La conservation et la restauration des communautés de poissons de rivière

La diversité biologique, un enjeu essentiel du développement durable, fortement altérée à l’échelle globale

   La diversité biologique, ou biodiversité, telle que définie par la Convention sur la Diversité Biologique, désigne la variété et la variabilité des organismes vivants et des complexes écologiques dont ils font partie, ce qui englobe la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celles des écosystèmes (Hambler & Canney, 2013). Le lien entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes a fait l’objet d’un grand nombre d’études (e.g. Loreau et al., 2001 ; Symstad et al., 2003), qui ont notamment mis en évidence les nombreux services essentiels rendus par la biodiversité aux populations humaines (i.e. services écosystémiques) (Balvanera et al., 2006 ; Cardinale et al., 2012). Cependant, de multiples facteurs affectent de manière substantielle la biodiversité à travers le monde, les principaux étant la modification des paysages due aux changements dans les pratiques agricoles et forestières et au développement urbain, ainsi que les changements climatiques (Millennium Ecosystem Assessment, 2005 ; Lee & Jetz, 2008). Les conséquences de l’altération globale de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes et leurs répercussions sur les activités humaines restent encore à préciser, mais on estime que la plupart des services écosystémiques sont d’ores et déjà considérablement affectés (Chapin et al., 2000 ; Hooper et al., 2012 ; Naeem et al., 2012 ; Dirzo et al., 2014). L’érosion actuelle de la biodiversité est sans précédent dans l’histoire de l’humanité, avec un taux d’extinction des espèces jusqu’à mille fois supérieur à ce qui a pu être estimé sur les derniers millions d’années (Barnosky et al., 2011 ; Pimm et al., 2014), et une amplification de ce phénomène est attendu dans les décennies à venir (Sala et al., 2000 ; Thomas et al., 2004 ; Pereira et al., 2010). De plus, de nombreuses espèces restent encore à découvrir (Mora et al., 2011), ce qui implique que ces chiffres sont probablement sousestimés et qu’une partie de ces espèces aura peut-être disparu avant d’être décrite (Costello et al., 2013). La mise en place de mesures de gestion efficaces pour lutter contre l’érosion de la biodiversité est par conséquent urgente (Butchart et al., 2010 ; Barnosky et al., 2011 ; Dirzo et al., 2014).

La conservation et la restauration des écosystèmes

   La gestion efficace et durable des milieux naturels représente la solution la plus à même d’atténuer significativement l’érosion globale de la biodiversité (Sala et al., 2000 ; Butchard et al., 2010). Les structures en charge de la protection des écosystèmes peuvent généralement mettre en œuvre deux types de stratégie de gestion : (i) la mise en place de mesures de conservation (e.g. création de réserves naturelles) et (ii) la restauration des écosystèmes (Figure 1.3) (Dobson et al., 1997 ; Young, 2000 ; Laffaille & Brosse, 2011 ; (Hobbs & Harris, 2001 ; Rey Benayas et al., 2009). La restauration ou la réhabilitation de ces écosystèmes dégradés a alors pour objectif d’en améliorer l’état écologique, et si possible d’en rétablir les caractéristiques biologiques originelles (Aronson et al., 1993 ; Young, 2000). L’efficacité des mesures de gestion et la manière de la quantifier continuent d’être débattues par la communauté scientifique (e.g. Bernhardt et al., 2005 ; Jähnig et al., 2011 ; Laffaille & Brosse, 2011 ; Sodhi et al., 2011). Les imprécisions des méthodes visant à déterminer où et comment ces mesures doivent être mises en place et le manque d’études couplant des suivis pré- et post-restauration ont souvent été reconnus comme les principales raisons de leur non-succès (Palmer et al., 2010 ; Feld et al., 2011 ; Hermoso et al., 2012 ; Morandi et al., 2014). La restauration d’écosystèmes trop fortement dégradés, ou dont le potentiel de restauration a été initialement mal évalué, figure souvent parmi les causes de ces échecs (Beechie et al., 2010). Pour limiter ce risque d’échec, un certain nombre de principes a émergé de la littérature. Par exemple, la conservation des écosystèmes pas ou peu dégradés doit rester prioritaire, étant donné qu’il est beaucoup plus coûteux et complexe de restaurer un écosystème perturbé que de le préserver avant sa détérioration (Young, 2000 ; Hambler & Canney, 2013). De plus, la probabilité de restaurer de manière effective le fonctionnement d’un écosystème est positivement corrélée à son état écologique initial (Noss et al., 2009). Il existe ainsi différents compromis entre actions de conservation et actions de restauration qu’il est nécessaire de considérer lors de la planification des mesures de gestion (Figure 1.4).

Les particularités de la gestion des milieux aquatiques continentaux

   A l’échelle du bassin versant, le réseau hydrographique se compose d’un ensemble hiérarchisé de tronçons linéaires (i.e. réseau dendritique) (Wiens, 2002). Cette structure arborescente, qui se retrouve aussi dans d’autres systèmes naturels (e.g. haies, corridors forestiers), restreint fortement la distribution et la dispersion des espèces à l’échelle du paysage (Erős et al., 2012 ; Peterson et al., 2013). De plus, les réseaux hydrographiques ne sont naturellement pas connectés entre bassins versants, même s’ils ont pu l’être quand le niveau des océans était plus bas (Dias et al., 2014), et qu’à l’heure actuelle des éléments artificiels, tels que les canaux de navigation, peuvent amoindrir leur isolement (Grant et al., 2012). Les pressions s’exerçant sur les écosystèmes aquatiques sont amplifiées par la structure dendritique et l’écoulement unidirectionnel propres aux réseaux hydrographiques (Dudgeon et al., 2006 ; Friberg, 2010 ; McCluney et al., 2014). Ceci est notamment vrai pour les perturbations liées aux pollutions dites diffuses (e.g. épandage de pesticides dans les champs se retrouvant ensuite dans les rivières) et aux invasions biologiques, qui sont facilitées par l’effet de « corridor » naturel des rivières (Ward, 1998 ; Galil et al., 2007 ; Darwall et al., 2009). De plus, la gestion des milieux aquatiques continentaux est rendue particulièrement complexe du fait qu’une perturbation (e.g. pollution chimique) peut affecter l’ensemble des cours d’eau situés en aval (Dudgeon et al., 2006 ; Vörösmarty et al., 2010). Deux types d’approches existent pour la gestion des hydrosystèmes (qui peuvent aussi s’appliquer à la gestion de tous les milieux naturels) : les actions réactives et les actions proactives (Palmer et al., 2008, 2009). La première approche vise à atténuer les conséquences locales des perturbations (e.g. décolmatage du lit d’une rivière). La seconde approche cherche en revanche à supprimer la source des perturbations (e.g. replantation d’une ripisylve au niveau de berges soumises à de l’érosion, pour les stabiliser et ainsi éviter le colmatage du lit de la rivière en aval). Les mesures proactives sont généralement préférables aux mesures réactives, car elles peuvent apporter des solutions permettant d’atténuer plus durablement les perturbations (Lake et al., 2007 ; Beechie et al., 2010). Cependant, il n’est pas toujours possible de mettre en place des actions proactives, en particulier pour lutter contre les pollutions diffuses liées à l’agriculture, auquel cas les actions réactives restent la seule solution efficace (Palmer et al., 2009). La complexité de la protection des écosystèmes aquatiques continentaux a fait l’objet de nombreuses études, toutes relativement récentes (e.g. Abell et al., 2007 ; Moilanen et al., 2008 ; Roux et al., 2008 ; Nel et al., 2009b ; Collier, 2011 ; Linke et al., 2011). Ces études ont notamment souligné que la dynamique naturelle des cours d’eau, leur connectivité et les importants déplacements d’espèces rendent difficile la conservation effective des hydrosystèmes. Ce sont les raisons pour lesquelles la plupart des réserves naturelles actuelles, qui ont le plus souvent été mises en place afin de protéger la biodiversité des écosystèmes terrestres (Nel et al., 2007), s’avèrent très peu efficaces et adaptées à la protection des écosystèmes aquatiques (Saunders et al., 2002 ; Abell et al., 2007 ; Amis et al., 2009 ; Nel et al., 2009a ; Chessman, 2013). Pourtant, à la vue de la sévérité et de l’intensification des menaces s’exerçant sur les hydrosystèmes, ainsi que de la vulnérabilité des espèces qu’ils accueillent, la mise en place de réserves naturelles dédiées à la protection des milieux aquatiques constitue un défi majeur pour la gestion durable de la biodiversité (Abell, 2002 ; Roux et al., 2008 ; Moss et al., 2009 ; Collier, 2011 ; Nel et al., 2011).

Diversité taxonomique

   La diversité taxonomique des assemblages est évaluée sur la base de la classification scientifique des espèces. Trois indices ont été retenus pour décrire cette facette de la diversité :
 La richesse en espèces de l’assemblage (Species Richness, SR), qui est l’évaluation de la diversité biologique la plus couramment utilisée en écologie (Gotelli & Colwell, 2001), notamment pour étudier le fonctionnement des écosystèmes (e.g. Symstad et al., 2003), analyser les patrons de distribution d’espèces à large échelle (e.g. Collen et al., 2014), évaluer les impacts anthropiques sur les milieux naturels (e.g. Chamberlain & Fuller, 2000), ou encore identifier les zones à protéger en priorité (e.g. Trebilco et al., 2011). Une richesse spécifique élevée traduit potentiellement une grande diversité d’habitats et de ressources qu’il est important de protéger (May, 1988 ; Heino, 2002).
 La rareté moyenne des espèces présentes dans l’assemblage, calculée au moyen d’un indice de rareté basé sur l’occurrence moyenne des différentes espèces (diversité α) à l’échelle de la région étudiée (Rarity Index α, RIα) (Kerr, 1997 ; Fattorini, 2006). Une espèce faiblement présente (i.e. rare) est potentiellement vulnérable, étant donné que, dans ce cas, la disparition locale d’une population peut impliquer l’extinction de l’espèce à l’échelle régionale, nationale, voire mondiale (Davies et al., 2000 ; Fattorini, 2014). Ainsi, une forte concentration locale d’espèces rares représente un fort intérêt de conservation pour la zone concernée (Fattorini et al., 2012 ; Toledo et al., 2014).
 La rareté de l’assemblage d’espèces (Rarity Index β, RIβ) par rapport aux autres assemblages présents dans la région étudiée (diversité β) (article P2). Pour le calcul de cet indice, j’ai utilisé la distance de Bray-Curtis (Bray & Curtis, 1957), qui est une mesure de dissimilarité. Celle-ci a d’abord été calculée entre toutes les paires d’assemblages. Pour chaque assemblage, les valeurs de dissimilarité obtenues par comparaison avec tous les autres assemblages ont ensuite été moyennées afin d’obtenir une unique valeur traduisant l’originalité en termes de composition d’espèces de l’assemblage considéré. Ainsi, un assemblage ayant une forte valeur d’indice RIβ est probablement composé d’espèces que l’on ne retrouve pas fréquemment ensemble, marquant potentiellement des caractéristiques biotiques et/ou abiotiques locales originales, qu’il peut être important de préserver (Kanno et al., 2012).

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Table des matières

Chapitre 1 – Introduction
1.1. Erosion de la biodiversité et impacts anthropiques en eau douce
1.1.1. La diversité biologique, un enjeu essentiel du développement durable, fortement altérée à l’échelle globale
1.1.2. Les écosystèmes aquatiques continentaux, des milieux particulièrement fragiles
1.2. La gestion des milieux naturels et des hydrosystèmes continentaux 
1.2.1. La conservation et la restauration des écosystèmes
1.2.2. Les enjeux de la gestion durable des écosystèmes face aux changements globaux
1.2.3. Les particularités de la gestion des milieux aquatiques continentaux
1.3. Les approches permettant d’identifier les actions prioritaires pour la gestion des milieux naturels
1.3.1. Bref historique de la planification de la conservation
1.3.2. Les méthodes de notation
1.3.3. Les méthodes basées sur la complémentarité
1.3.4. Comparaison et combinaison de ces deux types de méthodes
1.4. Objectifs de la thèse et organisation du mémoire
Chapitre 2 – Modélisation de la distribution spatiale des espèces de poissons 
2.1. Problématique
2.2. Données de l’ichtyofaune
2.3. Données environnementales
2.4. Méthodes statistiques utilisées pour modéliser la distribution spatiale des espèces
Chapitre 3 – Développement d’une approche multi-facettes de la diversité 
3.1. Problématique
3.2. Définition des facettes de la diversité et des indices considérés
3.2.1. Diversité taxonomique
3.2.2. Diversité fonctionnelle
3.2.3. Intérêt patrimonial
3.2.4. Intérêt socio-économique
3.2.5. Synthèse des indices et facettes de la diversité considérés
3.3. Evaluation des indices et des facettes de la diversité à l’échelle française
3.3.1. Présentation du cas d’étude
3.3.2. Calcul des indices et des facettes
3.3.3. Redondance entre les indices et entre les facettes
Chapitre 4 – Comparaison de méthodes de priorisation multi objectifs et application à la planification de la conservation
4.1. Problématique
4.2. Présentation des méthodes de priorisation multi-objectifs étudiées
4.3. Comparaisons empirique et théorique des méthodes de priorisation multiobjectifs
Chapitre 5 – Durabilité des priorités de conservation face aux changements globaux
5.1. Problématique
5.2. Modélisation de la distribution spatiale future potentielle des espèces
5.3. Modifications futures potentielles des différentes facettes de la diversité des assemblages de poissons
5.4. Comparaison des priorités de conservation actuelles et futures
5.5. Evaluation de la durabilité des priorités de conservation actuelles
Chapitre 6 – Priorités de conservation et de restauration : application aux assemblages de poissons du réseau hydrographique du Pas-de-Calais
6.1. Problématique
6.2. Approche d’hindcasting : principe et application à deux scénarios de restauration
6.2.1. Contexte local et données utilisées
6.2.2. Utilisation d’une approche d’hindcasting pour modéliser la distribution spatiale des espèces de poissons avant perturbation
6.3. Priorisation des mesures de gestion à l’échelle du département du Pas-de-Calais 
6.4. Développement d’un outil d’aide à la décision
Chapitre 7 – Conclusions et perspectives
7.1. Conclusions générales
7.2. Perspectives et améliorations possibles
7.2.1. Prendre en compte d’autres facettes de la diversité
7.2.2. Améliorer l’évaluation de la composition des assemblages d’espèces
7.2.3. Tenir compte des coûts de mise en place des mesures de gestion dans la priorisation
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