโun type diffรฉrent, on dira ยซ hybrides ยป, oรน se mรฉlangent des intentions et des influences diverses. Par ailleurs, cela semble รฉgalement mettre en รฉvidence les diffรฉrentes tensions en provoquant un regain dโintรฉrรชt pour le secteur et en ajoutant un enjeu supplรฉmentaire, le tourisme, que celui-ci soit rรฉellement favorisรฉ ou non. Tout cela peut produire dans les sites du patrimoine mondial une patrimonialisation ยซ accรฉlรฉrรฉe ยป, tant les transformations peuvent รชtre rapides, mais aussi plus รฉvidentes ร รฉtudier pour le chercheur grรขce notamment ร une documentation plus importante (guides, brochures, cartes postales, documents institutionnels, consultations publiques, articles et ouvrages scientifiques, etc.). Dโailleurs, lโun des objectifs de cette recherche est de situer le processus de patrimonialisation par rapport ร lโinscription et de comprendre quels peuvent รชtre leurs liens. En dโautres termes, les centres historiques inscrits sont-ils eux aussi le rรฉsultat dโune construction patrimoniale ? Cโest une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de nous intรฉresser aux villes inscrites en Amรฉrique latine, oรน les รtats ont รฉtรฉ impliquรฉs trรจs tรดt dans la convention et oรน sโest dรฉveloppรฉe une approche particuliรจre du patrimoine en gรฉnรฉral et du patrimoine urbain en particulier.Selon le dรฉcoupage de lโUNESCO et la Liste du patrimoine mondial, on compte dans la rรฉgion LAC (Amรฉrique latine et Caraรฏbes) 40 sites rรฉpartis dans 15 pays qui rรฉpondent ร la dรฉfinition de quartier urbain ou plutรดt, selon la nomenclature officielle de lโorganisation, de ยซ citรฉs historiques vivantes ยป ou de ยซ villes nouvelles du XXe siรจcle ยป . La grande majoritรฉ de ces sites sont des centres historiques, et parfois aussi le centre civique et รฉconomique de ces villes. Les pays de la rรฉgion ont รฉtรฉ prรฉsents dรจs le dรฉbut de la rรฉflexion sur la protection et la mise en tourisme du patrimoine urbain avec, nous lโavons vu, lโรฉtablissement de normes ร Quito en 1967, mais aussi avec lโorganisation ร Mexico la mรชme annรฉe de la ยซ 4ta Conferencia Regional de Comisiones Nacionales de la UNESCO del Hemisferio Occidental [4e confรฉrence rรฉgionale des commissions nationales de lโUNESCO dans lโhรฉmisphรจre occidental], qui donna lieu ร la rรฉsolution de Tlatelolco sur la sauvegarde du patrimoine culturel dโAmรฉrique latine. Ce texte propose quelques orientations gรฉnรฉrales aux รtats, quant ร la protection des monuments dans leur contexte, entre autres, et fixe le fonctionnement des commissions nationales de lโUNESCO.
Du monument au patrimoine
ย ย Cโest dโabord le terme de ยซ monument ยป qui sera retenu lors de la crรฉation en 1837 de la Commission des monuments historiques en France. Dโun usage plus ancien (Choay, 1999 : 15-16), le monument dรฉsigne ร la fois ce qui est conรงu pour rappeler (lร encore au sens du latin monere), mais aussi ce qui est remarquable. Le ยซ monument ยป devient alors ยซ historique ยป quand celui-ci nโest pas originellement prรฉvu pour la fonction de support mรฉmoriel quโon lui attribue et sโoppose donc au monument intentionnel ยซ dont il est devenu nรฉcessaire de prรฉciser quโil [est] commรฉmoratif ยป (ibid. : 19). Cette distinction รฉtait dรฉjร รฉtablie par Riegl en 1903 entre les monuments ยซ voulus ยป et les monuments historiques ยซ non voulus ยป (Riegl, 2003 [1903] : 59), quโil analysait par le biais de leurs valeurs de mรฉmoire et de leurs valeurs dโactualitรฉ. Nรฉanmoins, comme de nombreuses รฉtudes lโont signalรฉ, la dรฉsignation par le terme ยซ monument ยป demeure limitรฉe face ร lโรฉlargissement des rรฉalitรฉs que recouvre la protection de ces biens collectifs, et ce terme ยซ impose une vision beaucoup plus รฉtroite que celle portรฉe par le patrimoine ยป (Drouin, 2005 : 5). Dโailleurs, il apparaรฎt possible de questionner la limite de cette filiation entre ยซ monument ยป et ยซ patrimoine ยป qui sembla รฉvidente aux historiens, mais qui devant lโรฉvolution de la notion et son รฉlargissement apparaรฎt de moins en moins nรฉcessaire, le patrimoine sโautonomisant, en quelque sorte, du monument. Citons dโailleurs ร titre dโexemple la Loi sur le patrimoine culturel, adoptรฉe par le Quรฉbec le 19 octobre 2011, dans laquelle la dรฉnomination de ยซ monument historique ยป disparaรฎt au profitde celle dโยซ immeuble patrimonial ยป. Lโexamen de lโรฉvolution des termes permet donc de comprendre lโimportance de la ยซ construction ยป du patrimoine, cโest-ร -dire des processus dโinvestissement des valeurs quโon lui attribue. En effet, quโil sโagisse des valeurs รฉnoncรฉes par Riegl en 1903, reprises par Choay en 1992, de celles proposรฉes par Patin (1988 : 20-24), ou de celles identifiรฉes par Noppen et Morisset (2005a : 295-320), cโest leur ยซ reconnaissance ยป ou plutรดt leur attribution, comme nous le verrons, qui permet ร lโobjet dโaccรฉder au statut de patrimoine ร un moment donnรฉ. Il reste que le monument et le patrimoine demeurent, chacun ร leur รฉpoque, des piliers de lโidentitรฉ collective, dont lโรฉvolution dans le temps pourrait รชtre une des raisons de cette transformation de la notion. Il importe donc dans toute รฉtude portant sur le ยซ patrimoine ยป de situer temporellement la notion et de la dรฉfinir, le temps de la reconnaissance patrimoniale et le temps de lโรฉtude pouvant induire des sens diffรฉrents. En cela, la notion de patrimoine comporte nรฉcessairement une dimension historique puisquโelle repose sur un discours qui sโinscrit dans plusieurs temporalitรฉs et qui ยซ tolรจre stratifications, interrelations ou oppositions selon les discours qui sโy articulent ยป (Drouin, 2005 : 11) et leurs รฉpoques de constitution.
La spatialisation du patrimoine : trois types dโapproches
ย ย La perspective disciplinaire de la gรฉographie offre, comme le note Veschambre (2007 : 375), trois approches qui, si elles sโentrecroisent souvent, restent identifiables dans les publications. La premiรจre approche, que nous avons mentionnรฉe plus haut, se base sur une proximitรฉ conceptuelle entre ยซ patrimoine ยป et ยซ territoire ยป et traite particuliรจrement de lโamรฉnagement et de la transformation des espaces. Il sโagit de traiter surtout des implications rรฉglementaires, mais aussi des implications sociales issues du changement dโusage, comme le dรฉveloppement touristique. La deuxiรจme approche รฉtudie le patrimoine ยซ sous lโangle des enjeux, des stratรฉgies, des conflits dโintรฉrรชts ยป. En dโautres termes, le chercheur sโintรฉresse alors aux relations sociales autour du patrimoine, instrument dโune prise de pouvoir par des acteurs pour ยซ faire valoir leurs intรฉrรชts et pouvoir contrรดler leur espace ยป (Melรฉ, 1995 citรฉ dans Veschambre, 2007 : 372). Cette utilisation du patrimoine comme ยซ instrument de lรฉgitimation sociale dโun groupe ยป (Dormaels, 2009) ou comme affirmation du pouvoir peut dโailleurs rejoindre des travaux dโautres disciplines des sciences sociales. La troisiรจme approche situe le patrimoine comme un ยซ facteur de mobilisation collective, de cohรฉsion sociale ยป qui suscite des ยซ constructions identitaires ยป (Veschambre, 2007 : 375) et ร travers elles des constructions territoriales. Construction, appropriation et transformation de lโespace, le patrimoine devient ici un ยซ outil dโopposition sociale et politique ยป, un ยซ objet politique ยป et de politiques. La patrimonialisation est alors comprise comme lโextension du fait patrimonial ร lโespace qui le comprend, une faรงon de caractรฉriser cet espace pour se lโapproprier. Dรจs lors, cโest lโespace, et non plus lโobjet patrimonial, qui sert la lรฉgitimation des groupes sociaux, ce qui nโest pas sans poser quelques questions relatives ร la temporalitรฉ du patrimoine, abordรฉe plus haut, dont la complexitรฉ peut รชtre perdue dans ce glissement
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION GรNรRALE
PARTIE I : QUELQUES รLรMENTS CONTEXTUELS ET CONCEPTUELS DU CADRE DE LA RECHERCHE
1) Le contexte de la recherche
a) Le contexte urbain latino-amรฉricain : le ยซ centro histรณrico ยป
i) Lโรฉmergence du centro histรณrico
ii) Les diffรฉrents types de zones historiques
iii) Des problรฉmatiques particuliรจres
iv) Lโintรฉrรชt pour les centres historiques
v) Le financement
b) Le patrimoine mondial et les centres historiques en Amรฉrique latine
c) Le contexte pรฉruvien
i) Le Pรฉrou
ii) La ville de Cusco
iii) Le centre historique de Lima
2) Les notions de patrimoine
a) Approche historique franรงaise
i) Les racines de la notion : รฉtymologie et usages mรฉdiรฉvaux
ii) Lโapparition de la notion et la construction des identitรฉs nationales
iii) Du monument au patrimoine
iv) Un concept gรฉohistorique
b) Approche gรฉographique
i) Lโobjet, le territoire, lโespace
ii) La spatialisation du patrimoine : trois types dโapproches
iii) Une vision fonctionnelle
c) Approche communicationnelle
i) De lโobjet musรฉal ร lโobjet patrimonial
ii) Impact social et opรฉrativitรฉ symbolique du patrimoine
iii) Les temps du patrimoine
d) Approche hermรฉneutique
3) La patrimonialisation et lโidentitรฉ
a) Le geste lรฉgal de patrimonialisation
b) Un geste dโintervention : entre conservation et restauration
i) La restauration stylistique
ii) Lโanti-restauration
iii) La restauration historique
iv) La restauration scientifique
v) La restauration critique
vi) Quelques dรฉfinitions aujourdโhui
c) Les gestes de production de sens
i) Une ยซ trouvaille ยป
ii) Un processus dโยซ authentification ยป
d) De ยซ lโhypertrophie patrimoniale ยป ร ยซ lโhypertrophie identitaire ยป : dรฉfinir lโidentitรฉ
i) Lโidentitรฉ individuelle
ii) Les identitรฉs collectives
Conclusion de partie
PARTIE II : PROBLรMATIQUE, CADRE DโANALYSE ET DรROULEMENT DE LA RECHERCHE
4) Cadre รฉpistรฉmologique, problรฉmatique, question de recherche et hypothรจses
a) Du patrimoine ร son interprรฉtation
b) Problรฉmatique et question de recherche
c) Hypothรจses de recherche
5) Cadre dโanalyse, opรฉrationnalisation et dรฉroulement de la recherche
a) Cadre dโanalyse
b) Mรฉthodologie
c) Dรฉroulement de la recherche
Conclusion de partie
PARTIE III : DE LA FONDATION ร LโINSCRIPTION : รMERGENCE DU PATRIMOINE ร AREQUIPA
6) Les reprรฉsentations patrimoniales ร Arequipa
a) Lโimage dโArequipa
b) Le plan
c) Le bรขti
7) Construction et รฉvolution des reprรฉsentations patrimoniales
a) Lโรฉmergence de la notion de patrimoine
b) Ville blanche ou en couleur ?
c) Lโapparition de lโindustrie touristique
d) Des reprรฉsentations patrimoniales propices ร une candidature pour lโinscription au patrimoine mondial
8) Arequipa et lโinscription au patrimoine mondial
a) Les prรฉmices de la candidature : les reprรฉsentations patrimoniales ร la fin des annรฉes 1990
b) Lโinscription sur la Liste du patrimoine mondial
c) Consรฉcration patrimoniale ou relance รฉconomique : lโexpression de reprรฉsentations diffรฉrentes
d) La reconnaissance : une volontรฉ politique
Conclusion de partie
PARTIE IV : CONSTRUIRE UN SITE DU PATRIMOINE MONDIAL : 1999-2011
9) Une construction planifiรฉe
a) Le projet de dรฉveloppement
b) La planification du projet
c) La mise en ลuvre du projet
i) Les monuments
ii) Les espaces publics
iii) Le logement
iv) Les problรจmes de gestion
d) Les consรฉquences
10) Une construction symbolique
a) Lโimplication citoyenne
b) Des changements de pratique
c) Une responsabilisation complexe
Conclusion de partie
PARTIE V : PATRIMONIALISER UN SITE DU PATRIMOINE MONDIAL
11) Les caractรฉristiques de la patrimonialisation dโArequipaย
a) Une construction, des patrimonialisations
b) Patrimonialisation institutionnelle ou sociale ?
c) Lโactualisation patrimoniale : des monuments ร la campiรฑa
d) Des situations contradictoires
e) En conclusion, un phรฉnomรจne hybride
12) Les effets du patrimoine mondial
a) Lโeffet dโhybridation
b) Lโeffet ยซ Label ยป
c) Lโeffet dโamplification
d) Lโeffet ยซ patrimoine mondial ยป
CONCLUSION
Tรฉlรฉcharger le rapport complet