La collection orientaliste du musée des Beaux-Arts de Pau

Le mouvement orientaliste

A la découverte de l’Orient

Les débuts des échanges entre Orient et Occident

Les origines de l’Orientalisme sont multiples et remontent à très loin dans le temps. Avant le XIX e siècle, siècle de l’Orientalisme par excellence, des liens existent déjà entre l’Occident et l’Orient à travers de nombreuses situations. Pendant les Croisades, on assiste à de fortes rivalités entre les Chrétiens d’Occident et les musulmans qui ont abouti aux nombreuses expéditions militaires pour délivrer les Lieux Saints occupés par l’ennemi. On appelle croisades des pèlerinages en armes (donc des campagnes militaires) organisés par l’Eglise pour délivrer le tombeau du Christ à Jérusalem (du moins dans leur intention première). Ce climat de vénération pour la Terre Sainte occupée par les infidèles est à l’avantage de l’Eglise qui décide de sanctifier cette guerre, puis stimule et soutient la reconquête chrétienne de la péninsule Ibérique sur les Maures qui s’accélère après la chute du califat de Cordoue en 1031. Ces événements décident l’Eglise à mener des offensives en Orient pour protéger et récupérer ses sites sacrés. S’ensuit alors des initiatives pour légitimer cette entreprise, des appels à la « guerre juste », des chevaliers endoctrinés et des hommes de guerre convaincus du bien-fondé de la guerre sainte, la Papauté n’a aucun mal à faire reconnaître la nécessité de ces interventions contre les ennemis de la religion. Les trois premières croisades entre le XIe et le XIIe siècle sont réellement des expéditions rassemblant toute la chrétienté occidentale pour conquérir, défendre ou délivrer la Terre Sainte selon la volonté pontificale. Les conséquences sont nombreuses, surtout politiques. On assiste à la fondation d’états nouveaux: les Etats latins du Levant, territoires isolés et détachés de la chrétienté occidentale en terre d’Islam ou en terre byzantine. Tout ceci contribue à développer le commerce transméditerranéen et à assurer l’essor de grandes places marchandes italiennes (Gênes, Pise, Venise), provençales (Aix, Marseille), languedociennes (Montpellier) et catalanes (Barcelone) et à créer un lien entre Occident et Orient. On assiste à des échanges commerciaux de draps occidentaux contre des épices, des soieries et du coton d’Orient. Cela a une incidence sur la modification des habitudes alimentaires et vestimentaires des Orientaux et des Occidentaux, la multiplication des contacts entre civilisations qui se matérialise par la diffusion en terre chrétienne des thèmes littéraires et artistiques des Byzantins et des Arabes, ainsi que par l’adoption en Orient de l’art religieux et de l’art militaire de l’Occident comme par exemple le fameuse forteresse du krak des Chevaliers édifiée pour contrôler les voies d’accès orientales à Tripoli. Ces croisades peuvent être considérées comme la première forme de contact entre deux mondes bien distincts que la religion et les mœurs opposent. Cette séparation bien nette entre deux mondes différents se retrouvera pendant longtemps dans les nombreux conflits (culturels ou militaires) que ces deux régions vont connaître par la suite
Les liens commerciaux entre Venise et la Turquie se sont également particulièrement développés ce qui a permis de rapprocher l’Orient et l’Occident au niveau commercial mais aussi culturel comme en témoigne en peinture par exemple, le portrait deMehmet II réalisé par Gentile Bellini à la fin du XVe siècle. L’inspiration exotique de la Turquie se ressent chez beaucoup de peintres Vénitiens comme Carpaccio ou Véronèse dont Paul Signac noter a pour ce dernier qu’il a été « initié aux secrets et à la magie de la couleur orientale, probablement par les Asiatiques et les Africains qui, de son temps, apportaient à Venise les richesses de leur art et de leur industrie » . L’on assiste donc au XVIIIe siècle, à l’installation d’artistes de plus en plus nombreux à Constantinople ce qu’Auguste Boppe dans son ouvrage Les Peintres du Bosphore au XVIIIe siècle a bien montré. Diplomate français ayant exercé à plusieurs reprises ses fonctions dans cette ville, il a aussi publié dès 1911 une série d’études détaillées sur des artistes qui ont travaillé là-bas s’inspirant des paysages et d’une nouvelle culture pour réaliser de très nombreux tableaux, dans un esprit différent des turqueries fantaisistes qui font fureur à l’époque. En effet, l’Orientalisme est aussi décoratif, avec la mode des turqueries, chinoiseries, japonaiseries particulièrement bien développées dans le domaine de la faïence, des meubles et de l’ensemble des arts décoratifs. Tout un répertoire de figures emprunté à ces pays orne nombre de ces pièces décoratives. On choisit même de s’inspirer de techniques venues de l’Est pour améliorer principalement la faïence. Les costumes et l’architecture sont également imprégnés de ces motifs exotiques.
L’Empire Ottoman a connu la grandeur lors de l’avènement de Mehmed II en 1451, puis son âge d’or avec le règne de Soliman le Magnifique de 1520à 1566 et jusqu’à la fin du XVIe siècle. La domination ottomane s’est étendue jusqu’en Europe balkanique, une partie de l’Europe centrale, sur le Proche-Orient et l’Afrique du Nord (sauf le Maroc). Il s’agit donc d’un territoire très étendu qui a sûrement dû contribuer au rapprochement qui s’est opéré très tôt avec l’Europe.
Une période a été particulièrement importante en ce qui concerne les relations entre ces deux parties du monde. Il s’agit de la période située à peu près, entre 1700 et 1774. En 1703 c’est Ahmed qui monte sur le trône pour l’ère des Tulipes. Prenant conscience du retard économique et technique de l’empire, il décide d’envoyer des ambassades en Europe. Le motif officiel est d’informer le roi que les autorités ottomanes acceptent que l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem soit restaurée mais la véritable raison est d’observer l’organisation de la société française, visiter les châteaux et manufactures, de comprendre le système d’éducation,bref tout ce qui pourrait être imité et retranscrit pour être favorable au développement de son pays. D’ailleurs la visite de l’un des ambassadeurs de Turquie, prénommé Mehmed Efendi, suscite la curiosité parmi les Français: « Les Français étaient si curieux de me voir que, lorsque j’étais sur le canal, il en venait de quatre ou cinq lieues à la ronde pour me regarder du rivage. Ils se pressaient quelquefois si fort par l’envie d’être les uns devant les autres qu’il en tombait dans l’eau » . Son rôle a été surtout d’observer la civilisationeuropéenne dans l’espoir de pouvoir en reproduire des aspects dans l’Empire et ainsi redresser et faire évoluer le pays. Quand Mehmed Efendi revient à Constantinople en 1721, il essaye de diffuser au mieux la culture française. Le sultan Ahmed III, très intéressé et captivé par tout ce que son ambassadeur lui raconte, décide d’imposer un nouveau style de vie à la cour. Le palais de Saadâbad est ainsi construit à l’imitation de ceux de Versailles et de Fontainebleau, le diplomate en ayant rapporté les plans. Le sultan favorise la création de jardins comme ceux des « Eaux douces d’Europe », souverains et dignitaires de l’Empire organisent aussi de somptueuses réceptions à l’image de celles organisées par les rois français. On assiste à une véritable éclosion de projets intellectuels, artistiques et littéraires prenant exemple sur la France et tentaient même de les concurrencer. On peut citer l’exemple de la création d’une imprimerie en caractères arabes à Istanbul en 1727 afin de favoriser la diffusion d’ouvrages turcs, arabes ou persans, mais aussi l’impression de livres d’histoire, de géographie ou de sciences traduits du Français ou de l’Anglais ; ce qui constitue une véritable nouveauté dans ce domaine car la plupart des livres en circulation avant cette initiative concernaient surtout la religion. C’est une nouvelle ère d’ouverture au monde extérieur et à de nouvelles connaissances qui peuvent maintenant se diffuser à un large public. Une nouvelle catégorie sociale voit le jour, composée de grands négociants en relation avec les étrangers et participant au commerce international.
Constantinople est transformée, car on veut désormais montrer la nouvelle puissance et richesse de la ville en construisant de nombreuses fontaines, mosquées et des maisons de plaisance sur les rives du Bosphore. Mais cette période faste ne durera pas, en effet, la guerre contre l’Iran met fin à l’èredes Tulipes. Ahmed III abdique et laisse la place à Mahmud Ier. Son sultanat sera marqué par cette guerre contre l’Iran et la Russie, mais il fait tout de même appel à un Français, Claude Alexandre de Bonneval (comte de Bonneval) pour qu’il réorganise l’armée. Mahmud Ier, tout comme son prédécesseur, est attiré par la culture occidentale, et se fait construire, lui aussi, un palais.

Un épisode fondateur de la naissance de l’orientalisme : la campagne d’Egypte

Tout commence en août 1797 quand la France, sur conseil de Napoléon Bonaparte, décide pour vaincre l’Angleterre, son ennemie héréditaire, de bloquer la route des Indes en s’empararant de l’Egypte, afin de porter un coup fatal au commerce maritime anglais. Pour cacher la vraie raison de cette expédition si controversée, l’armée se donne comme objectif une mission civilisatrice, qui doit mener à la libération de l’Egypte de la domination des Mamelouks. Couvert de gloire depuis la campagne d’Italie, Bonaparte est choisi pour diriger et mener à bien cette expédition de grande envergure. C’est le 19 mai 1798 que Bonaparte s’embarque à Toulon sur un bateau portant le nom « L’Orient » accompagné d’une grande armée. Les militaires ne sont pas les seules personnes à faire partie du voyage, on compte pas moins de cent-soixante-dix scientifiques, tous domaines confondus, des astronomes, des ingénieurs, des médecins, des chirurgiens, des pharmaciens, des naturalistes, des architectes, des dessinateurs, des économistes, desimprimeurs… ; la grande partie de ces savants sont membres de la Commission des sciences et des arts de l’armée d’Orient créée le 16 mars 1798, certains représentant des institutions scientifiques alors très en vogue à l’époque comme l’Ecole polytechnique, le Muséum, l’Observatoire de Paris…
La troupe arrive le 25 mai à Alexandrie, sans obstacles particuliers, puis laville tombe entre les mains de Bonaparte le 2 juillet. A la suite de cet événement, il prend la parole en s’adressant aux musulmans en se présentant comme le libérateur de l’Egypte : « On dira que je viens détruire votre religion: ne le croyez pas! Répondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs et que je respecte plus que les Mamelouks, Dieu et sonprophète. Dites-leur que tous les hommes sont égaux devant Dieu; la sagesse, les talents et les vertus mettent seuls la différence entre eux. Tous les Egyptiens seront appelés à gérer toutes les places;les plus sages, les plus instruits, les plus vertueux, gouverneront, et le peuple sera heureux! » . Sa qualité d’orateur lui sera très utile pour mener à bien son projet. Bonaparte se dirige maintenant sur Le Caire, ce qui donnera lieu à la fameuse bataille des Pyramides. C’est durant ces combats que ce dernier prononce ces mots devenus célèbres: « Soldats! Songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent » . Ce triomphe lui permet de s’assurer le contrôle du delta du Nil. Mais le succès est de courte durée, puisque la défaite navale d’Aboukir le 13 août 1798 détruit la flotte française et coupe Bonaparte de le France. C’est à ce moment que Sélim III déclare la guerre avec le soutien des russes. La bataille de Sédiman est remportée par les Français le 7 octobre ce qui permet à Bonaparte d’organiser le gouvernement égyptien libéré des Mamelouks. Mais tout ceci ne dure pas, quelques semaines après, la révolte gronde au Caire, rapidement maîtrisée. Les flottes russes et ottomanes, dans une coalition menée contre les Français, finissent par attaquer Alexandrie, en essayant de prendre le contrôle du fort d’Aboukir, point stratégique concernant la communication extérieure. Alors que les combats font rage, les défaites et victoires se succèdent mais pour l’instant, aucun des deux camps ne semble prendre l’avantage.

Les Orientalistes, peintres voyageurs

Le point qui a contribué le plus fortement à l’expansion de l’Orientalisme a été le nombre croissant d’artistes se rendant dans les pays d’Orient pour découvrir de leurs propres yeux une nouvelle culture et s’imprégner d’images inédites pour les intégrer à leurs œuvres. Cependant, l’ouverture de l’Orient au reste du monde n’a pas été chose aisée, car certains pays sont restés fermés aux étrangers. Exceptés les diplomates envoyés auprès du sultan et quelques négociants qui sont autorisés à pénétrer à l’intérieur des terres du Maroc, les autres personnes n’ont pas l’autorisation d’y circuler librement jusqu’à l’instauration du protectorat français en 1912. Très peu de voyageurs se sont rendus en Algérie avant la prise d’Alger de 1830, de plus, rare sont les habitants qui ont pu quitter le pays sans l’autorisation du dey. Sous le gouvernement français, c’est un pays très apprécié et une destination très prisée des Européens, grâce à la création d’un réseau de transport et d’hébergement à l’occidentale.
Il en est de même pour la Tunisie jusqu’à l’établissement du protectorat français en 1883. Auparavant, l’insécurité et les difficultés d’hébergement n’incitent guère à entreprendre seul ces expéditions. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, que le voyage hivernal en Tunisie devient à la mode.
Damas reste hostile aux infidèles malgré un relâchement durant la période de souveraineté égyptienne dans les années 1830. Mais la plupart des sites ne sont pas aussi dangereux que les exemples évoqués ci-dessus. Constantinople, Smyrne,Alexandrie, Le Caire, Jaffa et Beyrouth sont ouvertes aux étrangers de toutes confessions. Les voyages deviennent relativement bien organisés, on trouve même au Caire des ateliers permettant aux Européens de travailler comme à Alexandrie, Constantinople, Alger. La région autour du Nil rencontre un fort succès depuis la campagne d’Egypte et la redécouverte des temples pharaoniques, très prisés des touristes. A Suez, une compagnie de transport anglaise y édifie dans les années 1850 ungrand hôtel pour accueillir les voyageurs de plus en plus nombreux. Mais la grande avancée a été l’ouverture du canal de Suez en 1869 avec la possibilité de se rendre en Inde en un temps record. Quand à Bagdad, célèbre pour ses califes, elle est rarement visitée par simple curiosité car très difficile d’accès. Peu de voyageurs se rendent en Perse (Iran), mis à part quelques diplomates et scientifiques. Il est évident que les guerres et révolution sont un impact fort sur les destinations et les itinéraires : campagne d’Egypte, guerres entre la Russie et la Turquie, lutte d’indépendance de la Grèce, guerre coloniale français en Algérie, révolte indienne en 1857-1858. Par ailleurs, les caprices de la nature tels que les sécheresses, les cyclones ou les vagues de froid compliquent les déplacements. Les maladies affectent aussi les voyageurs à une époque où la peste et le choléra continuent de faire des ravages chez les populations autochtones. Les Européens doivent respecter les conditions de la quarantaine et modifier leurs voyages en fonction. Progressivement, les pays Orientaux s’ouvrent au monde occidental, grandement aidés par le développement des liaisons maritimes à vapeur et des réseaux ferrés, les peintres sont de plus en plus nombreux à tenter l’aventure. En revanche, les premiers d’entre eux (par exemple la génération des Decamps, Delacroix ou Chassériau), se sont satisfait d’un unique voyage jusqu’à la fin de leur vie. Dans ce cas, ils ont puisé dans leurs souvenirs et dans les nombreux croquis et esquisses qu’ils ont rapportés pour réaliser leurs toiles. Certains ont consigné leurs expériences dans des carnets de voyages dans lesquels ils notent leurs émotions, leur ressenti. D’autres relèvent des petites anecdotes comme le fait Narcisse Berchère, Eugène Flandin, David Roberts ou Edward Lear soit pour les publier (comme l’a fait Eugène Fromentin) soit par pur plaisir. Quelques artistes ont vécu leur premier voyage comme une véritable révélation, ce qui a amené un certain nombre d’entre eux à entreprendre plusieurs voyages, d’autres préfèrent retourner au même endroit et s’y installer. Par exemple, Etienne Dinet s’achète une maison à Bou-Saâda en Algérie. Quelques peintres, bien qu’étant installés dans ces pays, ont connu le succès comme John Frédérick Lewis qui a vécu comme un aristocrate ottoman au Caire, Jan-Baptiste Vanmour qui a été à Constantinople le peintre officiel du sultan Ahmed III.
Mais d’une façon générale, il est difficile pour un peintre d’y exercer son métier, la figuration humaine étant considérée comme dangereuse par les Musulmans. En effet, selon certaines croyances, un portrait endommagé peut porter préjudice à la personne représentée. De plus, les hommes ne voient pas d’un bon œil que des étrangers se permettent de prendre pour modèles leurs femmes. C’est pour cela que l’on conseillait aux artistes se promenantseul de s’habiller à l’orientale, pour passer inaperçu.
Certains guides touristiques le préconisent, seulement si la personne parle arabe, au risque de paraître offensant. Peindre sur place n’est donc pas de tout repos, à l’hostilité des populations locales, s’ajoutent les risques d’attaques de brigands ou de la température excessive faisant couler les couleurs à l’huile. C’est pour cela que la plupart des artistes réalisent souvent de rapides esquisses au crayon, à l’encre ou à l’aquarelle afin de les retravailler plus tard au calme de l’atelier. Le développement dela photographie, dans ce cas précis, a été d’une grande aide, comme témoignage. Dès 1839, Horace Vernet et Frédéric Goupil-Fesquet prennent des daguerréotypes en Egypte et à Jérusalem, et plus tard, d’autres artistes commencent à prendre leurs propres photos grâce au développement des appareils Kodak ou se font accompagner par un opérateur. De retour en Europe, les artistes se mettent au travail dans leur atelier pour réaliser des œuvres plus abouties que les esquisses préparatoires réalisées sur le vif en Orient. Certains artistes ont recours à des objets d’art musulman et des costumes orientaux, ramenés comme accessoires pour être intégrés dans leurs tableaux. Certains les utilisent même pour récréer une véritable ambiance orientale au sein deleur maison comme Pierre Loti le fait pour sa maison à Rochefort dans laquelle toute sorte d’objets venant de plusieurs pays contribuent à donner un aspect oriental à ces pièces. Théodore Chassériau fait de même en transformant complètement son intérieur en des « fêtes de couleur » décrites ainsi par Gautier: « Les yatagans, les kandjars, les poignards persans, les pistolets circassiens, les fusils arabes, les vieilles lames de Damas niellées de versets du Coran, les armes à feu enjolivées d’argent et de corail, tout ce charmant luxe barbare se groupait encore en trophées le long des murs; négligemment accrochés, les gandouras, les haïks, les burnous, les caftans, les vestes brodées d’argent et d’or… » . Vers la fin du siècle, les artistes qui en ont les moyens, pour la plupart installés à Paris dans le quartier autour du parc Montceau récréent l’atmosphère des maisons orientales à l’aide de toute sorte d’objets. Les peintres spécialisés dans les scènes militaires s’entourent d’innombrables armes,armures et de chevaux empaillés alors que les peintres orientalistes préférent les tapis, tissus et objets d’art divers. Mais la plupart ne connaissent ni leur date, ni leur provenance ce qui donne lieu à quelques anachronismes. Ce goût des décors extravagants très populaire en France, l’est beaucoup moins en Angleterre. On peut toutefois citer quelques exemples, John Frédérick Lewis rapporte de son voyage en Egypte des costumes, des burnous, des instruments de musique et des armes. Frédérick lord Leighton, membre de la Royal
Academy qui a fait plusieurs voyages en Orient, a été tellement émerveillé de ce nouveau monde qu’il transforme sa maison (aujourd’hui devenue un musée)pour y incorporer le décor d’un hall arabe. Il se constitue avec l’aide de l’explorateur Richard Burton, une collection de céramiques et de tissus des pays d’Islam. Fredrick Goodall va encore plus loin,et ramène des moutons et chèvres indigènes pour garantir l’authenticité de ses scènes bibliques.

Le mouvement orientaliste

Le paysage

Aux débuts du mouvement orientaliste, les peintres se concentrent beaucoup sur les hommes. Les scènes des premières campagnes militaires connaissent beaucoup de succès. Delacroix et Decamps en sont de bons exemples, ces deux peintres se sontfait connaître grâce au pittoresque de leurs figures et de leurs scènes de genre. Au milieu du XIXe siècle sous l’effet de l’évolution du goût, le paysage s’impose comme sujet à part entière. Parmi les orientalistes ayant reçu une formation de paysagiste, certains artistes se mettent à contester l’utilité de la figuration humaine.
Les premiers paysages d’Orient apportent une iconographie nouvelle qui permet de renouveler les sujets exposés aux Salons même si le paysage historique, récompensé par le prix de Rome, s’impose encore largement. L’un des premiers artistes à vouloir innover en exposant un paysage orientaliste est Prosper Marilhat (1811-1847) lors de l’exposition au Salon de 1834 où il présente La place de l’Esbekieh au Caire et le quartier copte au Caire (Fig.1), dont il ne reste plus qu’aujourd’hui une eau-forte. Une étrange végétation, de nouveaux motifs et une lumière inconnue en Occident apparaissent pour la première fois et vont donner l’exemple à d’autres artistes. Selon Théophile Gautier, ce tableau annonce la rupture avec les compositions historiques idéales et empreintes de romantisme inspirées de la Grèce révolutionnaire.
De 1831 à 1833, Marilhat se rend en Orient en tant que dessinateur, pour accompagner le botaniste von Hügel dans une mission qui les conduit en Grèce, en Egypte et même en Palestine et en Syrie. Il a même séjourné à Alexandrie et au Caire, vivant decommandes de portraits. Comme beaucoup d’autres, il rapporte en France de nombreux albums remplis de dessins qui vont servir de souvenirs pour réaliser ses tableaux. On peut noter l’intérêtet la minutie de l’artiste à représenter un paysage avec une précision quasi mimétique, aidé par l’observation directe qu’il a pu faire lors de son voyage en Orient. Le Salon de 1844 a été son plus grand succès, il y présente pas moins de huit tableaux et Figure 1 : Marilhat Prosper, Place de l’Esbekieh et le quartier copte au Caire , eau-forte, 17,2 x 22,9 cm, 1834, Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa, © Musée des Beaux-Arts du Canada se voit récompensé par une médaille d’or. Mort très jeune, son talent a été reconnu par les mots d’Eugène Fromentin dans Une année dans le Sahel (1859) où il décrit ce qu’il restera de lui en ses termes: « Deux notes générales, une impression de mélancolie nocturne, la terreur des chaudes solitudes, voilà peut-être ce qu’il aura laissé ».
De tous les artistes ayant réalisés des paysages orientaux, Eugène Fromentin (1820-1876) est sûrement l’un des plus connus. Encore aujourd’hui, il fait partie des grands noms de l’Orientalisme.
Bien plus qu’un simple peintre, il est aussi critique d’art et écrivain. Au cours de sa vie, il a effectué trois voyages en Algérie, en 1846, en 1847-1848 et en 1852-1853, puis il découvre l’Egypte en 1869 lors de l’inauguration du canal de Suez. Formé par le paysagiste Louis Cabat, la végétation particulière de l’Orient et les déserts l’attirent particulièrement. Sa quête de l’authenticité l’a mené à des succès considérables aux Salon de 1857 puis en 1859, de même que pour ses deux livres Un été dans le Sahara publié en 1857 et Une année dans le Sahel publié en 1859 dans lesquels il révèle sa manière de voyager et sa vision de l’Algérie. Pour Fromentin, l’observation de la nature est primordiale pour réaliser des sujets réalistes, il s’est montré très critique envers certains artistes qui selon lui ont tendance à prendre trop de liberté comme le fait Decamps : « Il n’est ni vrai ni vraisemblable […]. Il invente encore plus qu’il ne se souvient ». Fromentin n’est pas contre le fait que les artistes fassent preuve d’un peu d’imagination, mais il préfère que le sujet soit le plus réaliste possible, avec si ille faut quelques détails imaginaires. Quelquefois, il s’est inspiré de la peinture d’histoire comme il l’a fait dans Le pays de la soif(Fig.2), où l’on retrouve des similitudes avec Le radeau de la Méduse (Fig.3) de Géricault. Dans ce tableau, le désert, que Paul Marie Lenoir surnomme les « séances d’immensité », occupe une place importante et l’on peut presque sentir grâce à l’ingéniosité du peintre: « le soleil direct [qui] vous transperce le crâne, comme avec des vrilles ardentes » tel une « douche de feu » . Ici, l’artiste s’est inspiré de son expérience personnelle pour composer ce tableau. C’est dans son livre Un été dans le Sahara que Fromentin raconte l’histoire qui lui a inspiré ce tableau, un drame survenu à cause d’une tempête de sirocco qui a entrainé la mort de plusieurs personnes d’un groupe d’hommes marchant à travers le désert. Dans le tableau, le nombre de personnages réduit permet de mettre en avant l’immensité du désert. L’un des réfugiés, allongé sur le rocher, fait un signe désespéré de la main qui rappelle le geste de la figure du Noir dans le Radeau de la Méduse. Fromentin établit un parallèle entre l’immensité de l’Atlantique et cette région du Sahel appelée Bled-el-Ateuch par les Maures, qui peut se traduire par « pays de la soif».

Un nouveau bestiaire

Le bestiaire exotique a lui aussi eu beaucoup de succès, peut-être influencé par les relations que les Orientaux entretiennent avec leurs animaux que l’on peut illustrer grâce à une citation de Théophile Gauthier: « Au pays de l’Islam, les animaux vivent avec l’homme dans une familiarité  amicale et confiante » . Des animaux inconnus ou très peu observés en Occident sont apparus dans les tableaux participant à une restitution plus fidèle de la nature. L’animal d’Orient est associé à l’énergie primitive, la sauvagerie que le mouvementromantique affectionne particulièrement. L’artiste le plus connu pour ses sculptures d’animaux est sans conteste Antoine-Louis Barye. Il a réalisé un grand nombre de sculptures représentant des jaguarsou des tigres, la plupart en plein combat. Des postures énergiques et une musculature très développée permettant de faire comprendre toute l’intensité du combat accentué par une bonne maîtrise de la trois-dimension. Pour réaliser ces travaux, il s’est inspiré des animaux du Jardin des Plantes de Paris, tout comme le fera quelques années plus tard Paul Jouve. Le plus grand succès de Barye a été le Lion au serpent réalisé vers 1832-1835 représentant un « vrai lion de l’Atlas, majestueusement fauve » d’après les mots de Théophile Gautier. Le bronze est le matériau préféré des sculpteurs romantiques grâce à cette capacité de modelage qui permet d’être très précis dans les détails. On pourrait citer beaucoup d’exemples, en effet, Barye a réalisé beaucoup de sculptures d’animaux exotiques tous de grands succès qui ont permis à l’artiste de se faire un nom en tant que sculpteur spécialisé dans la représentation d’animaux. Même si cet artiste n’est pas classé dans la catégorie orientaliste, cette tendance est présente chez Barye grâceaux animaux exotiques employés dans ces sculptures.

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Table des matières
Avant-Propos
Remerciements 
Introduction
I) Le mouvement orientaliste 
1) A la découverte de l’Orient
a) Les débuts des échanges entre Orient et Occident
b) Un épisode fondateur de la naissance de l’orientalisme : la campagne d’Egypte
c) Les Orientalistes, peintres voyageurs
2) Le mouvement orientaliste
a) Le paysage
b) Les femmes
c) Un nouveau bestiaire
d) Scènes de genre
3) La réception de l’Orientalisme
a) Importance des Salons
b) Les collectionneurs
c) Réception de l’Orientalisme à Pau et dans la région
II) La collection orientaliste du musée des Beaux-Arts de Pau
1) Origine et constitution de la collection
2) Analyse de la collection du musée des Beaux-Artsde Pau
a) Les animaux
b) Le Paysage
c) La mort
d) Les femmes
e) L’architecture
f) Scènes du quotidien
g) Le colonialisme
Conclusion 
Bibliographie 
Bibliographie indicative 
Table des illustrations 

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