La construction du concept de migration (en 4e de collège)

La problématisation en histoire (et en géographie)

                Nous partons de l’hypothèse que les travaux en histoire dans le cadre théorique de la problématisation peuvent servir de modèle d’imitation pour la géographie. Les deux sciences sont épistémologiquement indiscernables car en tant que sciences sociales elles énoncent « leurs propositions sur le monde dans un espace assertorique » selon J.-C. Passeron dans Le raisonnement sociologique (Zalio, 1992). La séquence proposée aux élèves doit permettre un processus de problématisation analogue à celui des historiens et/ou des géographes à condition que les élèves aient la possibilité « d’explorer les possibles d’une situation historique et de produire des écrits qui construisent des raisons, conditions d’accès à de véritables savoirs historiques » selon Yannick Le Marec (2008) cité par S. Doussot (2011, p. 68). Lorsqu’une mise en tension se déploie, on peut alors observer la mise en scène de différentes voix auxquelles sont confrontées les élèves comme des « modèles explicatifs tirés de leur expérience sociale, de leurs données empiriques, mais aussi celles et ceux des documents, des manuels, des pairs et de l’enseignant » (Doussot, 2011, p. 72-73). Toutefois, comme l’écrit C. Orange (2010), pour construire des problèmes « les études des situations ordinaires de classe sont certainement intéressantes, mais en aucun cas suffisantes ». Il faut donc selon lui « créer une véritable phénoménotechnique » qu’il nomme situations forcées.

La notion de secondarisation

            La notion de sectorisation est construite sur la distinction bakthinienne entre genres premiers et genres seconds du discours. Il s’agit dans le cadre d’un enseignement-apprentissage disciplinaire de permettre aux élèves « la maîtrise des genres seconds du discours » (Jaubert, 2007, p. 295). « Les genres premiers façonnent l’essentiel des échanges verbaux de la vie  quotidienne » et « les genres seconds du discours, quant à eux, surgissent dans des échanges culturels élaborés » (Jaubert, 2007, p. 204). Ce processus de transformation du langage est aussi associé à la transformation des modes d’agir et de penser. Il « signale la mise en œuvre de nouveaux cadres interprétatifs » (Jaubert, 2007, p. 296) sous la forme d’échanges culturels élaborés. Ces « échanges culturels élaborés » se rapprochent des discours produits par les géographes dans le cadre des travaux scientifiques. Par ces échanges, les élèves doivent s’approcher de la seconde configuration historiographique décrite plus loin. Ce sont les traces du passage d’un genre à l’autre que nous souhaitons principalement analyser dans la séance 2 de la séquence forcée. Ou pour le dire autrement, il s’agit « d’explorer le passage de pratiques et de discours ordinaires à des pratiques et des discours problématisés » (Doussot, 2011, p. 67). Le processus de secondarisation modifie le mode d’agir-parler et penser des élèves. Cela suppose donc que la classe ou le groupe se comporte comme une communauté discursive disciplinaire.

La communauté discursive disciplinaire scolaire

                    Les activités langagières supposent que le groupe soit ou devienne une communauté discursive scientifique scolaire. Nous nous appuyons sur l’article de Jean-Paul Bernié qui la présente comme « une communauté constituée sur la base d’une pratique sociale quelconque ou de connaissance » marquée par « l’usage partagé d’un certain nombre d’outils, puisqu’elle est au premier chef un lieu de stabilisation d’une manière d’agir » (Bernié, 2002, p. 78). Martine Jaubert (2007) précise que dans la communauté discursive disciplinaire en voie d’institution « se rencontrent les points de vue et usages « spontanés » des enfants-élèves et ceux plus scientifiques de l’école. » Un lieu où, au fil de l’apprentissage, l’élève « prend conscience des pratiques légitimes, …, orchestre et harmonise les voix contextuellement différenciées et simultanément construit le concept et son contexte » (Jaubert, 2007, p. 97)

La première configuration historiographique

                  Les remarques qui suivent sont essentiellement tirées des travaux pionniers et de l’ouvrage, La planète migratoire dans la mondialisation, de Gildas Simon (2008/2012)2 ainsi que la note de lecture de cet ouvrage de Guy Di Méo. Le géographe Gildas Simon est le fondateur du laboratoire Migrinter et de la Revue d’Étude des Migrations internationales de l’université de Poitiers. Il rappelle que « l’immense majorité des populations du monde, y compris dans les pays du Sud, ne souhaite pas partir, ne souhaite pas devoir émigrer » et « que les migrations s’efforcent de répondre à quelques uns des besoins fondamentaux de la personne humaine essentiellement lorsqu’elle ne peut pas, ou ne peut plus les satisfaire dans une aire territoriale de proximité ». Ces besoins sont par exemple : « échapper à la faim et disposer d’une alimentation correcte (quantitativement et qualitativement), se loger dans de bonnes conditions, pouvoir se soigner et faire face aux imprévus de la vie, être traité avec équité dans son contexte social et territorial. […]. Bref, bénéficier d’un accès légitime au « développement humain » (Di Méo, 2010). Mais l’ouvrage assume une rupture épistémologique majeure « au prix du dépassement d’une stricte segmentation analytique des faits de migrations observés, méthode traditionnelle qu’il rejette pour privilégier une prise en considération globale des déplacements à caractère migratoire qu’il étudie ». Cette rupture est liée à des changements géographiques et économiques plus larges résumés, ici et dans les programmes, sous le nom de mondialisation. Elle peut aussi s’expliquer par des changements de la façon dont les géographes universitaires pensent « le monde » et à l’intégration de la géographie dans les sciences sociales (Thémines, 2016).

L’étude de cas, une approche heuristique

                Les travaux de Jean-Claude Passeron et Jacques Revel, sur lesquels nous nous appuyons, ont montré l’intérêt de « penser par cas » (2005). L’étude de cas, liée aux sciences sociales, est caractérisée par le fait que le cas « fait problème », c’est-à-dire qu’il produit un effet déconcertant par rapport à ce qui est perçu comme « normal » ou « naturel » et donc qu’il se présente comme une énigme. Cette caractéristique est un élément de différenciation fondamentale avec l’étude de cas scolaire où le cas sert le plus souvent uniquement d’exemple. Il s’agit donc d’un raisonnement qui requiert l’élaboration d’hypothèses explicatives par « un approfondissement de la description » (p. 11). L’étude de cas est donc construite sur un approfondissement des singularités et non pas d’une généralisation (une mise en perspective) par extension au cœur des études de cas scolaires. Ces hypothèses forment des conclusions provisoires qui reposent sur un agencement inédit d’éléments constitutifs du cas pour les élèves. Cet agencement doit permettre, s’il fait sens, d’en extraire une argumentation de portée plus générale. C’est notre objectif. Pour notre travail, il s’agit donc de permettre « l’exploration et l’approfondissement d’une singularité accessible à l’observation » (p.11) par la création d’une situation de classe qui fait problème et qui développe une énigme qui s’inscrit dans la cadre de la problématisation.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I. Les cadres théoriques et les concepts associées
I.1. Le cadre théorique de la problématisation
I.1.1. Présentation générale
I.1.2. La problématisation en histoire (et en géographie)
I.1.3. Les concepts associés
I.1.3.1. Les situations forcées
I.1.3.2. Un espace de contraintes
I.2. Les interactions langagières 
I.2.1. Présentation générale
1.2.2. La notion de secondarisation
I.2.3. La communauté discursive disciplinaire
Chapitre II. Le cadre didactique et les enjeux épistémologiques 
II.1. L’organisation et les enjeux des séances analysées 
II.2. Les enjeux de savoirs liés aux demandes institutionnelles 
II.2.1. Le texte du programme
II.2.2. Une présentation des textes para-officiels
II.3. Les enjeux épistémologiques 
II.3.1. La première configuration historiographique
II.3.2. La seconde configuration historiographique
II.3.3. Une présentation du « cas » de l’étude
II.3.4. Une analyse des manuels de Quatrième
Chapitre III. Construction et exploration du corpus 
III.1. L’étude de cas, une approche heuristique 
III.2. Une situation de classe construite dans un objectif de recherche 
III.2.1. Le contexte général
III.2.2. Le synopsis des séances 1 et 2
III.2.3. Les éléments du corpus des séances 1 et 2
Chapitre IV. L’analyse des données 
IV.1. La séance 1 (Séquence forcée) 
IV.1.1. Introduction
IV.1.2. La phase 1. Les représentations initiales
IV.1.3. La phase 2. L’émergence du problème.
IV.1.3.1. La notion d’étonnement
IV.1.3.2. L’émergence de l’énigme dans la classe B
IV.1.4. La phase 3. Les nouvelles hypothèses
IV.1.4.1. L’analyse des nouvelles hypothèses
IV.2. La séance 2. La validation des nouvelles hypothèses 
IV.2.1. Présentation du contexte général
IV.2.2. La construction des nouvelles connaissances
IV.3. La modélisation des séances 
IV.3.1. La modélisation de la séance 1. Un espace de contraintes
IV.3.2. La modélisation de la séance 2. Les semantic net
Chapitre V. Des résultats (à discuter) 
V.1. De l’analyse épistémologique à la construction des savoirs 
V.1.1. Des configurations historiographiques (en histoire) …
V.1.2. … Aux configurations historiographiques (en géographie)
V.2. Un retour vers les phases de la problématisation 
V.2.1. Des représentations au changement de registre explicatif
V.2.2. Une communauté discursive disciplinaire plus scientifique
V.3. L’émergence du problème et la question de l’activité cartographique des élèves 
V.3.1. La mise en relation des deux cartes
V.3.2. Le choix du récit
Conclusion
Bibliographie
Liste des annexes, des documents et des figures
Annexes
Résumé. Abstract

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