La complexité et le domaine de la santé mentale
Le terme « profession »
La langue française ne réserve toutefois pas le mot profession à un type d’activité en particulier, mais s’en sert pour désigner toute occupation dont on peut tirer ses moyens d’existence. Au Québec, l’usage du terme profession, sous l’influence anglo-saxonne, désigne habituellement des activités ou des groupes de travail reflétant un certain statut social. En Amérique du Nord, une reconnaissance législative du statut de profession définit clairement les activités qui sont reconnues comme telles. Toutefois, ces activités varient d’un état ou d’une province à l’autre.
Les groupes professionnels
Dès les années 50-60, ce ne sont plus les débats idéologiques qui sous-tendent l’établissement des critères menant aux définitions des professions qui intéressent (d’ailleurs, de plus en plus d’occupations parviennent à démontrer qu’elles satisfont ces critères) mais bien’davantage les groupes professionnels eux-mêmes et les individus qui les composent. Une nouvelle approche soit celle de l’interactionnisme entre les groupes professionnels prend davantage de place dans la littérature. Celle-ci part du point du vue individuel et valorise les professions, au sens large, comme des formes d’accomplissement de soi (Dubar et al., 2011). Hughes (1994) met alors en doute
l’existence de critères universels et rationnels de délimitation entre les activités des professions et des occupations. Ainsi, il s’intéresse notamment à la façon dont certains groupes professionnels parviennent à obtenir des privilèges juridiques pour leurs membres. Bucher et Strauss (1961) affirment de leur côté que les professions ne partagent pas nécessairement une même identité et/ou des valeurs communes, mais les décrit plutôt comme un ensemble de segments en compétition. Ainsi, ils décrivent le processus, qui à l’intérieur de mêmes professions, met en compétition différentes approches. Une compétition ponctuée d’argumentations et d’ententes concernant les champs de pratique. Cette lutte, à l’interne, pour la place et la primauté conduira à
l’émergence de nouvelles approches engendrant une restructuration continuelle du groupe professionnel tout entier. En somme, les groupes professionnels se structurent sous les effets combinés de pressions internes et de pressions issues du contexte externe (économique, social et légal).
Le système profes,sionnel désorganisé et critiqué
Dès la fin des années 50 et au début des années 60, le système professionnel est en forte expansion dans le secteur de la santé. On assiste à la création de plusieurs corporations professionnelles découlant de l’explosion des connaissances et de l’évolution sociale rapide. Ainsi, plusieurs champs d’activités affirment répondre aux caractéristiques de professions et effectuent des demandes en ce sens au gouvernement (Conseil interprofessionnel du Québec, 2007). Deux constats s’imposent alors: 1) le nombre de demandes pour la formation de nouvelles corporations professionnelles croit rapidement; et 2) les rôles et responsabilités des regroupements professionnels semblent confus. En effet, plusieurs corporations cumulent à la fois les rôles de protection du public et de défense des intérêts socioéconomiques de leurs membres (Office des
professions, 1999). À partir de la fin des années soixante, les professions sont considérées comme partie prenante du système socioéconomique et sont accusées de se créer un monopole à l’intérieur de groupes restreints. Les professions font ainsi face à d’importantes critiques. Les professionnels sont perçus comme des acteurs ayant réussi à fermer leur marché du travail et à implanter un monopole cautionné par l’état. Le professionnalisme est alors analysé comme une stratégie politique plutôt que comme une exigence fonctionnelle ou une résultante de configuration relationnelle (Abbott, 2001).
L’envahissement du capital et son extension à toutes les sphères de l’activité ne peuvent que s’accompagner de la perte d’autonomie des groupes corporatifs ou des professions reconnues juridiquement comme telles. Ainsi, on assiste au déclin d’une forme de professionnalisme fondé sur l’autocontrôle au profit d’un mécanisme de contrôle par l’État des services aux personnes (Johnson, 1972).
Les constats et critiques de Dubar et al. (20 Il) dont nous proposons une synthèse dans le Tableau 2, donnent un aperçu des principaux motifs qui ont justifié les travaux subséquents des Commissions d’études, les rapports et les modifications législatives visant à mieux définir et encadrer les regroupements professionnels et les pratiques des professionnels. L’ajustement des rôles et responsabilités au contexte social en évolution, le contrôle de la qualité des services offerts et la protection du public sont au cœur de telles remises en question.
La gestion des compétences
Aubret, Gilbert et Pigeyre (2002) affirment que toutes les entreprises parlent de gestion des compétences, mais que dans certains cas cette unité de di~cours constitue plus une façade qu’une évolution de pratiques significatives. Ces auteurs soulignent la distinction entre la gestion des compétences et la gestion par les compétences. Ainsi, il y a gestion par les compétences lorsque la notion de compétence se substitue à d’autres notions, par exemple celle de poste, pour assurer le
fonctionnement d’une organisation. Commentant l’émergence du modèle de la compétence, Zarifian (2001) émet l’avis suivant: « les bases pratiques pour comprendre ce modèle sont encore faibles; bien des soi -disant systèmes de gestion des compétences ne sont encore que des formes « relookés » du modèle de poste ». D’autres auteurs tel Labruffe (2003) soutiennent dans leurs écrits la valeur du référentiel de compétences. Ce dernier permettrait notamment: « de clarifier, de façon concertée, toutes les facettes de la gestion des ressources humaines grâce à une appréciation précise des compétences requises dans une tâche, un poste ou une fonction … ». Or, la littérature rappelle régulièrement que les compétences requises définies dans les référentiels de
compétences ne correspondent jamais aux compétences réelles. Ainsi, chaque individu développe de façon singulière ses compétences en fonction de ses motivations, de son cadre de références et des ressources qu’il mobilisera dans l’action, des ressources et opportunités de son contexte d’emploi. (Institut national de santé publique, 2011). Ces écarts constatés entre les compétences prescrites et les compétences exercées ne sont pas sans conséquence. Bien des référentiels sont difficiles à exploiter ou inutilisables, car ils sont composés d’un très grand nombre de compétences ou caractérisés par des listes interminables de ~avoirs, savoir-faire, savoir être (Le Boterf 2002; Perrenoud, 2001; Tardif, 2006). Le Boterf (2002) affirme que le référentiel est un outil évolutif et
actualisable. C’est en déterminant les situations professionnelles sur le terrain au moyen d’une cueillette de données que le référentiel pourra refléter les compétences requises et les ressources à mobiliser en ne s’inscrivant pas dans une simple addition de connaissances (Institut national de santé publique du Québec, 2011).
Les compétences mobilisées de façon responsable améliorent la performance. Ce modèle suppose toutefois des organisations de travail évolutives, des formes de gestion plus coopératives dans lesquelles l’initiative et l’autonomie sont sollicitées (Jouvenot, Parlier, 2003). Le concept de compétence doit être en accord avec l’évolution des contextes et des situations de travail (Le Boterf, 2006).
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Table des matières
Liste des tableaux
Introduction
Chapitre 1 Évolution des professions et des compétences professionnelles
L’historique des professions
Les premières professions au Québec
Versions initiales des critères d’une profession
Les groupes professionnels
Le système professionnel désorganisé et critiqué
La structure professionnelle actuelle
La Commission Castonguay-Nepveu
La compétence professionnelle une valeur de base du système professionnel
La gestion des compétences
Distinction des compétences et collaboration
De la compétence professionnelle disciplinaire à la volonté de collaboration interprofessionnelle
La Commission Rochon
La loi 90
La loi 21 : Partageons nos compétences
L’objectif de la loi 21
Les principes sur lesquels repose la loi 21
Les activités susceptibles d’entrainer des préjudices
La distinction des champs d’exercices
La mesure de la loi 21
Chapitre 2 La compétence collective: une nécessité en contexte de situation complexe
La complexité
La notion de complexité
La complexité et le domaine de la santé mentale
S’adapter au complexe
De la compétence individuelle à la compétence collective
Définitions
Le processus de l’émergence de la compétence collective
Le processus de mise en commun des compétences
La compétence collective et la performance
Les soins en collaboration et la compétence collective
L’efficacité des soins en collaboration dans le domaine de la santé mentale
Les partenariats de collaboration améliorent la qualité des soins
Les facteurs clés d’une collaboration efficace
Les valeurs caractéristiques de l’efficacité de la collaboration
Les obstacles à la compétence collective et aux soins en collaboration
Discussion
Conclusion
Références
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