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Le gestionnaire d’infrastructure : SNCF Réseau
Réseau Ferré de France (RFF), établissement créé en 1997 par scission avec la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF), fut le premier Gestionnaire d’Infrastructure (GI) en France. Il est réorganisé en 2014, réintégré au sein du groupe SNCF et rebaptisé SNCF Réseau. Ses principales missions sont les suivantes :
La maîtrise d’ouvrage des investissements,
L’entretien du réseau ferré national (RFN) et des infrastructures associées (postes d’ai-guillages, passages à niveaux…),
L’allocation des plages horaires de circulation et de travaux sur le RFN,
L’attribution de créneaux horaires (« sillons ») aux entreprises ferroviaires pour leurs circula-tions, et la tarification de ceux-ci,
La gestion des circulations en temps réel, notamment lors des situations perturbées, L’exploitation des gares par l’intermédiaire de la filiale Gares & Connexions.
Le prestataire de services voyageurs : SNCF Voyageurs
Une Entreprise Ferroviaire (EF) est un opérateur ayant pour mission de faire circuler des trains sur le RFN. A l’heure actuelle, le trafic ferroviaire de voyageurs sur le territoire national est assuré par une unique EF en situation de monopole : SNCF Voyageurs. Celle-ci se décompose en 4 branches d’activités principales :
TGV, chargée de la circulation des trains à grande vitesse,
Intercités, prenant en charge la circulation des Trains d’Équilibre du Territoire,
TER, assurant la circulation des trains de desserte régionale ou locale hors Île de France, Transilien, en charge des trains de desserte régionale ou locale en Île de France.
Le groupe SNCF est constitué du GI SNCF Réseau, de l’EF SNCF Voyageurs et d’une entité « de tête » SNCF assurant la coordination entre les entités précédentes.
Les autorités organisatrices
Les TET ainsi que les trains de desserte régionale et locale (TER et Transilien) sont exploités dans le cadre de conventions passées avec des Autorités Organisatrices (AO). L’Etat français via le Ministère des Transports constitue l’AO des trains TET et les régions celles des trains TER. En Île de France, les politiques de desserte et tarifaires du transport ferroviaire sont confiées à l’établissement public Île de France Mobilités (ou IdFM), sous tutelle de la Région Île de France. Les conventions fixent aux opérateurs des objectifs en termes de qualité de service (fréquence, ponctualité), des pénalités financières étant appliquées si ces objectifs ne sont pas atteints.
Les autres opérateurs
Le transport de voyageurs internationaux est aujourd’hui ouvert à la concurrence, d’autres EF que SNCF Voyageurs ont donc la possibilité de faire circuler des trains de voyageurs sur le réseau. C’est le cas de Thalys et Eurostar, entreprises dont la SNCF est l’actionnaire majoritaire. En 2019, un seul opérateur privé, Thello, exerce le droit à l’accès au réseau, en opérant des trains de nuit de et vers l’Italie. L’ouverture progressive à la concurrence du transport de voyageurs nationaux, à partir de 2020, pourra amener d’autres EF à faire circuler des trains de voyageurs sur le réseau. Le transport de marchandises est également ouvert à la concurrence depuis 2005. En 2011, 32% du trafic marchandises (calculé en tonnes.km) est assuré par d’autres EF que Fret SNCF.
Le plan de transport
Un train peut se définir comme étant la conjonction de trois ressources (Bouvarel, 2011) :
Un matériel roulant, constitué d’une ou de plusieurs rames automotrices couplées, ou bien d’une rame tractée par une ou plusieurs locomotives.
Du personnel roulant : un agent de conduite (ou ADC) et, pour certains trains, du personnel de bord.
Un sillon : créneau horaire où l’utilisation de l’infrastructure est réservée au train. Ce concept de sillon est détaillé dans le paragraphe 1.2.2. De ce sillon sont tirées deux grilles horaires :
La grille horaire commerciale est communiquée à la clientèle. Elle indique les horaires prévues d’arrivée et de départ des différentes gares du parcours, à la minute près.
Une autre grille horaire, plus détaillée, est communiquée aux agents de service (en par-ticulier à l’ADC en charge du train). Celle-ci indique également les horaires prévus de passage à certains points remarquables de l’itinéraire, avec une précision pouvant aller jusqu’à la déca-seconde en Île-de-France. L’ADC a pour consigne de respecter cet horaire du mieux possible, de façon à rester dans son sillon et ne pas empêcher l’utilisation de l’infrastructure réservée pour d’autres trains. D’autres ressources peuvent être nécessaires à l’exploitation dans les grandes gares : agents d’escale pour l’embarquement et la gestion des départs, personnel chargé du nettoyage et du réapprovision-nement éventuel des rames en produits consommables…
On appelle plan de transport, pour une période de temps donnée, l’ensemble des trains devant circuler sur le réseau pendant cette période. Le plan de transport est défini par l’entreprise ferro-viaire, et constitue l’objet principal du contrat avec l’autorité organisatrice dans le cas de services conventionnés. Il décrit l’ensemble des ressources (humaines et matérielles) que l’opérateur prévoit d’engager pour remplir sa mission, qui est de transporter les voyageurs de leur origine vers leur destination.
La signalisation ferroviaire
Le transport ferroviaire possède la particularité d’être réalisé avec des distances de freinage très importantes. Celles-ci sont dues à la masse élevée des véhicules ainsi qu’au très faible coefficient de frottement du contact roue-rail. La détection des risques ne peut donc reposer uniquement sur la vision du conducteur comme c’est largement le cas en transport routier. Un système de signalisation ad hoc a par conséquent été mis en place. Sur les lignes à double voie, celui-ci vise à prévenir les risques de :
Rattrapage : lorsqu’un train rattrape et percute le train circulant devant lui sur la même voie.
Prise en écharpe : lorsque deux trains se présentent simultanément à une convergence ou un cisaillement (intersection entre deux voies).
La circulation sur voie unique présente des risques supplémentaires, dont celui de nez-à-nez, et fait l’objet d’un système de signalisation spécifique. Nous n’entrerons pas dans les détails de celui-ci, nos travaux se concentrant sur le périmètre de la zone dense où la circulation se fait sur doubles voies à sens dédié.
Le système de signalisation repose sur le principe du cantonnement (ou block). La voie est divisée en segments, appelés cantons, chacun d’eux étant protégé à son entrée par un signal ; la règle étant que chaque canton peut contenir, à tout instant, au plus un train. Dans le système de cantonnement à trois aspects, le plus répandu, les signaux peuvent présenter les aspects suivants :
Sémaphore (un feu rouge). Ce signal signifie que le canton est occupé par un autre véhicule. Le conducteur doit s’arrêter en amont du signal. Il peut ensuite pénétrer dans le canton à condition de le parcourir entièrement en marche à vue (à une vitesse inférieure à 30 km/h). En raison de cette restriction, les ADC préfèrent généralement attendre la réouverture (c’est-à-dire la fin de la présentation de ce signal) pour pénétrer dans le canton.
Avertissement (un feu jaune). Ce signal prévient l’ADC que le signal d’entrée du canton suivant est un sémaphore ou un carré. Celle-ci doit alors freiner de façon à être en mesure de s’arrêter avant la fin du canton.
Voie libre (un feu vert). Ce signal signifie que les deux cantons suivants sont libres, et que l’ADC peut poursuivre sa marche sans appliquer de procédure particulière.
Ces trois aspects permettent de prévenir le risque de rattrapage. Un aspect supplémentaire existe pour prévenir les risques de prise en écharpe : le carré fermé (deux feux rouges). Ce signal peut se rencontrer à l’entrée d’un canton contenant une convergence ou un cisaillement, lorsqu’un train venant d’une autre branche s’apprête à y pénétrer. L’arrêt avant ce signal est obligatoire jusqu’à la réouverture. Lorsqu’un signal présente l’aspect carré fermé, le signal du canton précédent présente l’avertissement. Un exemple présentant ces différents aspects de signalisation est donné en figure 1.2.
Les convergences sont gérées selon un principe de réservation d’itinéraire, ou enclenchement. Lorsqu’un train est choisi comme étant le prochain à franchir la convergence, celle-ci lui est « ré-servée » et les signaux de l’autre branche sont fermés, avant même que le train s’engage sur la convergence. Selon la vitesse maximale sur la ligne et le type de matériel qui y circule, la réservation est déclenchée plus ou moins en amont de la convergence.
La plupart des lignes électrifiées sont en outre équipées d’un système appelé Contrôle de Vitesse par Balises (ou KVB), qui vise à renforcer la sécurité du système en limitant le risque qu’un signal rouge (carré ou sémaphore) soit franchi. Lorsqu’un signal d’avertissement est franchi, une informa-tion est transmise à la cabine de conduite par un appareil situé sur la voie. Le KVB calcule alors une courbe de freinage permettant d’atteindre la vitesse de 30 km/h à 200 mètres de l’entrée du prochain canton (voir la figure 1.3). Si l’ADC dépasse cette courbe de freinage (qui ne lui est pas communiquée par le système), alors le freinage d’urgence se déclenche automatiquement jusqu’à l’arrêt du train.
Sur une voie équipée du système KVB « classique », l’ADC doit rester en-dessous de la courbe de freinage jusqu’au franchissement du signal suivant, même si celui-ci est réouvert. D’autres variantes du KVB, plus permissives, autorisent l’ADC à ré-accélérer dès qu’il voit que le signal suivant s’est réouvert (on parle de systèmes à réouverture continue).
L’exploitation ferroviaire et ses différentes phases
Différents niveaux de décisions
Le terme d’exploitation désigne l’ensemble des opérations concourant à la mise en œuvre du plan de transport. Celle-ci requiert la prise de décisions pouvant être classées selon plusieurs niveaux, tels que ceux définis par Ansoff (1965). Ceux-ci se distinguent notamment par la durée qui sépare la prise de décision de sa mise en application :
Niveau stratégique : décisions ayant des effets sur le long terme, prises plusieurs années à l’avance.
Niveau tactique : décisions ayant des effets à moyen terme, prises jusqu’à un an à l’avance.
Niveau pré-opérationnel : décisions ayant des effets à court terme.
Niveau opérationnel : décisions ayant des effets immédiats.
Niveau post-opérationnel : retour d’expérience sur les décisions précédentes, conduisant à la formulation de recommandations pour les décisions futures.
L’émergence puis les progrès de la recherche opérationnelle et de la simulation au cours des quarante dernières années ont permis le développement d’outils d’aide à la décision, le plus souvent informa-tiques. Ceux-ci visent à faciliter et rationnaliser les choix des décideurs, et peuvent s’appliquer à tous les niveaux décrits précédemment. Dans le cadre de l’exploitation ferroviaire, la prise de décision constitue un processus séquentiel, dont les principales étapes sont les suivantes.
La phase de conception du plan de transport
La conception du plan de transport peut à son tour se décomposer en quatre processus menés séquentiellement, et qui peuvent chacun être modélisés sous la forme d’un problème combinatoire. L’ordre dans lequel ces étapes se déroulent est repris sur la figure 1.4, et listé ci-après.
Le choix des dessertes et des fréquences (connu en recherche opérationnelle sous le nom de line-planning problem). Ce problème consiste en la définition des missions des trains à opérer (origine, destination et gares desservies), ainsi que la fréquence approximative de chacune de ces missions (celle-ci étant généralement différente en heure de pointe et en heure « creuse »). Schöbel (2012) dresse un panorama des principaux modèles existants permettant de résoudre ce problème.
La construction d’une grille horaire permettant d’opérer les missions définies lors de la phase précédente avec la fréquence prescrite. Cette grille indique, pour chaque train, les heures prévues de départ et d’arrivée dans chaque gare, des heures de passage en certains points remarquables du réseau, et nécessite donc de définir des temps de parcours, de stationnement et de retournement aux terminus. Cette phase de la conception requiert la résolution de ce que l’on appelle le timetabling problem. L’essentiel des travaux présentés dans ce manuscrit portent sur cette étape de la conception du plan de transport.
La planification du matériel roulant (rolling stock scheduling). Cette étape consiste en la construction de « lignes de roulement », c’est-à-dire la liste des missions successives qui seront assurées par un même matériel roulant. Deux critères doivent ici être optimisés : on cherche à la fois à minimiser le nombre d’engins engagés pour opérer la grille horaire, tout en garantissant une certaine robustesse. Ce second critère vise à limiter la propagation du retard d’un train sur le train suivant assuré par le même matériel roulant. Plusieurs contraintes doivent également être satisfaites :
Le matériel roulant est également soumis à un planning de maintenance, lui imposant un retour aux ateliers un certain nombre de kilomètres après la précédente opération de maintenance. Il doit en être tenu compte au moment de la construction des roulements.
Certains matériels peuvent ne pas être compatibles avec tous les trains, pour des raisons techniques (par exemple, une automotrice électrique ne peut circuler sur une ligne non électrifiée) ou parce qu’ils n’offrent pas une capacité d’emport voyageurs suffisante.
Différents modèles pour le rolling stock scheduling problem sont présentés par Maróti (2006). Il est à noter que, sur les lignes où le parc matériel est en forte tension, cette étape et celle du line planning sont parfois traitées simultanément ; c’est le cas en France sur certaines lignes TGV.
La planification des agents (crew scheduling). De la même manière, cette étape vise à décider quels seront les trains assurés par les mêmes agents au cours de la même journée. On cherche lors de la construction de ce planning à minimiser le nombre d’agents, tout en maintenant toujours une certaine robustesse. Les principales contraintes de ce problème sont les suivantes :
Tous les agents (de conduite, notamment) ne sont pas habilités aux mêmes lignes, ni aux mêmes engins moteurs, ce qui limite les trains qu’ils peuvent être amenés à assurer.
Certaines réglementations sociales doivent être respectées : le temps de conduite et la durée d’une journée de service font l’objet de restrictions, et des durées de repos minimales doivent être observées. Ces règles sont reprises à la SNCF dans le référentiel RH0077.
On trouvera plusieurs algorithmes permettant de résoudre le crew scheduling problem dans Caprara et al. (1997).
La phase de préparation de l’opérationnel
Au cours du mois précédant une journée de service et jusqu’à quelques heures avant le début de celle-ci, d’autres décisions sont prises de façon à préparer son bon déroulement. Cette phase vise principalement à prendre en compte de nouvelles contraintes, inconnues lors de la phase de conception. Nous pouvons la décomposer de la façon suivante :
L’adaptation de la grille horaire. Certains trains sont ajoutés à la grille horaire en dernière minute ; il s’agit principalement des trains de fret, de travaux ainsi que des circulations à vide de rames ou d’engins de et vers les centres de maintenance.
L’affectation du matériel roulant aux lignes de roulement (train unit assignment) : on affecte à chaque ligne de roulement une rame, de façon à ce que le planning de maintenance de chaque élément constituant la rame (locomotives, voitures et/ou engins automoteurs couplés) puisse être respecté.
L’affectation du personnel (crew assignment) : on affecte des agents aux différentes journées de service définies lors du crew scheduling, en tenant compte de l’indisponibilité éventuelle de certaines personnes.
La planification de l’occupation des voies en gare. Ce problème consiste à assigner à chaque train une voie pour chaque gare qu’il franchit (en la desservant ou non) le long de son par-cours. La construction de ce planning devient complexe dans les grandes gares, possédant de nombreuses voies à quai, auxquelles on peut accéder par des itinéraires n’étant pas toujours compatibles entre eux (voir par exemple la figure 1.5). En effet, certains itinéraires peuvent nécessiter de cisailler des voies, interdisant la circulation sur celles-ci pendant une plage de temps de l’ordre de quelques minutes.
Le planning obtenu est généralement représenté sous la forme d’un Graphique d’Occupation des Voies, représentant la façon dont les voies sont occupées par les différents trains au cours de la journée. Un exemple est donné sur la figure 1.6. Un outil permettant la construction automatique de ce graphique, appelé OpenGOV, est en cours de déploiement à SNCF Réseau.
La phase opérationnelle
À l’issue des phases de conception et de préparation des opérations, le plan de transport peut être mis en œuvre. Sa production requiert la conjonction de différentes ressources (agent e s, matériel roulant, disponibilité de l’infrastructure, voyageurs). Différentes entités sont chargées, au cours de la phase opérationnelle, de veiller à la disponibilité de ces ressources et d’intervenir en cas de situation perturbée.
Les Technicentres ont la responsabilité de fournir le matériel roulant prévu par les roulements. La Traction veille à ce que les plannings des ADC soient respectés.
Les ADC conduisent en respectant la signalisation ferroviaire et en veillant du mieux possible au respect de la grille horaire. Elles signalent également les événements susceptibles de perturber le trafic (personnes sur les voies, signal d’alarme tiré, malaise voyageur…).
Le centre de gestion des circulations (SNCF Réseau) s’assure de la disponibilité et de la bonne utilisation de l’infrastructure.
Le centre d’information voyageurs informe les voyageurs en temps réel de la façon dont se déroule l’exécution du plan de transport, via des écrans d’information en gare ou à bord, des annonces sonores, des envois de SMS ou de notifications. En cas de situation perturbée, il est également en charge d’informer les voyageuses sur les causes et la durée prévue de la perturbation, ainsi que sur les éventuels itinéraires alternatifs.
Le centre opérationnel (SNCF Voyageurs) fait l’interface entre ces différents acteurs. Il se charge également, lorsque des perturbations empêchent la réalisation du plan original, de re-construire un plan de transport en mobilisant les ressources adéquates.
La phase post-opérationnelle
Au cours de la phase opérationnelle, des données de différentes natures sont collectées sur la manière dont la mise en œuvre du plan de transport a été effectuée.
Des balises disposées le long des voies identifient les circulations qui les franchissent et enre-gistrent leur passage dans une base de données appelée BREHAT, gérée par SNCF Réseau. Tous les retards de trains de voyageurs supérieurs à 5 minutes font l’objet d’une documenta-tion spécifique dans cette base, la cause du retard y étant mentionnée ; cela sert notamment au calcul des pénalités imposées par les autorités organisatrices dans le cas de services conven-tionnés. Une autre base de données, baptisée VENDOME, contient des informations relatives à l’exé-cution du plan de transport du point de vue des voyageurs sur le réseau Transilien. Tous les quatre à cinq ans, sur chaque ligne du réseau, des enquêtes sont réalisées auprès des voya-geurs : quel train est emprunté, à quel horaire, pour quel trajet et quel motif. À partir de ces informations et de celles fournies par BREHAT, une projection de l’affectation des voyageuses dans les différents trains est calculée. L’hypothèse principale permettant de réaliser celle-ci est que les voyageurs se présentent en gare 3 minutes avant l’heure prévue de départ de leur train, et embarquent dans le premier train desservant leur gare de destination (qui n’est donc pas nécessairement celui qu’ils avaient prévu d’emprunter initialement, par exemple lorsque les trains circulent en retard). De cette projection est déduite l’indicateur de ponctualité à 5 minutes : il s’agit du pourcentage de voyageuses étant arrivées, selon cette projection, à leur gare de destination avec un retard inférieur à 5 minutes. C’est notamment sur la valeur de cet indicateur que s’engagent les opérateurs lors des conventions passées avec les autorités organisatrices en Île de France.
D’autres bases de données contiennent les informations remontant des cassettes ATESS (Ac-quisition et Traitement des Événements de Sécurité en Statique). Il s’agit de cassettes magné-tiques placées dans les cabines de conduite, qui enregistrent les dates et heures des différents événements liés à la sécurité (départs et arrivées en gare, franchissements de signaux notam-ment). En Île de France, ces informations sont accessibles via l’application REXMICRO, qui permet notamment de visualiser les valeurs et l’évolution de nombreux indicateurs. L’outil TAIDO, fonctionnant également à partir des remontées ATESS, permet d’extraire des infor-mations sur la conduite des ADC et leur réaction face aux différents événements rencontrés au cours de leur mission.
Enfin, la base CHATELET, spécifique à l’Île de France, contient les données en provenance des dispositifs de comptage automatique des voyageurs des matériels roulants qui en sont équipés. Sur le périmètre Transilien, un bulletin d’information, baptisé « Faits marquants », est édité quoti-diennement et diffusé en interne (voir figure 1.8). Celui-ci présente des indicateurs agrégés ainsi que les principaux événements ayant perturbé l’exécution du plan de transport. Toutes ces informations sont ensuite utilisées pour guider des décisions principalement tactiques (conception de plans de transport) et pré-opérationnels (adaptation du plan de transport et définition des normes de gestion du trafic en temps réel).
La conception des grilles horaires à SNCF Réseau
Graphique Espace-Temps
Le Graphique Espace-Temps (GET) est un outil permettant de visualiser la structure d’une grille horaire ou la trajectoire d’un ou plusieurs trains. Le temps y est situé sur l’axe des abscisses, et la position spatiale le long de la ligne sur l’axe des ordonnées. La trajectoire de chaque train est alors représentée par un tracé continu donnant l’évolution de la position du train sur la ligne au cours du temps. En particulier, les portions horizontales correspondent aux moments où le train stationne, en gare ou en pleine voie. Un exemple est donné sur la figure 1.9, où le train bleu est un omnibus et le train rouge un train direct. Une variante, appelée escalier d’occupation (voir figure 1.10), permet en plus de visualiser l’occupation de l’espace et l’état des signaux au moment où ils ont été franchis, ce qui peut faciliter l’interprétation du graphique espace-temps. Sur ce type de graphique, un train n’est plus assimilé à un point matériel et l’épaisseur du trait est ici fonction de la longueur du convoi.
Notions de sillon et de capacité
La contrainte imposant que chaque canton ne puisse être occupé qu’au plus par une circulation à tout instant limite le nombre de trains qu’il est possible de faire circuler sur une infrastructure pendant une plage de temps donnée. Ainsi, Hansen et Pachl (2008) définissent la capacité d’une infrastructure comme « le nombre maximum de trains qu’il est possible de faire circuler sur une portion d’infrastructure donnée et pendant une plage de temps donnée, vu comme une valeur théorique limite qui n’est pas atteinte en pratique ».
On appelle sillon une partie de la capacité attribuée à un opérateur ferroviaire pour faire circuler un train donné. Celui-ci prend la forme d’une trajectoire dans le Graphique Espace-Temps. L’ensemble des sillons pour une ligne donnée constitue la grille horaire de la ligne. Toute EF souhaitant faire circuler des trains doit ainsi passer commande de sillons au GI, ici SNCF Réseau. Celui-ci attribue alors des sillons aux EF en ayant fait la demande, en cherchant à respecter des contraintes d’équité entre les différentes EF et à limiter la capacité consommée par la grille horaire ainsi produite.
Plusieurs méthodes ont été proposées pour calculer la capacité consommée par une grille horaire.
L’Union Internationale des Chemins de Fer (UIC) la définit comme une fonction de 4 paramètres :
Le nombre de trains Leur vitesse moyenne
L’hétérogénéité du trafic (deux trains ayant des vitesses moyennes v1 et v2 différentes consom-ment davantage de capacité que deux trains ayant la même vitesse moyenne, que celle-ci vale v1 ou v2)
La stabilité, c’est-à-dire la capacité de la grille à maintenir les trains dans leur sillon. Nous détaillerons cette notion dans la section suivante.
La méthode de saturation (voir par exemple Pellegrini, Marlière et Rodriguez (2017)) consiste à ajouter des sillons à la grille jusqu’à ce que celle-ci soit saturée, et à définir la capacité non consommée comme le nombre de sillons ayant pu être ajoutés. Un exemple illustrant cette méthode est donné sur la figure 1.11.
Construction de grilles performantes et robustes
Une fois les commandes de sillons reçues, le GI conçoit une grille horaire en cherchant à satisfaire au mieux les demandes. Lorsque la ligne est proche de la saturation (c’est-à-dire lorsque le nombre de sillons commandés pour une plage donnée est proche de la capacité maximale), il faut également chercher à utiliser au mieux la capacité de celle-ci. Plusieurs règles doivent pour cela être observées lors de la construction de la grille horaire.
1. La grille doit être sans conflit. Cela signifie que la grille horaire ne prévoit pas qu’un canton puisse être occupé simultanément par deux circulations ou plus (ce qui, comme nous l’avons vu précédemment, violerait une règle essentielle de sécurité). Elle ne doit donc pas contenir de conflits entre circulations pour l’utilisation de l’infrastructure.
2. Les trains doivent circuler à voie libre. Comme nous l’avons vu au paragraphe 1.1.3, tout franchissement de signal à l’avertissement entraîne un ralentissement, et donc une surconsom-mation inutile de la capacité ainsi qu’un allongement de temps de trajet pour les voyageuses. Les grilles sont donc tracées à voie libre, c’est-à-dire de telle façon qu’en mode nominal, tous les signaux soient franchis à l’indication « voie libre ». La norme de conception actuelle impose même que le signal soit ouvert un certain temps avant son franchissement par un train, de façon à ce que le conducteur aie la conviction de franchir le signal à voie libre. Cette durée minimale est parfois appelée « marge de voie libre », et notée . Sa valeur varie généralement entre 30 et 60 secondes. 3. La grille horaire doit être robuste. Lors de la phase opérationnelle, des retards sont suscep-tibles de se produire, faisant sortir le système du mode nominal. On distingue deux types de retards : Les retards primaires (ou exogènes), dont la cause n’est pas maîtrisable.
Les retards secondaires (ou consécutifs), qui sont causés par le retard (primaire ou se-condaire) d’un autre train. Les retards sont en effet susceptibles de se répercuter d’un train à l’autre, de plusieurs manières. Les dépassements n’étant généralement pas permis par l’infrastructure en dehors des gares, tout retard d’un train en ligne peut se propager aux trains derrière lui (notamment via la signalisation, la règle de circulation à voie libre n’étant plus satisfaite). En outre, le retard d’un train en gare est susceptible de retarder également les autres trains en correspondance.
Ces retards peuvent donc perturber le fonctionnement du système. Il est par conséquent sou-haitable que la grille horaire permette à ces retards de se résorber sans intervention extérieure, au moins dans la limite d’une certaine amplitude. Pour cela, une partie de la capacité est consommée sous forme de marges, de façon à améliorer la robustesse de la grille. Ces marges peuvent être utilisées de deux manières différentes :
Les marges sillon, ou marges de régularité, consistent à allonger volontairement le temps de parcours le long d’un sillon, par exemple en prévoyant de faire rouler le train à une vitesse inférieure à la vitesse maximale ou en prolongeant la durée d’arrêt prévue en gare. Cela permet à une circulation qui sortirait de son sillon de rattraper son retard plus tard au cours de sa mission, ainsi que d’éviter de propager son retard à d’autres missions. Des illustrations sont données sur les figures 1.13 et 1.15. Cela se fait au prix d’une réduction de la capacité, ainsi que d’un allongement du temps de parcours pour les voyageurs et de la durée d’utilisation des ressources (personnel et matériel roulant).
Les marges de grille, ou marges d’exploitation, consistent à espacer les sillons sur le graphique (voir figure 1.14). Cela permet, lorsqu’un retard survient, de limiter la propaga-tion de celui-ci aux autres circulations se trouvant derrière (mais ne permet pas au retard d’être rattrapé). L’utilisation de marge de grille entraîne une consommation de capacité mais pas d’allongement de temps de parcours.
Cette marge peut en particulier être insérée dans la grille sous la forme d’un sillon de respiration (voir figure 1.16). Lorsque la grille est constituée de sillons homogènes (même temps de parcours, même desserte) successifs, un sillon de respiration est un sillon laissé vide entre deux batteries de trains. Il permet ainsi d’éviter la propagation d’un retard survenu dans la première batterie de trains de se propager à la seconde batterie.
A l’heure actuelle, en Île de France les grilles horaires sont tracées par les horairistes sous la forme de graphique espace-temps, à l’aide d’un logiciel baptisé AGATHE. Ce logiciel permet la détection de conflits ou de normes non respectées (circulation à voie libre par exemple), mais ne donne pas d’indication quant à la robustesse de la grille produite. Les étapes du tracé sont les suivantes : Construction de la marche de base, à partir des caractéristiques du matériel roulant et du profil de la ligne. Il s’agit de la trajectoire réalisable la plus rapide.
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Table des matières
1 L’exploitation ferroviaire en zone dense : une introduction
1.1 Notions préalables sur l’exploitation ferroviaire
1.1.1 Principaux acteurs du système ferroviaire en France
1.1.2 Le plan de transport
1.1.3 La signalisation ferroviaire
1.1.4 L’exploitation ferroviaire et ses différentes phases
1.2 La conception des grilles horaires à SNCF Réseau
1.2.1 Graphique Espace-Temps
1.2.2 Notions de sillon et de capacité
1.2.3 Construction de grilles performantes et robustes
1.3 Les spécificités de la zone dense
1.3.1 Définitions de la zone dense
1.3.2 L’exploitation ferroviaire en Île de France
1.3.3 Un fonctionnement entre train et métro
1.3.4 Des aléas multiples et une instabilité structurelle
1.4 Problématique et principales contributions
2 Notion de grille horaire robuste en zone dense
2.1 Le Train Timetabling Problem
2.1.1 Présentation
2.1.2 Description de l’infrastructure
2.1.3 Graphe d’événements-activités
2.1.4 Un problème de satisfaisabilité : le Feasible Differential System
2.1.5 Modèles cycliques et non-cycliques
2.2 Concepts de robustesse en optimisation
2.2.1 Présentation
2.2.2 Robustesse stricte
2.2.3 Robustesse légère
2.2.4 Robustesse avec recours
2.2.5 Optimisation stochastique
2.3 Critères de performance d’une grille horaire
2.3.1 Indicateurs de performance en mode nominal
2.3.2 Indicateurs de robustesse d’une grille horaire
2.4 Versions robustes du problème de Train Timetabling
2.4.1 Optimisation stochastique
2.4.2 Robustesse légère
2.4.3 Robustesse avec recours
2.4.4 Autres approches
2.5 Un modèle pour le TTP robuste en zone dense
2.5.1 Limites des indicateurs et modèles existants en zone dense
2.5.2 Un indicateur orienté voyageurs
2.5.3 Formalisation du problème par un programme stochastique
3 Modélisation des petits aléas de l’exploitation
3.1 Modélisation des variabilités des durées de stationnement
3.1.1 Présentation et motivation
3.1.2 État de l’art
3.1.3 Collecte des données et pré-traitement
3.1.4 Définition et calcul de la durée de stationnement minimale
3.1.5 Distributions conditionnelles des durées de stationnement
3.1.6 Annexe : résultats sur d’autres jeux de données
3.2 Modélisation des variabilités des temps de parcours
3.2.1 Présentation et état de l’art
3.2.2 Estimation des distributions conditionnelles de temps de parcours
4 Évaluation de grilles horaires par simulation stochastique
4.1 Motivation
4.2 Principes de la simulation stochastique
4.3 État de l’art en simulation du trafic ferroviaire
4.3.1 Simulateurs microscopiques
4.3.2 Simulateurs mésoscopiques et macroscopiques
4.4 Description de l’outil SISTRAM
4.4.1 Spécifications et choix de modélisation
4.4.2 Données d’entrée
4.4.3 Description de l’algorithme et du programme
4.5 Cas test : le système L2-U
4.5.1 Présentation
4.5.2 Grilles horaires
4.5.3 Constitution des fichiers d’entrée
4.5.4 Nombre de réplications
4.6 Résultats
4.6.1 Conditions expérimentales
4.6.2 Validation de la démarche
4.6.3 Comparaison entre les grilles 2015 et 2019
4.6.4 Allocation de la marge dans la grille horaire
4.6.5 Approche « robustesse avec recours »
4.7 Conclusion
4.8 Annexe
5 Une simheuristique pour générer des grilles robustes
5.1 Présentation et état de l’art
5.1.1 Motivation
5.1.2 Méta-heuristiques
5.1.3 Approches couplées simulation-optimisation
5.2 Une simheuristique de recuit simulé
5.2.1 L’algorithme du recuit simulé
5.2.2 Adaptation et implémentation
5.2.3 Résultats
5.3 Méthodes de descente
5.4 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
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