LA CONSOMMATION DES ANTIBIOTIQUES EN FRANCE ET EN EUROPE
LA SITUATION FRANÇAISE
Tout d’abord il convient de s’intéresser à la consommation sur un plan quantitatif. En effet, l’expérimentation vise notamment à limiter la consommation excessive d’antibiotiques, objectif important pour l’assurance maladie comme le montrent les nombreuses campagnes allant dans ce sens, depuis 2002 notamment avec le très célèbre : « les antibiotiques, c’est pas automatique ».
Améliorer cette consommation a plusieurs objectifs :
– S’assurer du bon usage des antibiotiques
– Limiter la survenue de résistances bactériennes
– Limiter le coût de prise en charge par l’assurance maladie .
Il faut tout d’abord rappeler qu’à la fin des années 90, la France consommait énormément d’antibiotiques, plus de 37 Doses Définies Journalières pour 1000 Habitants et par Jour (DDJ/1000H/J). L’efficacité des premiers plans d’actions a été significative, en partie à cause de cette surconsommation, plus simple à faire baisser grâce à de nouvelles recommandations de prescription par exemple. Dans un deuxième temps, entre 2005 et 2009, la situation tend vers un optimal, ce qui explique cette évolution en dents de scie. Un hiver pouvant être beaucoup plus épidémique que le précédent les prescriptions médicales, et donc la consommation d’antibiotiques, sont plus ou moins nombreuses d’une année sur l’autre.
LES CHIFFRES DE L’ANNEE 2015
En Janvier 2017 l’ANSM a publié les chiffres de la consommation d’antibiotiques en France en 2015 (ANSM, 2017). Les tendances observées jusqu’alors semblent se confirmer : la consommation totale d’antibiotiques en France est bien repartie à la hausse depuis 2010. En effet entre 2013 et 2015 on ne constate pas de baisse mais plutôt une stagnation (32.3 DDJ/1000H/J en 2013 versus 32.1 DDJ/1000H/J). Difficile de déterminer avec précision si cette stagnation est due à un manque d’efficacité des différents plans (voir ci-dessous) mis en place au niveau national ou bien à l’incidence élevée des pathologies hivernales en 2015. Au niveau qualitatif la situation reste la même : les pénicillines et association de pénicillines restent majoritairement utilisées. Par rapport à l’Europe la France se situe en 2015 à la 4ème place des pays les plus consommateurs d’antibiotiques, derrière la Grèce, la Roumanie et Chypre. Mais cette amélioration apparente s’explique par une augmentation de la consommation de ces mêmes médicaments dans les pays concernés. La France reste en effet largement audessus de la moyenne Européenne, qui est en 2015 de 22,4 DDJ/1000H/J (ANSM, 2017). On constate d’ailleurs que cette moyenne Européenne augmente (+1.1 DDJ/1000H/J) : c’est un fait inquiétant, peut-être explicable également par la forte incidence des pathologies hivernales en 2015. Il faudra attendre les chiffres des années suivantes pour le savoir, mais si ce n’est pas le cas il faudra que l’ensemble des états Européens appliquent des politiques nationales de réduction de l’usage des antibiotiques.
Sur la base de ces données actualisées, l’ANSM conclut à la nécessité d’agir à 2 niveaux pour maîtriser la consommation d’antibiotiques en France :
– Au niveau quantitatif, en diminuant la prescription d’antibiotiques.
– Au niveau qualitatif, en améliorant le bon usage de ces médicaments.
Cela se traduit par une prescription justifiée (éviter les prescriptions inutiles), conforme aux recommandations (respecter les antibiotiques de première intention notamment) et d’une durée juste (éviter lestraitements de longue durée dansla mesure du possible).
LA SURCONSOMMATION D’ANTIBIOTIQUES : LES CAUSES ET CONSEQUENCES POUR LA SECURITE SANITAIRE
LES CAUSES
LES PRESCRIPTIONS NON JUSTIFIEES
Les antibiotiques sont des médicaments dont l’utilité n’est plus à démontrer ; ils ont permis depuis le début du XXème siècle de traiter des pathologies jusqu’alors incurables. Cependant ce ne sont pas des produits miracles et ils sont totalement inutiles dans la prise en charge de nombreuses maladies courantes, notamment celles d’origine virales (comme les angines par exemple, virales le plus souvent) sur lesquelles ils n’ont aucune efficacité. En effet, les antibiotiques agissent uniquement sur les bactéries (CNIT et ECN Pilly, 2014).
On voit ici, d’après des données datant de 2010 (les plus récentes à ce sujet) qu’un quart des antibiotiques sont prescrits dans la prise en charge de maladies virales, telles que la grippe ou la rhinopharyngite. Se trouvent aussi dans ces 26% de prescriptions non justifiées les cas d’angines virales. En effet, en fonction de l’âge du patient, 50 à 90% des angines sont virales. Il existe pourtant un test simple et rapide permettant de différencier les angines bactériennes des angines virales, en détectant le Streptocoque A. Malheureusement ces tests ne sont pas utilisés par tous les médecins. Certains vont parfois prescrire des antibiotiques pour une angine sans être sûrs qu’elle soit origine bactérienne. Il apparait donc qu’en France, un antibiotique délivré sur quatre ne devrait pas l’être et va, dans le meilleur des cas, ne rien faire ou bien entraînera des effets indésirables auprès des patients (Afssaps, 2010).
LES DEMANDES SPONTANEES ET LES MESUSAGES
Il est important de prendre en compte que lors de consultations avec le médecin, certains patients vont demander d’eux-mêmes des antibiotiques, et il peut arriver que certains prescripteurs « craquent » sous la pression et prescrivent une antibiothérapie sans réel fondement. Des études ayant pour but de diminuer ces prescriptions injustifiées ont été menées, notamment l’étude PAAIR (Prescription Ambulatoire d’Antibiotiques dans les Infections Respiratoires aigües) (Attali C. et al., 2002) qui met en lumière onze situations critiques pouvant mettre en difficulté le prescripteur :
1. Le patient souhaite des antibiotiques (pression professionnelle, familiale)
2. Le patient fait référence à des expériences passées
3. Le traitement est déjà commencé
4. Le patient se réfère à des épreuves personnelles ou familiales
5. La prescription n’est pas le principal problème de la consultation
6. Plusieurs médecins sont mis en concurrence
7. 2ème ou 3ème contact pour le même motif
8. Le patient parait fatigué ou très fatigué
9. Le malade est perçu fragile, à risque
10. Le médecin doute de l’origine virale de la maladie
11. La conviction du médecin est forte et opposée aux recommandations.
Les mêmes arguments sont malheureusement fréquemment entendus au comptoir des officines. Notre rôle en tant que pharmacien est bien entendu, conjointement avec les prescripteurs, de préciser qu’une ordonnance ne présentant pas d’antibiothérapie n’est pas une mauvaise prescription comme certains patients peuvent le penser. Lors de ces échanges certains patients affirment même avoir déjà commencé un traitement antibiotique d’eux-mêmes. Un travail de thèse en pharmacie (Valentin F., 2012), réalisé auprès de 1400 patients, révèle en effet que l’automédication sans avis médical est pratiquée par près d’un quart des personnes interrogées (24.8%). Sur cette population, la moitié utilise des antibiotiques dans le cadre de cette automédication.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA DELIVRANCE A L’UNITE DES ANTIBIOTIQUES
I La consommation des antibiotiques en France et en Europe
I.1 La situation française
I.2 Le détail de cette consommation en France
I.2.1 Aspect quantitatif
I.2.2 Le plan qualitatif
I.3 La situation européenne
I.4 Les chiffres de l’année 2015
II. La surconsommation d’antibiotiques : les causes et conséquences pour la sécurité sanitaire
II.1 Les causes
II.1.1 Les prescriptions non justifiées
II.1. 2 Les demandes spontanées et les mésusages
II.2 La conséquence principale : l’antibiorésistance
II.2.1 Le principe de l’antibiorésistance et ses facteurs favorisants
II.2.1.1 Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?
II.2.1.2 Quels sont les facteurs entrainant l’antibiorésistance ?
II.2.2 L’antibiorésistance en France et en Europe
III. Les plans d’actions et politiques pour le bon usage des antibiotiques
III.1 Le plan national 2011-2016 d’alerte sur les antibiotiques
III.2 Les plans internationaux
IV. La délivrance unitaire des antibiotiques
IV.1 La mise en place de l’expérimentation
IV.1.1 Le cadre législatif
IV.1.2 Les pharmacies prenant part à l’expérimentation
IV.1.3 La rémunération des officines participantes et le prix de vente des médicaments
IV.2 Le fonctionnement au sein des pharmacies d’officine
IV.2.1 L’inclusion du patient à l’expérimentation
IV.2.2 La délivrance unitaire pas à pas
IV.3 Les premiers retours de l’expérimentation
IV.3.1 Le ressenti des équipes officinales
IV.3.2 L’accueil chez les patients
IV.3.3 Discussion autour de l’expérimentation
DEUXIEME PARTIE : IATROGENIE EN FRANCE ET ATTENTES DES PATIENTS
I Les intérêts et les limites d’une dispensation repensée
I.1 La iatrogénie médicamenteuse
I.1.1 Les types de iatrogénies
I.1.2 La iatrogénie médicamenteuse en France
I.1.3 La symptomatologie des accidents médicamenteux
I.2 Premier exemple : les anti vitamine K
I.2.1 Les médicaments AVK
I.2.2 Mécanisme d’action et pharmacologie des AVK
I.2.3 Le risque hémorragique
I.3 : Deuxième exemple : le zolpidem
I.3.1 La molécule
I.3.2 Mécanisme d’action et pharmacologie du Zolpidem
I.2.3 Effets indésirables du zolpidem
I.2.4 Utilisation détournée et addiction au zolpidem
I.2.5 Les solutions apportées
II. Questionnaire auprès des patients
TROISIEME PARTIE : DISPENSER AUTREMENT : QUELS SONT LES MOYENS MIS A DISPOSITION DES OFFICINES ?
I. Définition de la PDA
II Le cadre juridique français
II.1 La PDA pour les EHPAD
II.2 La PDA pour le patient à domicile
III. Les différents modes de délivrance unitaire
III.1 Les méthodes manuelles
III.1.1 Les piluliers classiques
III.1.2 Les piluliers à usage unique
III.2 Les méthodes semi-automatiques
III.3 Les méthodes automatiques
III.4 Une solution pour chaque pharmacie
IV. Les méthodes utilisées à l’étranger
IV.1 Le modèle Anglais, Américain et Canadien
IV.2 One Dose Pharma
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION
I. La délivrance à l’unité des antibiotiques : quel réel impact ?
I.1 Les avantages de la délivrance unitaire
I.1.1 Valoriser le rôle du pharmacien et la place de l’officine dans le parcours de soin
I.1.2 Vers une amélioration de l’observance et une diminution de l’automédication ?
I.2 Les limites de la délivrance à l’unité des antibiotiques
I.2.1 Le conditionnement des antibiotiques
I.2.2 Quelles économies pour la Sécurité Sociale ?
I.3 Qu’attendre de la délivrance à l’unité ?
II. La PDA, nouvelle mission du pharmacien ?
II.1 Les faiblesses de la PDA
II.1.1 Un cadre juridique flou
II.1.2 La restriction aux formes sèches et celles imposées par le volume des alvéoles
II.1.3 Un acte chronophage non rémunéré
II.2 Les bénéfices potentiels de la PDA
II.2.1 Une amélioration de l’observance chez les populations ciblées
II.2.2 Répondre à l’attente des patients et ancrer le rôle du pharmacien dans le suivi de leur traitement
II.3 La PDA pour le patient à domicile : une mission d’avenir pour le pharmacien ?
CONCLUSION
ANNEXES