Si les mathématiques sont une des disciplines « nobles » de l’école, ce sont majoritairement les domaines du calcul, de la numération et des problèmes qui sont représentés et mis en avant. Pour preuve, dans les programmes de l’école primaire, ils occupent la plus grande place. La géométrie, inscrite dans le domaine « Espace et géométrie » en cycle 2 et cycle 3, est souvent considérée comme moins importante alors qu’elle est en lien direct avec le monde visuel qui nous entoure et entoure les enfants d’école primaire.
Dans les programmes de l’école primaire, il est préconisé de passer de la vision figurative au cycle 1, à la mise en relation des différentes propriétés géométriques au cycle3. Au cycle 2, ce sont la définition de quelques caractéristiques des figures géométriques, un vocabulaire plus précis et l’utilisation d’instruments de tracé qui sont au cœur des apprentissages. Mais ces attentes portent principalement sur une perception formelle des figures. Un des principaux obstacles lors des apprentissages, est de dépasser l’approche figurative pour accéder aux propriétés et aux relations géométriques qui organisent toutes ces figures géométriques rencontrées, de manière intuitive, dès leur naissance par les élèves. Aussi, il apparait comme très important de réfléchir à la manière dont nous les enseignons, pour permettre à nos élèves d’appréhender leur environnement au-delà de leur première perception visuelle.
Le cadre de la problématisation, selon Christian Orange
Amener les élèves à la construction d’un problème
De nombreux auteurs considèrent que pour faire des sciences, il est nécessaire que les élèves s’engagent dans des problèmes scientifiques. C’est le cas de Karl Popper qui affirmait que « La science ne commence que s’il y a un problème » (Popper, cité par Orange, 2012, p.18) ou encore Gaston Bachelard pour qui «Toute connaissance est la réponse à une question. » (Bachelard, cité par Orange, 2005, p.4). Christian Orange va dans ce sens et même plus loin puisque selon lui, « le savoir visé ne peut résider uniquement dans la solution de la question posée ; il doit prendre en compte la construction du problème » (Orange, 2012, p35). C’est la construction de ce problème scientifique qui permet aux élèves de s’engager réellement dans les sciences.
La question ou situation déclenchante
La question ou situation déclenchante, appelée aussi question ou situation de départ, a pour objectif d’engager les élèves dans un problème scientifique pertinent leur permettant d’accéder aux savoirs scientifiques. Cette question de départ ne correspond pas au problème scientifique en lui-même mais c’est à partir de cette question que le problème va émerger, être construit et travaillé par les élèves, d’où sa grande importance. Christian Orange distingue plusieurs types de questions qui servent généralement de question de départ. Dans le cas du cercle, il s’agit de questions qui conduisent à décrire le cercle, des questions qui amènent à s’intéresser au tracé du cercle et enfin des questions qui portent plutôt sur l’explication des propriétés du cercle. Or l’auteur nous dit que « la recherche d’une explication renvoie toujours à une question sur le fonctionnement » (Orange, 2012, p18). Il rappelle également ceci : « Karl Popper affirme que la science ne commence que s’il y a un problème et que ces problèmes sont liés à la recherche d’explications » (Orange, 2012, p.18).
Il faut donc selon lui, que la question ou situation de départ soit posée de façon à ce que les élèves expliquent. Les engager dans le travail d’un problème scientifique, c’est donc les amener à produire des explications, à s’intéresser réellement au fonctionnement de quelque chose. Pour le cercle, les questions doivent donc porter sur l’explication des propriétés pour que les élèves puissent construire un problème pertinent. Les élèves doivent être en mesure de s’approprier la question de départ pour arriver à construire le problème qui leur permettra d’accéder aux savoirs que l’on veut leur faire construire. Ce que nous pouvons alors nous demander est : Comment choisir la question pour qu’elle soit la plus pertinente possible et qu’elle permette aux élèves d’accéder réellement au problème scientifique et donc aux savoirs scientifiques en jeu ?
A cela, Christian Orange répond que pour bien choisir la situation dans laquelle on met les élèves, il est nécessaire de réaliser une analyse didactique a priori, c’est-à-dire qu’il faut « pour penser les situations d’apprentissage des élèves, étudier finement les savoirs en jeu et leurs liens avec les problèmes du champ disciplinaire» (Orange, 2012, p.19). Ce travail se fait donc en amont et nécessite de s’intéresser au problème tel qu’il est traité par la communauté scientifique, pour en comprendre les enjeux, même si ce problème sera adapté ensuite au niveau des élèves.
Les représentations initiales des élèves
Les explications que vont produire les élèves viennent en partie de leurs représentations initiales. Quelle place donner à ces représentations ? Il est d’abord important de souligner que les élèves ont généralement déjà des connaissances ou des idées sur les sujets que nous leur proposons. Comme le dit Gaston Bachelard : un élève arrive « avec des connaissances empiriques déjà constituées: il s’agit alors, non pas d’acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne. » (Bachelard, cité par Orange, 2012, p.28).
La vision empiriste des sciences consistant à observer puis accéder à la connaissance est écartée. Les chercheurs en didactique ont montré que cela ne permettait pas aux élèves d’accéder aux savoirs scientifiques et de changer leurs représentations initiales qui restent persistantes. Il faut ensuite faire la différence entre deux situations dans lesquelles nous plongeons les élèves : celle où les élèves s’engagent dans la construction d’un problème scientifique et celle appelée « leçon de choses », qui consiste à les faire observer et réaliser des expériences. Pour Christian Orange, cette dernière situation ne leur permet pas de changer leurs représentations puisqu’il faut voir les représentations initiales comme la capacité des élèves à « développer à partir de leurs connaissances, des explications cohérentes et intelligentes structurées par leur culture quotidienne » (Orange, 2012, p.30). Les représentations initiales ne sont pas seulement « des conceptions qui préexistent chez les élèves mais un ensemble de connaissances formées par le vécu quotidien, par les enseignements préalables ou les vulgarisations diverses, qui viennent peupler à la fois leur registre empirique et leur registre explicatif » (Orange, 2012, p.31). Le registre empirique et le registre explicatif sont des termes qui seront développés dans une prochaine partie.
La construction des problèmes permet de changer les représentations initiales, de modifier ou d’affiner les modèles explicatifs des élèves et ainsi de construire les savoirs scientifiques.
L’importance de la construction du problème
L’objectif obstacle et la situation-problème
Pour amener l’élève au changement conceptuel, condition de l’apprentissage, il faut réfléchir à la façon d’amener l’élève à changer ses concepts. Deux éléments nous apparaissent dans le but de faciliter ces changements. Tout d’abord, il y a l’objectif obstacle de Jean-LouisMartinand. Celui-ci s’inspire de la dynamique qui consiste à faire travailler l’élève autour d’objectifs précis. Dans sa démarche, une attention particulière est posée aux différents obstacles qui interviennent chez les élèves lors de leurs apprentissages. Selon l’auteur, à chaque objectif doit être associé un obstacle puisque c’est le dépassement de cet obstacle qui amène l’élève à atteindre l’objectif. Il est conseillé d’expliquer l’objectif d’une séance à l’élève afin qu’il sache ce qui est attendu de lui. Ainsi, cette démarche doit permettre aux élèves de « dépasser les obstacles de la pensée commune pour aller vers une pensée scientifique » (Orange, 2012, p.33).
Le deuxième élément concerne la notion de situation-problème. De nombreux didacticiens se sont penchés sur cette notion, notamment Philippe Meirieu. La situation-problème est une situation dans laquelle l’élève est confronté à un problème à sa portée, qu’il ne peut résoudre seul mais qui lui permet quand même de s’engager pleinement. Le but de cette situation-problème est que l’élève surmonte le problème, et le résolve. Ce dépassement du problème conduira à un apprentissage. Nous pouvons voir ce franchissement du problème comme le dépassement d’un obstacle et ainsi faire un lien avec l’objectif obstacle de Jean-Louis Martinand.
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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique
1) Le cadre de la problématisation selon Christian Orange
1.1) Amener les élèves à la construction d’un problème
1.1.1) La question ou situation déclenchante
1.1.2) Les représentations initiales des élèves
1.2) L’importance de la construction du problème
1.2.1) L’objectif obstacle et la situation-problème
1.2.2) La construction de modèles explicatifs par les élèves
1.2.3) L’analyse à priori pour mesurer le changement conceptuel
1.2.4) La place des interactions langagières et des débats dans la construction du problème
1.3) Quelles plus-values de la problématisation ?
2) La notion de cercle
2.1) Les différentes définitions, conceptions du cercle, instruments de tracé et obstacles
2.1.1) Définitions et conceptions associées
2.1.2) Place des instruments de tracé selon les conceptions et définitions retenues
2.1.3) Les obstacles que les élèves rencontrent
2.2) Le cercle dans les programmes et les manuels scolaires
II. Construction de la problématique et hypothèses de recherche
III. Méthodologie de recueil de données et méthodologie d’analyse
1) Recueil de données
1.1) Contexte de classe et d’exercice
1.2) Méthodologie de recueil de données
1.3) Analyse à priori de la séquence
2) Méthodologie d’analyse
2.1) Hypothèses et indicateurs à analyser
2.2) Espace de contrainte du concept de cercle
IV. Analyse des données recueillies
1) Hypothèse 1
2) Hypothèse 2
3) Espace de contraintes à posteriori
Conclusion
Bibliographie
Annexes