La notion d’aspect
Selon Wilmet (2003), les études sur l’aspect se sont d’abord développées au XIXe siècle avec la tradition slavisante. En 1908, la notion de l’aspectologie est proposée par Agrell, auteur d’un copieux ouvrage sur le verbe polonais. Ensuite, la notion d’aspect est transmise des slavisantes, ensuite, aux germanistes, aux romanistes, aux anglicistes, puis aux sinologues, aux africanistes, aux amérindianistes… Dans la section suivante, nous allons aborder les définitions de l’aspect.
Les définitions de l’aspect
En français, c’est G. Guillaume (1929) [1969] qui est le premier à définir l’aspect en français.
Pour lui, l’aspect ou « le temps impliqué est celui que le verbe avec soi, qui lui est inhérent, fait partie intégrante de sa substance et dont la notion est indissolublement liée à celle de verbe. […] Il suffit de prononcer le nom d’un verbe comme « marcher » pour que s’éveille dans l’esprit, avec idée de procès, celle du temps destiné à en porter la réalisation ». En revanche, le temps ou «le temps expliqué « divisible en moment distincts – passé, présent, futur et leur interprétation – que le discours lui attribue ». (Guillaume, 1929[1969], pp. 47-49)
Comme le rappelle M. Wilmet (1995, pp 104-105), l’aspect a été redécouvert indépendamment par B. Comrie (1976) [1989]. Pour Comrie, l’aspect, contrairement au temps, n’est pas une catégorie déictique définie par rapport à la situation d’énonciation, mais relève du déroulement interne du procès : « […] tense is a deictic category, i.e. locates situations in times, usually with reference to the present moment […]. Aspect is not concerned with relating time of the situation to any other time-point, but rather with the internal temporal constituency of the one situation; one could state the difference as one between situation-internal time (aspect) et situation-external time (tense) » (Comrie, Aspect An introductioon to the study of verbal aspect and related problems, 1976 [1989], p. 5)
Les définitions de l’aspect renvoient souvent à différentes étapes du déroulement du procès. C’est ce qui apparait dans les définitions de M. Grévisse : « L’aspect du verbe est le caractère de l’action considérée dans son développement, l’angle particulier sous lequel ce déroulement (le « procès ») de cette action est envisagé, l’indication de la phrase à laquelle ce « procès » en est dans son déroulement : c’est donc en somme, la manière dont l’action se situe dans la durée ou dans les parties de la durée » (Grévisse, 1980, pp. 47-49).
La définition que M. Wilmet donne de l’aspect implique également l’idée de phases : « Soit un procès quelconque, exprimé par un verbe (ou par un nom déverbal : marche, course, épluchure, épluchage, etc.), allant d’un terminus a quo (α) à un terminus ad quem (ω). […]. La totalité des informations touchant le pôle α (avec ses antécédents liés< α), le pôle ω (avec ses antécédents liés > ω) et l’intervalle α- ω intéressent l’aspect. » (Wilmet M. , Grammaire critique du français, 2003, p. 172)
Cependant, il y a aussi certains linguistes qui nient l’existence de l’aspect sur le plan grammatical en français. Comme l’affirme G. Mounin, l’aspect n’est pas une catégorie grammaticale en français. Il s’agit pour lui de « valeurs sémantiques attribuées au verbe et au contexte ». (Mounin, 1974, pp. 41-42)
Il y a aussi des linguistes qui expriment des réserves vis-à-vis de la notion d’aspect, par exemple L. Tesnière rejette la notion d’aspect. D’après lui: « L’aspect est complètement étranger au français, bien que nombre de francophones, qui ne l’ont jamais pratiqué, c’est-àdire senti en parlant réellement une langue slave, comme par exemple le russe, n’hésitent pas à en parler à tort et à travers.» (Tesnière, 1976, p. 76).
Depuis les années 90, la notion d’aspect est apparue dans beaucoup de méthodes de la grammaire française. En même temps, cette notion a été clairement définie et simplifiée.
Comme l’écrit J. Gardes-Tamine : « Quant à l’aspect, il est difficile à définir. On dira de façon générale qu’il s’agit de la manière dont le sujet envisage l’événement dans son déroulement, et non plus, comme le mode, dans son degré de réalisation.” (Gardes-Tamine, 1990, p. 104).
Selon D. Leeman-Bouix, l’aspect est « […] une représentation interne au verbe et propre à lui ; du fait de sa définition : « exprimer un procès, c’est-à-dire un état ou une action », le verbe comporte une image du temps puisque l’état ou l’action suppose un commencement, un déroulement et une fin » (Leeman-Bouix, 1994, p. 47).
Nous comparons aussi la définition de l’aspect donnée par D. Creissels : « […] dans la morphologie d’un maximum de langues à travers les familles de langues les plus diverses se manifeste clairement la catégorie de l’aspect, définie comme la représentation du déroulement d’un procès relativement à un repère temporel qui ne coïncide pas nécessairement avec le moment de l’énonciation.». (Creissels, 1995, p. 174)
A travers ces considérations, nous pouvons remarquer que les avis sur l’aspect ont été développés depuis cette période récente. Il semble qu’aujourd’hui, l’aspect en tant que catégorie sur le plan grammaticale en français ne fait plus aucun doute.
Les différents types d’aspects
L’aspect est dénoté par le système verbal français. Comme écrit J. Gardes-Tamine, l’aspect « tient à la fois au lexique du verbe, à ses marques flexionnelles et à la construction grammaticale » (Gardes-Tamine, 1990, p. 104).
Dans cette partie, nous allons introduire les oppositions aspectuelles en distinguant les trois types d’aspect : l’aspect lexical, l’aspect phasique et l’aspect grammatical.
L’aspect lexical
L’aspect lexical a été identifié, par les linguistes allemands, sous le nom d’Aktionsart, en français « mode d’action ». Pour ce type d’aspect, la valeur aspectuelle est définie par le sens lexical du verbe. Autrement dit, avec cette valeur, le procès n’a pas de relation avec la localisation entre le repère et les bornes.
L’opposition perfectif vs imperfectif
Dans cette section, nous étudions les deux oppositions de l’aspect lexical : l’aspect perfectif et imperfectif. Cette opposition lexicale est indiquée par le sémantisme du verbe. Les oppositions perfectif et imperfectif peuvent être exprimées par le sens du verbe, même en dehors de contexte ou elles peuvent aussi indiquées par le contexte syntaxique de la phrase.
L’aspect perfectif indique que le procès a atteint la borne finale. L’action du verbe ne peut pas aller au-delà de cette borne. Les verbes tels que entrer, rentrer, sortir, naitre, mourir, atteindre, trouver, ouvrir, fermer, tomber, perdre, gagner, exploser, casser, etc. sont des verbes perfectif.
En revanche, l’aspect imperfectif indique l’absence de limite intrinsèque au procès. Voici quelques exemples de verbes imperfectif : aimer, attendre, travailler, trainer, chercher, exister, marcher, regarder, durer, résider, vivre, etc.
Il existe des verbes qui peuvent être perfectif ou imperfectif selon le contexte : écrire/écrire une lettre, lire/lire un livre, occuper, traverser, boire, dessiner, conduire, courir. Parmi les paramètres aspectuels liés à l’identification de la valeur aspectuelle du verbe de la phrase, nous devons mentionner la nature de sujet (singulier ou pluriel), la présence ou l’absence de C.O.D. et la nature des compléments circonstanciels.
L’opposition semelfactif vs itératif
L’aspect semelfactif indique que le procès ne peut avoir lieu qu’une fois. Il est dénoté par le sens propre du verbe, par exemple : naître, mourir, se tuer.
Le préfixe re- ou sa variante : ré-, exprime souvent la répétition ou la succession des actions verbales. Les verbes tel que refaire (faire de nouveau), redire (dire de nouveau), réécouter (écouter de nouveau) indiquent la répétition du procès verbal ; les verbes tels que remplir (combler un vide), rentrer (entrer après être sorti) explique la continuité ou la succession d’une action. L’aspect itératif exprime un procès qui se répète ou se succède.
Les verbes qui ont les préfixes a- et en- tels que: mener/amener, paraître/apparaître, porter/apporter, tirer/attirer, mener/emmener, fuir/s’enfuir indiquent l’idée d’un résultat du procès. Comme l’indique M. Wilmet, les infixes tels que –ot- (p.ex. cligner/clignoter), -el-(p.ex. craquer/craqueler), -ill- (p.ex. fendre/ fendiller), -in- (p.ex. pleuvoir/pleuviner), -aill-(p.ex. crier/criailler) ou -ass- (p.ex. rêver/rêvasser) multiplient le procès . (Wilmet, 1991, p. 216).
L’aspect itératif peut être aussi indiqué par les compléments circonstanciels de temps tels que parfois, souvent, toujours, tous les mois, etc.
L’opposition duratif vs ponctuel
Un procès peut durer un certain temps (aspect duratif) ou la durée d’un procès est momentané et très courte (aspect ponctuel).
L’aspect duratif peut être indiqué par les verbes tels que vieillir, tenir, dormir, vivre, etc. ; par contre, l’aspect ponctuel est exprimé par les verbes tels que prendre, entrer, s’endormir, exploser, etc. En chinois, les verbes duratifs et ponctuels (non-duratifs) occupent une place très importante.
L’aspect grammatical
L’aspect grammatical est le plus souvent exprimé par des morphèmes grammaticaux (essentiellement des flexions et/ou des auxiliaires). Dans cette catégorie de l’aspect, la valeur aspectuelle est liée aux marqueurs flexionnels et à la construction grammaticale.
L’opposition accompli vs inaccompli vs global
La valeur aspectuelle peut être indiquée par les temps verbaux, aussi appelé « tiroirs verbaux ». D’après Gardes-Tamine : « Le terme de temps est ambigu, puisqu’il renvoie aussi bien à la forme verbale qu’au temps extralinguistique, à la chronologie. On adoptera pour le premier sens l’expression maintenant bien répandue de tiroir verbal ». (Gardes-Tamine, 1990, p. 96).
Les tiroirs simples véhiculent l’aspect inaccompli à l’exception du passé simple, les tiroirs composés marquent l’aspect accompli.
L’aspect phasique : inchoatif vs continuatif vs terminatif
L’aspect est parfois véhiculé par des périphrases verbales. Celle-ci exprime les phases du procès: la phase initiale (l’aspect inchoatif), la phase médiane (l’aspect continuatif) et la phase finale (l’aspect terminatif). Cet aspect est exprimé par des périphrases verbales. Donc, du point de vue de son expression, l’aspect phasique se situe à mi-chemin entre l’aspect lexical et l’aspect grammatical.
Le procès de l’aspect inchoatif est partiellement borné au départ. Le repère R coïncide avec la borne initiale (B ) du procès. Cet aspect insiste sur le début du procès, c’est-à-dire sur la phase initiale de son déroulement. Les périphrases verbales telles que se mettre à, commencer à marquent l’aspect inchoatif.
Dans cette section consacrée à la notion d’aspect en français, nous avons passé en revue l’évolution de la notion d’aspect en grammaire française. Ensuite nous avons expliqué les différentes valeurs aspectuelles après l’analyse des valeurs temporelles. Nous nous sommes centré enfin sur les deux catégories d’aspect, l’aspect lexical et grammatical. En même temps nous avons traité les oppositions aspectuelles.
Pour conclure, l’aspect en français indiqué par le système verbal est très complexe. Il est exprimé par différent moyens morphosyntaxiques et lexiques. En général, on distingue: l’aspect lexical dénoté par le sens du verbe ; l’aspect phasique exprimé par les périphrases verbales ; l’aspect grammatical indiqué par l’opposition entre temps simples et temps composés (la flexion verbale). L’aspect dépend aussi fortement du contexte et de la présence de différents moyens lexicaux comme par exemple : les adverbes soudainement (aspect ponctuel), souvent (aspect itératif), etc.
A travers notre travail concernant la notion de temps et de l’aspect en français, nous remarquons qu’il est encore difficile de faire la distinction nette entre aspect et temps, car une certaine forme aspectuelle est souvent pareille avec certaine forme de temps. Mais notre analyse éclaircit cette différence.
Temps et aspect chez les linguistes chinois
Nous commençons par les théories des deux linguistes chinois : Wang Li (1957 ; 1959) et Gao Mingkai (1986). Ces deux linguistes ont développé la problèmatique du temps et de l’aspect en chinois. Leurs travaux ont eu un impact important sur les études comtemporaine du système verbal en chinois.
Temps et aspect chez Wang
Wang Li, l’un des fondateurs de la linguistique du chinois contemporain, a commencé à étudier la linguistique en France en 1927 à l’Université de Paris. Il était l’un des premiers à introduire la notion d’« aspect » en linguistique chinoise. Dans les années cinquante, il a consacré plusieurs pages de son ouvrage : 中国现代语法 Zhōngguó xiàndài yǔfǎ (Grammaire chinoise contemporaine) aux problèmes d’aspect en chinois. D’après Wang (1959), on insiste sur le moment où a lieu le procès et non pas sur pendant combien de temps le procès se déroule dans les langues romanes (telles que le français, l’italien, l’espagnol, etc.) ; par contre, on insiste sur pendant combien de temps le procès dure, s’il commence ou s’accomplit et non pas sur quand a lieu le procès en chinois. Voici comment il décrit l’aspect en chinois en comparaison avec les langues romanes:
« En chinois contemporain, nous avons l’expression du commencement du procès, l’expression de la continuité du procès, l’expression de la progression du procès, l’expression de l’accomplissement du procès, aussi l’expression de l’instantanéité du procès, etc. Bien que tous ces procès concernent le passé, le présent et le futur dans le temps, ces derniers ne constituent pas un élément essentiel. Ils expriment l’état du procès, aussi dit, l’aspect ».
Temps et aspect chez Gao
Dans cette section, nous détaillons les définitions du temps et de l’aspect chez Gao Mingkai (1986), un autre grand linguiste chinois. Il a aussi fait ses études de linguistique à l’Univers ité de Paris de 1937 à 1942, dix ans après Wang Li.
Dans son ouvrage 汉 语 语 法 论 Hànyǔ yǔfǎ lùn (De la grammaire chinoise), avant d’introduire l’aspect, il consacre une partie à la catégorie du temps intitulée « 汉语没有表时 间的语法形式 » (Le chinois n’a pas de forme grammaticale exprimant le temps). Selon Gao (1986), le sens n’est pas nécessairement exprimé par un élément grammatical. Ainsi, les mots exprimant un procès n’ont pas forcémént de formes grammaticales. Dans certains langues, il n’existe aucune forme grammaticale qui puisse exprimer le procès. C’est le cas du chinois.
Plus loin, il définit l’aspect de la façon suivante : « La notion du temps, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, comporte trois étapes : le présent, le passé et le futur. Il n’y a que les trois étapes. Par contre, l’aspect renvoie à la façon dont les actions ou les procès se produisent pendant leur déroulement quel que les procès se produisent dans le présent, dans le passé ou dans le futur. Les procès peuvent être accomplis ou duratifs, inchoatifs ou résultatifs, etc. » (Gao, 1986, p. 188)
Le terme chinois utilisé par Gao Mingkai est 体 tǐ, traduction de l’anglais « aspect ». Le terme a été reconnu à cette époque-là et on garde toujours ce terme aujourd’hui. D’après cet auteur, les six aspects sont 进行体 jìnxíngtǐ (progressive ) ou 绵延体 miányántǐ (durative), 完成体 wánchéngtǐ (accomplished) ou 完全体 wánquántǐ (perfect), 结果体 jiēguǒtǐ (resultative), 起 动体 qǐdǒngtǐ (momentary), 叠动体 diédòngtǐ (iterative) ; 加强体 jiāqiángtǐ (intensive). Les termes en anglais sont proposés à côté des termes chinois.
Analyse et comparaison chez Wang et Gao
Comme nous l’avons déjà dit, les deux linguistes chinois ont fait leurs études en France. Donc ils étaient fortement influencés par les linguistes français. Dans leurs œuvres, ils ont tous cité la notion de temps et d’aspect chez Guillaume (1929). Ils ont aussi utilisé les phénomènes grammaticaux du français pour expliquer ceux en chinois. Dans leurs points théoriques, on constate des similitudes ainsi que des différences concernant les types d’aspect et leurs marqueurs.
Les similitudes entre Wang et Gao
Parmi les sept aspects de Wang et les six aspects de Gao, il y a seulement deux aspects qui sont pareils : l’aspect progressif (ou duratif) et l’aspect accompli (ou perfectif).
Aspect progressif
Wang a utilisé le terme d’aspect progressif tandis que Gao, celui d’aspect progressif ou duratif. D’après eux, la particule 着 zhe marque l’aspect progressif.
Il est difficile de trouver un équivalent en français à ce morphème 着 zhe. Il peut correspondre à « être en train de » (cf. exemple [1]), à un gérondif » (cf. exemple [2]) ou à un participe présent.
Les morphèmes temporels en chinois
Comme Wang et Gao l’ont fait remarquer, le chinois n’a pas de catégorie morphologique ou grammaticale de « temps ». Autrement dit, le chinois est une langue qui n’a pas de forme grammaticale pour exprimer le temps. Le verbe chinois est invariable morphologiquement.
On peut se demander comment les Chinois conçoivent-ils le temps. Voici ce qu’écrit à ce sujet, le philosophe et le sinologue, François Julien, écrit-t-il dans son œuvre Du « temps » : « Marcel Granet est le premier à avoir avancé, avec la perspicacité qui fut la sienne, que la Chine n’avait pas élaboré de concept de temps. Ce ne sont pas comme des « lieux neutres » que le Temps et Espace apparaissent aux chinois ; […]Il apparaît que les chinois ont pensé conjointement deux choses : le moment- occasion d’une part (notion de shi), la durée de l’autre (notion de jiu). Ils n’ont pas conçu, en revanche, une enveloppe qui contienne également tous deux et qui serait le « temps »[…] De ce que les Chinois n’aient pas pour autant conçu le « temps », en effet, nous en trouvons confirmation dans ce seul fait qu’ils en ont traduit – dû traduire – le terme en forgeant Philosophe et sinologue, auteur de La pensée chinoise, Paris, La Rennaissance du Livre, 1934. un néologisme, via le japonais, lorsqu’ils ont rencontré la pensée européenne, à la fin du XIXe siècle. « Temps » a été traduit en chinois comme l’ « entre-moment » (jikan en japonais, shijian en chinois ; parallèlement, à l’espace comme « entre-vide » : kûkan en japonais, kongjian en chinois. » (Julien, 2001, pp. 35, 38, 51)
Le terme 时间 shíjiān existe dans le chinois classique mais il signifie « maintenant, à présent ». Après les Japonais lui ont donné un nouveau sens : « temps » et il a été réintroduit en chinois contemporain. Les propos de Julien pourraient expliquer pourquoi la notion temporelle joue un rôle moins important dans la langue chinoise que la notion aspectuelle.
Le « temps » réel en chinois est principalement exprimé par les adverbes, le contexte ou les verbes auxiliaires.
Les expressions temporelles en chinois
En chinois, l’expressions du temps se fait à l’aide des postpositions locatives telles que :上 shàng (dessus), 下 xià (dessous), 左 zuǒ (gauche), 右 yòu (droit), 前 qián (devant), 后 hòu (derrière). Les postpositions locatives sont utilisées avec une notion temporelle. En chinois, nous distinguons ici deux manières de concevoir le temps : l’axe horizontal et l’axe vertical. Sur l’axe horizontal, on distingue deux orientations : 前 qián (devant) et 后 hòu (derrière). Les mots du temps avec 前 qián (devant) ont un sens de passé ou d’antériorité, et ceux avec 后 hòu (derrière) renvoie au futur ou la postériorité.
Les morphèmes aspectuels en chinois
Le traitement linguistique de la notion d’aspect dans les recherches sur le chinois est assez récent. Le terme « aspect » en chinois que l’on utilise aujourd’hui est: 体 tǐ, traduit d’ « aspect » en anglais par Gao Mingkai ou 动态 dòngtài (aspect verbal), utilisé par Fang (2008) Comme nous l’avons déjà évoqué, l’aspect en chinois, se traduit par des particules aspectuelles telles que 了 le, 着 zhe, ou par les verbes résultatifs comme 见 jiàn (voir), 到 dào (parvenir à), ou par les verbes directionnels tel que 起来 qǐ lái (se mettre à). Dans cette partie, nous allons analyser les morphèmes aspectuels en les classant en morphèmes d’aspect grammatical, morphèmes d’aspect phasique, morphèmes d’aspect lexical, et morphèmes lexico-grammatical.
Les morphèmes d’aspect lexico-grammatical
Les verbes directionnels
Nous avons déjà évoqué les deux verbes directionnels 起来 qǐlái (se mettre à) et 下去 xiàqù (continuer à). 起来 qǐlái (se mettre à) marque l’aspect inchoatif et 下去 xiàqù (continuer à) indique l’aspect continuatif. Dans cette section, nous allons présenter deux autres particules directionnels : les verbes 来 lai (venir, s’approcher du locuteur) et 去 qu (aller, s’éloigner du locuteur). En tant que mot grammatical, ils sont prononcés au ton neutre, comme les particules aspectuelles. Dans la section 3.3.1, nous avons déjà présenté leur fonction au niveau de la formulation des mots de temps. Quels rôles jouent-ils sur le plan d’aspect ?
L’aspect en chinois: une notion spatiale ?
Après avoir analysé les marqueurs aspectuels, nous reviendrons sur la question posée dans la section 3.3.1. Est-ce qu’en chinois l’aspect est-il basée aussi sur la notion spatiale ? Parmi les marqueurs, 过 guo, et 在 zài sont des mots qui désignent à l’origine une notion spatiale. 过 guo signifie « traverser », c’est-à-dire « avoir fait quelque chose dans le passé » sur le plan d’aspect. 在 zài veut dire « se trouver », au sens aspectuel, « être dans un état defaire quelque chose.
Pour le verbe résultatif 着 zháo (réussir à), d’après Wang Li (Wang, 1958, p. 311), à l’époque des dynasties du sud et du Nord (420-589 après J.-C.), celui-ci indiquait une orientation de l’avant vers le bas.
Les verbes directionnels tels que 起来 qílái (se mettre à) et 下去 xiàqù (continuer à) et les particules directionnelles 来 lái et 去 qù sont évidemment des mots de l’orientation.
Nous pouvons ainsi dire que l’aspect en chinois est aussi basée sur la notion spatiale, comme celle de temps. Comme le dit Huang (Huang, 1980), les notions aspecto-temporelles en chinois sont basée sur des notions spatiales. Pour conclure la partie concernant l’aspect en chinois, nous détaillons les différentes valeurs aspectuelles marqués par les morphèmes aspectuels (voir le tableau à la page suivante).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. TEMPS ET ASPECT EN FRANÇAIS
1.1 La catégorie du temps
1.1.1 Temps linguistique
1.1.2 Les repères temporels
1.2 La notion d’aspect
1.2.1 Les définitions de l’aspect
1.2.2 Les valeurs aspectuelles
1.3 Les différents types d’aspects
1.3.1 L’aspect lexical
1.3.1.1 L’opposition perfectif vs imperfectif
1.3.1.2 L’opposition semelfactif vs itératif
1.3.1.3 L’opposition duratif vs ponctuel
1.3.2 L’aspect grammatical
1.3.2.1 L’opposition accompli vs inaccompli vs global
1.3.2.2 L’opposition non-sécant vs sécant
1.3.3 L’aspect phasique : inchoatif vs continuatif vs terminatif
CHAPITRE 2. TEMPS ET ASPECT EN CHINOIS
2.1 Généralités de la langue chinoise
2.2 Temps et aspect chez les linguistes chinois
2.2.1 Temps et aspect chez Wang
2.2.2 Temps et aspect chez Gao
2.2.3 Analyse et comparaison chez Wang et Gao
2.2.3.1 Les similitudes entre Wang et Gao
2.2.3.2 Les différences entre Wang et Gao
2.2.3.3 Les autres types d’aspect chez Wang
2.2.3.4 Les autres types d’aspect chez Gao
2.3 Les morphèmes temporels en chinois
2.3.1 La expressions temporelles en chinois
2.3.2 Les adverbes temporels
2.4 Les morphèmes aspectuels en chinois
2.4.1 Les morphèmes d’aspect grammatical
2.4.1.1 La particule 了 le
2.4.1.2 La particule 着 zhe
2.4.1.3 La particule 过 guo
2.4.1.4 La structure « 是 shì……的 de»
2.4.1.5 Le redoublement du verbe
2.4.1.6 La forme négative 不 bù /没有 méiyou
2.4.2 Les morphèmes d’aspect phasique
2.4.3 Les morphèmes d’aspect lexical : V+ classificateur verbal
2.4.4 Les morphèmes d’aspect lexico-grammatical
2.4.4.1 Les verbes directionnels
2.4.4.2 Les verbes résultatifs
2.4.5 L’aspect en chinois : une notion spatiale
CHAPITRE 3. LA COMPARAISON DES MOYENS D’EXPRESSION DE TEMPS ET DE L’ASPECT EN FRANÇAIS ET EN CHINOIS
3.1 Présentation du corpus
3.2 Analyse des données
3.2.1 Marqueurs aspectuels équivalents en chinois et en français
3.2.1.1 Aspect grammatical
3.2.1.1.1 Aspect accompli : la particule 了 le1/passé composé
3.2.1.1.2 Aspect accompli : la structure « 是 shì……的 de »/passé composé ou le participé passé
3.2.1.1.3 Aspect inaccompli : la négation /passé composé
3.2.1.1.4 Aspect duratif: la particule 着 zhe/le participe présent ou le gérondif
3.2.1.1.5 Aspect d’expérience en chinois: la particule 过 guo 2/plusqueparfait
3.2.1.2 Aspect phasique
3.2.1.2.1 Aspect inchoatif
3.2.1.2.2 Aspect continuatif
3.2.1.3 Aspect itératif
3.2.2 Marqueurs temporels ajoutés en chinois
3.2.2.1 Futur simple, futur proche en français
3.2.2.2 Passé composé, l’imparfait, plus-que-parfait en français
3.2.3 Marqueurs aspectuels non-équivalents en français et en chinois
3.2.3.1 Marqueur aspectuel zéro en français
3.2.3.2 Aspect accompli en chinois, aspect inaccompli en français
3.2.3.2 Aspect phasique en chinois, aspect inaccompli en français
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
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