La Consécration légale autorisant l’exercice de la chirurgie esthétique

La Consécration légale autorisant l’exercice de la chirurgie esthétique

Quelques années plus tard, dans le cadre des lois de bioéthique, le fondement juridique permettant l’atteinte au corps humain en médecine a été modifié.  Puis la chirurgie esthétique a fait l’objet d’un encadrement légal par la loi du 4 mars 2002 dont les dispositions sont désormais inscrites dans le Code de la Santé Publique aux articles L6322-1, 2 et 3. La loi HPST du 21 juillet 2009 est venue compléter cet encadrement législatif  afin de soumettre l’exercice de la chirurgie esthétique à des règles plus rigoureuses.

L’atteinte au corps humain légalement consacrée

Les premières lois bioéthiques du 29 juillet 1994 ont apporté deux ajouts remarquables au Code civil, d’une part, elles ont consacré à l’article 16-1 le principe d’inviolabilité du corps humain et d’autre part, elles ont autorisé son atteinte en cas de « nécessité thérapeutique pour la personne » à l’article 13-6 du Code Civil.

La jurisprudence a immédiatement fait application de ce principe afin de condamner des médecins qui avaient réalisé des opérations ou des traitements, avec l’accord du patient, mais qui ne présentaient pas pour ce dernier d’intérêt thérapeutique. Ainsi, dans un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 3 mars 200020, un chirurgien a été condamné pour avoir pratiqué une stérilisation sur une jeune femme alors qu’il n’y avait pas d’urgence ou de nécessité absolue.

Par cette notion de « nécessité thérapeutique », il faut entendre tout ce qui est nécessaire pour diagnostiquer, soigner ou prévenir une pathologie. Les termes employés renvoient donc au traitement d’une maladie, or, l’aspect psychologique mis de côté, la modification du corps dans un but de rectification de l’aspect physique est totalement dépourvue de nécessité thérapeutique. C’est la raison pour laquelle les juridictions éprouvaient de grandes difficultés à légitimer un tel acte chirurgical. Il n’existait, en effet, aucun fondement juridique autorisant à améliorer l’aspect physique d’une personne par une intervention chirurgicale, même avec son consentement.

L’encadrement législatif de la pratique de la chirurgie esthétique

La première réflexion à propos de l’encadrement de la pratique de la chirurgie esthétique a été lancée dans le cadre d’un arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique imposant aux chirurgiens une totale transparence tant sur le prix de l’opération que sur l’intervention en elle-même. L’objectif était donc de mieux renseigner le patient sur l’acte de chirurgie esthétique en rendant le praticien débiteur d’une obligation d’information. Une telle obligation se retrouvait en matière de droit de la consommation et à ce titre, le patient était considéré comme un véritable « consommateur de soin ». Cependant, l’arrêté n’a apporté aucune précision quant aux autres obligations du chirurgien permettant de mieux encadrer l’exercice de la spécialité. Un rapport du Conseil National de la Consommation sur l’information du consommateur dans le secteur de l’esthétique médico-chirurgical a été publié peu après invitant le législateur a donner un cadre légal à l’activité emprunt de zone d’ombre.

Le législateur a suivi cette recommandation, donnant un cadre légal à la spécialité par la loi du 4 mars 2002 dont les dispositions sont inscrites dans le Code de la Santé Publique aux articles L6322-1, -2 et -3. Elles ont ensuite été complétées par un décret d’application codifié aux articles R.6322-1 à 48 du même code prévoyant notamment les règles relatives à l’installation du chirurgien esthétique. La loi a d’une part a d’une part renforcé l’obligation d’information qui pèse sur lui et a prévu des sanctions en cas de violation des dispositions légales. La loi portant réforme de réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) du 21 juillet 2009 a complété les dispositions de la loi de 2002 et a inséré un titre spécifique concernant la « prévention des risques liés à certaines activités de diagnostic, thérapeutique ou esthétique » aux articles L.1151-1 à -3 du code de la Santé Publique.

La chirurgie esthétique : une pratique controversée conduisant à des dérives

Si la pratique de chirurgie esthétique et plastique ne souffre désormais d’aucune interdiction malgré l’absence de but proprement thérapeutique, elle peut pleinement se développer.

Pourtant, il n’en reste pas moins que sa pratique reste controversée. A une époque du culte de la beauté, il existe de plus en plus de techniques diverses et variées qui ont un seul objectif commun : permettre aux patients d’accéder à un idéal de beauté. Chacun s’accorde à dire que dans le cas d’une intervention visant à corriger une malformation, un défaut physique gênant ou simplement à satisfaire la propre image que l’on a de soi, le recours à la chirurgie peut se concevoir. Cependant, il existe parfois des excès, notamment chez les patients qui finissent par se comporter comme de véritables consommateurs de chirurgie esthétique. En effet, après le succès de une ou plusieurs opérations ils ne parviennent plus à s’arrêter et les chirurgiens, loin de les dissuader continuent d’accéder à leur désirs. Le site de la Société Française des Chirurgiens Esthétiques plasticiens liste pas moins de vingt interventions possibles au niveau de toutes les parties du corps y compris du dos, uniquement destinées à corriger l’aspect de chaque zone et propose également quatre traitements adjuvants parmi lesquels figure le Botox. De quoi donner le choix à ces patients consommateurs ! Mais les plus grands consommateurs de chirurgie esthétique ne sont pas les français, selon une étude réalisée en 2002, ce sont les Etats-Unis qui se placent en première position, loin devant les autres Etats du monde .

En effet, il semble que les américains pratiquent la chirurgie esthétique sans limites. Une femme est allée jusqu’à demander à son chirurgien de l’opérer au niveau du visage afin qu’elle ait l’apparence d’un chat. Le médecin s’est exécuté. Une jeune ukrainienne a décidé de subir plusieurs opérations de chirurgie esthétique et l’ablation de deux côtes afin de se rapprocher de l’aspect physique d’une poupée Barbie grandeur nature.

L’application du principe général de responsabilité pour faute en matière de chirurgie esthétique

Comme l’a énoncé l’arrêt MERCIER en 1936, le médecin est tenu d’une obligation de moyen dans l’exercice de son art ce qui signifie qu’il ne peut engager sa responsabilité sur la seule constatation que le résultat recherché n’est pas atteint, mais qu’à la condition d’avoir commis une faute. En effet, imposer une obligation de résultat au médecin n’aurait pas de sens car tout acte médical comporte en lui même un aléa, la médecine n’étant pas une science exacte.

Depuis la loi du 4 mars 2002, les règles de la responsabilité médicale sont inscrites dans le code de la santé publique. Elles s’appliquent aussi bien en droit privé par exemple dans le cas d’un médecin exerçant en libéral qu’en droit administratif s’il est question d’un établissement public de soin. Si d’un point de vue procédural, les juridictions compétentes ne sont pas les mêmes, le régime de responsabilité médicale est fondé sur la faute que le praticien exerce dans une structure privée, publique ou en libéral. Avant 2002, un débat existant sur la nature de la responsabilité. Elle dépendait en réalité de la nature du lien qui unissait le patient victime au professionnel de santé. La jurisprudence s’accordait en partie pour reconnaître l’existence d’un « contrat médical » entre le médecin et son patient consacrant ainsi une responsabilité contractuelle fondée sur l’article 1147 du code civil. La loi Kouchner a rompu avec cette responsabilité contractuelle classique pour poser le principe d’une responsabilité légale autonome professionnelle appliqué de façon constante par la Cour de Cassation depuis un arrêt du 28 janvier 2010. S’agissant de l’obligation de soin, l’article L1142-1 du code de la santé publique énonce : « les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».

La responsabilité pénale des chirurgiens esthétiques

Le médecin qui n’agit pas conformément à sa déontologie et se rend coupable d’une infraction pénale peut être poursuivi et condamné. Certaines infractions de droit pénal général vont s’appliquer aux médecins en l’absence de fait justificatif. A côté de ces infractions générales, existent des infractions spéciales qui vont, soit venir punir la contrariété du médecin à l’un de ses devoirs, soit vont empêcher l’exercice de la profession à des charlatans .

Les fautes pénales générales en l’absence de fait justificatif

De tous temps, il y a eu des sanctions pénales contre les médecins maladroits ou incompétents. On a une trace dès le Code d’Hammourabi dans lequel la sanction était simple : on estimait que le médecin qui, par son mauvais geste, avait entrainé la mort du patient devait avoir la main coupée. Le second code est celui des Egyptiens qui prévoyait des sanctions pénales telles que des coups de fouets ou des interdictions d’exercer en maintenant le médecin dans une sorte de prison. Aujourd’hui, le mauvais geste maladroit ou volontaire du médecin va être puni selon des règles de droit pénal général. Cinq infractions vont principalement concerner la matière médicale.

La première d’entre elle est inscrite à l’article 221-5 du code pénal, il s’agit de l’empoisonnement défini comme « le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort ». Cette infraction concerne étroitement le domaine de la médecine puisque les médecins peuvent être régulièrement amenés à administrer des substances à leurs patients. Ainsi, le praticien qui va faire ingérer à son patient une substance mortifère pourra se voir condamné du chef d’empoisonnement à condition qu’il ait eu connaissance du pouvoir mortifère de la substance et ait eu la volonté de tuer sa victime, l’infraction étant une infraction volontaire. Cette infraction aurait par exemple pu être retenue à l’égard de l’affaire du sang contaminé. Mais des questions se sont posées au regard des éléments constitutifs de l’infraction et notamment de l’emploi ou l’administration. Une autre infraction, proche de l’empoisonnement peut concerner l’exercice de la médecine, il s’agit de l’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui prévu à l’article 222-15 du Code pénal.

Les fautes pénales spéciales propres à la matière médicale

L’article L.4161-1 alinéa 1er du code de la santé publique prévoit l’infraction pénal d’exercice illégal de la médecine : exerce illégalement la médecine toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d’un médecin, à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tout autre procédé quel qu’il soit, sans être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre exigé pour l’exercice de la profession de médecin. La pratique de la chirurgie esthétique est bien un exercice de la médecine, même s’il n’y a pas d’objectif thérapeutique à proprement parler.

Pourtant, la jurisprudence a, durant une certaine période hésité quand à l’application de cet article s’agissant de certains procédés quelque peu éloignés de la médecine « traditionnelle ». Ainsi en est-il de l’épilation au laser, dans un arrêt du 8 janvier 2008, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a affirmé que l’utilisation d’un laser par un non médecin, même à des fins esthétiques constitue une exercice illégal de la médecine. Pour le reste, la chirurgie esthétique est bien une discipline médicale, qui suppose un diplôme de médecin mais aussi de spécialiste en la matière. La personne qui ne respecte pas les conditions d’exercice de cette profession et pratique des actes de chirurgie esthétique s’expose donc à des poursuites pénales pour exercice illégal de la médecine. L’exercice de la médecine va également être protégé par le secret professionnel dont la violation est un délit pénal, prévu à l’article 226-13 du Code pénal. Si cette infraction concerne aussi d’autres professions (notaires, avocats) le respect du secret médical est inhérent à l’exercice de la médecine et fait partie des devoirs déontologiques du médecin (article 4 du code de déontologie). Le secret médical c’est en effet la pierre angulaire de la matière médicale, selon l’adage, il n’y a pas de soins sans confidence, pas de confidence sans confiance et pas de confiance sans secret.

Le devoir de conseil du chirurgien plasticien par l’évaluation du bénéfice/risque

Le chirurgien plasticien, a non seulement le devoir d’informer son patient de l’ensemble des risques qui entourent l’opération, mais son obligation va plus loin. Il doit également conseiller son patient sur l’opportunité de réaliser le geste chirurgical en lui-même. Très souvent, le patient qui se rend chez le chirurgien esthétique en vue d’obtenir la correction d’une particularité esthétique a une vision déformée de la réalité. Le premier rôle du chirurgien, comme celui de tout médecin est de rassurer et même de rationnaliser son patient si sa demande paraît injustifiée, erronée voire excessive. Même si le geste chirurgicale à visée purement esthétique est autorisé par la loi, il n’en reste pas moins que l’intérêt thérapeutique est bien absent, or, toute opération quelle qu’elle soit n’est pas dépourvue de risque. Une infection est toujours possible, l’anesthésie n’est jamais sans risque et le geste le plus simple peut entrainer une complication. Le rôle du chirurgien est donc de résonner son patient si la demande n’est pas justifiée ou disproportionnée par rapport aux risques qu’il encourt. Cette obligation de conseil est présente dans les autres spécialités médicales, mais elle prend un contour particulier dans le domaine de la chirurgie esthétique car le conseil présente une nature subjective. Le chirurgien doit apprécier l’état psychologique du patient et l’importance de la correction à apporter, il engagera sa responsabilité s’il cède au caprice du patient.

Le juge civil veille à ce que le chirurgien plasticien respecte cette exigence de proportionnalité entre les risques ou conséquences prévisibles de l’acte à visée esthétique d’une part et les avantages escomptés au regard du désir du patient d’autre part. Plusieurs arrêts, dont l’arrêt Calou de 1920 ont condamné le chirurgien plasticien estimant qu’il aurait dû refuser de réaliser l’opération au regard du risque pris par le patient par rapport au bénéfice escompté. Le juge n’hésitait donc pas à prendre la place du médecin pour apprécier de l’opportunité de l’opération en affirmant que le médecin « avait le devoir de refuser son concours ».

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Table des matières

CHAPITRE I. LES SPECIFICITES DE LA CHIRURGIE ESTHETIQUE AU REGARDE DE LA MORALE ET LEUR JUSTIFICATION LEGALE 
Section 1. Une atteinte à l’intégrité du corps humain ayant pour seul objectif une rectification de l’apparence physique
I. Les dérogations au principe d’indisponibilité du corps humain justifiées par l’intérêt thérapeutique
A. L’absence d’intérêt thérapeutique en matière de chirurgie esthétique
B. Les hésitations jurisprudentielles
II. La Consécration légale autorisant l’exercice de la chirurgie esthétique
A. L’atteinte au corps humain légalement consacrée
B. L’encadrement législatif de la pratique de la chirurgie esthétique
Section 2. Les limites liées à la pratique de la chirurgie esthétiques : un art réservé aux médecins inscrits au tableau sous cette spécialité
I. Le principe général d’inscription au tableau
A. L’obligation d’inscription au tableau sanctionnée par une responsabilité disciplinaire
B. L’application particulière du principe d’Omnivalence du diplôme et de la liberté thérapeutique en matière de chirurgie esthétique
II. Les évolutions spécifiques en matière de chirurgie esthétique
A. La chirurgie esthétique : une pratique controversée conduisant à des dérives
B. Le décret du 11 juillet 2005 sur l’installation
CHAPITRE II. LE REGIME PARTICULIER DE LA PRATIQUE DE LA CHIRURGIE ESTHETIQUE
Section 1. Les règles communes de responsabilité applicables à la chirurgie esthétique 
I. La responsabilité civile et administrative classique, fondée sur l’existence d’une faute
A. L’application du principe général de responsabilité pour faute en matière de chirurgie esthétique
B. La typologie des fautes
1. La faute technique
2. L’obligation d’information et de conseil du médecin
II. La responsabilité pénale des chirurgiens esthétiques
A. Les fautes pénales générales en l’absence de fait justificatif
B. Les fautes pénales spéciales propres à la matière médicale
Section 2. Les règles spécifiques à l’exercice de la chirurgie esthétique
I. L’obligation d’information renforcée et l’évaluation de l’opportunité de l’opération de chirurgie esthétique
A. Des précédents jurisprudentiels à la consécration légale du principe d’obligation d’information exhaustive
1. La sévérité du droit prétorien imposant aux chirurgiens esthétiques une obligation d’information renforcée
2. La consécration légale de l’obligation d’information renforcée du chirurgien esthétique par la loi du 4 mars 2002
B. Le devoir de conseil du chirurgien plasticien par l’évaluation du bénéfice/risque
II. Les autres spécificités liées à la pratique de la chirurgie esthétique
A. Le résultat esthétique attendu
B. L’obligation de suivi postopératoire
CHAPITRE III. L’INDEMNISATION DES PATIENTS VICTIMES D’ACTES A VISEE ESTHETIQUE
Section 1. Les moyens d’action
I. Les procédures alternatives de règlement des litiges en matière de responsabilité médicale
A. La transaction amiable avec l’assureur du responsable
B. La procédure devant les CCI (CRCI)
II. La procédure contentieuse
A. Compétence matérielle et compétence territoriale
B. Le référé expertise et l’action au fond
Section 2. Des difficultés pratiques empêchant l’indemnisation des patients victimes
I. Un dommage provenant d’un accident médical non fautif (aléa thérapeutique)
A. La difficulté dans l’établissement de la preuve du geste chirurgical fautif
B. Le renforcement récent de la position de la Cour de Cassation sur la preuve de l’existence d’un l’aléa thérapeutique
II. Une responsabilité personnelle du chirurgien plasticien limitée
A. La remise préalable d’un formulaire détaillé sur les risques inhérents à l’opération
B. L’immunité du chirurgien plasticien salarié exerçant dans une clinique privée ou du fonctionnaire d’un établissement public de santé

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