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Les enjeux didactiques
La présence d’animaux dans la classe permet, selon Raymond Tavernier2, de mettre en place des concepts de vie, d’espace et de temps.
L’observation de l’animal (sa croissance, son alimentation, sa locomotion, son comportement en captivité, sa santé) permet aux enfants de constater la fragilité de la vie, ils acquièrent ainsi un regard objectif sur le respect de la vie.
Les différentes étapes de la vie de l’animal offre des points de repères temporels aux enfants. L’observation de ses déplacements, de ses postures y ajoute des repères spatiaux.
L’élevage permet également l’acquisition de méthodes de travail : il développe un esprit scientifique avec des attitudes (explorer, s’étonner, être curieux, être patient, avoir envie de chercher) et des savoir-faire tels que l’observation, le classement, la comparaison…
Les élèves construisent ainsi progressivement une démarche d’investigation (se poser des questions, faire des essais et des erreurs, tester des hypothèses, interpréter des résultats).
L’élevage, s’inscrivant souvent dans un projet de classe, offre également une transdisciplinarité et participe ainsi à l’acquisition de compétences dans tous les domaines en particulier celui du langage oral et écrit (avec les dessins d’observation).
Les enjeux comportementaux
L’observation et le contact avec les animaux permettent d’éveiller les sens et répondent au besoin affectif des jeunes enfants, comme le précise Raymond Tavernier 3 « les jeunes enfants sont spontanément attirés par les animaux et, pour leur équilibre affectif, ils ont besoin de contact avec la vie animale. Un élevage en classe permet un contact plus personnel et fait naître des liens affectifs nouveaux »
En ville, peu d’élèves ont la possibilité d’avoir un animal de compagnie.
Selon une enquête FACCO/TNS SOFRES4 sur les français et les animaux de compagnie, seulement 8% de leurs maîtres vivent dans l’agglomération parisienne et seulement 22% dans les villes de plus de 100000 habitants.
Sans compter que l’espèce animale la plus présente dans les foyers français reste le poisson rouge, un animal qui ne favorise pas le contact physique.
Pour les élèves, la chance de disposer ainsi de la présence d’un animal dans la classe, pouvoir le toucher permet de développer des liens affectifs qu’ils ne connaissent pas.
L’élevage facilite l’intégration de chaque enfant au groupe classe. Si la thérapie animale5 fonctionne pour des enfants porteurs de handicap, elle crée une dynamique de groupe pour tous les enfants et les aide à devenir responsables en particulier au regard des soins à apporter quotidiennement à l’animal.
L’élevage développe également le respect de la vie animale qui se renforcera au contact de l’animal considéré.
Travailler sur les élevages dans un projet de classe est une source de motivation pour les élèves et facilite ainsi l’entrée dans les apprentissages. C’est également un élément fédérateur pour la classe.
La construction des règles de l’élevage en classe avec les élèves
Le rappel du cadre réglementaire
Le cadre concernant la législation française sur les élevages, qu’il s’agisse de la sécurité des élèves ou les espèces protégées, est disponible sur le site internet de l’éducation nationale6 ou celui de la de la « fondation la Main à la pâte »7. De nombreuses espèces sauvages sont protégées en France et ne doivent donc être ni prélevées, ni transportées, ni détenues, ni évidemment tuées.
La réglementation concernant la détention d’animaux sauvage en captivité est quand à elle disponible sur le site internet du ministère de la transition écologique et solidaire8.
Il convient en tant qu’enseignant, de travailler en respectant une ligne éthique en expliquant les règles aux élèves pour qu’ils intègrent ainsi que leurs parents le fonctionnement responsable d’un élevage en classe.
Bien sûr, il serait préférable de privilégier, comme le précise Raymond Tavernier les observations dans la nature. Mais dans la mesure où les règles sécuritaires concernant les écoles se sont renforcées en France, il convient de favoriser des milieux d’observation sécurisés ou « faire entrer la nature » dans l’école, tout particulièrement lorsque cette dernière se situe en ville.
Dans le cadre des élevages en classe, des arrêtés protégeant la faune sauvage existent et interdisent la capture et la destruction de certaines espèces (insectes, vertébrés). J’ai trouvé l’ensemble des textes en vigueur sur le site internet de « l’Association pour la protection des animaux sauvages » qui fournit les listes nationales des espèces protégées9.
Après avoir consulté cette liste, mon choix s’est porté sur des animaux dont l’observation en classe avait déjà été tentée avec succès : les escargots, les lapins, les poussins.
Dans ce cadre-là, les règles sont très précises : il faut ramener les animaux dans leur écosystème naturel d’origine. Pour l’élevage en classe, si il y a fécondation voire naissances, les animaux nés en captivité ne peuvent être relâchés dans la nature.
Avant de mettre ces choix en pratique, il me fallait l’aval de la directrice de l’école maternelle. Toute introduction d’animaux dans l’enceinte d’une école doit en effet être signalée et autorisée par le chef d’établissement.
La directrice n’ayant jamais eu pareil cas à traiter (lapin, poussin), elle a fait une demande d’autorisation auprès de l’inspection de l’éducation nationale de la circonscription. Ladite inspection a donné son accord en requérant néanmoins, au préalable, de poser la question d’allergies éventuelle aux parents.
Pour éviter tous risques, ma cheffe d’établissement s’est également enquise près du médecin scolaire des contre-indications éventuelles de la présence d’un lapin ou d’un poussin dans la classe. La réponse fut la même que celle donnée par l’inspection de l’éducation nationale, pas de risque de pandémie (type grippe aviaire), le seul risque étant l’éventuelle allergie aux poils d’animaux.
Les protocoles d’aides individualisés des élèves de la classe ne spécifiaient aucune allergie aux poils d’animaux. Et un mot dans le carnet de correspondance m’aura permis, en parallèle, de vérifier l’absence de risques à cet égard.
Pour les escargots, le prélèvement s’est fait en Bretagne dans le jardin de mes parents (ce qui me permettait de les ramener facilement et de les replacer dans leur écosystème à la fin de l’expérience).
Concernant le lapin et le poussin, le choix s’est porté rapidement sur un partenariat avec une ferme pédagogique : « la ferme du p’tit brin d’paille10 » située à Longjumeau dans l’Essonne, l’annexe de « la ferme pédagogique Tiligolo11 » qui se déplace dans les écoles parisiennes.
Cette structure présente l’avantage de prêter et reprendre les animaux, d’encadrer l’élevage en répondant aux questions de l’enseignant. L’expertise pédagogique de ses responsables, auprès des jeunes enfants permet en outre d’assurer une mise en pratique rassurante pour l’enseignant. En contact direct avec l’éleveur pendant toutes ces expériences, celui-ci m’a prodigué des conseils, toujours prêt à répondre à mes interrogations et à me rassurer.
Pour encadrer les élevages dans la classe, je me suis, bien entendu, appuyée sur les programmes 12 de l’école maternelle et, en particulier, sur les attentes en terme de compétence à atteindre dans le domaine d’apprentissage « explorer le monde ».
La consultation des sites « Eduscol »13 et la « Fondation la main à la pâte »14 m’ont également renseignée sur le cadre réglementaire à mettre en place dans cette expérimentation pédagogique dans la classe.
Présentation de la démarche éthique de l’enseignante
Après m’être assurée du respect du cadre réglementaire de chacun des élevages, je devais établir une charte déontologique avec les élèves.
Cette charte s’est construite de la façon suivante :
– Leur expliquer la provenance des animaux et le retour dans leur écosystème d’origine :
• pour les escargots, le prélèvement a été fait en Bretagne dans le jardin des parents de l’enseignante. Là où ils ont été ramenés à la fin de la période d’observation.
• pour le lapin et les œufs fécondés, c’est la mise en place d’un partenariat avec la ferme pédagogique « Le p’tit brin d’paille » à Longjumeau qui a permis de réaliser une séquence sur le lapin et une autre de l’œuf au poussin.
– L’étape suivante fût d’instituer, avec les élèves, des règles du respect de l’animal. La construction était progressive et bâtie à partir des comportements déviants constatés dans la classe et l’impact que cela produisait sur les animaux.
Par exemple, les cris des élèves mettaient le lapin dans une posture craintive (l’animal se recroquevillait en boule, ses oreilles couchées en arrière)
A partir de ces observations, nous écrivions au tableau la première règle du respect de l’animal : « Ne pas crier car cela fait peur au lapin».
Ces règles furent le socle de la démarche éthique de ces élevages en classe.
La verbalisation est un facteur important pour l’appropriation de la notion de respect. Pour développer ces éléments de langage, j’ai mis en place, à chaque fin de période une exposition en lien avec le projet de classe.
Cette exposition était ouverte aux parents qui pouvaient venir découvrir les travaux accomplis par leurs enfants. La seule condition fixée était que les élèves jouent le rôle du guide conférencier. Une à deux séance de travail, en amont, étaient organisées pour leur permettre de se réapproprier le champ lexical spécifique aux élevages.
La verbalisation et la construction des règles du respect de l’animal
Le respect de l’animal dans la classe ne se construit pas sur une séance mais tout au long de la période de la présence de l’animal dans cet espace de vie des élèves.
C’est la confrontation avec des comportements irrespectueux à l’égard de l’animal qui a permis de construite ces règles progressivement et surtout de les comprendre.
La première était le bruit, facteur d’anxiété pour les animaux, en particulier pour ceux de la ferme. En interrogeant les responsables de la ferme pédagogique « le p’tit brin d’paille » sur les règles qu’il mettait en place lors des visites de son établissement, son premier conseil aux parents et aux enfants est généralement de ne pas faire de bruit car cela effraie les animaux.
Faire comprendre la peur ressentie par un animal à des enfants de 4 à 5 ans ne pouvait passer que par l’observation concrète de celui-ci dans une situation de stress.
Donc, je n’ai pas précisé volontairement qu’il fallait réduire le volume sonore de la classe surtout en période d’accueil. J’ai laissé les élèves interagir librement autour de la cage.
Toujours pendant l’accueil, je leur demandais de me décrire la posture de l’animal :
– dans le cas du lapin, il se met en boule et ses oreilles sont couchées en arrière le long de son flanc.
– pour le poussin c’est le piaillement incessant qui est un indicateur de stress.
Après cette description, je leur demandais pourquoi les animaux étaient dans telle position ou situation. La réponse spontanée pour la plupart était la peur.
En regroupement, je reprenais les différents échanges lors des observations. Nous inscrivions la première règle du respect de l’animal en verbalisant quel devrait être notre comportement pour éviter de l’effrayer : « Il ne faut pas crier car les cris font peur au lapin ».
Les règles du respect se construisent autour du cadre de vie de l’animal dans la classe :
– le bien-être de l’animal : des attitudes responsables envers lui et son habitat, c’est à dire la cage, pour qu’il se sente bien.
– les soins à apporter à l’animal (hygiène de son habitat et alimentation) pour qu’il grandisse pendant la période d’accueil et pouvoir ainsi l’observer.
– ne pas faire à l’animal ce que l’on n’aimerait pas qu’on nous fasse (cette règle a été verbalisée sur chaque période face aux comportements déviants observés).
Par exemple lorsqu’un élève, lors d’un atelier avec les escargots, en a pris un et l’a fait rouler sur la table. Je l’ai récupéré dans ma paume et interrogé l’élève : « aimerais -tu que tes camarades jouent avec toi, dans la cour de récréation en te prenant pour un ballon. Ne serait-ce pas douloureux ? ». Il n’a pas répondu mais les réponses de ses camarades ont permis de verbaliser la règle.
Une fois ces règles construites et affichées au tableau, elles servaient également de référence pour tout manquement de conduite qu’il s’agisse ou non de l’animal.
C’était le moyen de rappeler que le devoir du respect ne s’applique pas uniquement à l’animal mais aussi aux camarades. Le fil conducteur pour souligner l’attitude que l’école attend de l’élève en moyenne section, la posture à adopter.
Tout ceci mis en place, je n’ai eu que peu de rappel à faire pour que l’animal soit respecté en classe. Cela s’est avéré plus complexe au niveau des enfants entre eux et sur le plan de la posture générale de l’élève.
L’observation et la manipulation pour comprendre le respect de la vie
Présentation des trois séquences d’élevage
La problématique du mémoire présenté ici est « induire un comportement citoyen des élèves en maternelle : le respect, en mettant en place des élevages en classe ».
Pour tester et valider cette hypothèse, trois élevages successifs ont été mis en place entre la première et la quatrième période :
– L’escargot en octobre 2018.
– Le lapin en février 2019.
– De l’œuf au poussin en avril 2019.
Même si l’élevage avait un but bien précis dans le cadre de ce mémoire, je devais néanmoins respecter les attentes des programmes et suivre les recommandations en terme d’apprentissage sur la découverte du vivant.
Faute d’être experte sur le sujet, la construction de chaque séquence s’est faite à partir de la lecture de documents spécifiques publiés sur le site de « La fondation la main à la pâte » dédiés aux escargots15 et au lapin16.
Pour la construction de la séquence de l’œuf au poussin, je me suis appuyée sur celle présentée dans l’ouvrage : Organiser et observer un élevage : de l’oeuf au poussin Moyenne Section – Grande Section17
Chacune de ces séquences s’est étalée sur des périodes de responsabilité, en classe, de trois semaines. Elles étaient scindées en plusieurs séances reprenant les étapes suivantes :
– la représentation initiale de l’animal.
– l’observation de l’animal et sa représentation sous forme de dessin.
– l’anatomie de l’animal et sa locomotion.
– la description de son habitat.
– la recherche et la présentation de son alimentation.
– l’observation de sa croissance.
– la reproduction de l’animal.
La manipulation pour développer un comportement responsable
Pour induire un comportement responsable et donc respectable vis-à-vis des animaux, nous sommes passés dans un premier temps par l’observation, la verbalisation et la construction des règles du respect.
Puis, dans un second temps introduire le contact avec les animaux était indispensable pour comprendre cette notion de respect.
Pour les escargots, il y a eu plusieurs phases de manipulation :
La première phase a été la manipulation pour l’observation, l’ESPE m’a prêté pour la période quatre loupes pour permettre l’observation des escargots.
Cet épisode de manipulation est venu clôturer la séance 2 en fin de matinée.
Après avoir laissé verbaliser les élèves sur l’objectif de la loupe et la découverte de l’objet, j’ai pris un escargot que j’ai posé dans un bac. J’ai demandé à un des élèves de l’arroser avec le pulvérisateur.
Au bout de quelques minutes, l’escargot était visible et les élèves par groupes de quatre sont venus observer l’animal.
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Table des matières
1. L’apprentissage de la citoyenneté en maternelle
1.1. L’école inclusive, un pilier pour éduquer à la citoyenneté
1.2. Les programmes à l’école maternelle : Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015, « le vivre ensemble »
I.3. Les directives réglementaires dans les écoles : le règlement intérieur et la charte de la laïcité
2. Les intérêts d’un élevage en classe
2.1. Les enjeux didactiques
2.2. Les enjeux comportementaux
3. L’élevage comme outil d’éducation morale et civique : 3 cas pratiques => 3 élevages en moyenne section : les escargots, le lapin, les poussins
3.1. La construction des règles de l’élevage en classe avec les élèves
3.1.1. Le rappel du cadre réglementaire
3.1.2. Présentation de la démarche éthique de l’enseignante
3.1.3. La verbalisation et la construction des règles du respect de l’animal
3.2. L’observation et la manipulation pour comprendre le respect de la vie
3.2.1. Présentation des trois séquences d’élevage
3.2.2. La manipulation pour développer un comportement responsable
3.2.3. Matinée portes ouvertes : la visite des familles de l’exposition consacrée à l’animal
3.3. Les écueils de la mise en place d’élevage en classe
3.3.1. L’appréhension du contact avec le vivant
3.3.2. Les difficultés à transposer le respect de l’animal aux camarades de classe
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