Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
La Compagnie du Mozambique, la mémoire de l’autonomie administrative de Beira
Dans cette section, on intéresse à l’émergence d’une culture administrative de tendance autonomiste de Beira à partir d’une réflexion sur le montage de la Compagnie du Mozambique95. On considère que les enjeux d’instauration et fonctionnement de cette Compagnie pèsent dans la mémoire active de Beira, d’autant plus que les effets de la réforme actuel, de décentralisation, sont un prolongement chargé de certains dynamiques soulevés à cette époque. Comme on l’a avancé, les Compagnies étaient des entreprises à capitaux majoritairement privés, recherchant la rentabilité économique. Avec un tel objectif, elles ont été transformées en instruments de la présence coloniale. Pour les actionnaires des capitaux privés, le but était la rentabilité de la production. Pour l’État colonial portugais, les Compagnies devaient garantir la colonisation des régions et le prélèvement de l’impôt.
En ce qui concerne la Compagnie du Mozambique, son rapport à l’État colonial a évolué avec le développement de ses activités. Objet de méfiance au départ, la Compagnie est devenue de plus en plus importante pour l’État colonial portugais, notamment dans les rapports avec les autres puissances coloniales. Ainsi, elle a participé à la légitimation des frontières du centre du Mozambique face à l’Angleterre.
De par son rôle de « pacificateur » délégué, la Compagnie du Mozambique s’est transformée en une puissance imposante dans son rapport à l’État colonial portugais, représenté par le gouvernement général de la « province du Mozambique » et par les intendants (représentants de l’État portugais auprès de la Compagnie), renforçant ainsi son autonomie déléguée par l’État, facteur d’émergence d’une culture administrative de tendance autonomiste.
En premier lieu, on revient dans cette section sur les enjeux économiques de la création de la Compagnie du Mozambique. Comment s’est-elle transformée en agent de « pacification » de la région, en concrétisant donc la souveraineté portugaise dans cette région de Manica et Sofala. En second lieu, on démontre que l’autonomie de la Compagnie a participé à la production d’une mémoire administrative d’autonomie de Beira. Et cela n’est pas négligeable dans la construction d’une mémoire collective des rapports entre population locale et administration centrale, ainsi que à l’État. L’analyse de l’apprentissage des réformes actuelles de l’administration, notamment la municipalisation, ne doit donc pas ignorer ces dynamiques antérieures qui se sont enracinées dans le temps plus ou moins long aux représentations des acteurs concernant leur rapport à l’État.
Des enjeux économiques aux enjeux de « pacification »
La Compagnie du Mozambique, en tant que matérialisation de la présence portugaise au Mozambique, est issue d’un ensemble de tentatives privées de création d’entreprises d’exploitation, suivant en cela l’expérience des colonies anglophones ou francophones d’Afrique96. La première tentative a été conçue par le capitaine d’artillerie Joaquim Carlos Paiva de Andrada. Ce dernier profite à l’époque de son influence en tant qu’attaché militaire du Portugal en France. Il réussit à avoir de larges concessions dans la Zambézia, l’El-Dorado africain, autorisées par le gouvernement portugais par un décret de décembre 1878. Il créé ainsi la « Société des fondateurs de la Compagnie Générale du Zambèze » avec l’objectif de développer des activités d’exploitation dans cette région riche de ressources. Mais les ressources financières faisant défaut, cette société n’a jamais fonctionné.
Dans les années 1880, le même Paiva de Andrada tente de créer une autre Compagnie, la « Compagnie d’Ophir », autorisée par un décret de février de 1884. Mais pour des raisons similaires, celle-ci ne parvient pas à être opérationnelle. Persistant dans la même idée, Paiva de Andrada réunit en 1888 un autre groupe d’exploitants privée et créé une puissante entreprise nommée « Companhia de Moçambique »97. En revanche, dans plusieurs clauses de la demande de concession, les actionnaires de la nouvelle Compagnie soulignent son utilité pour la présence portugaise dans ce territoire, présence qui n’était jusque là que nominale98. La Compagnie du Mozambique s’est donc présentée dès le départ avec un double rôle : d’une part, elle présentait toutes les caractéristiques d’une entreprise (recherche de profit et rentabilité des investissements, avec des fonds majoritairement non portugais), et d’autre part elle prônait la défense d’un patriotisme portugais, légitimant et garantissant l’occupation effective du Mozambique99.
Cependant, si le Portugal cède l’exploitation du territoire de Manica et Sofala à la Compagnie, il demeure méfiant face aux capitaux investis majoritairement étrangers, notamment anglais et français. Ce n’est qu’avec les conflits avec les autres puissances coloniales sur la gestion du territoire géré par la Compagnie qu’il accorde à celle-ci plus d’autonomie. Ainsi un nouveau décret fut signé le 11 février 1891 qui concéda plus de pouvoir à la Compagnie, notamment pour ces négociations de « pacification » du territoire de Manica et Sofala. En conséquence, la Compagnie du Mozambique s’affirme face à l’administration coloniale portugaise, au point de devenir une puissance forte de la présence de l’État mais aussi de construction d’une mémoire collective de l’autonomie administrative dans cette région.
On peut d’abord analyser les dynamiques qui donnèrent du poids à la Compagnie du Mozambique par rapport à l’administration coloniale portugaise par le biais de trois situations conflictuelles de la présence portugaise dans la région de Manica et Sofala: (i) le rapport avec la British South African Company ; (ii) la lutte contre l’empire de Gaza et (iii) le contrôle de la rébellion du Báruè.
Cette classification des événements ne correspond pas forcément aux activités de la Compagnie du Mozambique, ni à la synthèse des enjeux qui ont contribué à la structuration de l’administration de Beira ou du territoire de Manica et Sofala. C’est une classification qui cherche seulement à souligner la signification des faits qui ont participé à dessiner le caractère spécifique de la Compagnie du Mozambique dans le rapport avec l’État colonial portugais. On soutient par là que les actions de la Compagnie ont contribué à construire un style spécifique de rapport entre l’État et la société à partir d’une administration à la fois autonome et fortement contrôlée par le gouvernement portugais. Cela donne un effet structurant à l’administration, pas seulement dans la période coloniale, mais aussi postcoloniale, comme on le verra.
Les rapports avec la British South African Company
La présence coloniale portugaise dans la région centre de Mozambique fut fortement confrontée aux intérêts expansionnistes britanniques. Il s’agit ici de considérer le rapport conflictuel entre la Compagnie du Mozambique et la British South African Company (BSAC) de Cecil Rhodes, l’un des grands ennemis de la colonisation portugaise, créée en 1889. Le conflit concernait d’abord la gestion du territoire du centre, notamment à Macequece – Manica. D’autre part, la BSAC a contribué à la dégradation des rapports entre le Portugal et l’empire de Gaza au sud du Mozambique, placé sous la gestion de Ngungunhane, comme nous le verrons plus tard.
Parmi d’autres exemples de confrontation directe, on peut revenir sur un événement conté par l’un des actionnaires de la Compagnie, le français Charles de Llamby, et qui a participé à la reconnaissance du rôle de la Compagnie par le gouvernement portugais face à son ennemi non « étatique », la BSAC — et par conséquent face à l’Angleterre. Cela a contribué à l’élargissement des relations entre Lisbonne et les responsables de la Compagnie du Mozambique.
Charles de Llamby raconte que se tenait une réunion, le 15 novembre 1890, entre les représentants portugais de la Compagnie – notamment Paiva de Andrada, Manuel António de Sousa et João de Rezende — et les représentants anglais — Moodie, Harrison, Campion, Harris et Harrington –, réunion à laquelle lui-même participait. Le but de cette réunion, selon lui, était de se rassurer de la possession portugaise du territoire de Manica, accordée par le chef local Mutaça (Umtasa) en 1874, alors aussi revendiquée par les anglais de la BSAC100. À la fin de cette réunion, Charles de Llamby apprend, stupéfait, la capture de la délégation portugaise :
J’étais dans la plus grande perplexité, lorsque l’on vient me dire que Mr. De Rezende, ainsi que Mrs. Paiva et Manuel Antonio étaient emprisonnés et qu’on les avait déjà conduits hors du village vers le campement anglais »101.
À la fin de l’empire de Gaza
Le deuxième point d’analyse de la construction de l’autonomie politique-administrative de la Compagnie du Mozambique est la fin de l’empire de Gaza. Cet empire représente, tout comme la BSAC, un obstacle majeur à la colonisation portugaise du Mozambique. En gardant son indépendance jusqu’à la fin du XIXe siècle, il entrave la présence portugaise, et particulièrement l’exploitation du territoire de Sofala et Manica par la Compagnie du Mozambique. Ses liens avec la BSAC participent aux difficultés de gestion de la Compagnie. Si cette dernière ne participe pas directement à la lutte contre l’empire de Gaza, préférant des négociations « diplomatiques », elle n’en a pas moins été l’un des instigateurs. De plus, c’est elle qui bénéficie finalement le plus de la décadence de l’empire de Gaza110.
En effet, le conflit de Mossorize entre M. Dumbar Moodie, un agent de la BSAC, et la Compagnie du Mozambique a été l’un des événements qui a précipité les attaques contre l’empire de Gaza. Dumbar Moodie occupe la région du Mossorize en 1894, prétextant qu’il s’agissait d’un territoire anglais concédé par le roi Ngungunhane. Effectivement, ce dernier avait signé avec la BSAC deux accords en 1890 et 1891, qui permettaient le développement d’activités sur ce territoire. Même si le roi niait avoir cédé par concession le Mussorize à la BSAC, sa méfiance vis-à-vis des Anglais aura entraîné la fin de son indépendance111.
Par ailleurs, Paiva de Andrada tenta plusieurs négociations avec le roi de Gaza, Ngungunhane, qui lui accorda finalement l’exploitation du territoire jusque là placé sous sa gestion112. Cependant, il maintint son autorité et collecte des impôts, y compris dans une partie des régions gérées par la Compagnie du Mozambique. Cela lui posa des problèmes surtout concernant le mossoco et l’impôt de palhota113. Face au problème de Mossorize – qui résultait des accords entre Ngungunhane et la BSAC – et les difficultés dans la collecte d’impôts, la Compagnie du Mozambique décida en 1893 de renégocier un accord, ou au moins un modus-vivendi avec Ngungunhane. Ce projet s’opposa à la volonté farouche des Portugais de mettre un terme à l’indépendance de l’empire de Gaza.
La Compagnie du Mozambique à Beira : « un État dans l’État »
Les dynamiques d’instauration de la Compagnie du Mozambique et l’affirmation de son autonomie administrative et politique, comme nous venons de le voir, résultent du contexte de pénurie économique et administrative de l’État colonial portugais, à la fin du XIXe siècle. La Compagnie du Mozambique, sur ce plan, joua un rôle important dans la matérialisation de la colonisation portugaise au Mozambique. Toutefois, bien plus qu’un simple tremplin de la présence portugaise, elle a participé, en revendiquant une gestion plus autonome, à une construction particulière des rapports entre État et société dans le territoire de Manica et Sofala, et surtout à Beira, sa capitale. Certains auteurs ont tendance à présenter la Compagnie comme simple instrument du gouvernement portugais sans chercher à expliquer la signification qu’elle a soulevé, ni la particularité de la colonisation dans la région de Manica et Sofala126. Certes, que la Compagnie a participé à l’affirmation de la souveraineté de l’État Portugais, en revanche l’elle a aussi fondé un sentiment particulariste de relation avec l’État qui combiné avec autres facteurs comme les enjeux des luttes d’émancipation anticoloniale, les questions identitaires des groupes ethniques, n’ont pas finit de s’exprimer politiquement dans nous jours, notamment dans un contexte de pluripartisme compétitif (cf. chapitre 2)127.
Une lecture concluant à une simple victoire de l’État portugais dans le contrôle de cette région semble réductrice, car les enjeux dans les rapports avec la Compagnie ont été plus complexes. D’ailleurs, la fin de la concession de gestion du territoire à la Compagnie du Mozambique en 1942 n’a pas été un simple transfert des fonctionnaires de la Compagnie vers l’administration portugaise. Toute en affirmant la souveraineté portugaise dans la région, la Compagnie a bien construit une réalité tout à fait complexe, à la fois même en contradiction avec l’administration du gouvernement portugais128. Cela participe d’ailleurs à une représentation aussi particulière de l’État dans cette région Centre du Mozambique.
Dans les organigrammes complexes représentant les rapports entre Compagnie du Mozambique et Gouvernement portugais, il nous faut sélectionner ce qui peut éclairer les pratiques administratives productrices d’autonomie et de pouvoir souverain », pour la Compagnie. La figure ci-dessous illustre comment les organes locaux de l’État colonial portugais étaient marginalisés dans les rapports avec la Compagnie du Mozambique. Elle montre aussi en quoi les actions de la Compagnie du Mozambique ont été à la fois très éloignées du contrôle de l’État. C’est à partir de ces pratiques qu’on peut saisir l’« État dans l’État ». Autrement dit, certaines pratiques administratives de la Compagnie restent en dehors du contrôle de l’État colonial portugais, au point de se construire comme autonome de facto en fondant une forme typique de relation avec l’État que demeure jusque nos jours.
La Compagnie du Niassa et la résistance anticoloniale des Makonde
Comme nous l’avons vu, à la fin du XIXe siècle le Portugal avait déjà délégué une partie de la gestion du Mozambique à des Compagnies. L’extrême nord — c’est-à-dire les actuelles provinces de Niassa et Cabo Delgado — est confié à la Compagnie du Niassa, une Compagnie à Charte telle que la Compagnie du Mozambique. Créée également sur l’initiative d’un entrepreneur portugais, Bernardo Daupias, la Compagnie du Niassa est de la même manière dominée par des capitaux étrangers, notamment anglais (après avoir été majoritairement allemands avant 1914).
Toutefois, la Compagnie de Niassa était soumise à un ensemble de limites dans sa gestion. Dès le début, la Compagnie rencontra des problèmes financiers et des difficultés à imposer sa domination sur une région qui n’eu de contacts que tardifs avec l’administration portugaise. Entre les difficultés financières et celles liées à la « pacification » du territoire, la Compagnie de Niassa, tout en réussissant conserver le territoire contre les ambitions étrangères, ne parvint pas à instaurer une domination portugaise dans la région, ni même à participer au succès de la présence portugaise, du moins au niveau local.
Dans cette section, sans forcement entrer dans la comparaison avec la Compagnie du Mozambique, nous revenons sur les enjeux de gestion du territoire de la Compagnie de Niassa. Le but est ici d’identifier des variables explicatives concernant le style d’apprentissage des réformes administratives par la municipalisation que nous observons actuellement.
On explique, dans un premier temps, que la présence tardive des Portugais ainsi que les difficultés financières de la Compagnie ont rendu difficile la maîtrise de la gestion du territoire. Dans un deuxième temps, nous insisterons sur le fait que ces fragilités administratives, évidemment liées aussi aux résistances locales, n’ont pas permis une forte présence portugaise dans la région, spécifiquement à Mueda. Avec cette variable, on cherchera à expliquer la forte participation des Makonde à la lutte pour l’indépendance du Mozambique (chapitre second). Cela est tout aussi important pour la formulation et la mise en œuvre des politiques postcoloniales.
Entre administration directe portugaise et délégation à l’Afrique du Sud
la fin du XIXe siècle, les rapports entre la région Sud du Mozambique (Inhambane, Gaza et Maputo) et l’Afrique du Sud étaient presque stabilisés. En effet, depuis les années 1850, notamment avec le développement des plantations à sucre au Natal, la main-d’œuvre du Sud de Mozambique servait dans les activités agricoles en Afrique du Sud. Mais c’est surtout la découverte en 1867 des mines de diamants à Kimberley sur la rivière Orange qui avait accru la recherche de travailleurs Sud-Mozambicains par l’Afrique du Sud172. La découverte de mines d’or à Witwatersrand en 1886 a développé encore plus le marché du travail en Afrique du Sud, et a renforcé ainsi le besoin de main d’œuvre recrutée au sud de Mozambique173.
En revanche, selon Felizardo Bouene et Maciel Santos174, plus encore que la pression Sud-Africaine pour obtenir une main-d’œuvre en provenance du Sud du Mozambique, les conditions salariales dans la colonie britannique étaient un facteur motivant pour les populations de Maputo, Inhambane et Gaza à l’émigration175. Effectivement, avec l’ascension de l’empire de Gaza et la soumission des populations de la région au paiement des impôts, la recherche de meilleurs salaires devient quasi obligatoire. De plus, en conséquence des attaques de l’empire de Gaza, les réserves animales ont été dévastées, installant la précarité dans la région176. Cela allait de pair avec le développement du travail forcé (le chibalo), dans la colonie portugaise, ce qui a renforcé l’émigration des populations la recherche d’un travail dans les mines177. Dans ces conditions, le flux migratoire vers l’Afrique du Sud des populations du Sud du Mozambique demeurait très élevé. Cette migration vers les mines d’Afrique du Sud n’a pas seulement modifié les rapports sociaux, comme par exemple la question du mariage (le lobolo) monétarisé au lieu de paiements par des animaux (bœufs) et autres produits178. Mais elle a surtout influé sur la restructuration des rapports de pouvoir. Pour les populations indigènes entre elles, quand la migration a permis de renforcer les capacités économiques en milieu rural et de développer les ressources de négociation politique pour les autorités communautaires179. D’ailleurs, comme on le verra plus tard, ce travail migratoire a participé à l’émergence d’une petite classe monétarisée qui s’est occupé des activités commerciales dans le milieu rural, puis ressemblées par les autorités portugaises en coopératives.
La « diplomatie Chope » et le renforcement de l’administration portugaise au sud du Mozambique
L’administration coloniale portugaise au Sud du Mozambique, comme nous venons de le voir, a été construite dans une profonde imbrication entre le développement de l’économie sud-africaine, la faible capacité d’exploitation portugaise dont résulte la politique de « colonisation par délégation », et les modalités de la structure d’organisation indigène (y compris ses résistances). Le rapport entre État et société dans cette région du Mozambique doit donc être compris dans le cadre des dynamiques par lesquelles l’administration cherche des ajustements entre ces trois niveaux. Ce que nous appelons ici « diplomatie Chope » est une catégorie d’analyse par laquelle nous cherchons à prendre en compte ces dynamiques de l’administration en tant que « carrefour » des interactions entre la société Chope de Zavala (Quissico) et l’État colonial portugais.
En ce sens, il faut d’abord revenir sur les premiers contacts entre les Chopes, notamment ceux de Zavala, et les Portugais, pour comprendre le processus de structuration administrative dans cette région, et pour saisir l’importance qu’ont eu ces mêmes Chopes dans l’administration mozambicaine (y compris l’administration postcoloniale) de façon générale. Ceci influe sur la dynamique des réformes administratives, notamment la municipalisation en cours.
Effectivement, nous donnons aux Chopes cette étiquette de « diplomates » pour caractériser ce que René Pélissier a constaté dans le rapport entre les Chopes, les Portugais — notamment ceux qui étaient installés à Inhambane, la terra da Coroa — et l’empire de Gaza. Pour René Pélissier, les Chopes ont élaboré une stratégie de survie face à des adversaires puissants : d’un côté, l’empire de Gaza et de l’autre, les Portugais de la terra da Coroa, Inhambane. En déclarant leur vassalité à Gaza et/ou aux Portugais d’Inhambane, les Chopes sont, dans une certaine mesure, restés « autonomes » vis-à-vis des deux à la fois190.
Jorge Jardim : de l’obsession du salazarisme à la passion pour le Mozambique ?
Jardim fut un homme complexe. Mais il faut avant tout souligner sa très forte adhésion au salazarisme dont il était un militant inconditionnel256. Pourtant, il manifeste dès le début des années 1970 un intérêt pour l’« indépendance » du Mozambique, tout en reconnaissant le rôle central de la Métropole257. Cela peut sembler paradoxal, du moins si nous considérons que l’ambition de l’Estado Novo de Salazar est précisément de renforcer le contrôle des colonies par la Métropole.
Tout en décrivant cette personnalité comme un acteur majeur de l’Estado Novo, nous souhaitons montrer que l’imbrication entre son admiration pour le salazarisme et le contexte politique-administratif de Beira (hérité de l’autonomie de la Compagnie du Mozambique) explique dans une certaine mesure son intérêt pour une « indépendance » du Mozambique. En effet, Jorge Jardim apparaît à Beira comme la face visible d’une grande partie de l’élite blanche, celle qui cherche plus d’autonomie administrative pour retrouver un certain statut perdu avec la fin des concessions de Manica et Sofala à la Compagnie du Mozambique.
D’une certaine manière, Jorge Jardim, se positionnant au confluent des intérêts de multiples acteurs, représente une mémoire collective d’autonomie de Beira vis-à-vis de l’administration centrale, bien étendu qu’on aussi faire référence qu’il pourrait bien représenter la volonté des colons du Mozambique de pouvoir vraiment développer leur économie, même si cela devait concurrencer la métropole : industrialisation, liberté de commerce avec qui que ce soit à l’extérieur. Cela constitue un élément de plus de l’héritage des administrations postcoloniales.
Dans les premières pages de l’ouvrage de Jorge Jardim, Moçambique terra queimada (Mozambique terre brûlée)258, la biographie de l’auteur apparaît : […] Né à Lisbonne, il a vécu 22 ans au Mozambique où, d’ailleurs, sont nés six de ses enfants. Tous y ont été instruits et y ont appris, comme leur père, ‘à sentir et à penser le Mozambique’. Comme mozambicains »259.
Cette description montre le très fort attachement de Jorge Jardim au Mozambique. D’ailleurs, plusieurs autres Portugais et descendants mozambicanisés » qui, à l’instauration de l’Estado Novo, ne ressentent pas de grand attachement à la Métropole, se trouvent dans cette position. Par exemple, nous avons vu au chapitre précédant qu’avec la concession des territoires de Manica et Sofala à la Compagnie du Mozambique, il s’agissait, en 1891, d’y implanter 1000 familles blanches portugaises260. La majorité de ces familles pauvres avaient tout vendu au Portugal pour aller au Mozambique et tenter une nouvelle vie. Des années plus tard, ces mêmes familles étaient plus attachées au Mozambique qu’au Portugal. Jouissant d’un statut enviable à Beira, elles n’envisageaient pas leur destin en Métropole261. Lorsque le territoire passa sous administration coloniale directe de l’État, à la fin de la concession de la Compagnie du Mozambique, les positions économiques et politiques d’une partie de l’élite en place, notamment à Beira, s’en trouvèrent bouleversées.
Après un passage en tant que sous-secrétaire d’État chargé du commerce et de l’industrie dans le gouvernement central de Lisbonne, Jorge Jardim arrive au Mozambique en 1952 à l’invitation d’un homme d’affaires, Raul Abecassis. Il se fixe à Dondo, village satellite à environ 30 kilomètres de Beira. Il y dirige une des usines de Raul Abecassis, proche du régime de Salazar262.
Par son aptitude et son influence dans le gouvernement central, Jorge Jardim devint rapidement populaire à Dondo mais aussi à Beira, se taillant un rôle d’acteur majeur dans son cercle d’amis et de relations. Il occupa peu à peu une position charnière entre les populations et les autorités gouvernementales, soit au niveau local, soit au niveau de la Métropole à Lisbonne. Son influence lui assura également la confiance du gouvernement de Salazar, pas seulement au niveau du Mozambique, mais aussi envers d’autres États, africains notamment263, au point de devenir un « ambassadeur sans nomination », selon les termes de José Freire Antunes264.
Cependant, malgré sa loyauté envers le régime de Salazar, son esprit entrepreneur l’amena à rechercher moins d’intervention étatique dans les affaires privées. Il défendait ainsi la communauté des affaires de Beira, et revendiquait plus d’autonomie pour les organes locaux. C’est d’ailleurs à partir de ce moment qu’il obtint le soutien d’une partie des colons de Beira. Avec un discours d’autonomie auprès des élites locales, notamment les hommes d’affaires, il construisit une certaine vision de l’administration coloniale entre l’État central et la population de Beira.
Beira et les mouvements anticoloniaux : participation marginale ou marginalisée ?
L’histoire de Beira ou de la région centre et celle des mouvements anticoloniaux sont aussi denses que complexes. Elles nécessitent encore un grand travail de (re)constitution. Nous insisterons dans ces paragraphes sur quelques points notables des dynamiques générales de la structuration politico-administrative et du rapport de Beira à la formation de l’État mozambicain.
Nous distinguons deux axes de lectures : d’une part, celui proposé par les organisations d’indigènes dans leur rapport à l’Estado Novo, et d’autre part, celui construit par le long chemin d’idéalisation par le Frelimo de l’« unité nationale ». Autrement dit, il s’agit d’abord de s’intéresser aux mouvements associatifs typiquement noirs, ethniques et religieux, de caractère urbain mais fortement liés au milieu rural, particularité de Beira. Ensuite, on se consacrera aux les mouvements anticolonialistes proprement dits, et à l’intégration de la région dans les enjeux politiques en relation avec la lutte anticoloniale dirigée par le Frelimo.
L’imbrication de ces deux perspectives peut expliquer non seulement les rythmes d’apprentissage des réformes administratives, mais aussi les usages politiques de la municipalisation. Cela nourrit fortement les négociations entre les acteurs, autour notamment du thème de la réforme de l’administration.
De la question religio-associative au protonationalisme
Comme nous l’avons déjà vu, la question religieuse est un élément majeur dans la situation coloniale au Mozambique. À Beira en particulier, elle semble avoir pris une forme singulière, dans la mesure où elle participe à l’émergence d’une structure de revendication anticoloniale en s’imbriquant avec les dimensions ethnique (ndau) et associative. Au Sud270 et au Nord271 du pays, dans le cas des Makondes, les églises contribuent à faire émerger une élite noire, comme nous le verrons plus tard. À Beira et dans le territoire de Manica et Sofala en revanche, la question religieuse, influencée notamment par les églises protestantes évangéliques (congrégationalistes américaines), nourrit des mouvements associatifs de tendance anticoloniale. Comme on le verra ci-après les élites, liées à cette tendance anticolonialiste, ne peuvent intégrer le mouvement nationaliste dirigé par le Frelimo. Pour cette raison, elles demeurent en marge du pouvoir après l’indépendance.
Malheureusement, peu d’études existent sur les dynamiques associatives de cette région du pays et sur les rapports à la revanche anticoloniale et nationaliste. Le travail d’Aurélio Rocha272, qui cherche à combiner l’activisme, le nativisme et l’émergence du nationalisme mozambicain, ignore les particularités de chaque région. Ainsi, en réduisant les mouvements associatifs (notamment ceux de Beira)
de simples répliques de ceux de la capitale Lourenço Marques, il marginalise les dynamiques locales à l’origine des ces associations, mais surtout les pratiques et la conscience politiques qui y sont construites. Le travail de Mário Pinto de Andrade273, bien qu’il mobilise la question religieuse surtout à partir du cas du pasteur Kamba Simango, marginalise l’activisme associatif et la conscience politique de ses acteurs274. Enfin, l’étude d’Alexandrino José275, même si elle est nourrie par les expériences des acteurs concernés, reste centrée sur des pratiques sociales sans pour autant les interpréter et leur attribuer un sens dans le contexte politique colonial de l’époque. Sur ce sujet, Michel Cahen276 montre bien les liaisons qui existent entre le religieux, l’ethnie et la conscience anticoloniale, mais il laisse peu de place à la dimension politique structurée par ces enjeux277. Ce travail n’a malheureusement jamais été publié dans son intégralité. Néanmoins, nous mobilisons ici sa ligne de recherche en combinant la question religieuse avec la spécificité de la région habitée par les Vandau, notamment Machanga, et avec la conscience anticoloniale. Nous recherchons en outre la signification politique dans les enjeux actuels de la réforme de l’administration par la municipalisation.
Mueda : d’une conquête coloniale tardive à une résistance anticoloniale précoce
Les deux éléments principaux à mettre en évidence sont d’une part, la gestion directe portugaise de Mueda après l’extinction de la Compagnie du Niassa, et d’autre part la réaction « politique ou politisée » des Makonde à cette gestion. Comme indiqué supra, Mueda fut colonisée tardivement. La présence coloniale civile dans la région date de 1924, après les actions militaires de la Première Guerre mondiale. Dans d’autres parties du pays, comme au Sud, par exemple, la domination portugaise fut instaurée dès le XIXe siècle pour ne pas parler de Sofala, et de la région zambézienne où elle remonte au XVIe siècle. Comme nous l’avons vu, la gestion déléguée à la Compagnie du Niassa a été de très courte durée. L’expérience se répète pour la gestion directe de l’administration du Gouvernement portugais. Dès le début de 1960, elle fut contestée par les Makonde qui se libèrent très tôt de la présence coloniale grâce à des actions de lutte armée dirigées par le Frelimo.
La contestation anticoloniale des Makonde, notamment les émeutes de juin 1960 et leur répression, n’est pas la première au Mozambique. À Machanga par exemple, une contestation plus ou moins structurée émerge déjà en 1953, comme nous l’avons vu dans l’étude de la région centre du pays. Mais lorsque la contestation se développa à Mueda, sa position géopolitique proche de la Tanganyika tout juste indépendante et berceau du Frelimo, ne put que lui être favorable quant à la récupération politique. Aussi cette contestation se retrouve-t-elle au cœur des discours anticolonialistes des nationalistes, alors en voie d’organisation autour du Frelimo. L’avantage n’en fut pas négligeable pour les Makonde qui composeront la force militaire du Frelimo en formation. Ils bénéficièrent aussi d’une large participation dans ce Frelimo, au sein duquel ils symbolisaient l’unification mozambicaine.
En ce sens, la réforme de l’administration qui municipalisa Mueda se plaçait au cœur de ces enjeux de récompense politique des Makonde et du discours d’unité nationale dont Mueda devient le symbole. En analysant la situation à partir de cette période, nous faisons donc ressortir les grands enjeux encore présents de nos jours dans la municipalisation de Mueda. Le Frelimo et les Makonde de Mueda sont des acteurs imbriqués, mais sans homogénéité. Ils combinent et agissent ensemble au fur et à mesure des négociations, surtout à partir de leurs ressources administratives. Dans leurs interactions, l’État parvient à s’imposer en tant que force de gestion des ressources par lesquelles se négocie leurs rapports.
Une gestion portugaise de courte durée et la liberté des Makonde
La gestion directe portugaise de Mueda dura une trentaine d’années après la fin de la gestion déléguée à la Compagnie du Niassa (1929), et jusqu’au début de la lutte armée anticoloniale (1964). Il s’agit d’ailleurs d’une des premières zones d’action militaire du Frelimo. Si la Compagnie parvint à conserver le territoire contre les ambitions étrangères, l’insoumission des Makonde demeura un problème constant pour le Gouvernement portugais. Aussi, dès la gestion directe, ce dernier rechercha une stratégie de contrôle pour une région habituée à une certaine liberté par rapport à l’administration portugaise. Nous avons vu supra (1.2.2) que le Portugal tenta de restructurer l’organisation des Makonde en renforçant sa capacité de contrôle sur une société très mobile, surtout depuis l’instauration de la Compagnie du Niassa308.
Cependant, malgré les tentatives de contrôle des Makonde, les stratégies utilisées par le Gouvernement colonial à Mueda conduisirent, paradoxalement à une certaine liberté de l’opprimé. Les colonisés développaient également des tactiques309 qui produisirent des formes larvaires de contestation de l’administration coloniale. Celles-ci furent par la suite transformées et mobilisées dans la formation du Frelimo en tant qu’organisation s’imposant pour la revendication anticoloniale dans tout le Mozambique.
Revenons ici sur deux des principales stratégies de contrôle utilisées par l’administration coloniale : (i) les missions catholiques et (ii) le système des coopératives.
Comme pour Beira, dans l’apogée de gestion de l’Estado Novo, l’Église catholique, après les accords avec le Vatican, fut un dispositif majeur de normalisation pour le système colonial. Si celui-ci répondait aux objectifs du Gouvernement colonial, il ne le fit pas toujours exclusivement. Simultanément, il était à la fois producteur et produit de certaines zones de liberté pour les colonisés.
Les premières missions catholiques des prêtres français puis hollandais furent instaurées en 1924 à Nang’ololo, région encore sous gestion de la Compagnie du Niassa. Dès 1928, les prêtres français se virent contraints de partir à cause de la méfiance portugaise vis-à-vis des ambitions françaises en matière de colonisation310.
Initialement, ces missions furent sans grande influence chez les Makonde. Sous administration directe portugaise, une nouvelle loi de 1928 sur le travail forcé obligea les colonisés à développer une culture de rente sur un hectare de leurs terres et plantations. Dans ce contexte, travailler pour les missions et se convertir au christianisme devint plus attractif. Les conditions de travail et les salaires étaient meilleurs, et cela permettait d’échapper aux châtiments des cipaios dans les plantations coloniales311. C’est par le biais de «la conversation et la conversion» ou kupilikula au catholicisme, dont parle Harry West312, que se multiplièrent les missions dans la région à partir de la fin des années 1930. Il en est ainsi à Imbuho en 1939, à Nambudi en 1946, à Bomela en 1950, à Mutemba en 1959 et à Chitolo en 1960.
La conversion des indigènes au catholicisme fut un facteur de changements sociaux, comme par exemple dans le cas du mariage ou lorsque, l’église catholique interdit la polygamie et empêcha les rites d’initiation, le likumbi pour les hommes et l’ing’oma pour les femmes313. La conversion permit aussi une organisation des Makonde hors de la structure administrative de l’État colonial. Précisons que les missions installées dans la région, même catholiques, ne se trouvaient pas sous la direction de prêtres portugais, ni de prêtres étant reliés aux diocèses portugais à Porto Amélia, actuel Pemba. Il s’agissait plutôt de prêtres hollandais de la congrégation Montfortaine, qui sont très attachés à la liberté de l’homme (« l’homme est plein d’Esprit Saint, donc de liberté »)314. Ils agissaient avec l’aide de sœurs italiennes de la congrégation de la Consolata.
partir de 1940 et de la signature du Concordat (et les subséquents Accord Missionnaire et Statut Missionnaire de 1941), les missions se penchèrent sur l’éducation des indigènes. Dès cette période, toutes les missions de la région construisirent des écoles et de dortoirs pour les élèves. La mission d’Imbuhu est l’une des plus importantes : plusieurs élèves y atteignirent la quatrième année de formation, soit un niveau d’éducation considérable pour les indigènes de l’époque315. Le catholicisme lié à la formation devint un facteur d’identité pour toute une catégorie de la société Makonde. Autrement dit, ce mouvement permit la formation d’une petite élite locale relativement structurée. Ces Noirs formés dans les missions se muèrent par la suite en petits entrepreneurs qui devinrent les dirigeants des coopératives créées plus tard par le Gouvernement portugais.
Évidemment, persistait l’objectif de contrôler cette élite relativement éloignée de l’administration coloniale portugaise, et donc capable de fomenter une contestation structurée contre le système. Les coopératives surgirent avec cette ambition de contrôle d’une élite noire émergente. Nous avons évoqué précédemment, pour le cas de Zavala (Quissico), l’émergence d’une élite noire en milieu rural qui força le Gouvernement portugais à former des coopératives. Celles-ci devinrent des structures d’encadrement de ces élites en émergence, et en facilitèrent la surveillance par l’administration coloniale316.
Dans le cas de Mueda, un ensemble de paysans, commerçants et professeurs associés à ces missions se rassembla pour constituer en 1957 une société, la Sociedade Algodoeira Africana Voluntária de Moçambique (SAAVM). Rappelons qu’en 1955, le Gouvernement portugais apporta quelques ajustements à la législation coloniale agraire, en encourageant la culture du coton. Dans ce contexte et à partir du décret-loi n°40 405 du 24 novembre 1956, la création de « sociétés coopératives indigènes » fut instaurée317. Le rassemblement en petites sociétés de cette élite formée dans les missions fut donc couvert par le cadre juridique colonial.
|
Table des matières
INTRODUCTION
Des intentions de réforme aux pratiques administratives : une mise en
perspective de la grille d’analyse
La politique de réforme de l’administration par des pratiques. Les
municipalités espaces de production et reproduction de l’État
Apprentissage de réformes et changement du système administratif
État et société dans la succession de réformes administratives : objet et
problématisation de la recherche
Justification du choix de nos terrains d’observation
Les démarches méthodologiques
Plan de la thèse
1ÈRE PARTIE. UNE ADMINISTRATION POUR « FABRIQUER » LE MOZAMBIQUE
CHAPITRE I. SITUATION ADMINISTRATIVE COLONIALE : QUELS EFFETS SUR LA MUNICIPALISATION POSTCOLONIALE ?
1.1. La Compagnie du Mozambique, la mémoire de l’autonomie administrative de Beira
1.1.1. Des enjeux économiques aux enjeux de « pacification »
1.1.1.1. Les rapports avec la British South African Company
1.1.1.2. À la fin de l’empire de Gaza
1.1.1.3 Le contrôle sur la rébellion du Báruè
1.1.2. La Compagnie du Mozambique à Beira : « un État dans l’État »
1.2. La Compagnie du Niassa et la résistance anticoloniale des Makonde
1.2.1. Une région colonisée tardivement
1.2.2. La faiblesse administrative et l’insoumission des Makonde
1.3. Quissico dans la politique de l’administration migratoire
1.3.2. Entre administration directe portugaise et délégation à l’Afrique du Sud
1.3.2. La « diplomatie Chope » et le renforcement de l’administration portugaise au sud du Mozambique
Conclusion. La structuration des espaces de mise en œuvre et l’apprentissage des réformes
CHAPITRE II. L’ADMINISTRATION «UNIFIÉE» DE L’«ESTADO NOVO» : D’UN PROJET UNIFORMISATEUR À UNE PRATIQUE DIFFÉRENCIÉE
2.1. La fin de la Compagnie du Mozambique et les dynamiques de centralisation coloniale à Beira
2.1.1. Une expérience d’autonomie non oubliée
2.1.1.1. L’évêque Sebastião Soares de Resende et la « revanche » sur la politique de Lisbonne à Beira
2.1.1.2. Jorge Jardim : de l’obsession du salazarisme à la passion pour le Mozambique ?
2.1.2. Beira et les mouvements anticoloniaux : participation marginale ou marginalisée ?
2.1.2.1. De la question religio-associative au protonationalisme
2.1.2.2. L’intégration des anticolonialistes au Frelimo ou l’ (auto)marginalisation de Beira ?
2.2. Mueda : d’une conquête coloniale tardive à une résistance anticoloniale précoce
2.2.1. Une gestion portugaise de courte durée et la liberté des Makonde
2.2.2. Une géopolitique avantageuse pour la lutte anticoloniale
2.3. Quissico dans le « Sud dominant » ?
2.3.1. Le basculement de la capitale vers le Sud et les dynamiques de pouvoir au Mozambique
2.3.2. La domination du Sud dans le mouvement anticolonial : quelle place pour Quissico ?
Conclusion. Les arrangements politiques via la réforme de l’administration
2ÈME PARTIE. LA CONSTRUCTION ADMINISTRATIVE DE L’ÉTATNATION : UNIFORMISATION COMME VECTEUR DE DOMINATION
CHAPITRE III. L’AUTORITARISME MODERNISATEUR DE L’ÉTAT ? D’UNE ADMINISTRATION EXCLUANTE AU DÉSIR D’INCLUSION DE LA MUNICIPALITÉ
3.1. Les « nouveaux assimilés » de Beira et le projet modernisateur du Frelimo
3.1.1. L’administration comme instrument de surveillance : Beira, ville des « réactionnaires » ?
3.1.2. Beira : contre la centralisation administrative et le Frelimo
3.1.1.1. Les Changanas envahisseurs
3.1.1.2. « Beirense » comme opposition
3.2. Mueda, des zones libérées de la lutte anticoloniale au projet modernisateur postcolonial
3.2.1. Du « modèle » des zones libérées de Mueda à l’administration de la nation
3.2.2. « Le Frelimo c’est nous » : récompenses néo-patrimoniales contre développement ?
3.3. Quissico : l’ambiguïté chope et l’administration « nationiste »
3.3.1. L’« individualisation » chope face à l’esprit du projet administratif « socialiste » du Frelimo
3.3.2. Quissico dans la construction de la nation : des Timbila locales aux
Timbila « révolutionnaires », puis marchandisées
Conclusion. L’administration : attentes de la société et légitimité de l’État
CHAPITRE IV. LA LÉGITIMITÉ DE L’ÉTAT DANS UNE ADMINISTRATION INTROUVABLE À L’ÉPOQUE PLURALISTE
4.1. La Municipalité de Beira « autonome » — à l’écart des défis nationaux ?
4.1.1. « Agora é a nossa vez » : un défi d’organisation de l’administration municipale
4.1.1.1. Le « centralisme démocratique » : le Frelimo et l’instauration de l’administration municipale à Beira (1998-2003)
4.1.1.2. La Renamo et les courtiers du clientélisme (2003-2008)
4.1.1.3. Le Maire indépendant et la légitimation des plans municipaux d’action (2008-2013)
4.1.2. Entre dynamiques locales et défis de participation politique nationale
4.1.2.1. L’approche « localiste » du MDM
4.1.2.2. L’imaginaire national, les négociations par la force des armes
4.2. La municipalisation de Mueda : une récompense politique et le centralisme en question
4.2.1. « Maputo à Mueda », et les transformations locales ignorées (2008- 2013)
4.2.2. Changer le Maire et changer la couleur de la mairie : le défi de la continuité administrative
4.3. L’administration municipale avec un « big man » à Quissico
4.3.1. Politisation et privatisation des affaires locales
4.3.2. La municipalité comme investissement de marché
Conclusion. Les municipalités comme nouveaux espaces d’action publique 281
3ÈME PARTIE. RÉINVENTER L’ÉTAT PAR LE QUOTIDIEN DES MUNICIPALITÉS. LA CENTRALITÉ DU LOCAL
CHAPITRE V. LES SERVICES PUBLICS ET LA FORMATION DE L’ÉTAT : UNE MISE EN SCÈNE MUNICIPALISÉE
5.1. Les enjeux politiques du transfert des services à la gestion de la municipalité de Beira
5.1.1. Les services publics comme « zone d’incertitude » politique : duplication des administrations locales
5.1.2. Les enjeux du transfert du service de l’éducation: question de gestion ou de contrôle politique du professeur ?
5.2. Mueda, la municipalité ou l’administration déléguée aux intermédiaires
5.2.1. La politique de « l’inexistence » des services publics
5.2.1.1. Compétences de gestion financière
5.2.1.2. Compétences de gestion de « dons »
5.2.2. Les ONG à l’origine des changements administratifs ?
5.3. Quissico : la municipalisation comme énonciation du changement
5.3.1. La municipalité comme pratique d’« autoritarisme modéré »
5.3.2. La municipalisation comme urbanisation : la rumeur des « voleurs » des terres
Conclusion. Municipalité : d’une agence de prestation de services à une arène d’apprentissage d’autosatisfaction
CHAPITRE VI. LA RECONFIGURATION ADMINISTRATIVE PAR LES EXPÉRIENCES SITUÉES : UNE COPRODUCTION DE L’ACTION PUBLIQUE ?
6.1. Beira : la crédibilité de l’État à la loupe
6.1.1. Participer à la gestion municipale ou s’approprier les limitations de l’administration ?
6.1.1.1. La tendance à l’articulation participative par les structures du parti Frelimo (1998-2003)
6.1.1.2. La tendance à l’articulation participative technicisée (2003-2009)
6.1.1.3. La tendance à l’articulation participative de solidarité
6.1.2. L’informalité est-elle une force pour le déploiement de l’État ?
6.1.2.1. La période de répression de l’informalité
6.1.2.2. La période du rôle social de l’informalité
6.1.2.3. La période de l’informalité comme entrepreneuriat/partenariat
Le cas de Claudete Martins : une « réussite » municipale de gestion des activités informelles ?
Télécharger le rapport complet