Les fondements du besoin de reconnaissanceย
Un besoin personnelย
Bien qu’il nous soit difficile de le nommer, la plupart d’entre nous รฉprouvons le besoin profond d’รชtre reconnu au travail, c’est-ร -dire que notre entourage nous dรฉmontre que nos rรฉalisations, nos pratiques de travail et notre personne sont apprรฉciรฉes ร leur juste valeur. En fait, ยซ la majoritรฉ des รฉtudes appuient l’idรฉe que le besoin de reconnaissance est รฉprouvรฉ par une part importante de la main-d’ ลuvre, quel que soit le statut ou le secteur d’intervention des travailleurs. ยป (Brun et Dugas, 2005, p. 85). Les thรฉories contribuant ร expliquer le besoin de reconnaissance au travail sont nombreuses. Nous nous attarderons ร celles de Maslow, Herzeberg, Todorov et de la psychodynamique du travail.
L’accomplissement de soi et la satisfaction au travailย
Selon la thรฉorie des besoins de Maslow, les besoins d’appartenance, d’estime de soi et d’รฉpanouissement seraient prรฉpondรฉrants au travail et contribueraient ร expliquer l’importance d’รชtre reconnu. Quant aux besoins primaires (besoins physiologiques et de sรฉcuritรฉ), ils occuperaient une importance beaucoup moindre pour les personnes en milieu de travail. ร l’identique, Herzeberg soutient que la satisfaction au travail dรฉpend principalement de facteurs motivateurs, notamment l’autonomie et les dรฉfis, que de facteurs d’hygiรจne, comme la rรฉmunรฉration et les conditions de travail.
Implicitement abordรฉe dans les travaux de Maslow et Herzeberg sur la motivation et la satisfaction, la reconnaissance gagne du terrain. En effet, pour Todorov, l’รชtre humain ยซ [ … ] ne commence ร exister que par le regard d’ autruiยป (1995), il a besoin d’รชtre acceptรฉ dans un groupe et d’y avoir sa place. C’est pourquoi il dรฉfinit la reconnaissance comme un besoin fondamental. ยซ Si l’accomplissement de soi est pour Maslow le besoin supรฉrieur, Todorov le met sur un pied d’ รฉgalitรฉ avec la reconnaissance. ยป (Bourcier et Palobart, 1997, p. 30).
La quรชte d’identitรฉย
Pour Carpentier-Roy, chercheure en psychodynamique du travail, ยซ L’identitรฉ se construit d’abord dans la sphรจre privรฉe autour de la quรชte d’amour – de soi, des autres – puis dans la sphรจre publique, plus particuliรจrement au travail oรน, lร , on ne parle plus d’amour, mais de reconnaissance. ยป (2000, p. 13). De nombreux auteurs soutiennent que, consรฉcutivement ร l’effritement de l’รglise et de la famille, le travail devient le lieu privilรฉgiรฉ de cette quรชte de sens, d’identitรฉ, de crรฉation et de rรฉalisation personnelle (Aubert, 1996; Hivon, 1996; Brun et Dugas, 2002; CarpentierRoy, 2000).
Qu’elle soit considรฉrรฉe comme nourriciรจre de l’identitรฉ, de l’accomplissement de soi ou de la satisfaction au travail, il est acceptรฉ que chacun porte en soi le besoin d’รชtre reconnu. De surcroรฎt, certains contextes sociaux et organisationnels concourent ร intensifier ce besoin.
Le contexte socialย
Les chercheurs associent la montรฉe du besoin de reconnaIssance aux modifications relativement rรฉcentes, survenues dans la sociรฉtรฉ. Brun et Dugas รฉtayent la situation comme suit : La modernitรฉ se caractรฉrise par l’hรฉgรฉmonie de l’รฉconomique et sa prรฉdominance sur le social (ChanIat, 1998; Meda, 1995). On assiste, en parallรจle, ร la montรฉe de l’individualisme, ร l’effritement des rรฉseaux sociaux et ร une fragilisation des solidaritรฉs (Thรฉriault, 2000) [ … ]. Ce contexte gรฉnรฉral d’exigence et le caractรจre plus flou des repรจres individuels et collectifs, amplifiรฉs par la perte des traditions, placent l’individu devant la nรฉcessitรฉ de trouver des points d’ancrage et des significations personnelles pour baliser sa vie. Le travail est susceptible de reprรฉsenter l’un de ces siรจges du sens existentiel (Morin, 1996). Il permet en outre de combler un large รฉventail de besoins et d’aspirations individuels. (2005, p. 79).
Carpentier-Roy poursuit dans la mรชme veine : ยซOn assiste ร un effritement des rรฉseaux sociaux, ร l’รฉclatement de la famille [ .. .]. Tout cela fait en sorte que l’on vit dans une sociรฉtรฉ oรน les solidaritรฉs sont fragilisรฉes et les valeurs รฉrodรฉes ยป (2000, p. 13).
Le travail serait mรชme devenu le lieu central du lien social. (Bourcier et Palobart, 1997; Carpentier-Roy, 2000). Consรฉquemment, les attentes des travailleurs en matiรจre de reconnaissance tendent ร s’accentuer (Brun et Dugas, 2005; Carpentier-Roy, 1999,2000).
Finalement, l’accroissement de la scolarisation des travailleurs, la formation continue et les technologies de l’information sont รฉgalement au nombre des รฉlรฉments qui forgent des attentes grandissantes en matiรจre de reconnaissance au travail (Bourcier et Palobart, 1997, p. 36).
Le contexte organisationnel
Les constats des diffรฉrents chercheurs sur la reconnaissance au travail convergent dans une mรชme voie : le contexte organisationnel caractรฉrisรฉ par la permanence du changement ainsi que par la culture de l’excellence, exerce une pression sur les travailleurs et celle-ci amplifie leur besoin de reconnaissance .
Des changements permanents
L’รฉconomie mondiale et la concurrence internationale ainsi que l’implantation des nouvelles technologies modifient l’organisation du travail, sa cadence et ses formes (Brun et Dugas, 2005, p. 80). Ce contexte se traduit par des acquisitions, des restructurations, des rรฉingรฉnieries des processus. Il gรฉnรจre de l’incertitude, de la turbulence et effrite le sentiment d’appartenance, ce qui nรฉcessite des adaptations perpรฉtuelles de la part des travailleurs.
Frรฉdรฉric Lesemann, sociologue, professeur ร l’INRS et directeur du Groupe de recherche sur les transformations du travail, des รขges et des politiques sociales du travail, dรฉcrit la situation comme suit : Cette course folle, instaurรฉe dans les entreprises il y a 20 ans pour accroรฎtre la rentabilitรฉ ร court terme, est aujourd’hui le pain quotidien des travailleurs [ .. . ]. Devoir changer est maintenant une norme, surtout dans les entreprises privรฉes qui sont directement soumises aux lois du marchรฉ, mais aussi de plus en plus dans les organismes publics, qui tendent ร ajuster leur fonctionnement sur celui des entreprises privรฉes. (Prou lx, 2006, p. 23).
Le contexte organisationnel se caractรฉrise donc par une situation d’apprentissages permanents, qui requiert des efforts tout aussi permanents (Bourcier et Palobart, 1997; Brun et Dugas, 2002). Les efforts additionnels dรฉployรฉs pour accomplir des tรขches qui se complexifient et s’alourdissent, amplifient chez les travailleurs leur besoin de reconnaissance.
Cette dictature du changement dans les entreprises ne semble montrer aucun signe d’essoufflement. La compรฉtition internationale est lร pour rester, tout comme la nรฉcessitรฉ de survivre dans un environnement marquรฉ par la baisse des coรปts de production (Proulx, 2006, p. 25).
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Table des matiรจres
INTRODUCTIONย
CHAPITRE PREMIER – LA PROBLรMATIQUEย
1.1 La problรฉmatique spรฉcifique
1.2 Le cadre conceptuel
1.2.1 Les dรฉfinitions de reconnaissance, de reconnaissance au travail et de gratitude
1.2.2La diffรฉrence entre rรฉcompense et reconnaissance
1.2.3Les habiletรฉs de communication des gestionnaires : dรฉfinition
1.3 Les questions de recherche
1.4 Les objectifs
CHAPITRE II – LA RECONNAISSANCE AU TRAVAILย
2.1 Les impacts positifs de la reconnaissance
2.2 Les fondements du besoin de reconnaissance
2.2.1 Un besoin personnel
2.2.2 Le contexte social
2.2.3 Le contexte organisationnel
2.3 Les quatre points de vue sur la reconnaissance
2.3.1 La conception humaniste et existentielle
2.3.2 L’approche behaviorale ou comportementaliste
2.3 .3 La psychodynamique du travail
2.3.4 La perspective รฉthique
2.4 Les classifications de la reconnaissance
2.4.1 Selon Brun et Dugas
2.4.2 Selon Bourcier et Palobart
2.5 Les dรฉfinitions et les critรจres de qualitรฉ de la reconnaissance
2.5.1 Les dรฉfinitions
2.5.2 Les critรจres de qualitรฉ
2.6 Les entraves relatives ร l’expression de la reconnaissance
2.6.1 Le manque d’habiletรฉ des gestionnaires
2.6.2 L’absence de structure dans les entreprises
2.7 Au-delร des classifications et des critรจres
2.8 Les distinctions entre la reconnaissance et la gratitude
CHAPITRE III – LA COMMUNICATION ET LA RECONNAISSANCE AU
TRA VAIL
3.1 L’รฉvolution des modรจles de communication
3.2 La dรฉfinition et l’importance de la communication
3.2.1 La dรฉfinition de la communication
3.2.2 L’importance de la communication
3.3 La communication et la reconnaissance au travail: un lien explicite
3.4 La communication: conditions de succรจs
3.5 Le gestionnaire et la communication
3.6 Les habiletรฉs de communication porteuses de reconnaissance
3.6. 1 L’รฉcoute
3.6.2 Le questionnement
3.6.3 Lefeed-back
CHAPITRE IV – LA MรTHODOLOGIEย
4.1 Les instruments de cueillette de donnรฉes
4.2 La population
4.3 Les procรฉdures et mรฉthodes d’analyse de donnรฉes
CHAPITRE V -LA PRรSENTATION ET L’ANALYSE DES RรSULTATS
5.1 La prรฉsentation des rรฉsultats
5.2 La prรฉsentation des donnรฉes par section
5.2.1 Les habiletรฉs de communication spรฉcifiques et la reconnaissance
5.2.2 La gratitude et la reconnaissance
5.2.3 Les diffรฉrences entre les faรงons de communiquer des gestionnaires
reconnaissants et des gestionnaires peu reconnaissants
CHAPITRE VI – L’INTERPRรTATION ET LA DISCUSSION DES
RรSULTATSย
6.1. Les rรฉsultats de recherche obtenus concernant la thรฉorie
6.2 L’analyse des consรฉquences de la recherche et la discussion sur ses
retombรฉes possibles
6.3 Les forces et les faiblesses de la recherche
CONCLUSION
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