Le 4 juillet 2002, moins d’un an après l’attaque du 11 Septembre, sort le jeu America’s Army un jeu conçu par et pour l’armée la plus puissante du monde : l’armée américaine. Les journalistes et les experts du domaine n’ont pas manqué de faire le parallèle avec la sortie de ce jeu et la guerre américaine en Irak. En effet, l’armée américaine a adopté les jeux vidéo dans son processus de recrutement, de formation et de suivi de ses soldats. C’est aussi le cas de l’université de Sydney où des principes spécifiques aux jeux ont été mis en place pour motiver les étudiants, mais aussi permettre un suivi de leur progression. Et ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Il apparait ainsi que tous ces exemples indiquent un changement de paradigme, de vision et une évolution de conception par rapport à la formation, aux jeux vidéo et des rapports qui existent entre les deux. Cela implique que les méthodes d’enseignement évoluent rendant bientôt obsolètes certaines pratiques, de sorte que l’on peut se demander comment les jeux vidéo participent à l’amélioration des compétences des apprenants.
A Madagascar, le français a été décrété langue officielle . Héritage d’un passé colonial, cette langue est présente dans le quotidien du citoyen malgache. Utilisée comme langue administrative, comme première langue étrangère et comme langue d’enseignements, son apprentissage commence dès les classes primaires, et malheureusement même au-delà du niveau du lycée, les apprenants éprouvent encore des difficultés par rapport à cette langue. Des hypothèses ont été émises pour expliquer l’origine de ces difficultés : l’aspect plurilingue et pluriculturel de Madagascar et la difficulté pour l’enseignant d’allier les deux, l’inadéquation entre besoins et les attentes des apprenants, ou encore le manque d’intérêt de l’apprenant pour une langue jugée « difficile » et « colonisatrice ».
DE LA LANGUE ET DES PROCESSUS DE COMMUNICATION
La communication est la dernière révolution de notre monde moderne, toutes les technologies que l’humanité a inventé depuis ces dernières années visent la communication. Moins de frontières entre les hommes, moins distances entre les races. Cette communication couvre aujourd’hui des domaines plus vastes encore que les discussions humaines. Elle concerne maintenant la finance, le transport, le divertissement et tant d’autres encore. Il nous semble important de faire un tour d’horizon de ce si large système de communication ; surtout des domaines qui se rapportent à notre travail. En couvrant tour à tour : l’origine, avec la langue ; et l’évolution, avec le langage machine.
LA LANGUE
LA LANGUE DANS SON USAGE PRIMAIRE
Ferdinand De Saussure définit la langue comme étant à la fois « un produit social de la faculté de langage et un ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l’exercice de cette faculté chez les individus . » Ces conventions sont souvent issues de la société qui les utilise, et sont directement liées à leur environnement et leurs cadres de vie. Communiquer avec le malgache ne se résume pas, à émettre des discours en malgache par le biais de l’organe de la parole. Et si la personne qui énonce le discours prend comme base de références contextuelle et culturelle une langue autre que le malgache, l’incompréhension peut arriver rapidement. Dans le cadre d’apprentissage d’une langue étrangère, et en ce qui nous concerne : le français, c’est le volet culturel et social de la langue qui pourrait gêner les apprenants. On ne pourrait pas expliquer et inculquer le concept de « neige » et tout ce qui s’y rapporte à des enfants qui habitent à Madagascar aussi facilement qu’à des enfants qui habitent les États Unis.
a) La langue comme un organe
La langue est « organe charnu, allongé et mobile qui se trouve dans la bouche ; organe de la parole. » (Dictionnaire Antidote V9.3). D’après cette définition, on peut dire que : la langue en tant qu’organe charnu, est commun à tous les animaux, elle est même pièce de boucherie. Elle se compose d’une multitude de récepteurs sensoriels que l’on appelle des papilles. Elle participe aussi à la constitution du bol alimentaire, en comprimant la nourriture contre le palais, avant de la propulser dans le pharynx en direction de l’œsophage, puis de l’estomac. Mais la langue, c’est également le gout. Les papilles qui la composent sont à l’origine du signal gustatif sans lequel nous serions incapables de distinguer le sucré du salé, par exemple.
Les papilles fonctionnent comme des récepteurs sensoriels. Ils transmettent au cerveau les informations chimiques correspondant aux caractéristiques gustatives des aliments présents dans notre bouche. Et par son positionnement dans la bouche, la langue nous permet aussi d’élaborer et de moduler des sons. Mais en tant qu’organe de parole, elle est spécifique à l’homme. Rejoignant ainsi le constat fait par Aristote en affirmant que « l’homme est le seul animal qui parle ». Cette affirmation d’Aristote sous-tend que l’homme est le seul animal doué de raison. « Logos » voulant à fois dire parole, raison, discours sensés pour les Grecques.
b) La langue comme un outil
La langue est aussi un instrument de communication. Si nous avons vu que pour les Grecques, le fait de prendre la parole, user de sa langue était un acte réfléchi. André Martinet définit la langue de la manière suivante « la langue est un instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse, différemment dans chaque communauté, en unités douées d’un contenu sémantique et d’une expression phonique, les monèmes ; cette expression phonique s’articule à son tour en unités distinctives et successives, les phonèmes, dont la nature et les rapports diffèrent, eux aussi, d’une langue à une autre. » Pour Martinet, la différence de propriété de chaque langue est constituante de son identité. Il est donc important pour une personne souhaitant entretenir une communication (car elle est outil de communication) de prendre acte des codes aussi bien implicites qu’explicites qu’une langue a en son sein.
Pour Friedrich Hegel « c’est le son articulé, le mot seul qui nous offre une existence où l’externe et l’interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c’est une tentative insensée. » La langue n’est pas qu’instrument de communication sociale. Elle est aussi instrument de construction de la logique personnelle. Tout acte de pensée doit obligatoirement être exprimé par des mots. Il ne peut y avoir pensé sans mot même si l’inverse est possible.
LA LANGUE PLUS QU’UN OUTIL
c) La langue comme institution sociale
Ferdinand de Saussure complète par : « Il n’y a pas de société sans langue comme il n’y a pas de langue que dans une société. La langue n’existe qu’en vertu d’une sorte de contrat tacite entre les membres de la communauté.» La langue se construirait alors par et pour la société qui l’utilise, être en contact avec les autres langues c’est être en contact avec d’autres cultures. Plurilinguisme est souvent signe de pluri-culturalités. L’acte d’enseigner, surtout dans ce contexte, ne se résumerait donc pas à expliquer des mécaniques linguistiques ; mais aussi de découverte et exploration culturelle et/ou sociale et de déconstruction de la manière de penser.
La langue est une part importante de l’identité d’une communauté et d’un peuple. Et même les auteurs des œuvres de fictions ont bien compris ce rapport. En effet il n’est pas rare de trouver aujourd’hui des œuvres qui mettent à la fois en scène un peuple et une langue (construite artificiellement) s’y rapportant. Ces pratiques contribuent à donner une « intensité » et une « identité » quasi réelle à ce peuple de fiction. Nous citerons pour exemple les langues Dotraky et Valérian pour la série « Game of Thrones », le Quenya et les langues elfiques dans « Le Seigneur des Anneaux », le Klingon dans la série « Star Trek ».
d) La langue comme instrument politique.
La langue est aussi une institution politique. Présente dans la constitution, les textes de loi, les programmes gouvernementaux (plus particulièrement pour l’enseignement) et les outils législatifs. Cela s’est déjà manifesté dans l’histoire de Madagascar, quand la langue est devenue outil (ou argument) de la réforme politique et sociétale de notre pays. Allant dans ce sens, Pierre Bourdieu dit « une langue serait […] un dialecte qui a pris le pouvoir dans un pays. » Pour le cas de Madagascar, cette affirmation est d’autant plus vraie que nous avons, une langue malgache « officielle », une langue étrangère « administrative et officielle », et plusieurs dialectes locaux avec leurs ajouts de néologisme. De par cette définition de Bourdieu, les difficultés inhérentes aux faits d’enseigner une langue étrangère ne viennent pas seulement de la culture que cette langue étrangère implique. Mais aussi et surtout du fait que cette langue soit justement étrangère, et cela par bien des aspects.
LA COMMUNICATION HOMME-MACHINE
LE LANGAGE MACHINE
Les couches d’abstractions
Pris dans son sens le plus strict, il n’existe pas de communication à proprement parler entre l’homme et la machine, simplement des directives que l’homme donne à la machine ; et la machine qui affiche quelque chose ne ferait que ce qu’on attendrait de lui. Avec le temps et la démocratisation de la technologie, les ordinateurs ne sont plus « la chasse gardée » des scientifiques, et tout un chacun peut désormais « communiquer » avec sa machine.
Cette communication se fait selon plusieurs couche :
● À la base de la couche de communication, il y a le langage binaire. Une suite de 1 et de 0, c’est le seul langage qu’est capable de comprendre la machine. Et seule la machine (ou presque) peut comprendre ce langage. Cette couche est composée essentiellement d’instructions (d’ordres) que la machine ; plus précisément le processeur doit exécuter.
● Par-dessus le langage binaire existe les langages de programmation à proprement parler. Il s’agit d’une suite d’instruction logique, qui représente des séquences d’actions, à la manière d’une recette de cuisine, qui seront ensuite transformées en langage binaire. Et même s’il existe des langages de programmation « accessibles » il faut une certaine maitrise pour utiliser ses langages de programmation. On appelle ces personnes qui utilisent ces langages de programmation des codeurs et ce n’est pas anodin.
● La couche la plus haute est la couche logicielle. Avec les langages de programmation précédemment cités. Les ingénieurs (codeurs) créent des outils pour que l’utilisateur lambda puisse communiquer avec la machine. Ces outils vont de l’éditeur de texte avec lequel ce travail a été écrit, en passant par les boites mails, ou même le système d’exploitation.
Ce qui nous intéresse dans ce travail, c’est la couche la plus haute de cette communication homme-machine. En effet même si durant la conception, nous avons utilisé des langages de programmation, ce code n’est pas directement exposé aux utilisateurs finals.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I. CADRAGE THEORIQUE
CHAPITRE 1 : DE LA LANGUE ET DES PROCESSUS DE COMMUNICATION
CHAPITRE 2 : RAPPORT ENTRE THEORIES PEDAGOGIQUES ET ENSEIGNEMENT DES LANGUES
CHAPITRE 3 : DE LA THEORIES DES JEUX ET DU JEU VIDEO
PARTIE 2 : INVESTIGATIONS, ANALYSE DU CORPUS
CHAPITRE 4 : PHASES DE TESTS D’UTILISABILITÉ
CHAPITRE 5 : ANALYSE DU JEU VIDÉO VOLAPÜK EN TANT QUE SUPPORT DIDACTIQUE
CHAPITRE 6 : APPLICATION ET EXPERIMENTATION
PARTIE 3 : ANALYSES DES DONNÉES ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 7 : ANALYSE DES DONNÉES « IN-GAME »
CHAPITRE 8 : RECOMMANDATIONS ET LIMITES
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE