Iatrogénie médicamenteuse
La iatrogénie provient du grec « iatros » = médecin et « génos » = origine, cause. C’est donc « ce qui est provoqué par le médecin ». Elle désigne plus largement toute manifestation clinique indésirable et nocive pour le patient induite par une activité de soins. Elle est définie par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) comme « toute conséquence indésirable ou négative sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel de santé et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé ». (1) Le terme de iatrogénie médicamenteuse est synonyme dans la littérature d’Evènement Indésirable Médicamenteux (EIM). Il regroupe les Effets Indésirables médicamenteux (EI) et les Erreurs Médicamenteuses (EM) avérées.
Erreur médicamenteuse
L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) définit l’erreur médicamenteuse comme étant « l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un évènement indésirable pour le patient. L’erreur médicamenteuse peut-être avérée ou potentielle (interceptée avant l’administration au patient). L’analyse a posteriori de l’erreur permettra de la caractériser et de la qualifier par sa nature, son type, la gravité de ses conséquences cliniques pour le patient, l’étape de réalisation dans la chaîne de soins. L’erreur peut trouver sa source dans une mauvaise conception du médicament et de l’information qui lui est relative (confusion de dénomination, conditionnement inadapté, problème d’étiquetage ou de notice d’information, etc.), ou dans l’organisation systémique du processus de prise en charge thérapeutique du patient (organisation du circuit du médicament, facteurs humains, facteurs environnementaux, pratiques professionnelles, etc.) ». (3) La SFPC ajoute que l’EM est un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la Prise En Charge Médicamenteuse du patient (PECM). (1) De ce fait, l’EM est donc évitable. Elle doit être prévenue par la mise en place d’une politique de gestion des risques.
Etude EVISA
Une Etude transversale sur les évènements Indésirables liés aux Soins en Ambulatoire (EVISA) causant une admission hospitalière a été menée en 2008 par le Comité de Coordination de l’Evaluation Clinique et de la Qualité en Aquitaine (CCECQA). Les objectifs principaux sont d’estimer leur fréquence, leur gravité et leur caractère évitable ainsi que d’étudier les facteurs contributifs et le coût de la prise en charge hospitalière de ces évènements. (24) L’étude ENEIS a surtout permis d’identifier des pistes d’amélioration sur la sécurisation des soins hospitaliers. L’étude EVISA est complémentaire en permettant une analyse plus approfondie sur la part iatrogène responsable d’hospitalisations. L’étude a été menée dans 22 unités de soins (médecine et chirurgie) pendant 8 semaines. Parmi les 2 946 patients inclus, 73 ont été admis pour cause d’évènement indésirable survenu lors d’une prise en charge ambulatoire, dont 52 sont considérés comme évitables. Sur les évènements indésirables évitables, 30% ont provoqué une incapacité à la sortie de l’hôpital et 33% ont entraîné une menace vitale, dont un décès. Quarante-sept patients ont été jugés éligibles pour une analyse approfondie. Le caractère évitable a été affirmé dans plus de la moitié de cas (62%). La cause principale d’admission était liée aux médicaments, notamment les Antivitamines K (AVK), les diurétiques et les neuroleptiques, ce qui souligne leur rôle majeur dans la survenue d’évènements indésirables extrahospitaliers causant une hospitalisation. L’étude a également permis d’exposer les facteurs de risque liés au patient. Globalement, l’âge était plus élevé chez les patients ayant été hospitalisés pour évènement indésirable lié aux soins ambulatoires et la non compliance aux soins, l’isolement et la polymédication sont fréquemment rapportés. Au niveau des médecins traitants, le défaut de vigilance, les problèmes de communication entre soignants et la charge importante de travail ont été évoqués comme facteurs favorisants. Le coût par évènement indésirable est compris entre 526 et 98 881 euros et le coût des évènements indésirables évitables est supérieur à celui des évènements indésirables non évitables.
Définition de la conciliation médicamenteuse
Selon la HAS, « la conciliation des traitements médicamenteux est un processus formalisé qui prend en compte, lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient. Elle associe le patient et repose sur le partage d’informations et sur une coordination pluriprofessionnelle. Elle prévient ou corrige les erreurs médicamenteuses en favorisant la transmission d’informations complètes et exactes sur les médicaments du patient, entre professionnels de santé aux points de transition que sont l’admission, la sortie et les transferts. » L’usage a également consacré l’expression « conciliation médicamenteuse ». (48) Cette définition, datant de mars 2015, fait suite à l’expérimentation Med’Rec.
La conciliation médicamenteuse à la sortie du patient
La CM de sortie, tout comme la CM à l’admission du patient, est un processus pluridisciplinaire et interactif. Elle permet une transmission d’informations validées aux professionnels de ville, complémentaire aux courriers de sortie et fiche de liaison, dans le but de garantir la continuité des traitements médicamenteux après l’hospitalisation. (52) Les professionnels de ville prenant en charge le patient après son hospitalisation sont :
– Le médecin traitant : une synthèse des médicaments pris par le patient en sortie d’hospitalisation lui permet de prendre en compte les éventuels changements sur le traitement habituel (arrêt, modification de posologie, ajout…)
– Le pharmacien d’officine : optimisation de la délivrance de médicaments grâce à une meilleure articulation avec l’hôpital
– L’EHPAD ou autres établissements de santé.
Alors que la CM d’entrée est une pratique courante dont les résultats positifs ont été largement démontrés, la CM de sortie est moins répandue et moins standardisée.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 IATROGENIE MEDICAMENTEUSE ET MOYENS DE PREVENTION
I. Définitions
I.a Iatrogénie médicamenteuse
I.b Effet indésirable médicamenteux
I.c Erreur médicamenteuse
II. Classification et caractérisation des effets indésirables, des erreurs médicamenteuses et des évènements indésirables médicamenteux
II.a Classification des effets indésirables médicamenteux
II.b Caractérisation de l’erreur médicamenteuse
II.c Gravité d’un évènement indésirable
III. Facteurs de risque de survenue de la iatrogénie médicamenteuse
III.a Liés au patient
III.b Liés aux professionnels de santé
III.c Liés aux médicaments
IV. Classes médicamenteuses à fort risque iatrogène
V. Epidémiologie et coût
V.a En France
V.b A l’étranger
VI. Contexte réglementaire favorisant la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse
VI.a Politique de santé publique
VI.b Contrat de Bon Usage
VI.c Management de la prise en charge médicamenteuse
VI.d Certification des établissements de santé
VII. Lien ville-hôpital
VIII. Rôle du pharmacien dans la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse
PARTIE 2 LA CONCILIATION MEDICAMENTEUSE
I. Définitions et objectifs
I.a Définition de la conciliation médicamenteuse
I.b Définitions des divergences intentionnelles et non intentionnelles
I.c Objectifs
II. La conciliation médicamenteuse à l’admission du patient
II.a Recherche de l’historique médicamenteux
II.b Elaboration du bilan médicamenteux
II.c Comparaison du bilan médicamenteux à la prescription hospitalière, caractérisation des divergences et cotation de l’impact clinique
II.d Correction et actualisation de la prescription
III. La conciliation médicamenteuse à la sortie du patient
III.a Elaboration du bilan médicamenteux
III.b Comparaison du bilan médicamenteux à l’ordonnance de sortie, caractérisation des divergences et cotation de l’impact clinique
III.c Correction et actualisation de l’ordonnance de sortie
III.d Rédaction d’un compte-rendu de sortie de conciliation médicamenteuse
III.e Entretien avec le patient
III.f Transmission du compte-rendu de sortie de conciliation médicamenteuse aux professionnels de santé
IV. La réalisation de la conciliation médicamenteuse
IV.a Population cible
IV.b Acteurs de sa mise en œuvre
IV.c Sources d’information
IV.d A quel moment concilier ?
V. Etat des lieux, impact clinique et économique de la conciliation médicamenteuse
V.a Etat des lieux
V.b Impact clinique de la conciliation médicamenteuse
V.c Impact clinique et économique de la conciliation médicamenteuse sur le taux de réhospitalisations
PARTIE 3 MISE EN PLACE ET EVALUATION DE LA CONCILIATION MEDICAMENTEUSE A L’HOPITAL D’INSTRUCTION DES ARMEES SAINTE-ANNE
I. Introduction
II. Objectifs
III. Matériels et méthodes
III.a Choix du mode de conciliation
III.b Choix de l’unité de soins
III.c Critères d’inclusion
III.d Organisation et outils
III.e Mode de recueil des données
IV. Résultats
IV.a Caractéristiques de la population étudiée
IV.b Délai de réalisation de la conciliation médicamenteuse
IV.c Temps nécessaire à la conciliation médicamenteuse
IV.d Sources de renseignements utilisées
IV.e Caractérisation des divergences rencontrées
IV.f La cotation de l’impact clinique potentiel des divergences non intentionnelles
IV.g Optimisation de la prescription médicale
DISCUSSION
I. Bilan général
II. Discussion des résultats
III. Limites
IV. Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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