Phénomènes de couplages
Jusqu’à présent, on s’est intéressé, de façon découplée, aux comportements électromagnétique et mécanique. Cependant, des couplages ont lieu entre les états électromagnétiques et mécaniques. Ces couplages se manifestent principalement de deux façons : une déformation induite par une sollicitation magnétique (resp. électrique) et une modification de l’état magnétique (resp. électrique) sous l’effet des contraintes. Il convient alors de distinguer deux niveaux de couplages. Les couplages dits globaux et ceux dits locaux ([Hirsinger et Billardon, 1995]).On parle de couplage global dès que la solution d’une équation d’équilibre vient induire une modification de la solution d’une autre équation d’équilibre. Typiquement, ce cas est celui où l’on cherche la solution d’équilibre d’une structure mécanique soumise à des efforts d’origine électromagnétique. Le couplage local quant à lui intervient dans la définition des lois de comportement. Le couplage local se définit alors par la relation existant entre, au minimum, deux lois de comportement : la modification d’une variable d’état intervenant sur plusieurs lois à la fois.
Couplage magnéto-mécanique
Un matériau ferromagnétique est le lieu d’un couplage magnéto-mécanique, qui se manifeste sous deux formes principales :
– La déformation de magnétostriction, réponse d’un solide à un changement de son aimantation. Cette déformation induite non-linéaire dite de Joule ([Joule, 1847a], [Joule, 1847b]), ne dépend que de l’état magnétique du matériau ([du Trémolet de Lacheisserie, 1993]). Elle correspond à un couplage local d’état, il est donc possible de lui adjoindre une loi de comportement. La magnétostriction peut avoir une valeur positive (λs > 0)5 , une valeur négative (λs < 0) ou encore changer de signe au cours du processus d’aimantation.
– L’effet Villari, effet inverse de la déformation de magnétostriction, correspondant à l’influence des contraintes mécaniques sur l’état magnétique du matériau ([Villari, 1865]). L’état de contraintes induira une dégradation ou une amélioration du comportement magnétique du matériau. Dans tous les cas, l’influence sur le comportement magnétique de l’application d’une contrainte n’est pas symétrique en traction et en compression. Le mécanisme fondamental responsable du couplage magnéto-mécanique est le couplage spin-orbite associé aux symétries du réseau cristallin ; i.e. le couplage entre les moments magnétiques élémentaires, orbital et de spin, de l’électron et les déformations du réseau cristallin. Il convient alors de distinguer deux types de magnétostriction des matériaux ferromagnétiques. La magnétostriction spontanée et la magnétostriction induite. La première découle de la transition de l’état désordonné à l’état ordonné au passage de la température de Curie Tc. Une déformation apparaît, s’accompagnant d’une variation de volume (figure 1.2). La seconde correspond à la déformation sous champ magnétique, c’est la déformation de magnétostriction induite (figure 1.2). Lorsque l’on parlera de magnétostriction c’est à cette dernière que l’on fera référence. On peut noter que la déformation de magnétostriction est également à l’origine d’autres effets : effet ∆E, effet Invar et Elinvar, effets Wiedemann,. . ., au sujet desquels le lecteur pourra trouver de plus amples informations dans [Couderchon, 1994] et [du Trémolet de Lacheisserie, 1999a]. Ces phénomènes de couplage magnéto-mécanique sont fortement non linéaires. Cependant, et malgré la complexité des mécanismes physiques mis en jeu, les propriétés magnéto-mécaniques des matériaux ferromagnétiques peuvent parfois être formellement décrites à l’aide de formulations linéaires. On parle alors de piézomagnétisme. Typiquement, cela consiste à définir le comportement du matériau autour d’un point de fonctionnement, défini par une précontrainte mécanique et/ou une 5λs est le cœfficient de magnétostriction à saturation.La température de Curie Tc est la température au delà de laquelle un corps ferromagnétique perd son magnétisme spontané, le milieu ne possède plus de polarisation magnétique. Au dessus de cette température les matériaux sont dans un état désordonné dit paramagnétique. Ce changement d’état est réversible.
Vers une association d’éléments actifs. . .
Les applications conventionnelles à base de matériaux actifs, emploient un unique élément actif pour réaliser les fonctions de capteur ou d’actionneur. Or, les propriétés des matériaux piézoélectriques et magnétostrictifs font que ceux-ci peuvent être considérés de façon complémentaire. La conception de systèmes hybrides piézoélectrique-magnétostrictif présente des avantages uniques, inaccessible avec un seul élément actif. Les propriétés de ces matériaux étant utilisées pour ajouter des fonctionnalités ou augmenter les performances d’un système ([Downey, 2003]). Les recherches antérieures concernant la conception de systèmes hybrides se sont orientées principalement selon deux axes : l’amélioration de l’efficacité énergétique et celle de la bande passante. Le gain énergétique provient du fait qu’une réponse mécanique peut être obtenue en consommant moins d’énergie électrique, si l’énergie disponible est partagée entre différents éléments actifs avec des propriétés électriques complémentaires ([Janocha et Clephas, 1996]) (un matériau piézoélectrique est principalement capacitif tandis qu’un matériau magnétostrictif est principalement inductif). Le second point, a fait l’objet du développement de la bande passante de sonars ([Butler et Tito, 2000]), avec la mise au point de dispositif à double résonance. La fréquence de résonance haute est contrôlée par l’actionneur piézoélectrique tandis que l’actionneur magnétostrictif contrôle la fréquence de résonance basse. De telles structures permettent alors la création d’ondes de pression dans une gamme de fréquences plus basse que les dispositifs conventionnels. Dernièrement, la conception de composites stratifiés piézoélectrique/magnétostrictifs a mis en évidence des effets magnéto-électriques géants ([Dong et al., 2003a]). Ces effets correspondent à une polarisation électrique (P ) en réponse à l’application d’un champ magnétique (H), et inversement, à une aimantation (M) en réponse à l’application d’un champ électrique (E). Selon les configurations retenues, portant sur le choix des directions de polarisation des couches magnétostrictives et piézoélectriques, l’effet magnéto-électrique obtenu est plus ou moins marqué. Les matériaux actifs ont un potentiel élevé en terme d’applications. Nous nous restreignons pour cette étude aux couplages électro-mécanique et magnéto-mécanique, mais d’autres types de couplages existent (tableau 1.5) et ceux-ci peuvent être prépondérants au sein de certains matériaux (alliage à mémoire de forme, fluides électromagnéto-rhéologique. . .). De nombreux outils de modélisation numérique prennent en compte le comportement électro mécanique (piézoélectricité), et permettent une conception efficace des dispositifs. Il n’en est pas de même du comportement magnéto-mécanique où les fortes non-linéarités doivent être prises en compte (bien que l’on puisse noter l’existence de codes de calculs reposant sur le piézomagnétisme). Notre objectif est de disposer d’outils de modélisation numérique, basées sur la méthode des éléments finis, pour la modélisation de structures utilisant des matériaux actifs. Ces outils nécessite des lois pour décrire le comportement des matériaux. L’approche macroscopique permet une définition de ces lois directement intégrable dans les codes de calculs. Cependant, elle nécessite de s’appuyer sur des données expérimentales pour leur établissement. Le chapitre suivant aborde ce problème de la caractérisation pour le cas des matériaux magnétostrictifs.
Principe et état de l’art de la caractérisation magnéto-mécanique
Une des principales difficultés rencontrée dans cette démarche expérimentale est de pouvoir créer des sollicitations, magnétique et mécanique, homogènes dans un volume de matériau donné. Par ailleurs, ce volume doit être d’une taille suffisante pour être accessible à la mesure. La mesure des différentes grandeurs physiques impose l’existence d’une zone où les états homogènes magnétique et mécanique coïncident, ou se chevauchent. On doit connaître le tenseur des contraintes et des déformations S dans la zone excitée magnétiquement ainsi que les valeurs prises par les champs d’excitation magnétique H et d’induction magnétique B. L’accès à ces données est limité par les dimensions des capteurs disponibles. Au cours de la phase de conception de l’essai, on cherchera donc à obtenir la zone homogène en contrainte et en champ magnétique la plus étendue possible dans l’éprouvette. Nous allons analyser les différentes expériences présentées dans la littérature, principalement celles liées à la modélisation des comportements magnéto-élastique des matériaux fortement magnétostrictif, pour souligner les difficultés de la mise en place de telles expériences et en montrer les limitations.
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Table des matières
Introduction
1 Introduction au comportement électro-magnéto-élastique
1.1 Équations d’équilibre
1.1.1 Équations d’équilibre électromagnétique
1.1.2 Équation d’équilibre mécanique
1.2 Relations de comportement
1.2.1 Comportement mécanique
1.2.2 Comportement électromagnétique
1.2.3 Phénomènes de couplages
1.3 Comportement électro-magnéto-élastique
1.3.1 Comportement magnéto-mécanique
1.3.2 Comportement électro-mécanique
1.4 Matériaux actifs du génie électrique
1.4.1 Matériaux magnétostrictifs
1.4.2 Matériaux piézoélectriques
1.4.3 Comparaison matériaux magnétostrictifs/piézoélectriques
2 Caractérisation du comportement magnéto-mécanique
2.1 Principe et état de l’art de la caractérisation magnéto-mécanique
2.1.1 Critères d’analyse
2.1.2 Bancs expérimentaux de référence
2.1.3 Conclusion
2.2 Banc de mesure magnéto-mécanique réalisé au LGEP
2.2.1 Objectifs
2.2.2 Partie mécanique
2.2.3 Partie magnétique
2.2.4 Dimensionnement
2.3 Procédure expérimentale
2.3.1 Principe
2.3.2 Mesures mécaniques
2.3.3 Mesures magnétiques
2.3.4 Pilotage et acquisition
2.4 Résultats de mesure
2.4.1 Comportement mécanique
2.4.2 Comportement magnétique
2.4.3 Comportement magnéto-mécanique
2.5 Conclusion
3 Modélisation électro-magnéto-mécanique de matériaux actifs
3.1 Problématique/Contexte
3.2 Comportement électro-mécanique
3.2.1 Cœfficients piézo-électriques
3.2.2 Lois de comportement piézoélectrique
3.3 Comportement magnéto-mécanique
3.3.1 Cœfficients piézo-magnétiques
3.3.2 Lois de comportement magnéto-mécanique
3.3.3 Modèle de déformation de magnétostriction
3.3.4 Identification et influence des paramètres du modèle
3.4 Approche éléments finis
3.4.1 Problème électro-mécanique
3.4.2 Problème magnéto-mécanique
3.4.3 Problème couplé électro-magnéto-mécanique
3.4.4 Algorithme de résolution
3.5 Conclusion
4 Application aux dispositifs à base de matériaux actifs
4.1 Actionneur pour le contrôle de déplacement
4.1.1 Description du dispositif
4.1.2 Analyse numérique de l’actionneur de contrôle de déplacement
4.1.3 Conclusion
4.2 Structures composites magnéto-électriques pour la mesure de champ
4.2.1 Description des structures composites
4.2.2 Solutions analytiques
4.2.3 Comparaison solutions analytique/numérique
4.2.4 Conclusion
4.3 Capteur de déplacement magnéto-électrique
4.3.1 Description du dispositif
4.3.2 Analyse numérique du capteur
4.3.3 Conclusion
4.4 Conclusion
Conclusion – Perspectives
Bibliographie
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