L’allaitement maternel est le moyen naturel et idéal pour l’alimentation du nourrisson. Le lait maternel contient tous les éléments nutritifs indispensables pour le développement physique de l’enfant. De plus, le premier lait ou le colostrum apporte les moyens de défense naturelle contre les diverses infections [60, 70]. L’allaitement maternel facilite la relation physique mère-enfant : le contact peau à peau entre la mère et le bébé entraîne un meilleur développement affectif et social du bébé [43]. Ainsi, l’allaitement « à la demande » durant le jour et la nuit assure à l’enfant une récupération de son poids de naissance [79]. Un allaitement maternel exclusif ou AME (défini comme un allaitement au sein uniquement sans aucun apport liquide ou solide) au cours des 6 premiers mois procure à l’enfant un niveau nutritionnel meilleur et une hydratation suffisante, il diminue considérablement la probabilité de décès par diarrhée.
Par ailleurs, les bienfaits et les avantages de l’allaitement maternel sont largement étudiés et reconnus au niveau mondial surtout au niveau des pays en développement (PED) où le taux de la malnutrition est très élevé. Selon le rapport de la FAO en 2003, 842 millions de personnes souffrent de la malnutrition, dont 798 millions dans les PED [24]. Elle touche en majorité les jeunes enfants. D’une manière générale, elle survient très tôt, parfois avant leur naissance, et sa prévalence augmente de manière critique au cours de la période d’introduction des aliments de complément [41,24]. La mauvaise pratique de l’allaitement maternel et l’alimentation insuffisante inadaptée en qualité et en quantité sont les causes majeures de la malnutrition. Seulement 39% des nourrissons des PED bénéficient d’un allaitement maternel exclusif pendant les 6 premiers mois. L’alimentation complémentaire commence fréquemment trop tôt ou trop tard [33]. Les aliments donnés à l’enfant sont souvent de mauvaise qualité nutritionnelle et de faible densité énergétique. Leurs apports en énergie, en protéines, en lipides et en micronutriments, notamment la vitamine A et le Fer sont insuffisants par rapport aux besoins des jeunes enfants. De plus, ces aliments sont souvent inadéquats du point de vue hygiénique.
A Madagascar, durant cette dernière décennie, la gravité de la pauvreté de la population a des conséquences néfastes sur leur situation nutritionnelle ; il s’agit principalement de la malnutrition protéino-energétique (MPE) et des carences en micronutriments. D’après les dernières données existantes [33],
• 48% des enfants de moins de 3 ans ont un retard de croissance, dont 22% de cas sévères ;
• 40% des enfants de moins de 3 ans souffrent d’insuffisance pondérale, dont 12% de cas sévères ;
• 14% des enfants de moins de 3 ans se trouvent dans un état d’émaciation, dont 3% de cas sévères.
Sur 1000 naissances vivantes, 58 meurent chaque année avant leur premier anniversaire [33]. Pour faire face à cette situation, le gouvernement malgache a adopté la politique nationale de nutrition (PNN) dont les objectifs consistent à la réduction de moitié de la prévalence de la malnutrition chronique des enfants de moins de 5 ans d’ici 2015 et la contribution à la réduction de la mortalité infantile. Le PNAN (Plan national d’action pour la nutrition) comprend 14 stratégies opérationnelles dont la promotion de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois. Dans ce sens, Madagascar prévoit d’élever jusqu’à 80% le taux d’allaitement maternel exclusif en 2010 [41]. A partir de cet âge, l’introduction d’aliments de complément adéquats est nécessaire. Le programme NUTRIMAD mis en œuvre par le GRET (Groupe de recherches et d’échanges technologiques), l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), et le LABASAN (Laboratoire de Biochimie appliquée aux sciences de l’Alimentation et à la Nutrition), initié depuis 1998 est en phase avec la PNN. Différentes activités sont développées dans le but d’améliorer l’état nutritionnel des enfants de moins de 2 ans en mettant à leur disposition des aliments de complément appropriés [64, 65, 78]. Notre étude s’insère dans cet axe et concerne la « Couverture des besoins nutritionnels des enfants de 6 – 14 mois dans le quartier de Tanambao Fianarantsoa : Contribution du lait maternel». Cette étude a pour objectifs de :
• Caractériser les conditions socio-économiques et hygiéniques du ménage et étudier leurs liens avec l’alimentation de l’enfant ;
• Caractériser l’état nutritionnel des enfants ;
• Estimer les ingérés en lait maternel des enfants entre 6 – 14 mois.
POINT BIBLIOGRAPHIQUE
DONNEES CONCERNANT LE LAIT MATERNEL
Physiologie de la lactation
La lactation est un processus physiologique sous dépendance neurohormonale, qui se prépare pendant la grossesse, se déclenche à l’accouchement et s’entretient par les tétées. Trois principaux mécanismes interviennent dans la lactation : le mécanisme de la production du lait ou la lactogénèse, le mécanisme de la régulation de la montée laiteuse et enfin le mécanisme de la régulation de l’entretien de la lactation ou la galactopoïèse .
La lactogénèse
Elle se fait en 2 stades :
Le premier stade commence 12 semaines avant l’accouchement sous l’influence des modifications de l’équilibre entre les hormones lactogènes et les hormones antilactogènes. Ces dernières sont représentées par la progestérone. Les hormones lactogènes sont la prolactine, HPL (Hormone Placentaire Lactogène), les hormones de croissance, les corticoïdes et l’insuline [42, 68].
Le second stade débute deux à trois jours après l’accouchement sous l’influence de la sécrétion de la prolactine et la disparition de la fonction placentaire. Les facteurs qui augmentent la sécrétion de prolactine sont la succion du mamelon surtout, l’influence psychogène et le sommeil. La prolactine a pour fonction de déclencher la sécrétion du lait par les cellules glandulaires [42, 68].
La montée laiteuse
Après l’accouchement, plusieurs facteurs sont responsables de la montée laiteuse : la chute du taux des œstrogènes, de la progestérone, de HPL (Hormone Placentaire Lactogène) ou HCG (Hormone Chorionique Gonadotrope) sécrétée par le placenta. La prolactine augmente approximativement 10 fois pendant la grossesse et diminue après l’accouchement. Le sein reçoit la prolactine dont le taux reste généralement élevé une fois que l’allaitement maternel est établi parce que la succion la libère par voie réflexe (réflexe de sécrétion) [42, 68].
La stimulation ou la succion fréquente du mamelon associée à une vidange régulière du lait augmente la sécrétion de la prolactine. Après l’expulsion du placenta, les acini sont distendus par la sécrétion du colostrum, premier lait de couleur jaunâtre riche en protéines et en divers acides aminés. Les seins se mettent à produire beaucoup de lait au bout de quelques jours, c’est la montée laiteuse qui se fait d’autant plus vite quand le nouveau né est mis au sein dès sa naissance et à chaque fois qu’il le réclame après l’accouchement [42, 68].
La galactopoièse
Une fois que la montée laiteuse est initiée, l’entretien de la lactation dépend à la fois d’un équilibre endocrinien, d’une action mécanique et de la vidange régulière de la glande mammaire. Deux réflexes entrent en jeu pour assurer la montée laiteuse en quantité adéquate et au bon moment [42, 68] :
✠ Réflexe de la sécrétion du lait ou réflexe prolactinique
Chaque fois que le bébé tète le sein, le récepteur sensitif situé au niveau du mamelon transmet l’influx à la moelle épinière par les nerfs somatiques puis à l’hypothalamus. L’excitation de l’hypothalamus permet à l’hypophyse de libérer des hormones de lactation. Ces dernières sont alors excrétées dans le sang, d’où le déclenchement de la sécrétion du lait par les cellules alvéolaires des acini mammaires. C’est une production à la demande. La succion du mamelon stimule physiologiquement la sécrétion lactée : plus l’enfant tète, plus les seins produisent du lait.
✠ Réflexe d’éjection du lait ou réflexe ocytocique
La succion du mamelon excite les récepteurs sensitifs. Le message est perçu par la posthypophyse qui, à son tour incite la sécrétion de l’ocytocine. Cette dernière est véhiculée par le sang vers la glande mammaire où elle contracte les cellules musculaires qui entraîne l’éjection du lait vers les canaux excréteurs. La bonne vidange des formations acineuses est une condition essentielle de l’entretien de la sécrétion.
La composition du lait maternel et son importance pour les nourrissons
Le lait maternel est un liquide colloïdal, sécrété par les glandes mammaires, Sa composition est adaptée aux besoins du bébé [68]. Le colostrum ou le premier lait est très important pour la santé du nouveau né [71].
Le colostrum
Le colostrum est un liquide jaune, alcalin, coagulant à la chaleur. Il s’agit d’une sécrétion mammaire qui s’observe avant la fin du septième mois de grossesse et peu après l’accouchement [3, 71]. Le colostrum contient plus de protéines et de vitamine A que le lait maternel mature qui le remplace progressivement. Par contre il présente une faible valeur calorique, une faible concentration en graisses et en lactose. Son volume varie de 30ml à 100ml pendant le premier jour après l’accouchement [71]. Le colostrum est laxatif et contribue à l’élimination du méconium, qui aide à éviter la jaunisse. Les immunoglobulines qu’il contient protègent le nourrisson contre de nombreux virus et bactéries. Il constitue donc la première immunisation du bébé contre les infections .
Le lait mature
Le lait mature ou définitif est principalement constitué de glucides, de protéines, de lipides, de vitamines et de sels minéraux, des oligoéléments et d’eau .
➤ L’eau
L’eau est très importante (87%), suffisante pour assurer les besoins en eau de l’organisme du nourrisson allaité. Ainsi, un bébé qu’on laisse téter à volonté n’a pas besoin d’eau supplémentaire même sous un climat chaud et sec [39, 48].
➤ Les protéines
La teneur en protéines dans le lait maternel est plus faible que celle dans le lait de vache. En effet, ce dernier contient des protéines difficiles à digérer pour le bébé [39, 48]. Qualitativement, les protéines contenues dans le lait maternel sont riches en cystéine, taurine et en acides aminés libres qui sont nécessaires à la croissance et au développement du cerveau. Il faut aussi souligner la forte teneur en α lactalbumine favorisant la formation d’un coagulât gastrique plus fin facilement attaqué par les sucs digestifs. La digestion gastrique du lait maternel dure 90 à 120min [48]. Le taux de protéines dans le lait maternel n’est pas affecté par le régime alimentaire de la mère.
➤ Les lipides
Les concentrations en lipides sont sensiblement les mêmes pour le lait de vache et le lait humain.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. POINT BIBLIOGRAPHIQUE
II.1 DONNEES CONCERNANT LE LAIT MATERNEL
II.1.1 Physiologie de la lactation
II.1.1.1 La lactogénèse
II.1.1.2 La montée laiteuse
II.1.1.3 La galactopoièse
II.1.2 La composition du lait maternel et son importance pour les nourrissons
II.1.2.1 Le colostrum
II.1.2.2 Le lait mature
II.1.3 Avantages de l’allaitement maternel
II.2 L’ALLAITEMENT MATERNEL A MADAGASCAR
II.3 ETAT NUTRITIONNEL DES ENFANTS
II.3.1 Etat nutritionnel au niveau mondial
II.3.2 Etat nutritionnel des enfants de moins de trois ans à Madagascar
II.3.2.1 La malnutrition protéino-enérgetique
II.3.2.2 Les carences en micronutriments
II.4 ETAT NUTRITIONNEL DES FEMMES
II.5 RECOMMANDATIONS SUR LES BESOINS NUTRITIONNELS
II.5.1 Les recommandations sur les pratiques alimentaires des jeunes enfants
II.5.2 Apports recommandés pour les jeunes enfants
II.5.2.1 Apports en énergie
II.5.2.2 Apports en protéines et en acides aminés essentiels
II.5.2.3 Apports en lipides et en acides gras essentiels
II.5.2.4 Apports en glucides
II.5.2.5 Apports recommandés en vitamines et en éléments minéraux
II.5.2.6 Apports en énergie et en nutriments du lait maternel
II.5.2.7 Apports énergétiques du lait maternel et besoins du jeune enfant
II.5.3 Apports conseillés pour les femmes allaitantes
II.5.4 Aspects hygiéniques et sanitaires
III. METHODOLOGIE
III.1 SITE D’INTERVENTION
III.1.1 Choix du site d’étude
III.1.2 Lieu d’étude
III.2 POPULATION CIBLE
III.3 ECHANTILLONNAGE
III.3.1 Recensement
III.3.2 Présentation de l’étude
III.3.3 Taille de l’échantillon
III.4 CARACTERISATION DE L’ECHANTILLON
III.4.1 Conditions socio-économiques des ménages
III.4.2 Evaluation de l’état nutritionnel des enfants
III.4.3 Evaluation de l’état nutritionnel des mères
III.4.4 Description des conditions et pratiques d’hygiène du ménage
III.5 ESTIMATION DES INGERES EN LAIT MATERNEL
III.5.1 Mesure de la consommation du lait maternel
III.5.1.1 Principe
III.5.1.2 Matériels et méthodes
III.5.2 Calcul de la quantité moyenne de lait et de nutriments ingérés par jour
III.5.2.1 Nombre de tétées et quantité de lait maternel ingérée
III.5.2.2 Ingérés nutritionnels à partir du lait maternel
III.6 COUVERTURE DES BESOINS NUTRITIONNELS DES ENFANTS
IV. RESULTATS ET DISCUSSION
IV.1 CARACTERISTIQUES SOCIO-ECONOMIQUES ET D’HYGIENE DU MENAGE
IV.1.1 Caractéristiques généraux du couple mère- enfant
IV.1.2 Début d’allaitement et introduction des aliments liquides
IV.1.3 Soins et santé de l’enfant
IV.1.4 Etat nutritionnel des enfants
IV.1.5 Caractéristiques socio-professionnelles des mères
IV.1.6 Caractéristiques socio-professionnelles des chefs de ménages
IV.1.7 Caractéristiques de l’hygiène des ménages
IV.2 QUANTITES ET INGERES EN LAIT MATERNEL
IV.2.1 Durée d’une tétée et quantité de lait maternel ingérée par tétée
IV.2.2 Fréquence, durée totale d’allaitement et quantité de lait maternel ingérée par jour
IV.2.2.1 Fréquence journalière de tétées
IV.2.2.2 Durée journalière de tétées
IV.2.2.3 Quantité journalière de lait maternel ingérée
IV.2.3 Observations sur les pratiques de l’allaitement maternel
IV.2.3.1 Comportement de la mère face aux pleurs et à l’attitude de l’enfant
IV.2.3.2 Sein utilisé
IV.2.4 Facteurs de variation de la quantité de lait maternel ingérée par enfant
IV.2.4.1 Variation de la quantité en fonction du nombre de tétées
IV.2.4.2 Variation en fonction du niveau d’instruction des mères
IV.2.4.3 Variation en fonction de la santé de l’enfant
IV.2.4.4 Autres facteurs de variation de la quantité de lait maternel ingérée
IV.2.5 Ingerés nutritionnels des enfants à partir du lait maternel
IV.2.5.1 Ingérés en énergie et en nutriments
a) Ingérés énergétiques
b) Ingérés protéiques
c) Ingérés lipidiques
d) Ingérés glucidiques
e) Ingérés en micronutriments
IV.2.5.2 Taux de couverture des besoins en énergie et en nutriments
IV.3 CONTRIBUTION RELATIVE DU LAIT MATERNEL ET DES ALIMENTS DE COMPLEMENT DANS LA COUVERTURE DES BESOINS NUTRITIONNELS DES ENFANTS
IV.3.1 Ingérés totaux en nutriments
a) Ingérés totaux en énergie
b) Ingérés totaux en protéines
c) Ingérés totaux en lipides
d) Ingérés totaux en glucides
e) Ingérés totaux en micronutriments
IV.3.2 Contribution relative du lait maternel et des aliments de complément dans
les ingérés nutritionnels des enfants
IV.3.3 Couverture des besoins nutritionnels
IV.3.3.1 Couverture générale de l’ensemble des besoins nutritionnels
a) Couverture des besoins énergétiques
b) Couverture des besoins protéiques
c) Couverture des besoins en micronutriments
IV.3.3.2 Contribution relative du lait maternel et des aliments de complément dans
la couverture des besoins nutritionnels
V. CONCLUSION
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