La congestion et ses conséquences
Depuis la démocratisation de l’automobile, la demande en déplacement n’a pas cessé de croître. L’étalement urbain est en grande partie responsable de l’augmentation du trafic routier dans les villes et leurs périphéries. Concernant le réseau routier inter-urbain, le trafic de marchandise a subi une augmentation considérable en raison de la liberté des échanges au sein de l’Union Européenne. Le rapport de 2016 de DATALAB concernant « Les infrastructures linéaires de transport : évolution depuis 25 ans » [108] annonce une augmentation de 39.3% de la circulation routière entre 1990 et 2015 toutes catégories de véhicules confondue. Durant le même temps, l’augmentation du linéaire routier était de 15.9%. On assiste donc à une croissance à deux vitesses entre la mobilité et les infrastructures routières. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande est à l’origine de la dégradation des conditions de circulation sur l’ensemble du réseau routier urbain ou inter-urbain.
Les chiffres précédents montrent des tendances générales. Cependant, les phénomènes de congestion sont plus ou moins marqués en fonction des situations. Au quotidien, le trafic pendulaire entre des zones urbaines (bassins d’emplois) et en périphérie des villes (abondance de zones d’habitations) cause des ralentissements en périphérie et à l’intérieur des grands centres urbains. De manière régulière mais à plus basse fréquence, durant les périodes de vacances, le trafic s’intensifie particulièrement entre les grandes agglomérations (forte concentration d’habitations) et les zones à fort attrait touristique (littoral, montagne, …). L’exemple le plus parlant est le « chassé-croisé » du dernier week-end de juillet. Lors d’événements exceptionnels (expositions, concerts, manifestations sportives, etc), le trafic routier est intense autour des zones concernées.
Les congestions ont des conséquences pour les usagers. En effet, les congestions sont à l’origine des temps perdus sur la route. Ces retards peuvent être considérables notamment pour des trajets courts comme les trajets domicile-travail. De plus, cette gêne a des conséquences sur le stress et le confort des usagers et détériore ainsi la vigilance. Elle favorise ainsi les situations accidentogènes impactant la sécurité. Du point de vue de l’environnement, le trafic intense provoque des cycles d’accélération et décélération aux conséquences environnementales négatives. Les zones de trafic intenses sont caractérisées par une pollution importante : la pollution de l’air est causée par le dioxyde de carbone (CO2) et les particules fines (PM10 et PM2.5) rejetées par les véhicules. Les congestions sont également source de pollution sonore, dérangeante, notamment dans les zones urbaines à forte concentration d’habitations.
Les enjeux de gêne, de sécurité et de pollution sont au centre des préoccupations des gestionnaires de réseaux. Pour répondre à ces enjeux, il s’agit de disposer d’outils d’aide à la gestion du réseau routier.
Des solutions
Agir sur l’offre
Les problèmes de congestion sont les conséquences d’un problème de prépondérance de la demande en déplacement sur l’offre proposée par les infrastructures. Une solution est de rétablir un équilibre en augmentant la capacité des infrastructures. Ceci nécessite la construction de nouvelles routes ou l’élargissement des routes existantes par la construction de nouvelles voies. Cependant, deux problèmes viennent limiter ces possibilités :
— la construction de nouvelles infrastructures ne peut se faire qu’au prix de coûts considérables dans un contexte où les gestionnaires disposent de financements limités. A titre d’exemple, [80] annonce un coût proche de 300K€ au kilomètre pour la construction d’une chaussée bidirectionnelle (2×1 voies avec BAU).
— la place disponible pour la construction de nouvelles infrastructures routières est limitée, notamment dans les zones urbaines.
Agir sur la demande
Face aux difficultés relatives à l’augmentation de la capacité des infrastructures routières, une deuxième option repose sur la diminution de la demande incombant aux infrastructures routières par le report modal. Le report modal, correspond au transfert de la part des déplacements d’un mode vers un autre. Ce terme est souvent utilisé pour désigner le transfert de la part des déplacements du mode véhicule particulier (VP) vers les transports en commun ou les modes doux. Les alternatives au VP sont multiples et peuvent être classées en trois catégories :
1. Les modes actifs, sont des modes possédant une empreinte écologique faible de par leur absence de motorisation. La marche et l’utilisation du vélo sont des modes actifs particulièrement adaptés à de courtes, voire très courtes, distances.
2. Les modes collectifs prennent appui sur le principe de massification afin de décharger les routes de la charge des VP. En milieu urbain, les transports collectifs sont particulièrement adaptés pour effectuer les trajets domicile-travail reliant les zones d’habitations importantes aux zones de travail. Dans un contexte inter-urbain, les trains et les lignes de bus nationales représentent les alternatives collectives au VP.
3. Le mode partagé est le terme utilisé pour parler du covoiturage. Cette pratique, même si elle repose sur le VP permet aussi de réduire la charge en véhicules sur les réseaux routiers. Le covoiturage est adapté tout autant pour les trajets courts que pour les trajets longs.
L’enjeu principal relatif aux modes alternatifs est l’attractivité. En effet, afin de gagner de la part de marché sur le véhicule particulier, il faut rendre les modes alternatifs plus compétitifs. L’enjeu de l’interfaçage entre les différents modes occupe les pouvoirs publics par la volonté de réduire la part de déplacements incombant au VP. C’est ainsi que les grands pôles multimodaux ont vu le jour. En effet, ces pôles regroupent une multitude de modes alternatifs comme des métros, des tramways, des bus ou encore des vélos en libre service. Les parkings-relais (P+R), véritables symboles de ce transfert du VP vers les modes alternatifs sont maintenant monnaie courante en périphérie des grands centres urbains .
Les technologies de l’information jouent aussi un rôle important dans cette facilité d’accès aux modes alternatifs. En effet, les applications mobiles permettant la planification des trajets en modes alternatifs sont nombreuses : des applications des gestionnaires de transports en commun permettant l’accès en temps réel à la carte du réseau et aux temps d’attente et de parcours.
Régulation dynamique
La dernière solution exposée dans cette section repose sur la modulation de l’offre et de la demande de manière dynamique. Le régulation dynamique vise à optimiser l’utilisation des infrastructures existantes en fonction des situations dynamiques de demande. L’optimisation vient de la minimisation d’un indicateur rendant compte de l’état des conditions de circulation pour l’ensemble des usagers. Les mesures de régulation peuvent pénaliser certains usagers au bénéfice de la collectivité. Une analogie peut être faite dans le domaine de l’affectation avec les principes de Wardrop [125] : dans une situation d’optimum individuel, les usagers minimisent leur propre trajet alors que sous condition d’optimum collectif, ce sont les temps de parcours globaux qui sont minimisés au prix de retard pour certains usagers.
Les mesures de régulation dynamique sont multiples. Sans viser l’exhaustivité des mesures de régulation dynamique, on peut évoquer les mesures suivantes :
— La régulation dynamique des vitesses propose d’optimiser l’usage de toutes les voies de circulation en diminuant la vitesse réglementaire afin de retarder l’instant d’apparition de la congestion. Elle repose sur l’observation du fait que plus la vitesse réglementaire est élevée, plus la voie de droite est sous-utilisée [69]. En diminuant la vitesse réglementaire, la capacité est donc augmentée. Cependant, la communauté scientifique n’est pas unanime à propos du gain de capacité. En revanche, les mesures de régulation dynamique des vitesses représentent un atout en terme de sécurité puisqu’elles peuvent être utilisée pour protéger les queues de bouchons. Un exemple de régulation dynamique des vitesse est celle de la Rocade-Est de Lyon (RN346) [2]. Des mesures similaires sont déployées aussi sur les autoroutes A6, A7, A9, A13, A25, A31, A33 et A63.
— La régulation dynamique d’accès propose de contrôler les insertions sur des axes structurants en présence d’un trafic dense. Cette mesure est motivée par les enjeux liés au phénomène de chute de capacité (capacity drop [75]) au niveau des convergents. La régulation d’accès consiste à réduire le débit des véhicules entrant afin de ne pas dépasser la capacité du convergent. Ainsi, le phénomène de chute de capacité est évité. Une régulation d’accès est déployée sur la rocade sud de Grenoble (RN 87) [3] et sur l’A57 au niveau de Toulon [1],.
— La gestion dynamique des voies permet de modifier temporairement l’offre d’une route en modifiant dynamiquement le nombre de voies. Le principe est de modifier la capacité de la route dynamiquement en fonction des conditions de circulation. Dans cette catégorie on retrouve l’ouverture à la circulation sur bande d’arrêt d’urgence (BAU) ou encore les voies réversibles comme sur le pont de Saint-Nazaire [17].
— L’interdiction de dépasser pour les poids lourds repose sur la limitation du phénomène de goulot d’étranglement mobile (moving bottleneck [94]) limitant la capacité du réseau lors de dépassements de poids lourds à vitesse plus faible que les autres véhicules. L’interdiction de dépasser pour les poids lourds est déployé en complément d’autres méthodes de régulation lors d’épisodes de trafic intense.
Les mesures de régulation dynamique permettent d’agir sur la capacité des réseaux afin de limiter l’impact de la congestion. Elles interviennent dans le contexte de la gestion du trafic routier.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Contexte et Positionnement
1.1 Introduction aux problèmes de trafic
1.1.1 La congestion et ses conséquences
1.1.2 Des solutions
1.2 Contexte de la gestion de réseau
1.2.1 Différents niveaux de planification
1.2.2 Gestion de trafic au quotidien
1.3 Modèle de trafic
1.3.1 Formulations
1.3.2 Résolution de l’équation de Hamilton-Jacobi
1.4 Approche méthodologique
1.4.1 Méthodologie synthétique
1.4.2 Plan du manuscrit
2 Propagation d’erreurs au sein du modèle LWR Lagrangien-Spatial
2.1 Propagation d’erreurs dans les systèmes dynamiques
2.2 Cadrage méthodologique
2.2.1 Introduction de stochasticité dans le modèle LWR lagrangien-spatial
2.2.2 Observation de la distribution du terme d’offre par un processus de Monte Carlo
2.3 Mélanges de Dirac
2.3.1 Définitions
2.3.2 Propagation d’incertitudes par un mélange de Dirac
2.3.3 Propagation des incertitudes par un mélange de Dirac
2.4 Propagation des erreurs par des mélanges de gaussiennes
2.4.1 L’algorithme EM
2.4.2 Propagation d’incertitudes dans le terme de demande
2.4.3 Propagation d’incertitudes dans le terme d’offre
2.4.4 Solution du GM-LS-LWR
2.4.5 Avantages et inconvénients
2.5 Analyse de sensibilité
2.5.1 Scénario de référence
2.5.2 Définition des critères
2.5.3 Sensibilité à la géométrie du réseau
2.5.4 Sensibilité aux erreurs sur les paramètres du Diagramme Fondamental
2.5.5 Sensibilité au nombre de composantes gaussiennes
2.6 Construction d’indicateurs opérationnels
2.6.1 Temps de parcours
2.6.2 Diagramme Espace-Temps
2.7 Conclusions du chapitre
3 Calage en ligne des conditions internes du modèle
Partie I : Fusion de données
3.1 Assimilation de données : Etat de l’art
3.1.1 Méthodes variationnelles
3.1.2 Les méthodes de filtrages séquentiels
3.1.3 Sources de données
3.2 Applications du filtre de Kalman
3.2.1 Application à un schéma eulérien
3.2.2 Application à un schéma Lagrangien Temporel
3.2.3 Application à un schéma Lagrangien Spatial
3.3 Processus de fusion de données séquentiel en indice de véhicule
3.3.1 Séquencement
3.3.2 Processus de fusion de données
3.4 Conclusion du chapitre
CONCLUSION