L’épilepsie
L’épilepsie est une « affection neurologique chronique caractérisée par des décharges excessives de neurones cérébraux [. . . ] qui se traduit par des manifestations intermittentes (crises) dont les aspects cliniques sont multiples […]. » (Flammarion (1982)). Les crises sont généralement contrôlées par la prise d’anticonvulsifs, cependant plus 30% des patients épileptiques sont pharmacorésistants (Kwan et Brodie (2000)) et leur seule issue est la chirurgie. L’évaluation préchirurgicale repose sur une évaluation complète de l’activité cérébrale mesurée en télémétrie avec l’électroencéphalographie (EEG) de scalp ou intracrânienne, et dans certains protocoles de recherche avec la magnétoencéphalographie (MEG). Ces imageurs mesurent respectivement la composante électrique et magnétique du champ électromagnétique produit par l’activité cérébrale. Ces modalités sont utilisées dans le but de localiser le foyer épileptogène pour sa résection. L’oeil expert du neurologue peut généralement identifier le foyer par l’observation des enregistrements EEG de scalp ou intracrâniens. Toutefois, la topographie 1 indique, en règle générale, l’emplacement approximatif des générateurs corticaux puisque les tissus, notamment le cortex et l’os du crâne, altèrent le signal mesuré sur la surface du crâne. La pose des électrodes intracrâniennes est, quant à elle, invasive et couvre qu’une surface limitée du cortex. La composante magnétique de l’activité cérébrale mesurée par les capteurs MEG est peu altérée par les tissus. Ainsi, par la résolution du problème inverse, la localisation de sources corticales responsables de l’activité mesurée par la MEG, si elle est précise, identifie directement les générateurs corticaux. L’objectif de ce mémoire vise l’amélioration de la localisation de sources d’enregistrements MEG pour l’évaluation préchirurgicale de patients épileptiques pharmacorésistants.
L’activité cérébrale spécifique à l’épilepsie : L’évaluation pré-chirurgicale du patient épileptique repose surtout sur l’enregistrement de l’activité cérébrale pendant une crise d’épilepsie. Toutefois, l’activité des pointes épileptiques pendant les périodes inter-crises (interictales) est également caractéristique de l’épilepsie du patient. Le neurologue marque donc, pour l’évaluation pré-chirurgicale, des pointes épileptiques présentes dans l’enregistrement d’activité cérébrale afin de mieux diagnostiquer le patient. De par son expertise, il sait reconnaître la morphologie de cette activité spécifique à l’épilepsie. La figure 0.1 présente le décours temporel d’un enregistrement MEG mesuré chez un patient épileptique, les flèches noires montrent des pointes épileptiques. On fait l’hypothèse que la moyenne de plusieurs réalisations de pointes épileptiques permet d’annuler les fluctuations aléatoires et d’augmenter le rapport signal sur bruit de l’activité propre aux pointes. Or, certains patients ne présentent pas suffisamment de pointes épileptiques, mais peuvent montrer des bouffées d’oscillations hautes fréquences, dénommés BRA (Burst of Rapid Activity) qui seraient aussi originaires du foyer épileptogène. La figure 0.1 présente l’activité oscillante d’un BRA dans l’encadré. Le recalage de plusieurs réalisations de cette oscillation haute fréquence est difficile, voire impossible. Par conséquent, la moyenne des réalisations atténuerait l’activité propre au BRA et le rapport signal sur bruit en serait diminué. Les enregistrements de BRA doivent donc être analysés en réalisation unique malgré le faible rapport signal sur bruit de cette oscillation spontanée. Ce mémoire propose d’augmenter le rapport signal sur bruit de ce type d’oscillation par une méthode de débruitage par ondelettes adaptée aux enregistrements MEG.
Le débruitage par ondelettes : On s’intéresse ici au débruitage par ondelettes parce que la décomposition en ondelettes est particulièrement appropriée pour représenter les singularités et les oscillations de l’activité cérébrale (Mallat (2008)). L’idée du débruitage par ondelettes consiste à seuiller les coefficients susceptibles de contenir surtout du bruit. Ce type de seuillage est valide par la propriété de décorrélation des coefficients en ondelettes (Mallat (2008)). Le bruit présent dans les enregistrements MEG Le débruitage par ondelettes repose sur l’estimation de l’écart-type du bruit présent dans les données. Deux types de bruit se manifestent dans les enregistrements MEG avec sujet. D’abord, le bruit de mesures, autrement dit, le bruit relié à l’électronique de la MEG et l’environnement électromagnétique. Ensuite, le bruit physiologique relié à l’activité cérébrale «de fond» du sujet. Le bruit physiologique représente l’activité cérébrale mesurée par la MEG qui n’est pas spécifique à l’activité étudiée (par exemple le BRA). Dans le cadre de ce mémoire, l’écart-type de ces deux types de bruit sera analysé dans le but d’élaborer une méthode de débruitage adapté aux enregistrements MEG.
L’organisation du mémoire en quatre chapitres
La revue de littérature est divisée en deux parties. La première partie porte sur les méthodes de débruitage par ondelettes. Elle est présentée au chapitre 2, avant la description de notre méthode de débruitage adaptée aux enregistrements MEG. La deuxième partie de la revue porte sur les méthodes de localisations de sources. Elle précède la présentation des localisations de sources au chapitre 4. La description, la validation ainsi que l’application de notre méthode de débruitage sont présentées au chapitre 3. Le chapitre 4 présente une application supplémentaire de la méthode de débruitage : les localisations de sources de données débruitées. L’organisation du mémoire en détail : Le premier chapitre présente l’instrument MEG et ses enregistrements. Les données MEG sont représentées sous la forme d’un modèle linéaire incluant la matrice de gain (une matrice qui projette les générateurs vers les capteurs), les sources et le bruit. Le deuxième chapitre est consacré à l’analyse de la matrice de variance-covariance du bruit présent dans les enregistrements MEG.
Le troisième chapitre présente la contribution principale de ce mémoire : La méthode de débruitage par ondelettes multivariée adaptée aux enregistrements MEG. Une revue de la littérature permet de connaître les méthodes actuelles de débruitage par ondelettes. La méthode proposée est d’abord justifiée et validée sur des données simulées dont les générateurs corticaux peuvent être contrôlés. La méthode de génération des données est alors décrite. Ensuite, la méthode est appliquée sur des données réelles. Des données acquises sur des patients épileptiques et sur des sujets sains pendant un état de sommeil permettent une validation exhaustive de la méthode. Le dernier chapitre est dédié à la localisation de sources. Une revue de la littérature expose les principes généraux des méthodes de résolutions inverses les plus couramment utilisées. Ensuite, la méthode du MEM (Maximum d’Entropie sur la Moyenne) est détaillée suivie des résultats des localisations de sources sur les enregistrements débruités. Les localisations de sources des données débruitées par la méthode de débruitage proposée et celle originalement implantée dans le wMEM (Wavelet MEM) sont comparées. Finalement, le mémoire conclut sur une discussion des résultats obtenus.
Données mesurées en épilepsie : le BRA
Le BRA(Burst of Rapid Activity) est une bouffée d’activité cérébrale oscillante qui se distingue par son amplitude légèrement supérieure à l’activité de fond et par une fréquence d’oscillation élevée. Les générateurs corticaux de cette activité seraient caractéristiques de l’épilepsie du patient. Un exemple d’enregistrement MEG contenant un BRA, fourni par Dre Éliane Kobayashi de l’Institut Neurologique de Montréal (MNI), est montré à la figure 1.2. Cet enregistrement comprend 272 capteurs et est échantillonné à 1,2 KHz. Les détails des tracés de cette figure suivront. Les générateurs corticaux de l’activité propre au BRA sont généralement focaux. Étant donné l’épilepsie temporale du patient étudié, les générateurs devraient être situés sur le lobe frontotemporal prédisposé à l’épilepsie du patient. En clinique, l’enregistrement de l’activité cérébral du patient en crise d’épilepsie est le plus étudié pour le diagnostique de l’épilepsie. Néanmoins, les BRAs permettraient aussi de définir la condition épileptique d’un sujet, surtout lorsque celui-ci présente peu de pointes épileptiques.
D’ailleurs, quelques pointes encadrées en bleu sont visibles sur l’enregistrement présenté à la figure 1.2. La topographie de la composante magnétique de l’activité au centre de chaque fenêtre temporelle tracée en bleu sur la figure 1.2 est présentée à la figure 1.3. La topographie focale localisée sur le lobe prédisposé à l’épilepsie du patient correspond à celle d’une pointe épileptique. Les capteurs affichés sur la figure 1.2 sont tous situés sur le lobe frontal droit, les noms des électrodes correspondent à leur emplacement. Par exemple, «MRF» correspond à MEG-Right-Front. La ligne verticale rouge coïncide avec un marqueur tracé par un expert indiquant le début du BRA. Plusieurs capteurs, dont ceux numérotés MRF64 à MRF67 et marqués de magenta sur la figure 1.2 montrent effectivement la présence d’activité d’un BRA débutant au marqueur. On observe aussi une propagation de l’activité sur les capteurs numérotés MRF33 à MRF35, aussi marqués de magenta. La position de ces deux séries de capteurs est montrée, à la figure 1.4. Enfin, on observe aussi quelques artéfacts encerclés en orange sur la figure 1.2 provenant du signal cardiaque dont l’ECG (Électrocardiogramme) est aussi présenté à la figure 1.2.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 MISE EN CONTEXTE
1.1 La magnétoencéphalographie
1.1.1 Données mesurées en épilepsie : le BRA
1.1.2 Données mesurées en sommeil : le fuseau
1.2 Le modèle des sources
1.3 Le modèle linéaire
1.3.1 La matrice de gain
1.3.2 Les sources de bruit
CHAPITRE 2 LES ENREGISTREMENTS MEG
2.1 La covariance spatiale des enregistrements de bruit
2.2 Le bruit physiologique
2.3 La représentation du bruit des données MEG par les ondelettes discrètes
2.3.1 La transformée en ondelettes discrète
2.3.2 L’enregistrement «à vide»
2.3.3 Les enregistrements du bruit physiologique
2.3.4 La comparaison de la variance du bruit «à vide» et du bruit physiologique
2.4 La conclusion
CHAPITRE 3 LE DÉBRUITAGE PAR ONDELETTES
3.1 L’état de l’art
3.1.1 Les fonctions de seuillage
3.1.2 Le seuillage multivarié
3.2 La méthode proposée pour le débruitage de mesures MEG
3.2.1 La décorrélation des variables
3.2.2 L’application du seuil
3.2.3 La reconstruction des données débruitées
3.2.4 Le résumé des étapes de la méthode de débruitage
3.3 La validation de la méthode de débruitage sur des données MEG simulées
3.3.1 La simulation de l’activité
3.3.2 Le débruitage d’une activité simulée
3.3.3 L’évaluation de l’activité simulée débruitée
3.4 La validation de la méthode de débruitage sur des données MEG mesurées
3.4.1 L’évaluation des enregistrements MEG débruités
3.5 La conclusion
CHAPITRE 4 LE PROBLÈME INVERSE
4.1 L’état de l’art
4.2 L’estimation de sources par le wMEM
4.2.1 L’estimation de sources sur la moyenne
4.2.2 Le débruitage d’un enregistrement «à vide»
4.3 L’impact de la méthode de débruitage proposée sur les localisations de sources
4.3.1 Estimation de sources avec données simulées
4.3.2 L’estimation de sources avec données réelles
4.4 La conclusion
CONCLUSION
ANNEXE I LES ENREGISTREMENTS MEG
ANNEXE II LE DÉBRUITAGE PAR ONDELETTES
ANNEXE III LE PROBLÈME INVERSE
ANNEXE IV ANALYSE ROC
BIBLIOGRAPHIE
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