La consigne: un enjeu didactique

Lors de mes différents stages, j’ai eu l’opportunité de préparer diverses séances face à des élèves de collège. Ce fut alors l’occasion de me rendre compte à quel point chaque détail avait son importance. Suite aux réflexions menées durant la préparation de ces séances et une fois devant les élèves, je me suis alors aperçue qu’il ne fallait pas simplement une bonne trame pour que la séance se déroule bien, mais qu’il fallait être claire sur le travail demandé.

C’est notamment durant mon premier stage en responsabilité que je me suis rendue compte qu’il fallait énoncer de manière limpide ce que j’attendais des élèves. Face à mon manque de clarté, je voyais émerger beaucoup de questions de leur part. Ainsi, je me suis alors réellement intéressée à la question de la consigne scolaire. A la suite de cette première expérience, je me suis demandée à quoi pourrait bien ressembler une bonne consigne ? Faut-il favoriser une consigne orale ou alors une consigne écrite ? Pourquoi les élèves ne comprennent-ils pas toujours la consigne ? Est-ce un choix, une facilité ou alors une mauvaise interprétation ? La consigne estelle seulement un point d’appui pour les apprentissages ? De plus, même si mes stages se sont déroulés à un niveau collège, je pense que ce questionnement peut se réaliser à tous les niveaux scolaires. Ainsi, je pense que pour préparer une bonne séance, il semble nécessaire de s’attarder sur les choix des documents, le contenu scientifique que l’on souhaite transmettre mais également la manière dont on souhaite le faire. C’est pourquoi, il me semble important de s’attacher à la rédaction des consignes, qu’elles soient orales ou écrites afin d’être le plus clair possible. De cette manière, il me semble alors plus facile pour les apprenants de comprendre la tâche demandée, de comprendre ce que le professeur attend réellement. Suite à cela, les apprenants seront alors dans de bonnes conditions pour s’approprier les savoirs historiques ou géographiques.

La consigne en didactique de l’histoire

Comme l’écrivait Moniot (2005) : « L’enseignement de l’histoire ne vise pas seulement à « transmettre » des énoncés proposés par les historiens qui les ont raisonnablement produits […] il faut assurer en même temps l’apprentissage d’un rapport raisonnable aux énoncés historiques ». Ainsi, c’est cela qui rend possible dans l’histoire scolaire la capacité de développer l’esprit-critique. Afin de nous questionner davantage sur la consigne, il semble important de mettre en avant le lien qui existe entre une consigne et une problématique. En effet, la consigne permet de résoudre un problème historique, soit en résolvant différentes étapes, soit de manière plus globale. Ainsi, nous pouvons constater que l’idée de problématisation apparaît au cours des années 1990 dans le monde de l’enseignement de l’histoire comme une troisième voie entre la tradition scolaire de l’étude de documents et l’histoire telle que la pratique des historiens (Doussot, 2016). La problématisation en histoire comprend des risques. Ainsi, il semble alors nécessaire de fonder toute approche didactique de la problématisation en classe d’histoire sur un cadre théorique solide (Doussot, 2016). L’idée de problématisation constitue une entrée riche pour questionner les recherches en didactique de l’histoire. Elle permet d’abord de s’affranchir de la dichotomie entre pensée historienne et activités de classe pour, au contraire, explorer les rapports que ces deux dimensions entretiennent selon les dispositifs et les savoirs en jeu (Doussot, 2016). De plus, écrire l’histoire nécessite d’avoir une « maîtrise du langage historien », c’est-à-dire d’un genre historien, que l’on peut spécifier comme scolaire, plutôt que la maîtrise de la langue française en soi. (Cariou, 2012). Dans ce langage historien, l’argumentation est présentée comme « la principale pratique langagière en histoire » en ce qu’elle conduit vers la conceptualisation et l’explication, deux aspects qui sont développés par Didier Cariou comme des démarches essentielles de la pensée historienne. On notera aussi que la démarche d’interprétation est évoquée, notamment lorsqu’il s’agit d’adopter des raisonnements par analogie, alors qu’elle est également inhérente à la pensée historienne. Mais cette phase d’interprétation intervient probablement davantage en amont des temps individuels d’écriture, lors du travail sur les documents didactiques durant les cours. Cet élément est notamment mis en avant par ma recherche.

La consigne en classe d’histoire

Face à cette multiplicité de définitions du terme de consigne, je me suis alors tournée vers Jean-Michel Zakhartchouk et son ouvrage Comprendre les énoncés et les consignes de 1999. Selon lui, il y a « consigne et consigne ». En effet, il évoque l’importance de distinguer la finalité d’un travail, l’activité cognitive requise et les consignes intermédiaires parfois très techniques. Il émet également une réflexion sur la quantité de consignes à donner et le degré d’autonomie laissée aux élèves. Selon Zakhartchouk (1999), les professeurs ont tendance à oublier la multiplicité des profils des élèves. Ainsi, certains perçoivent facilement la consigne orale et l’enregistrent instantanément, tandis que d’autres ont besoin de reformulation plus lente voire même d’une écriture de la consigne. Nous pouvons donc comprendre que les élèves passent beaucoup de temps à véritablement « décoder » les attentes du professeur, ce que Jean-Pierre Astolfi a appelé « la pédagogie du sourcil. » dans son ouvrage L’erreur, un outil pour enseigner. Afin de « décoder » au mieux les attentes du professeur, il y a une réelle valorisation du travail en groupe. Ainsi, certains didacticiens abordent le travail en îlots. D’ailleurs, Andriot dans Oser le travail en groupe de 2008 évoque le travail en groupe comme un moyen pour les élèves de palier à des difficultés scientifiques comme l’incompréhension d’une consigne. D’ailleurs, dans son écrit Y-a-t-il un pilote dans la classe ?, Rogalski met en avant les différents rôles que chacun occupe dans un groupe. Cette définition des rôles influence les élèves dans la compréhension de la consigne : le groupe suit le leader. Ainsi, selon Rogalski, le groupe doit résoudre différentes tâches : la tâche redéfinie et la tâche effective. C’est lorsqu’il y a un écart entre ces deux tâches que les élèves n’ont pas bien répondu à la consigne posée par l’enseignant. D’ailleurs, cette réinterprétation de la consigne peut notamment s’expliquer par le fait que les élèves ne donnent pas de sens à ce qu’ils font. Ainsi, Brown dans son ouvrage Mets-toi ça dans la tête !! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives de 2016, évoque l’importance d’aider les élèves à comprendre la façon dont on introduit les points épineux dans le cours et pourquoi.

La théorie et la pratique 

Questions initiales 

Après avoir étudié la question de la consigne par le biais théorique, il m’a semblé alors pertinent de m’intéresser à la consigne sur le terrain. Ainsi, j’ai alors saisi l’occasion de mes stages pratiques pour approfondir ma réflexion sur la consigne. En effet, la consigne m’a toujours paru être quelque chose d’essentiel dans les apprentissages mais pour autant, la consigne m’a toujours paru être quelque chose de difficile à saisir, à transmettre. Ainsi, mes premières expériences sur le terrain m’ont alors convaincu de son utilité mais aussi de sa difficulté à être utilisée. Malgré les différents lieux de stage, il existe une réelle continuité dans ma réflexion concernant la consigne. Mes deux expériences se sont enrichies et ont participé à faire émerger d’autres questionnements. Malgré les différences, je me suis attachée à garder la même méthodologie de récolte des données.

Premières récoltes de données 

Dans le cadre de mon premier stage, j’ai effectué ma recherche au Collège François Rabelais qui se situe dans le quartier de Belle-Beille à Angers. Depuis Septembre 2017, le collège n’est plus considéré comme un réseau d’éducation prioritaire à cause de deux facteurs principaux : la hausse dans les résultats du DNB et de l’arrivée de nombreux collégiens de Saint Clément de la Place. Dans le but de réaliser ma recherche, j’ai décidé d’enregistrer, à l’aide d’un dictaphone, un groupe de travail. Au préalable, ma tutrice de stage m’a donné son accord pour que je puisse enregistrer au sein de sa classe. J’ai enregistré deux phases ; la première enregistre la professeure qui explique la consigne à un élève en particulier, puis la seconde phase consiste à enregistrer un groupe de trois élèves de troisième dans une classe qui est composée de 27 élèves. L’ensemble de mon enregistrement dure 25 minutes et 21 secondes. Afin d’enregistrer leurs échanges, j’ai posé au milieu de leur table mon dictaphone en leur précisant de ne pas y toucher afin de garantir une bonne qualité du son. En effet, le placement de mon dictaphone constituait un enjeu pour ma retranscription étant donné que l’ensemble de la classe travaillait en petits groupes. Ce travail de groupe s’inscrit dans une séance sur le totalitarisme en histoire. Cela concerne le chapitre 2 « Les régimes totalitaires dans les années 1930 » qui s’inscrit de manière plus globale dans le thème 2 «Guerres mondiales et régimes totalitaires (1914-1945). En effet, afin de restituer toutes leurs connaissances, la professeure leur a demandé de réaliser une interview d’un opposant à un régime totalitaire concernant celui de Staline ou d’Hitler. Le groupe que j’ai décidé d’enregistrer, de manière aléatoire, a décidé de travailler sur le régime totalitaire d’Hitler. Ainsi, afin de construire leur interview les élèves doivent être capables de restituer le vocabulaire et la chronologie étudiés en classe. L’ensemble de ce travail devait être réalisé en une heure voire en une heure et demi pour les groupes les plus lents, puis faisait l’objet d’un oral évalué devant la classe.

Seconde récoltes de données 

Dans le cadre de mon second stage, j’ai effectué ma recherche au collège Chevreul qui se situe dans le centre-ville Angers. C’est un collège qui accueille un public plutôt favorisé mais divers. En effet, le collège Chevreul possède une classe UPE2A et une classe ULIS. Dans le but de réaliser ma recherche, j’ai décidé d’enregistrer, à l’aide d’un dictaphone, une séance d’une heure. Au préalable, mon tuteur de stage m’a donné son accord pour que je puisse enregistrer au sein de sa classe. De plus, il a notamment pris le temps de bien le répéter au début de la séance concernée afin de ne pas piéger les élèves. J’ai enregistré une séance dans une classe de troisième composée de 24 élèves. L’ensemble de mon enregistrement dure 51 minutes 40.

Afin d’enregistrer les échanges entre le professeur et le tuteur, j’ai posé au milieu de ma table au fond de la classe, mon dictaphone en faisant attention de ne pas y toucher afin de garantir une bonne qualité du son. En effet, le placement de mon dictaphone constituait un enjeu pour ma retranscription. Ce travail de groupe s’inscrit dans une séance sur le totalitarisme en histoire. Cela concerne le chapitre 2 « Les régimes totalitaires dans les années 1930 » qui s’inscrit de manière plus globale dans le thème 2 « Guerres mondiales et régimes totalitaires (1914-1945). En effet, dans le but de les préparer à l’épreuve orale du DNB, mon tuteur a souhaité les sensibiliser à l’histoire de l’art. C’est pourquoi, il a décidé de faire un travail comparatif entre un film de propagande Le triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl et Le Dictateur de Charlie Chaplin, film satirique. La séance enregistrée porte sur le second travail. L’intérêt de ce travail permettait aux élèves de revoir certaines notions comme le culte de la personnalité ou encore d’éveiller leur esprit-critique concernant un extrait d’un film. Il semble nécessaire de mettre en avant le fait que le second extrait porte sur un film satirique, l’enjeu de ce film est donc multiple au vu de son genre. Malgré des consignes préétablies dans le cadre de la seconde année de master, je n’ai pas pu m’enregistrer. En effet, ayant déjà eu la projection de mon stage, je ne pouvais être face à une classe que durant le stage massé qui intervient du 28 Janvier au 8 Février. Ainsi, d’un point de vue du temps, je ne pouvais me permettre d’attendre pour poursuivre mon questionnement sur la consigne. C’est pourquoi, avec l’accord de ma directrice de mémoire et de mon maître de stage, j’ai pu alors enregistrer mon tuteur afin d’avoir une base de travail pour cet écrit. Enfin, l’ensemble de ces stages permettent une continuité dans ma réflexion car les deux enregistrements concernent l’étude du même thème dans une classe de même niveau.

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Table des matières

Introduction
1. Le cadre théorique et méthodologique
A. La consigne en didactique de l’histoire
B. La consigne en classe d’histoire
C. La théorie et la pratique
Questions initiales
Première récoltes de données
Seconde récolte de données
2. La consigne et la réinterprétation : enjeux didactiques
A. Le travail en groupe : un outil de construction des savoirs
en histoire
Utilisation du langage oral
Hiérarchie au sein d’un groupe de travail
B. La consigne : objet d’appropriation en histoire
Le vocabulaire en histoire
Les concepts en histoire
Les erreurs en histoire
3. La consigne : moyen de cadrer la réflexion historique des élèves
A. Le temps de la consigne
Différents types de consignes
Moment choisi de la consigne
Travail de l’enseignant
B. Le groupe classe : force d’analyse de la consigne
Décortiquer la consigne
Un contrat autour du vocabulaire
Les erreurs à valoriser en classe d’histoire
Limites de la recherche
Conclusion
Discussion
Bibliographie
Annexes
Résumé

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