Des difficultés à vivre ensemble : trouver des solutions pacificatrices et fédératrices
Une vie de classe nerveuse
Le bulletin officiel spécial du 26 mars 2015 met en lumière le rôle de l’école maternelle dans l’apprentissage de la posture d’élève, et souligne l’importance d’une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble : « L’école maternelle structure les apprentissages autour d’un enjeu de formation central pour les enfants : « Apprendre ensemble et vivre ensemble ». La classe et le groupe constituent une communauté d’apprentissage qui établit les bases de la construction d’une citoyenneté respectueuse des règles de la laïcité ». Dans le respect de ce cadre et pour palier à ce manque de cohésion et de respect dans la classe où j’effectuais mon stage, il m’est apparu essentiel de mettre en place des règles de vie. En effet, dès le début de mon stage, j’ai assisté à des scènes étonnantes de violence gratuite (des coups de poing donnés à des camarades lors du regroupement, des dessins vandalisés ou déchirés, des actes d’agressivité durant les déplacements dans l’établissement et surtout lors des récréations). Les élèves que j’avais sous ma responsabilité et si faussement idéalisés pouvaient se révéler être des êtres violemment égoïstes.
L’égocentrisme et la non-considération de l’autre, fréquents chez les élèves en classe de maternelle, étaient couplés d’une violence que je n’avais à aucun moment envisagée. Ces élèves sont des enfants qui pour la plupart recueillent toute l’attention de leurs proches et ne connaissent que très rarement l’indifférence, le dénuement affectif et pécuniaire. Accepter l’autre dans toute son altérité et le respecter ne semblaient pas avoir de sens pour quelques uns. Mes plus grandes surprises ont été constatées dans la cour de récréation. Difficile, d’ailleurs, de nommer cet espace cour de « récréation » tellement ce lieu est exigu, sombre et sans aucune installation propice à l’amusement. Les élèves bénéficient d’un espace plus que réduit pour se défouler, ils sont très vite les uns et sur les autres. Dans ces conditions, les moments de chahut, de bagarre, de violence sont très fréquents. Ils ne peuvent guère libérer le trop-plein d’énergie qui sommeille en eux en courant, sautant, grimpant. Cette promiscuité vécue en classe se poursuit immanquablement dans la cour de récréation. Les actes de brutalité et d’agressivité commis en classe se dupliquaient de manière encore plus violente dans cet espace normalement propice au jeu et au divertissement. Les premiers mois de l’année les élèves se montaient physiquement dessus dans la cour, sans trouver cette action violente et brutale pour celui qui se trouvait sur le sol subissant les assauts de ses camarades.
Les coups et griffures donnés gratuitement étaient monnaie courante. Il semblait que cette exiguïté se répercutait dans les actes des élèves, ce manque d’espace provoquait des actions d’ampleur
Les rituels de déplacement et de salutation
Il en futt de même pour le rituel mis en place durant les déplacements dans l’école. Ces derniers étaient l’occasion de comportements emplis d’agitation et propices au danger.
Chaque déplacement fut donc symbolisé par l’interprétation d’une chanson particulière qui changeait à chaque période de l’année scolaire (exemple : Tous les matins devant la gare, Roulez Roulez chemins de fer, La famille Tortue…). Cette instauration a permis aux élèves d’être dans une activité précise ce qui évitait tout dispersement, tentation d’oisiveté ou d’action téméraire dans un moment qui demandait du calme et de l’attention (habillage et descente d’escaliers). Cette action ritualisée permettait le partage d’une culture commune grâce à l’apprentissage de chansons et mettait en place un rite empli de régularité qui avait une fonction sécurisante voire apaisante. Durant ce type de rituel tous les élèves doivent exécuter la même chose avec les mêmes référents. Il peut alors se mettre en place une acceptation collective des règles et rythmes de vie de la classe comme le souligne Eve LeleuGalland dans son ouvrage La maternelle, école première et fondatrice : « Sortes de rites laïques qui fondent l’identité de l’école, les rituels scolaires procèdent d’une culture partagée. Ils sont liés à des apprentissages fondamentaux. Ils sont un espace d’autonomie car les contraintes très fortes (de l’ordre du « surmoi ») règlent les enfants : quand le rituel est bien engagé, le groupe classe peut quasiment fonctionner seul. C’est une contrainte définie explicitement pour une autonomie maximale et des apprentissages sociaux. »
« Pour créer chez les enfants ce sentiment si valorisant d’être attendu et reconnu, il est important de faire commencer la journée de classe par un temps d’échange personnalisé avec les adultes de la classe dans une relation duelle » Comme le conseille les documents ressources proposés par le ministère de l’Education Nationale, chaque matin, les élèves se présentent donc à moi et doivent m’indiquer s’ils déjeunent à la cantine, restent aux activités périscolaires et prennent leur goûter au sein de l’école. Cet échange institutionnel aux contraintes administratives me permet un premier contact individuel avec tous les élèves de la classe. Ce court échange est souvent l’occasion pour nombre d’élèves de me raconter un évènement qu’ils viennent de vivre ou de me donner un dessin qui permettra un échange langagier privilégié. Les élèves me disent ainsi tous bonjour et me montrent de manière fugace mais évidente leur état d’esprit et leur humeur du jour. Chaque élève doit ensuite apposer son étiquette-prénom sur le tableau correspondant (cantine/activité/goûter) positionné à l’entrée de la classe, il peut ensuite rejoindre ses camarades pour effectuer une activité libre.
Cette activité rituelle permet notamment l’apprentissage fondamental de la reconnaissance de son prénom et par extension celui de ses camarades. Ce type de rituel a pour visée de développer l’appartenance à un groupe. Chaque individualité réunie forme un groupe qui partagera un moment précis et routinier de la journée (non pas dans le sens de routine inutile mais dans le sens de conduite automatisée efficace). Néanmoins, je fis rapidement le constat que les élèves me saluaient mais ne se disaient aucunement bonjour entre eux, ils se ruaient vers une activité libre précise et se greffaient les uns aux autres sans aucune cérémonie, aucun intérêt n’était porté à l’autre à cet instant, le plaisir et la satisfaction autocentrés prédominaient. J’ai alors pris la décision de débuter chaque regroupement matinal par les mots « bonjour à tous », ce salut collectif se doit d’être repris par l’ensemble des élèves ce qui permet de construire un comportement propice à la reconnaissance de la présence de l’autre, à l’intérêt et au respect portés à ce dernier. Dans ces conditions, le rituel « fournit un cadre, le fait qu’il se déroule en un temps et un lieu préétablis éveille une sorte d’attente particulière, tout comme les formules courantes du type « il était une fois… » » La construction de la relation à l’autre est foncièrement médiatisé par le langage. Grâce au langage l’enfant parvient au statut de sujet parlant qui apprend petit à petit à prendre en compte l’autre, l’avis de l’autre. « Parler avec les autres, écouter les autres, dialoguer, c’est déjà se situer dans une relation à l’autre, distanciée et maitrisée. »
Une mascotte dans la classe : Bilou le Caribou
Les rituels précédemment explicités ont petit à petit insufflé une ambiance de classe plus calme et propice aux échanges respectueux de la parole de l’autre. Avant même cette évolution comportementale du groupe classe, il m’apparaissait important de mettre en place une action fédératrice qui permettrait des moments de langage et d’écoute privilégiés.
L’arrivée d’une mascotte dans la classe me semblait être un moyen de séduction et d’attraction qui insufflerait un élan collectif d’intérêt pour un nouvel être parmi le groupe et permettrait aux élèves d’exprimer notamment leurs centres d’intérêt. Cette mascotte devait être, selon moi, un témoin privilégié de la vie de classe et de moments de vie personnelle de chaque élève. Ainsi cette mascotte serait un spectateur complice mais objectif des agissements des élèves de la classe que je pourrais utiliser comme médiateur. Je partais du principe que les remarques et recommandations de cet objet transitionnel (il s’agit d’une peluche) et fédérateur (c’est la mascotte de LA classe), émises par mon intermédiaire, auraient davantage d’impact sur les élèves. La présence de cette mascotte a été l’occasion de mobiliser des apprentissages essentiels notamment dans le domaine du langage et de la structuration de la pensée. En effet, les élèves ont reçu plusieurs courriers de la part de Bilou le Caribou , ils ont ainsi découvert une des fonctions de l’écrit (« informer et communiquer avec l’extérieur » ). Ils ont ensuite élaboré une boite aux lettres pour recevoir les courriers de Bilou, cette dernière était recouverte de l’ensemble des prénoms des élèves qui avaient confectionné des étiquettes prénoms après avoir découpé les lettres nécessaires dans des journaux ou magazines. De plus, nous avons conçu ensemble un trésor pour cette même mascotte, la conception de ce trésor a pris la forme d’un rituel . Le but de celui-ci était de constituer une collection d’objets, de la mémoriser et d’être capable de la reconstituer en nommant chaque objet de cette collection, et de permettre ainsi la création mentale d’unités et leur totalisation. Cet exercice essentiel dans la tâche de dénombrement répondait aux trois conditions énoncées par Rémi Brissiaud, dans son ouvrage Premiers pas vers les maths, les chemins de la réussite à l’école maternelle, paru chez Retz, en 2007, (page 22) puisque les élèves devaient, dans cette recherche de dénombrement, « créer mentalement les unités numériques, c’est-à-dire considérer comme « uns » des entités qui n’apparaissent pas nécessairement comme identiques d’un point de vue perceptif » (les objets placés dans la boite à trésor étaient très hétéroclites : paquet de mouchoirs en papier, jeu de cartes, plan de métro, crayon de couleur rouge…) puis « prendre en compte toutes ces unités, sans répétition, ni oubli d’unités : cela s’appelle énumérer les unités » et enfin « totaliser ces unités numériques, c’est -à-dire exprimer d’une façon ou d’une autre, combien il y en a en tout ». Ces activités menées avant l’arrivée de la mascotte ont rencontré un franc succès auprès des élèves et se déroulaient dans une ambiance propice à l’écoute de l’autre. L’introduction de cette mascotte Bilou a créé un véritable intérêt chez les élèves et une émulation commune. Une fois la mascotte présente en classe, j’ai annoncé aux élèves de la classe que Bilou partagerait un moment privilégié avec chacun d’entre eux durant l’année et ce le temps d’un week-end ou de vacances scolaires. J’ai informé les parents d’élèves via l’envoi d’un e-mail de la mise en place de ce projet et leur ai fourni un planning indiquant les dates de séjour de la mascotte dans chaque famille de la classe. Tous les parents ont accepté de participer à cette démarche qui leur demandait un certain investissement puisqu’ils devaient prendre des photos de leur enfant avec Bilou et me les transmettre. Ces derniers ont souligné l’originalité du projet et ont manifesté un enthousiasme certain . Tous les clichés pris avec la mascotte ont été enregistrés au fur et à mesure de leur réception sur l’ordinateur de la classe. Chaque matin, durant l’accueil des élèves, un diaporama de ces photographies est projeté, les élèves sont ainsi, tous les jours, spectateurs de ce défilé de moments complices avec Bilou le Caribou. Il s’agit d’un moment d’échanges langagiers entre pairs privilégié qui provoque des moments de cohésion et de rapprochement uniques. Les élèves peuvent ainsi raconter à leurs camarades ce qu’ils ont partagé avec Bilou. Les échanges nés du visionnage de ce diaporama sont inter-âges, les élèves de grande section et ceux de moyenne section de la même classe communiquent davantage car tous ont eu ou auront des moments uniques et singuliers avec Bilou Cette activité correspond aux objectifs visés par les nouveaux programmes de l’école maternelle mis en place en 2015 dans le domaine « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions » puisqu’elle permet aux élèves d’oser entrer en communication et d’échanger (« ce qui est attendu des enfants en fin d’école maternelle : communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre » ). Bilou est ainsi devenu un point d’ancrage pour le groupe classe, il a fédéré l’ensemble des élèves qui ont tous développé un intérêt pour lui. Si Bilou est la source d’échanges entre pairs il est également l’instigateur de moments de communication oral et écrit entre le professeur enseignant et chaque élève. En effet, les élèves doivent comprendre que l’écrit à également une fonction mémorielle, il permet de « se souvenir ». Ils prennent ainsi conscience qu’un écrit sera toujours le même et ce de manière immuable. J’ai choisi de mettre en lumière cette fonction spécifique de l’écrit grâce à la dictée à l’adulte et à l’utilisation de l’outil numérique qu’est l’ordinateur via le logiciel Photorécit . Cette action mobilisant le langage dans toutes ses dimensions encourage ainsi les élèves à : « Participer verbalement à la production d’un écrit. Savoir qu’on n’écrit pas comme on parle -Reconnaitre les lettres de l’alphabet et […] copier à l’aide d’un clavier. ».
Pourquoi un projet-élèves ?
Ces dernières activités de groupe et l’évolution des comportements sociaux des élèves ainsi que les questionnements de ces derniers suscités par l’arrivée de Bilou m’ont encouragée à concevoir un projet-élèves autour d’un thème précis : construire une « vraie » maison pour Bilou le Caribou. « On appelle projet-élèves une action se concrétisant dans la fabrication d’un produit socialisable valorisant, qui, en même temps qu’elle transforme le milieu, transforme aussi l’identité de ses auteurs en produisant des compétences et des savoirs nouveaux à travers la résolution des problèmes rencontrés » . Le projet-élèves est une situation d’apprentissage qui se distingue des autres activités de formation car un projet permet de partir des besoins et des intérêts des élèves pour mener des activités, il est envisagé, comme l’indique Michel Huber, dans une perspective de résolution de problèmes et permet une véritable transdisciplinarité. Ce projet-élèves, comme le souligne Leleu-Galland, permettra à chaque élève de construire sa personnalité « en trouvant sa place et des repères et en apprenant progressivement l’action en coopération […] comprendre et s’approprier les règles du groupe et échanger sur des sujets et des évènements qui permettent de comprendre la dimension de la différence et la place donnée à l’autre ». En situation de projets les élèves sont en quête d’informations pour concevoir une tâche mobilisatrice, ils orientent leur attention vers une action à réaliser, ils cherchent des solutions aux problèmes rencontrés et se les approprient. Il était donc bénéfique, selon moi, pour le groupe classe, de se mobiliser autour d’un projet commun qui pérenniserait les progrès constatés dans le vivre ensemble et développerait les capacités de chacun à apprendre entre et grâce à ses pairs. La construction d’une maison pour Bilou serait ainsi l’aboutissement du projet-élèves; avant de bâtir ce produit socialisable il était essentiel de passer par des étapes d’apprentissages, un temps didactique qui serait bénéfique à la réalisation de l’objet final.
La maison au cœur des apprentissages et objet final du projet
Pour qu’un projet-élèves soit efficace il est impératif de mettre en œuvre une approche constructiviste du savoir. « Ce savoir doit être pensé comme produit d’un apprentissage et non comme celui d’un enseignement. Il doit être fonctionnel et non académique, car débouchant directement sur une action, une production tangible. Le projet suppose une approche constructiviste : le savoir se construit dans une recherche-action transformant la réalité. Le projet relève également de la pédagogie par objectifs, dans la mesure où, par le projet, certains objectifs de formation vont pouvoir être atteints, tout en évitant les excès analytiques de cette pratique. Dans la pédagogie du projet, la construction du savoir s’effectue dans l’action . » J’ai donc mis en place une activité préalable à la réalisation de l’objet final qui répondrait à un certain nombre d’objectifs et placerait les élèves dans l’action.
Suite à la lecture de deux versions différentes du conte traditionnel des 3 petits cochons, j’ai demandé aux élèves de réaliser des maisons (maison de paille, d’épines ou de briques) en 2 dimensions à l’aide de multiples matériaux. Les élèves de grande section débutaient l’activité à partir d’une grande feuille blanche de papier Canson, les élèves de moyenne section disposaient quant à eux d’un support papier en forme de maison (base carrée et sommet triangulaire de taille A3). Cette tâche devait répondre à différents objectifs : Exercer son imagination ; Savoir assembler et organiser sa création artistique en pratiquant des choix ; Savoir utiliser des matériaux détournés pour évoquer de réels matériaux de construction pour une habitation ; Communiquer avec les adultes et les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre ; Pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, expliquer.
Elle visait également le développement de compétences attendues en fin de maternelle telles que : Choisir différents outils, médiums, supports en fonction d’un projet ou d’une consigne et les utiliser en adaptant son geste ; Réaliser des compositions plastiques, seul ou en petit groupe, en choisissant et en combinant des matériaux, en réinvestissant des techniques et des procédés. Je n’ai donné aucun conseil, ni recommandation quant aux procédures à mettre en place pour réaliser l’objet demandé, les élèves étaient libres d’utiliser le support comme ils le souhaitaient et d’agencer les matériaux à leur guise, ils devaient répondre, tout de même à une contrainte, utiliser au moins trois matériaux différents. Les élèves se sont impliqués dans l’activité avec sérieux et concentration. Chacun a respecté le travail de l’autre et s’est montré attentif quant à la réussite des pairs qui l’entourait. La recherche de solutions face à des problèmes rencontrés a donné lieu à des échanges de points de vue et de conseils totalement inhabituels lors des activités de groupe. Les élèves de la classe avaient jusqu’à présent l’habitude de centrer toute leur attention sur leur ouvrage sans accorder beaucoup d’intérêt aux procédures mises en place par leurs pairs. Néanmoins, ils portaient souvent des jugements mélioratifs sur le résultat des travaux effectués par leurs camardes. Cette activité artistique a donc permis la mise en place d’échanges constructifs et riches quant à construction d’apprentissages entre pairs comme en témoigne les dialogue suivants.
Résultats observés quant à l’implication des élèves dans le projet
Une des questions essentielles pour évaluer la réussite et la pertinence du projet mis en place est : Comment les élèves se sont-ils appropriés le projet ? (pertinence de la situation inductrice). La construction spontanée de maisons durant les moments de construction libre (accueil, après une activité terminée) marque l’implication et l’appropriation des élèves au projet. L’exemple suivant en atteste : Après avoir exécuté une activité déterminée, Eudes, un élève de grande section, avait fait le choix de procéder à une construction libre avec des Duplo. Cet élève avait décidé de construire une maison pour Bilou, il a été rejoint par une élève Nina puis par deux autres élèves Chloé et Blanche. Tous les quatre ont constitué une espèce de « club » (terme utilisé par les élèves) et ont réalisé des constructions diverses à l’école mais également à l’extérieur de l’école. L’implication la plus remarquable fut celle des élèves de moyenne section. En effet, ces élèves qui ont rencontré des difficultés quant au travail entre pairs lors de la période 3 (réalisation de maisons en Kapla et en Duplo par équipe) ont su dévoiler des capacités certaines pour construire un produit commun. Ces élèves sont les plus difficiles à cadrer lors des activités et les moins enclins à apprendre ensemble, ils ont néanmoins pour certains réussi à s’accorder et à coopérer pour construire une maison en Duplo. Ces constructions ont été réalisées pendant un temps libre après une activité de groupe, ce qui atteste de leur adhésion au projet et du développement chez ce public de la capacité à coopérer et à s’accorder pour poursuivre un but commun.
Ils ont également réalisé de nombreux dessins de maison durant l’accueil matinal qui m’étaient destinés. Une élève m’a même apporté un coloriage de plusieurs types d’habitation (maison, immeuble) qu’elle avait accompli à son domicile. Les connaissances acquises, durant le temps didactique en amont de la construction de l’objet final, ont permis à certains élèves de procéder à des réalisations qui mettaient en lumière l’imprégnation de nouveaux apprentissages et leur réinvestissement au service d’une construction. Le cas d’Adrien en est l’illustration : un matin à l’accueil, ce dernier qui est un élève souvent peu concentré et qui a des difficultés certaines de langage (suivi orthophonique) a construit seul une pelleteuse à l’aide de clous et de marteaux. Spontanément il est venu me montrer sa réalisation et a su verbaliser cette dernière en réutilisant le terme « pelleteuse ».
Avec d’autres élèves présents à mes côtés, nous avons comparé la création d’Adrien avec le dessin de l’ouvrage que nous avions lu la vieille. Tous se sont accordé à dire que la réalisation d’Adrien ressemblait à une vraie pelleteuse et comprenait tous éléments constitutifs de cette dernière.
Les élèves ont également multiplié les constructions de maisons durant les périodes d’accueil ou de temps libre après les activités. Les constructions à l’aide de marteaux et de clous qui avait fait l’objet d’une activité par petits groupes de quatre élèves pour les grande et moyenne
sections, ont été réitérées durant ces moments de liberté créatrice.
CONCLUSION
L’enthousiasme des élèves et leur progression permanente en termes de socialisation et de concentration ont été de véritables moteurs quant à la mise en place de ce projet autour du thème de la maison. L’adhésion et la cohésion nées au fil du temps se sont effectuées autour d’un objet final symboliquement fort. Le dictionnaire Petit Robert définit la maison comme le le bâtiment construit pour loger une seule famille et la maison que les élèves construiront pour Bilou le Caribou en période 5 de l’année scolaire sera métaphoriquement la représentation d’un foyer riche de diversités et de personnalités en quête de socialisation. La socialisation de l’enfant ne peut être dissociée de la construction de l’identité sociale de ce dernier. Elle se doit d’être une action dynamique et interactive et aucunement un dispositif contraint dans lequel on figerait un être passif. Elle ne peut se faire que grâce à l’activité et l’engag ement de tous individuellement, ce qui a été possible grâce aux apprentissages et aux activités mis en place qui conduisaient les élèves à apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes. Les élèves sont aujourd’hui plus qu’impatients de devenir des bâtisseurs et je suis très heureuse d’assister et de contribuer à leur métamorphose. Il se dessine sous mes yeux une nouvelle architecture sociale des relations entre élèves qui laisse présager des échanges riches et uniques. A travers les activités ritualisées et la contribution à un projet commun, les élèves ont agi sur l’environnement dans lequel ils évoluent au quotidien en le transformant en un espace libre mais non libertaire propice à une émancipation individuelle certaine. Cette action transformatrice a favorisé l’acquisition d’aptitudes et de compétences qui seront autant de pouvoirs sur le monde.
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Table des matières
Introduction
I. Des difficultés à vivre ensemble : trouver des solutions pacificatrices et fédératrices
I.1. Une vie de classe nerveuse
I.2. Les rituels : une solution pour régler la vie en classe
I.2.1. Les règles de vie en classe et à l’école
I.2.2. Les rituels de déplacement et de salutation
I.3. Une mascotte dans la classe : Bilou le Caribou
II. La construction commune d’apprentissages : un projet-élèves pour bâtir ensemble
II.1. La genèse du projet élèves : constructions en Duplo et Kapla
II.2. Pourquoi un projet-élèves ?
II.3. La mise en place du projet
II.4. La maison au cœur des apprentissages et objet final du projet
II.5. Résultats observés quant à l’implication des élèves dans le projet
Conclusion
Bibliographie
Annexes