La construction de l’accompagnement associatif vers l’emploi

La construction de l’accompagnement associatif vers l’emploi

Une association de lutte contre le sida : De la prise en charge globale à l’accompagnement vers l’emploi

« Accepter l’hospitalisation, c’est s’exposer à des regards incontrôlés sur soi, c’est se soumettre au langage, au rythme, aux intrusions des autres : on ne ferme plus sa porte à clé. Au pied du lit, des chiffres et des courbes, des listes de médicaments sont votre nouvelle carte d’identité.» (Ceccaty, 1996, p.86). 

« En bouleversant leur horizon futur, les nouvelles thérapies posent également à nouveaux frais la question de leur avenir professionnel, d’autant plus que les prestations sociales dont ils bénéficient ne leur sont plus nécessairement attribuées. Seulement voilà, comment retrouver du travail après une longue période d’inactivité? Et comment gérer, pour ceux qui bénéficient déjà d’un emploi, les contraintes d’une vie professionnelle (horaire, stress, cadences, travail en 3×8, travail de nuit, etc) avec celle que leurs imposent les traitements (difficultés horaires des prises, important effets secondaires) ? (Weller, 2003, p.59). 

La construction des monographies suit la posture de recherche d’Howard Saul Becker consistant à aller sur le terrain vide de théorie, c’est à dire sans grille de lecture théorique préalable (Becker, 2009b). En effet, Becker propose, dans le cadre de l’élaboration de règles de la recherche qualitative, de procéder en deux étapes. La première est celle de la construction de faits pouvant faire l’objet d’une analyse théorique. La deuxième est celle de l’interprétation de ces faits, c’est à dire de l’élaboration d’ « idées » à partir de ces faits (Becker, 2009a). À travers deux monographies, nous construisons dans les deux chapitres suivants l’accompagnement des PvVIH comme fait associatif et nous ouvrons la boîte noire de l’accompagnement.

Historique

Cette association de lutte contre le sida est créée peu de temps après l’arrivée des traitements des trithérapies. La mise sur le marché de ces traitements a impliqué un changement dans la prise en charge médicale du VIH/sida et une amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes (Pierret, 2006).

« C’est une super évolution et ça correspond aux besoins. Il y a aussi l’historique. [L’association] s’est créée en 1997. Trithérapie, 1996, au moment où X se créé, on est encore sur du soutien psychologique qui faisait défaillance sur [la ville X], parce qu’AIDES proposait beaucoup de choses, mais pas de véritable soutien psychologique, donc, je pense que c’était plus le but de M. X, à l’époque, de créer cette structure. Il venait de AIDES. Et il a créé cette structure par rapport aux besoins de la maladie. À ce moment-là, pour beaucoup de gens qui vont sur des fins de vie. Et puis, 1996, les trithérapies et d’un seul coup, tout change, très rapidement, tout évolue. Les gens qui étaient sur des projets de mort, passent à des projets de vie, c’est une autre approche, les gens ont d’autres besoins. Et [l’association], je pense, a compris tout de suite les besoins des personnes et c’est ce qui fait que toute cette diversité est faite pour aider les gens dans leur projet de vie. » (Entretien, masseur-1, T1) .

L’étude de Jean-Marc Weller sur un lieu d’accueil de même type (2000), à la même période souligne cette problématique : « pour la première fois depuis l’histoire de l’épidémie, des traitements permettent une réelle rémission de la maladie. (…) La première conséquence a directement à voir avec l’éloignement de l’horizon d’une mort prochaine. » (Weller, 2003, p.58).

Cette association de lutte contre le sida est créée en 1997 à l’initiative d’un psychologue qui en sera le coordinateur jusqu’à début 2000. Des psychologues et des assistants sociaux créent l’association au départ. Les premières années se centrent sur des activités d’accueil et de soutien psychologique des PvVIH. La prise en charge intègre essentiellement un soutien psychologique, axe privilégié par la direction de l’association, au détriment d’autres aspects de l’accompagnement.

« [L’association] était plutôt sur la qualité de vie des personnes par le biais du bien être. Donc cela passe par les massages et tout ce qui est de l’ordre de la somato et du soutien psy, parce qu’il ne faut pas oublier qu’au départ [l’association X], c’est quand même une structure où la présence de psychologues est importante. » (Entretien, chargé de projet emploi-formation, T1). 

Lors des six premières années d’existence, les activités sont développées et pilotées par le coordinateur fondateur, initiateur de l’expérience. Ces débuts sont présentés sous l’angle des conflits spécifiques du domaine associatif qui mettent en jeu des questions de légitimité des dirigeants, de gouvernance, de leadership, de management d’équipe (Lochard, Trenta, Vezinat, 2011) et d’institutionnalisation (Brodiez-Dolino, 2011).

« Pour l’histoire, [le président de l’association X], fondateur en 1997, était psycho… Puis l’assoc’ a monté et il a toujours fait office de tout. Tout en cherchant un coordinateur, mais ça n’a jamais marché car ce n’est pas possible pour lui. Et ça a manqué cruellement. Et l’assoc’ a eu très très très mal. » (Entretien, directeur, T1).

Ce fonctionnement associatif tourné sur la personne centrale de l’initiateur a, aux yeux des acteurs associatifs actuels, plongé l’association dans des difficultés financières et dans un manque de légitimité au regard des financeurs publics locaux (DDASS), ce qui mettra l’ensemble de l’association en péril. En 2000, les liens entre le Conseil d’Administration et l’équipe salariée traversent des tensions, une partie de l’équipe ayant soutenu l’initiateur de l’association, l’autre ayant porté plainte contre lui, provoquant ainsi une vraie scission au sein de l’équipe. À cette période, les temps de réflexion entre les différents salariés et les relations salariales sont généralement décrits par l’équipe actuelle comme violents et tendus.

« [X] était le fondateur, il n’avait pas une bonne réputation sur le plan de la gestion, notamment auprès de la DDASS qui finançait et puis des choses plus personnelles mais là je ne peux pas porter de jugements là-dessus, si bien que la DDASS a demandé son départ, a exigé son départ pour pouvoir continuer à financer. Donc fin 2001, 31 décembre 2001, [X] a quitté l’association. [X], c’était le psychologue fondateur. Mais qui servait de coordinateur, qu’était le Deus ExMachina puisque c’était son bébé et qui faisait et défaisait les postes des gens selon sa volonté. Donc il a fallu que cette association se structure ou elle allait disparaître. Je me suis à ce momentlà présenté au Conseil d’Administration. (…). Donc, j’ai été élu en mai 2002.» (Entretien, PvVIH, président, T1). 

Ancien usager de l’association, le président actuel explique ici comment il a été amené à se présenter à la fonction de président, il y a dix ans.

Le départ de l’initiateur en 2001 et l’arrivée d’un nouveau directeur en 2003, dont l’objectif fut d’harmoniser la vie associative, ont été suivis d’une restructuration des activités associatives. Les problèmes de gouvernance semblent progressivement avoir été résolus par l’adoption d’un travail réflexif sur les actions entreprises :

« Je suis intimement persuadé qu’en terme de ressources humaines, et encore plus après avoir fait une formation où on apprend à être un manager, que la dimension bien-être, la dimension cohésion, la dimension savoir où on va, pourquoi on le fait, et laisser la place à la parole, même si elle peut être critique, c’est du moteur, du gain de temps, d’efficacité et de rentabilité qui est juste monstrueux. Mais c’est du boulot!» (Entretien, Directeur, T1). 

Des nouvelles bases de fonctionnement sont donc posées à partir de la prise de poste d’un nouveau directeur. Des liens forts se tissent entre président et directeur, annonçant une harmonisation possible des liens salariaux à l’intérieur de l’association.

« Et puis c’est vrai que [X – le directeur], c’est quand même une de mes belles rencontres, sur le plan humain et je ne sais pas comment je ferais s’il n’était pas là. C’est très marrant puisque l’on n’a jamais été en désaccord sur aucun point. » (Entretien, PvVIH, T1, président).

Cette association offre aujourd’hui une palette diversifiée de services d’accompagnement, proposés par des professionnels spécialisés. Si depuis 2007, un axe de travail sur la question du retour à l’emploi a été développé, nous présentons l’ensemble des services proposés afin de comprendre dans quelle dynamique globale la question du retour à l’emploi se développe. Ce volet de l’accompagnement interroge les autres pratiques parce qu’il est nécessairement ouvert et tourné vers l’ensemble de la société et qu’il poursuit un objectif global d’inclusion sociale par l’innovation sociale (Richez-Battesti et al., 2012).

L’organisation de l’association 

L’association offre un espace se situant comme un ultime recours pour les personnes accueillies face à ce que Michaël Pollak appelait la « double stigmatisation » des PvVIH « entre la stigmatisation sociale et la stigmatisation par la maladie ; les deux se renforçant mutuellement. Cette double stigmatisation place les malades et les séropositifs à la pointe de la violence des rapports sociaux, d’où le besoin ressenti de les protéger particulièrement » (Pollak, 1988, p.134).

L’association étudiée accueille des personnes touchées par le VIH, les hépatites et/ou les IST, ainsi que leur entourage : « chaque personne est aussi accueillie avec ses compétences, ses savoirs et ses envies afin de pouvoir être accompagnée à travers ses projets. » (Rapport d’activité 2009, p.29).

L’objet de l’association, selon ses statuts en mars 2010 est : « De soutenir les personnes touchées par le VIH, les hépatites ou les IST, ainsi que leurs proches ; d’informer et de prévenir des risques de transmission et de contamination liés à ces pathologies ; de lutter contre toutes les formes de discriminations ; d’assister les personnes victimes de discrimination ou atteintes dans leurs droits et dans leur dignité, y compris dans le cadre d’action en justice, tant en demande qu’en défense.».

Les notions de respect des droits, de respect de la dignité et de lutte contre la discrimination sont au centre de la démarche d’accompagnement de l’association. L’association offre en ce sens un contexte d’accueil où la personne peut bénéficier d’un accompagnement complémentaire à celui de l’hôpital permettant d’aller vers une prise en charge thérapeutique améliorée .

L’association est organisée en plusieurs pôles produisant une prise en charge globale de la personne accueillie : le pôle « accueil, information, prévention, conseil»; le pôle « écoute et parole » ; le pôle « santé » ; le pôle « somatothérapie, relaxation corps et esprit » ; et le pôle « social ». Quinze professionnels, salariés ou prestataires, accompagnent sur ces différents versants les PvVIH accueillies dans l’association.

La file active de l’association est en 2009 de 255 personnes, soit 21 % de plus qu’en 2008. 127 personnes ont été nouvellement reçues en 2009. 17 % des personnes accompagnées en 2009 le sont depuis 4 ans, ce qui indique que le suivi opéré par l’association se construit dans un temps plutôt long. Le rapport d’activité 2009 de l’association indique qu’au total, 2819 entretiens individuels ont été menés par les différents professionnels de l’association avec les personnes accueillies.

Huit salariés, tous à temps partiel, occupent différentes fonctions : directeur, assistante de direction, psychologue clinicienne, médiatrice de santé, responsable d’entretien, chargée d’accueil, assistante sociale, chargé de projet emploi. De manière complémentaire dans la mise en œuvre de cet accompagnement global, six prestataires interviennent sur différents volets de la prise en charges : une musicothérapeute, trois masseurs, une sophrologue et une psychologue (animant les réunions de régulation entre les salariés). Enfin, onze stagiaires ou bénévoles réguliers participent ou animent des activités dans l’association. Chaque salarié est attaché à un pôle d’activité.

Accueil, information, prévention, conseil 

Le pôle « accueil, information, prévention, conseil » comprend des actions qui se déroulent soit à l’association, soit lors de permanences hospitalières. 197 personnes ont pu bénéficier d’un temps d’écoute, au local de l’association ou à l’hôpital, au cours de 685 entretiens. L’accueil à l’association est le premier point de contact entre le public et l’association, entre l’extérieur et l’association . Ce rôle d’accueil est incarné par la chargée d’accueil, qui est le pivot et le passeur des demandes des publics aux autres professionnels, dans la mesure où elle ouvre l’association aux nouveaux venus. La chargée d’accueil a un rôle important dans la mesure où elle dresse une première évaluation de la situation de la personne accueillie.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Analyser l’accompagnement vers l’emploi : méthodes et approches
1.1. Logique statistique
1.2. Logique biographique
1.3. Logique institutionnaliste
1.4. L’appui sur l’économie solidaire
Partie I : La construction de l’accompagnement associatif vers l’emploi
Chapitre 2 : Une association de lutte contre le sida : De la prise en charge globale à l’accompagnement vers l’emploi
2.1. L’organisation de l’association
2.2. Une dynamique d’accompagnement pluriel
2.3. L’accompagnement vers l’emploi
2.4. L’association : un espace de protection
Chapitre 3 : Un collectif inter-associatif d’insertion : Modèle d’insertion et lutte contre le sida
3.1. L’émergence de la thématique VIH et Emploi
3.2. L’expérience du collectif inter-associatif
3.3. Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi
3.4. Les fondements des pratiques d’accompagnement
Conclusion Partie I
Partie II : La construction sociale des trajectoires individuelles dans l’espace associatif
Chapitre 4 : Vers une théorie du couplage
4.1. Une réponse par le concept d’institution ?
4.2. L’hypothèse du couplage entre comportements en relation et institution
4.3. L’institution du langage
Chapitre 5 : La construction sociale des trajectoires individuelles : analyse lexicométrique
5.1. La méthode Alceste
5.2. Les parts sociales communes
5.3. Les parts sociales divergentes
Chapitre 6 : Analyse biographique des trajectoires individuelles
6.1. Deux axes de lecture
6.2. Le parcours social
6.3. L’impact des représentations sociales
6.4. Parcours d’émancipation par la reconversion professionnelle
6.5. Les parcours des « experts d’expériences »
Conclusion Partie II
Conclusion générale
Bibliographie
Table des matières
Table des illustrations
Annexes
Annexe n°1 : Profils des personnes interviewées
Annexe n°2 : Grilles d’entretiens et d’observations
Annexe n°3 : Collecte des données
Annexe n°4 : La méthode Alceste

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