La communication : de multiples approches théoriques pour un objet complexe

La communication : de multiples approches théoriques pour un objet complexe

Élément majeur d’échange humain, la communication est le premier concept central de notre recherche. Aussi, ce premier chapitre a pour objectif de nous permettre de mieux en comprendre les fondements, en précisant la signification de ce concept et en proposant un bref tour d’horizon des multiples tentatives de formalisation qui ont été proposées. Activité typiquement humaine, la communication est, au sens le plus général du terme « un échange de pensées qui s’effectue à travers la parole, à travers les mots écrits (lettres, livres, magazines, journaux), et à travers les images (dessins animés, télévision et film, etc) ». Ainsi, en première analyse, nous envisagerons la communication comme correspondant à l’ensemble des processus par lesquels l’information est cherchée, rendue accessible, échangée, transférée, discutée, négociée. Il s’agit donc de transmettre de l’information par un canal via l’instauration d’une relation entre les interlocuteurs, c’est-à-dire au moyen d’un processus relationnel. Cela étant dit, il est important de signaler que le sens du terme communication, formé de la racine latine cum (avec), en latin communicare signifie mettre en commun, être en relation. Le terme est utilisé en français dès le début du XIVe siècle, il est proche de « communion » (il s’étend à l’union charnelle), mais avec le développement à la Renaissance des réseaux routiers et maritimes, qui facilitent les échanges, le partage des nouvelles, il prend le sens de transmission d’informations.

L’approche mécaniste de la communication ou la théorie de la communicationtransmission 

La théorie de l’information

Le modèle de l’émetteur-récepteur

Dans les années 40, des scientifiques américains, essentiellement des mathématiciens, s’intéressent à la façon dont une machine peut produire des calculs, traiter des informations et résoudre des problèmes. Le premier de ces modèles est le très célèbre modèle : «émetteurrécepteur ». Il a été mis au point par les mathématiciens Claude Shannon et Warren Weaver lesquels ont étudié la transmission des informations à travers les lignes télégraphiques (Shannon et Weaver, 1949).

Shannon et Weaver rédigeaient en 1949, le fameux ouvrage intitulé « The Mathematical Theory of Communication ». Ce faisant, ces derniers instaurèrent alors une lecture des processus communicationnels qui fut longtemps considérée comme un véritable dogme, universellement connu et admis sous la forme d’un schéma linéaire et simple (cf. Figure.1.1), dans lequel un émetteur, grâce à un codage, envoie un message à un récepteur qui effectue le décodage dans un contexte perturbé de bruit. Plus précisément, la représentation complète distingue trois catégories de pôles situés de part et d’autre du canal ou de la voie de transmission : d’une part, en entrée, figurent la source, le codeur et l’émetteur et, d’autre part, en miroir, en sortie, se trouvent à la fois le récepteur, le décodeur et le destinataire. Dans un souci usuel de simplification, la source, l’émetteur et le codeur sont bien souvent confondus et regroupés sous l’étiquette unique d’émetteur et, de la même manière, le récepteur est présumé jouer le rôle de décodage et être destinataire du message.

Shannon et Weaver cherchent par cette schématisation à illustrer la reproduction à un point donné, d’un message sélectionné à un autre point en évitant au maximum la déperdition d’information liée à la présence de bruits ou de perturbations aléatoires. C’est dans cette optique qu’ils proposent un schéma linéaire dans lequel l’émetteur produit librement un message de son choix en le transformant (ou codant) en signaux pour le rendre transmissible. Le canal est alors le moyen de transport des signaux qui permet de conduire le message au récepteur, qui va alors décoder les signaux de façon à reconstruire le message. Toutefois, bien que cette représentation très mécanique ait joué un rôle fondamental dans la conceptualisation de la communication et malgré son immense popularité , il n’en reste pas moins qu’elle revient, en définitive, à réduire le concept de communication à sa plus simple expression, à savoir, la transmission d’informations.

Au total, ce modèle a fait l’objet de nombreuses critiques telles que son inadaptation à l’existence soit de multiples récepteurs soit de messages simultanés, sa linéarité et surtout la passivité du récepteur qu’il induit. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que l’objectif principal poursuivi par Shannon ne concernait pas réellement la compréhension des mécanismes de communication, mais visait plutôt à améliorer le renseignement militaire et, plus généralement, la transmission d’informations avec un rendement positif et un coût optimal. Somme toute, la seule prétention de ces chercheurs de cette modélisation mathématique n’était que d’illustrer le mécanisme d’énonciation et de transmission d’un message et c’est probablement pourquoi la communication n’y est envisagée, en définitive, que comme une simple affaire de codage non interactive et séquentielle appelant alors des solutions techniques. Or, communiquer n’est pas seulement informer.

Le modèle de Wiener

Fondateur de la cybernétique , Norbert Wiener a enrichi le modèle linéaire de Shannon et Weaver, en proposant en 1948, une approche circulaire de la communication grâce à l’introduction du concept de feedback (ou rétroaction). Brièvement, et de façon très générale, un feedback est un processus qui permet de contrôler le système en l’informant des résultats de son action. Soulignons que la contribution principale de Wiener à la conceptualisation de la communication consiste à attribuer un rôle au récepteur qui, grâce au feedback. En outre, la modélisation proposée permet de rompre avec la linéarité du schéma précédent en instaurant une bidirectionnalité de la communication et de tenir compte de la relation qui s’instaure entre l’émetteur et le récepteur. Toutefois, cet intérêt pour la relation et l’interaction demeure pour le moins embryonnaire et reste à notre avis, très largement insuffisant pour aborder les situations complexes de communications réelles.

De fait, et malgré son approche systémique, Wiener adopte également une vision très mécaniste de la communication. Du reste, la métaphore du télégraphe est fréquemment mobilisée pour évoquer ce couple de contributions ; elle souligne bien les profondes lacunes de l’approche mathématique de la communication. En effet, dans les deux modélisations présentées, les auteurs négligent l’intention qui a présidé l’émission du message pour ne se concentrer que sur le signal (et son encodage/décodage) ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre pour minimiser les bruits perturbateurs. De plus, elles s’inscrivent toutes deux dans une perspective très behaviouriste selon lesquels comportements individuels ou collectifs objectivement observables s’expliquent uniquement comme des réactions face à certaines excitations, ou stimuli provoqués par des agents extérieurs, en l’espèce, par les émetteurs. Et bien que l’introduction du principe de rétroaction relativise légèrement les propos précédents, le déterminisme de l’approche de Wiener n’en demeure pas moins tout à fait discutable.

Cela étant, et malgré ces insuffisances ou critiques, c’est cette approche qualifiée de mathématique qui sous-tend les modélisations fonctionnelles des effets de la communication de même qu’elle influencera largement les théories structurales, telles que la linguistique de F. de Saussure et le fonctionnalisme de Jakobson que nous allons évoquer à présent.

Les théories structurales et la communication

Pour les théoriciens de la linguistique structure, étudiée la communication est inséparable de l’étude du langage. D’ailleurs, si l’apparition du langage humain, il y a environ deux millions d’années, comporte aujourd’hui encore de grandes énigmes, une chose est sûre néanmoins, c’est que le langage humain a multiplié les capacités communicatives de l’être humain. Il en va de même avec l’apparition de l’écriture, de l’imprimerie, du téléphone, de la radio, de la télévision et de nos jours du multimédia et des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication).

Le langage est fondamental dans la vie sociétale et indispensable dans l’étude de la communication. Il est vrai que communication et langage entretiennent un rapport étroit et évident. D’où notre intérêt de mieux comprendre les recherches en linguistique dont l’objet est le langage. Toutefois, si l’examen de la langue permet d’ajouter du sens au message en question, il n’est toujours pas question du réel contenu de la communication qui, de plus, n’est observée que dans l’une de ses formes : sa forme verbale qui n’est pas nécessairement la plus importante. Ainsi, suite aux travaux de Saussure (1963), que nous exposerons dans un premier temps afin de faire la différence entre parole et langage, nous nous intéresserons dans un deuxième temps à l’approche du langage que propose Jakobson (1966).

La linguistique de F. de Saussure (1963)

Pour Saussure, tandis que la parole demeure un acte individuel, l’utilisation concrète des signes linguistiques dans un contexte précis, la langue, est à considérer comme une « institution sociale », c’est-à-dire un système organisé de signes exprimant des idées. Grâce à cette distinction, Saussure tente de scinder l’étude de l’usage concret du langage (i.e. la parole), de l’analyse du langage lui-même, entendu alors comme un ensemble de signes mobilisés pour communiquer. Écartant les questions d’origine, d’influence et de diffusion, l’auteur s’est attaché à analyser le système intérieur de la langue, qu’il nomme linguistique interne, par opposition aux problématiques liées à la linguistique dite externe, relatives à la parole. Ainsi, en tant que telle, ce n’est pas la communication qui l’intéresse réellement (ni même le sens attribué par les acteurs dans l’acte de langage), mais plutôt « la langue considérée en elle-même et pour elle-même » en tant que structuration logique et signifiante.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I. FONDEMENTS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
CHAPITRE I. La communication : de multiples approches théoriques pour un objet complexe
I. L’approche mécaniste de la communication ou la théorie de la communicationtransmission
II. La théorie systémique des communications ou la communication-participation
III. Les apports de la théorie de l’agir communicationnel de Habermas
IV. L’approche communicationnelle d’Alex Mucchielli
CHAPITRE II. Secteur de réalisation de la communication : la publicité
I. La notion de publicité
CHAPITRE III. Choix méthodologique et démarche de la recherche
I. Viabilité, fiabilité et portée de la recherche
II. Méthodologie
Conclusion partielle
PARTIE II. Etude de cas : celui d’Airtel Madagascar
CHAPITRE I. Contextualisation
I. Présentation de l’entreprise
CHAPITRE II. Lecture contextuelle de la publicité d’Airtel Madagascar
I. Le corpus : la promotion de fin d’année
CHAPITRE III. Propositions d’amélioration
I. Préconisations managériales
II. Côtés techniques
Conclusion générale
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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