La commande des colonnes de distillation multiconstituants

La distillation

     Parmi les nombreux ouvrages traitant de la distillation, nous nous sommes appuyés principalement sur [24, 25, 49, 52, M]. Nous résumons ici les points intervenant dans la suite de la thèse. La distillation liquide-vapeur est la séparation d’un mélange en produits contenant certains des constituants presque purs, par une succession de contacts entre du liquide et de la vapeur. On l’opère avec des colonnes, où circulent du liquide et de la vapeur à contre-courant. L’intérieur est aménagé avec des plateaux ou avec un garnissage de telle sorte qu’il y ait partout un contact entre du liquide et de la vapeur. Selon la température et la pression qui règnent, certains constituants, les légers, ont tendance à se concentrer plutôt dans la vapeur et à être entraînés vers le haut, et les autres, les lourds, à se concentrer plutôt dans le liquide et à être entraînés vers le bas. Les colonnes de distillation à grand débit sont alimentées en continu: le mélange à distiller est introduit par l’alimentation, les produits séparés sont extraits aux soutirages. L’alimentation et les soutirages délimitent des sections dans la colonne. La section au-dessus de l’alimentation est la rectification, celle en-dessous l’épuisement. L’alimentation se sépare en produits de volatilité différente grâce au recyclage: le reflux, le débit liquide alimentant la tête, est une partie de la vapeur soutirée en tête et condensée dans le condenseur, et le débit de rebouillage, le débit de vapeur alimentant le fond, est une partie du liquide soutiré au fond ct vaporisé dans le rebouilleur. Nous désignons dans la suite les deux débits de reflux et de rebouillage par le terme débits de recyclage. Expérimentalement, une colonne rejoint toujours le même état quand la pression de tête, l’alimentation et les débits de recyclage sont constants – même si elle part de très loin de cet état, par exemple à une mise en marche. Une unité de distillation est formée d’une cascade de colonnes qui séparent chacune leur alimentation en deux ou plusieurs produits, qui servent d’alimentation à d’autres en aval. Ceci fait que les points de fonctionnement de toutes les colonnes changent quand change la composition du pétrole brut en alimentation de l’unité de distillation.

Les modèles

       Nous rappelons ici un cadre général de construction de modèles de  colonne de distillation avec un nombre quelconque de constituants, précis quant aux compositions et valable sur un large domaine. Un tel modèle nous servira au chapitre 5.2 à simuler la colonne avec un bouclage sur les compositions de soutirage. Nous voulons qu’il reproduise correctement la dynamique des compositions. Ce type de modèle a été largement décrit dans la littérature. [16,46] Nous discutons ici les domaines de validité des équations de la thermodynamique et de l’hydrodynamique, ainsi que les possibilités d’identification. Nous écrivons ensuite un modèle qui contient les fonctions de l’équilibre thermodynamique mais pas de fonction d’hydrodynamique. Ce modèle est moins précis numériquement mais se laisse mieux étudier. Ce type de modèle n’a été étudié que pour des colonnes binaires jusqu’à présent. Nous notons C l’ensemble des constituants, et c leur nombre. Nous notons une rétention de matière (resp. un débit) comme un vecteur N = [Na]aEC (resp. D = [Da]aEC)de RC , où la composante Na est la quantité (resp. Da le débit) du constituant a Les constituants sont notés par des indices minuscules. La rétention complète (resp. le débit complet) est le réel N = LaEC Na (resp. fJ = LaEC Da ). La fraction du constituant a E C dans la rétention N (resp. le débit D) est Za = Nal fi (resp. = Dai fJ). La composition de la rétention N (resp. du débit D) est le vecteur [Za]aEC Nous écrivons une grandeur extensive avec une lettre majuscule, la grandeur ramenée à l’unité de matière avec la lettre minuscule. Pour respecter les notations usuelles du génie chimique, nous notons L et V les débits liquide et vapeur, X et Y les compositions liquide et vapeur, Z les compositions pour une phase quelconque. Nous notons les autres grandeurs avec un exposant en lettre droite majuscule, par exemple NL et N V pour les rétentions liquide et vapeur, ou sans exposant de phase pour la grandeur totale, la somme sur les deux phases liquide et vapeur, par exemple N = NL + N V pour la rétention totale de matière (écrite comme un vecteur aussi) à l’intérieur d’un étage. Une grandeur correspondant à un débit a le nom du débit en exposant, par exemple H D pour l’enthalpie du débit D Les expressions des rétentions ou des débits, des rétentions ou des débits complets et celles des compositions, ainsi que celles des dérivées par rapport à une variable de matière dépendent de l’unité de matière choisie. Il faut utiliser la même unité de matière dans toutes les équations. L’unité de matière n’intervient jamais explicitement dans la thèse. Nous précisons à titre d’exemple l’unité physique des grandeurs en unités internationales, avec la mole comme unité de matière, mais une autre unité conviendrait. Nous écrivons ‘par unité de matière’ et non ‘molaire’ Les démonstrations de certains théorèmes utilisent un changement des coordonnées de matière. Nous construisons les modèles avec une cascade d’étages comme au chapitre 2. Les débits liquide circulent de chaque étage à l’étage inférieur, les débits vapeur de chaque étage à l’étage supérieur, la conservation des constituants (nous dirons ‘conservation de la matière’) et éventuellement celle de l’énergie s’expriment par des bilans. Les phases sont homogènes, autrement dit la composition, la température et la pression sont égales dans une phase et dans un débit qui la quitte. Nous considérons les ensembles ballon-condenseur ct ballon-rebouilleur comme l’étage du haut et l’étage du bas. Nous utilisons le sens traditionnel de numérotation des étages du haut vers le bas: l’étage situé au-dessus de l’étage p est l’étage p-l , celui en-dessous est l’étage p +1 Les étages sont notés avec un exposant minuscule.

Identification et calage

       L’identification du modèle est assez simple. On ne mesure presque rien directement sur une colonne de distillation industrielle: quelques débits entrant ou sortant avec une précision de plusieurs pourccnts, l’intégrale en temps de leur bilan divergeant en général, quelques pressions, quelques températures, parfois la composition de certains soutirages, échantillonnée avec des chromatographes. On identifie le modèle d’une colonne à un régime stationnaire, en essayant divers nombres d’étages dans la cascade (et éventuellement des paramètres d’interaction dans les fonctions thermodynamiques). On choisit le nombre d’étages dans chaque section de manière à ce qu’une fraction dans chaque soutirage corresponde à celle de la colonne réelle. Le paramètre est discret, mais donne un ajustement suffisamment précis pour les grandes colonnes. Le choix du nombre d’étages n’affecte pas la circulation des constituants très légers ou très lourds, qui circulent de toute façon entièrement vers le soutirage de tête ou vers celui du fond. Il est valable en pratique sur le domaine de débits et de compositions d’alimentation susceptible d’être rencontré. La correspondance entre le modèle et la colonne est à peu près uniforme en pratique pour les colonnes d’hydrocarbures: le milieu d’une section du modèle par exemple correspond au milieu de la section de la colonne réelle. On ne cherche pas à identifier la dynamique des débits volumiques. Elle pourrait être mesurée dans la colonne réelle: les débits de recyclage sont des commandes, et les débits aux extrémités de la cascade sont reliés à la rétention liquide du ballon de fond ou à la pression en tête, mais elle est plus rapide que celle des compositions (sauf à l’engorgement). Ceci est prévu dès la construction de la colonne, parce qu’on a besoin de cette dynamique rapide pour pouvoir réguler les compositions avec les débits de recyclage.

Les fonctions entre compositions

        A un état d’équilibre, la volatilité du constituant a E C est le rapport Ya / X a La séparation entre les constituants a et bEC est le rapport des volatilités, soit (YaXb)/(YbXa), qui est supérieur à 1 si a est plus léger que b Pour de nombreux mélanges, la volatilité a une limite finie strictement positive quand X a ou Ya tend vers O. Pour les mélanges qui nous intéressent en distillation, les séparations sont assez proches de l, vu qu’il faut répéter l’équilibre thermodynamique sur de nombreux étages pour obtenir une séparation importante: les volatilités sont assez proches et les constituants se trouvent en quantité comparable dans les deux phases. On peut construire les modèles avec un mélange contenant exactement un certain ensemble de constituants et négligeant les autres. Nous étudions ici quelles propriétés ceci implique pour une relation entre compositions. Une composition Z est une suite des fractions (Za)aEC des constituants. Par définition L:aECZa = 1 , et, puisqu’une quantité de matière est toujours positive, pour tout constituant a E C, Za > 0 Les compositions évoluent dans un simplexe, que nous notons S(C) Le simplexe S(C) est borné, ouvert relativement à l’hyperplan L:aEC Za = 1 de E C , convexe et simplement connexe. Il est de dimension c – 1 – les (Za)aEC sont des coordonnées barycentriques et ne peuvent pas servir de coordonnées euclidiennes. Un choix de coordonnées simple est de prendre toutes les fractions sauf une: z = (Za)aEC’ ,Ol! C· égale C moins un constituant nous notons les coordonnées en gras. Dans ces coordonnées, le simplexe S(C) est le domaine {z E E C · ; pour a E C·, z, > 0, et L:aEC’ Za < 1} Définition 4.1 Nous appelons sous-simplexe de S(C) tout simplexe S(c) pour une partie c stricte non vide de C Les sommets du simplexe correspondent aux compositions pour un constituant pur: nous notons par exemple (a) le sommet pour le constituant a pur: Za = 1 et les autres Zb sont nuls. Le point (a) est aussi le sous-simplexe S({a}) pour le seul constituant a E C Le bord aS(C) correspond aux compositions telles que certaines fractions sont nulles: il est la réunion de tous les sous-simplexes de S(C) Le simplexe fermé; c’est-à-dire y compris le bord, est noté S(C) Limiter un mélange à un ensemble déterminé de constituants signifie qu’on peut négliger dans le mélange réel l’effet de tous les autres constituants, qui s’y trouvent de toute façon, même si c’est en quantité infime: un simplexe 8(C) peut toujours être vu comme le sous-simplexe d’un ensemble de constituants plus grand. Cela signifie qu’on doit supposer que les potentiels chimiques Il sont Cl dans le domaine d’existence de chaque phase jusqu’au bord du simplexe. Nous rassemblons la propriété sur la présence simultanée des constituants dans les deux phases et celle sur la dérivabilité dans la définition suivante. Définition 4.2 Nous appelons fonction simplexe-relative dc classe Ck une fonction définie du simplexe ouvert dans lui-même et de chaque sous-simplexe dans lui-même, qui est Ck sur le simplexe fermé. Une fonction est c- sur un fermé si elle est prolongeable en une fonction o- sur un voisinage du fermé. Les fonctions qu’on rencontre en thermodynamique sont définies en pratique sur les fractions (Za)aEC, c’est-à-dire sur un domaine de RC Il suffit de vérifier qu’elles appliquent chaque fraction nulle sur la fraction nulle pour le même constituant, et qu’elles sont prolongeables avec la même classe c- à un voisinage de S(C) dans RC , c’est-à-dire pour La ECZ; légèrement différent de 1 et pour des fractions légèrement négatives. La composée de fonctions simplexe-relatives, le barycentre à coefficients positifs de fonctions simplexe-relatives et l’inverse d’une bijection simplexe-relative sont simplexerelatifs. Nous construisons dans la suite des fonctions simplexe-relatives comme composées et barycentres de fonctions d’équilibre thermodynamique et de l’identité. Une fonction d’équilibre X ……. Y ou Y ……. X pour un mélange d’hydrocarbures est simplexerelative Cl : elle est construite par inversion de l’équation d’équilibre (3.10) où les potentiels chimiques Il sont Cl , ce qui fait qu’elle est Cl à l’intérieur du simplexe; l’hypothèse que les volatilités ont une limite [mie strictement positive quand les fractions tendent vers 0 fait que la fonction d’équilibre applique chaque sous-simplexe sur lui-même et qu’elle est Cl jusqu’au bord du simplexe. La notion de fonction simplexe-relative généralise la description des mélanges binaires: le simplexe est alors un segment, identifié à JO,I[ par le choix de la coordonnée comme la fraction de l’un des constituants. Les constituants purs correspondent aux coordonnées o et 1, et une fonction 1 est simplexe-relative si elle est définie de [O,IJ vers lui-même de telle sorte que 1(0) = 0 et 1(1) = 1 Dans la suite, nous supposons que l’équilibre thermodynamique existe pour toutes les compositions à la pression donnée, et qu’il définit un difféomorphisme entre X et Y dans le simplexe. Nous écrivons Y = y(X) et X = x(Y) en sous-entendant toujours la pression de l’étage, les fonctions x et y étant simplexe-relatives. Nous donnons au paragraphe 4.6 une démonstration sous des hypothèses qui s’appliquent aux hydrocarbures.

Conclusion

      Un modèle de commande obtenu par agrégation nécessite peu de paramètres. La construction du modèle dynamique sur lequel il repose est classique. Les compartiments d’agrégation doivent être choisis assez grands pour permettre des mesures significatives des compositions. Le bouclage par un modèle de commande agrégé stabilise la colonne sur un large domaine. Les simulations que nous avons reproduites montrent des changements importants du point de fonctionnement: à cause de la composition de l’alimentation (5.4 ou 5.5), de la pression (5.11), ou de la consigne d’impureté au soutirage. La colonne peut se stabiliser même après des oscillations causées soit par des oscillations sur une entrée soit par une commande amenant au bord du domaine atteignable (5.16). Le démarrage de la colonne est un peu plus rapide si on boucle rapidement avec le modèle agrégé. Dans notre implémentation sur un MTCROVAX II, le calcul du bouclage prend environ une demi-minute et il suffit d’un calcul toutes les 15 minutes. Un programme de commande de la colonne réelle nécessite
– d’ajouter des paramètres d’ajustement (si possible continus) qu’il faut recalculer en permanence, puisque le modèle de commande ne peut pas décrire exactement la colonne réelle;
– de filtrer les mesures sur la colonne réelle, qui sont fortement bruitées, ce qui allonge les calculs sur le modèle de commande;
– de disposer de mesures des débits internes; pour estimer les débits dans toute la colonne, il faut recourir à une hypothèse de débits uniformes telle que celle du paragraphe A.5 (ce qui évite de calculer les bilans énergétiques), ou sinon, calculer le modèle de commande en entier, y compris le compartiment agrégé autour de l’alimentation;
– de disposer d’ordinateurs installés pour commander les colonnes avec des mémoires suffisantes pour calculer le système de commande en entier.

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Table des matières

Introduction.
1 La distillation
1.1 Position du problème
2 Le cas binaire à débits uniformes
2.1 Un modèle binaire simple
2.2 Propriétés du modèle
3 Les modèles
3.1 Un modèle complet
3.1.1 Le modèle d’étage
3.1.2 Les ensembles ballon-échangeur
3.1.3 Les bilans
3.1.4 Les notations de thermodynamique
3.1.5 Équations de l’équilibre thermodynamique
3.1.6 Exemple de modèle thermodynamique
3.1.7 L’hydrodynamique
3.1.8 Exemple de modèle hydrodynamique
3.2 L’index du modèle complet
3.3 Identification et calage
3.4 Un modèle en compositions
3.5 Rappel des notations
4 Étude des régimes stationnaires du modèle multiconstituants
4.1 Position du problème
4.2 Les fonctions entre compositions
4.3 Le point stationnaire
4.4 Jacobiens aux sommets du simplexe
4.5 Avec les volatilités relatives constantes
4.6 L’inversion de l’équilibre thermodynamique
5 La commande par agrégation
5.1 La commande
5.2 La colonne simulée
5.3 Le bouclage
5.4 Les simulations
5.5 En boucle ouverte
5.6 Fraction-clés dans l’alimentation
5.7 Autres fractions dans l’alimentation
5.8 Débit d’alimentation
5.9 Pression de tête
5.10 Consignes d’impureté
5.11 Paramètres dans le calcul de la commande
5.12 Démarrage
5.13 Conclusion
A Résultats
A.l Le degré topologique
A.2 L’inversion des fonctions simplexe-relatives
A.3 La forme locale de l’équilibre
A.4 Les mélanges à volatilités relatives constantes
A.5 Les débits uniformes dans une colonne
B Mise en œuvre des simulations
B.l Les types de simulateurs
B.2 Le logiciel ASPEN
B.3 Le logiciel SPEEDUP
B.4 L’algorithme de Gear
C Ordinateurs et logiciels
Index

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